Ecoutons aussi Victor Hugo : Chaque homme dans sa nuit s’en va vers la Lumière. Ecoutons enfin, si vous le voulez bien, Paul Guimard : « Il faudrait parvenir à cette sagesse élémentaire de considérer les Ténèbres où nous allons sans plus d’angoisse que les Ténèbres d’où nous venons ». Ainsi, la vie prend son vrai sens : un moment de Lumière. Je ne vous cacherai pas que ces deux phrases, dans leur limpidité, sont devenues pour moi le point d’arrivée de mes réflexions métaphysiques.

Mais, mes FF, je n’oublie pas que je suis dans une Loge Maçonnique travaillant au REAA, avec son Volume de la Loi sacré, ouvert au prologue de Jean. Ecoutons encore : Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu et le Verbe était avec Dieu et la Parole était Dieu… En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes. Et la Lumière luit dans les Ténèbres et les Ténèbres ne l’ont pas reçue… Ce texte, largement ésotérique, s’il ne possède pas un sens définitif et péremptoire, possède suffisamment de sens pour servir de fondement de notre ordre maçonnique. Il pourrait être rapproché du texte de l’apocalypse qui oppose les fils de la Lumière à ceux des Ténèbres.

Selon les exégètes, la Lumière est la source de la vérité et mère des forces du Bien, tandis que les Ténèbres restent le séjour de la puissance générant les forces du Mal. Selon Jean, les Ténèbres, c’est-à-dire l’ignorance, l’incroyance et l’intolérance humaine, le fanatisme n’ont pas perçu cette Lumière car elles ont refusé de l’accueillir, de la comprendre, de l’admettre. Jean nous indique que la Lumière est venue dans le monde et que les Hommes ont préféré les Ténèbres à la Lumière parce que leurs œuvres étaient mauvaises.

Au 1er verset de la Genèse, il est écrit : « Au commencement, Dieu crée le Ciel et la Terre. Or la Terre était déserte et vide… Les Ténèbres couvraient l’abîme… Dieu dit : que la Lumière soit et que la Lumière fut… Dieu dit que la Lumière était bonne, et Dieu sépara la Lumière des Ténèbres. Il appela la Lumière, le Jour et- les Ténèbres, le Néant, la nuit. Ce premier verset évoque à l’évidence l’opposition essentielle existant entre la Lumière et les Ténèbres. Jean nous dit encore dans un autre texte que nous sommes dans les Ténèbres et que nous ne pouvons pas en sortir si nous ne percevons pas dans le Verbe, la Vraie Lumière qui nous éclaire tous, si on le veut bien, si on accepte de le reconnaître. Or quiconque fait le Mal hait la Lumière et ne vient pas vers la Lumière de peur que ses œuvres n’apparaissent telles qu’elles sont. Par contre, celui qui met la Vérité en pratique, vient vers la Lumière.

Notre Rite a su intégrer ses messages bibliques. Ainsi, lorsque le profane entre dans le cabinet de réflexion, ce réduit ésotérique signifiant le fœtus, la matrice originelle, il pourra lire, entre autres… : « Si tu persévères, tu seras purifié par les éléments, tu sortiras de l’abîme des Ténèbres, tu verras la Lumière ». Il en sort dépouillé, ni nu ni vêtu, dépourvu de tous ses matériaux et privé de l’usage de la vue. Il ignore tout de ce qui l’attend, de cette démarche qu’il entreprend, ni où elle le conduira et même si elle a un terme. Que demande-t-il ? De voir. Que voit-il ? La Lumière, celle de l’initiation maçonnique. Il vient de mourir à la vie profane. Plus tard, à la question : » Depuis quand êtes-vous F. M. ? Il répondra : depuis que j’ai vu la Lumière, et à l’autre question : « Pourquoi vous êtes-vous fait F. M. ? », il dira parce que j’étais dans les ténèbres et que j’ai désiré la Lumière. Dans ces éléments du Rituel, le symbolisme de la re-naissance est lumineux, si j’ose dire.

A ce stade de ma planche, je veux vous dire que nous avons tous, dans notre ADN, une parcelle de la Lumière primale que le Bigbang a générée, il y a quelques milliards d’années. Revenons à notre re naissance. La lumière a crée la Vie et le bandeau qui couvrait nos yeux est le symbole de l’aveuglement dans lequel se trouve l’Homme dominé par ses passions. Si lors de l’Initiation, il nous a été donné la Lumière, celle-ci nous sera retirée lors de l’exaltation à la maîtrise. En effet, nous serons allongés dans un cercueil, symbole prémonitoire des ténèbres qui nous envelopperont irrémédiablement à notre mort.

Ainsi, le cycle « Ténèbres-Lumière-Ténèbres » prend tous son sens. Et je retrouve ainsi le titre de ma planche « Des ténèbres vers la Lumière » qui indique une direction, une dynamique. La Vie prend le sens que Paul Guimard a éclairé tout-à-l’heure : un moment de Lumière. Ce cycle « ténèbres-lumière-ténèbres » est-il achevé ? Chacun pourra apporter sa réponse personnelle. Mais, souvenons-nous de la batterie de deuil qui nous fait dire : Gémissons, gémissons mais espérons. Notre rituel, bien souvent, nous glisse quelques allusions à cet état post-mortem qui nous taraude tous. Je pense là encore à ce grain de blé qui, en pourrissant, saura retrouver une autre vie, peut-être plus lumineuse encore.

Permettez-moi, mes FF, de parler de moi. Il y a déjà bien longtemps, j’avais lu un poème d’un écrivain, persan je crois. Le poète voyant une superbe fleur sur le bord de la route imaginait que les racines de cette fleur puisaient sa vie et son énergie dans les lèvres d’une très jolie fille enterrée là, depuis longtemps. Cette poésie m’était alors insupportable et je cherchais à la chasser de mon souvenir. Puis, est-ce l’âge, est-ce la pratique du Rituel de la F. M., ou peut-être les deux, cette poésie m’est devenue moins agressive et je la reçois avec plus de sérénité. Cette pratique du Rituel d’ouverture qui fait commencer nos travaux à midi plein, quand le soleil est au zénith, à cet instant symbolique où la lumière connaît sa plénitude qui lui a fait vaincre les ténèbres. Et, au fur et à mesure de l’avancement des travaux, la lumière se déplacera vers l’occident, lieu des ténèbres. Ainsi, le cycle de nos tenues symbolise-t-il ou plutôt matérialise t-il à lui tout seul le cycle sans fin des Ténèbres vers la Lumière puis vers les Ténèbres.

Le mythe fondateur de l’Ordre Maçonnique repose sur deux volets antinomiques : la vie et la mort. Si le fait « mort » nous est perceptible, son concept nous est fondamentalement inintelligible, en tant qu’êtres de vie. Le Franc-maçon, en quête du sens de la vie doit approfondir la conception suivant laquelle vie, mort et résurgence de la vie se succèdent inéluctablement de façon cyclique, ce que les philosophes, dans leur jargon nomment la « palingénésie ». La mort définitive n’existe pas : il n’y a que des changements, ce que Charles Péguy avait illustré de façon remarquable « je ne suis pas mort, je suis simplement passé dans la pièce d’à côté ». Si la vie est éternelle, la mort ne peut être que passagère, voire même illusion ? La renaissance est possible, la résurrection est promise : le rameau d’acacia au grade de maître en est le gage.

Je terminerai là ma planche qui m’a fait m’interroger moins sur la dualité « Ténèbres-Lumière » que sur le passage des Ténèbres vers la Lumière.

Et, pour conclure mon propos, je dirais que, étant sortis vainqueur de l’épreuve de la Terre, du cabinet de réflexion, j’avance dans la Lumière pendant quelque temps, ce qui me permet d’atteindre un degré supérieur de spiritualité. Mais, malgré, ou peut-être, grâce à ce degré supérieur de spiritualité il me faut retourner dans le cabinet de réflexion, pour réapparaître dans la Lumière avec un degré supérieur encore. L’initiation est un chemin où il faut sortir de la caverne de Platon pour y re-rentrer, pour ensuite mieux en sortir, mais, surtout, sans oublier de se retourner pour savoir tout simplement d’où l’on vient.

J’ai dit

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