Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
Les
deux Saint Jean dans la Maçonnerie anglaise Emulation La Maçonnerie
anglaise est particulièrement discrète
à l’égard des deux Saint-Jean
contrairement à la Maçonnerie
française bien qu’auparavant ces fêtes
aient une
importance égale à celles que connaît
la Maçonnerie continentale. Cela tient à
ce que la Maçonnerie anglaise
a été
déchristianisée en 1813 lors de la mise au point
des rituels de la Grande Loge
Unie d’Angleterre après l’union des deux
Grandes Loges des
« Anciens » et des
« Modernes ». La motivation de
cette
déchristianisation repose sur le problème majeur
que connaissait la Maçonnerie
anglaise sur le plan religieux en la présence des juifs en
Loge. Quoique cette
présence ne paraisse pas avoir posé de
difficultés lors de la création et des
premières années de fonctionnement de la Grande
Loge de Londres et de
Westminster, au milieu du XVIIIème siècle
certaines Loges décident de voter des
motions tendant à ne pas recevoir de juifs en Loge.
C’est pour aplanir ces
difficultés de caractère religieux que les
rituels furent déchristianisés. Déchristianisation
ne signifie pas laïcisation comme dans la
Maçonnerie française mais une
réduction du contenu religieux de la Maçonnerie
à l’Ancien Testament,
c'est-à-dire ce qui est commun aux juifs et aux
chrétiens. Insistons
sur le fait que le mot
« déchristianisation »
appliqué à la Maçonnerie anglaise
s’entend au
sens restrictif de suppression de toutes les
références spécifiquement
chrétiennes et non pas de toute
référence religieuse. Nous savons que le duc de
Sussex, premier Grand Maître de la Grande Loge Unie
d’Angleterre joua un rôle
déterminant dans l’élaboration des
nouveaux rituels d’après 1813. Tout en
étant
un chrétien dévot et reconnu comme tel, sa
tolérance et son ouverture d’esprit
permirent aux Maçons de toute confession de se retrouver
dans une structure
initiatique dont la destination était de rassembler des
hommes de bonne volonté
au centre de l’Union qu’est la
Franc-Maçonnerie. Les
deux Saint-Jean fournissent un exemple éclairant de
cette déchristianisation. L’usage de tenir la
principale assemblée de l’année
(que nous dénommons en France
« Convent ») le jour de la
Saint-Jean
vient d’Angleterre. Les constitutions d’Anderson de
1723 (Règle 22) prévoient
que « la Grande Loge doit tenir son
assemblée annuelle le jour de la
Saint-Jean-Baptiste ou bien le jour de la Saint-Jean
l’Evangéliste si la Grande
Loge en décide autrement par une nouvelle
réglementation ». N’oublions
pas
que c’est lors de la Saint-Jean Baptiste que les quatre Loges
londoniennes
formèrent la première Grande Loge le 24 juin
1717. Bien avant cette date, la
tradition maçonnique anglo-saxonne de
célébrer la Saint-Jean est attestée
antérieurement à 1717 par le manuscrit Dumfries
(1710). L’usage
de prêter serment sur l’Evangile de Saint-Jean
appartenait également à la Maçonnerie
anglaise qui l’a transmis en France avant
de le voir disparaître en raison de la
déchristianisation du rite.
Le plus ancien témoignage est
écossais. Le
Frères nouvellement reçu prononce les paroles
suivantes : « -
Me voici, moi le plus jeune et dernier Apprenti
Entré, qui ai juré par Dieu et Saint-Jean, par
l’équerre, le compas et la jauge
commune etc. » (Manuscrit des archives
d’Edimbourg, 1696). Ce
texte permet d’affirmer que l’usage de
prêter serment sur l’Evangile de Saint-Jean
appartenait à la Maçonnerie
écossaise du XVIIème siècle,
Maçonnerie de transition entre la Maçonnerie
opérative et la Maçonnerie
spéculative. Autre usage,
celui selon lequel
toutes les Loges
portent le nom de Saint-Jean vient également
d’Angleterre. Dans les catéchismes
maçonniques anglais, on trouve à partir de 1720
la célèbre question :
« De quelle Loge
êtes-vous ? ». Le
Maçon répond : « De la
Loge de Saint-Jean ».
Les
salutations usuelles des Maçons itinérants
évoquent également la Saint-Jean.
Lorsqu’ils visitaient un Atelier, le Maître de la
Loge demandait : - « D’où
venez-vous ? », le visiteur
répondait : - « Je
viens d’une très vénérable
loge de Maîtres et de Compagnons appartenant à
Saint-Jean ». (The Whole Institution of Masonry,
1724). Samuel
Prichard dans son ouvrage « Masonry Dissected,
1730) évoque l’échange entre le
Vénérable Maître et le
voyageur : - «
D’où venez-vous ? - De
la sainte Loge de Saint-Jean - Quelles
recommandations en apportez-vous ? - Les
recommandations que j’apporte des très
vénérables
Frères et Compagnons de la très
vénérable et sainte Loge de Saint-Jean,
d’où je
viens et vous salue bien cordialement par trois
fois. »
Toutes les Loges anglaises portent donc le nom de Saint-Jean et si elles portent le même nom, c’est qu’elles sont toutes à l’image d’une unique Loge archétypale. Le manuscrit des archives d’Edimbourg (1696), le manuscrit Sloane (1700), the Grand Mystery of Free-Masons Discover’d (1724) rapportent que les Loges de Saint-Jean se situaient à l’origine dans le porche du Temple de Salomon. Samuel Prichard rapporte que « la raison pour laquelle ils se dénomment de la Sainte Loge de Saint-Jean est qu’il fut le précurseur de Notre Sauveur et posa la première ligne parallèle à l’Evangile ». Ce texte fait clairement allusion à un symbole qui figure dans les Loges anglaises. Sur
le tableau du premier grade est représenté un
autel sur
lequel est posé le Volume de la Loi Sacrée. Sur
la face antérieure de l’autel
est tracée une figure géométrique
reproduisant un cercle avec son centre auquel
sont adjointes deux tangentes parallèles. Nos
instructions (1er
grade, 6ème partie)
évoquent
également ce symbole tracé sur le tableau de
grade : « Dans toutes
les Loges régulières, bien disposées
et constituée, on voit un point dans un
cercle autour
duquel les Frères ne
peuvent s’égarer. A ce cercle sont jointes au Nord
et au Sud, deux grandes
lignes tangentes et parallèles, la première,
représentant Moïse et la seconde
le Roi Salomon. Sur la partie supérieure de ce cercle repose
le Volume de la
Loi Sacrée qui supporte l’Echelle de Jacob dont le
sommet s’élève jusqu’aux
cieux. Et si nous étions aussi proches de ce Livre Saint et
si adhérions aussi
étroitement aux doctrines qu’il contient que le
font ces deux lignes
parallèles, cela nous conduirait auprès de Celui
Qui ne nous trompera pas et
Qui n’acceptera pas d’être
trompé. En suivant la circonférence de ce cercle,
nous devons nécessairement rencontrer ces deux
parallèles ainsi que le Livre
Sacré, et tant qu’un Maçon demeure dans
de telles limites, il ne peut
s’égarer ».
A
l’origine ce symbole était associé aux
deux Saint-Jean.
Après la déchristianisation des rituels en 1813,
les deux tangentes parallèles
représenteront Moïse et Salomon.
Nous
pouvons déjà conclure provisoirement que les
Loges travaillant à un rite
anglais ne sont plus des Loges de Saint Jean, même si elles
en ont été la
source, et qu’il ne nous appartient pas de fêter
les traditionnelles fêtes de
Saint Jean. Le
cercle avec son centre est un symbole classique qui
a plusieurs
significations. Celles-ci
tiennent à la structure géométrique du
tracé qui présente d’une part un point
central autour duquel tout s’organise et d’autre
part une limite extérieure
circulaire, ce point central et cette limite extérieure
déterminant un espace
intermédiaire. Dans la conception du Moyen Age et de celle
de ce néo-platonisme
chrétien de
la Renaissance qui considère
l’univers fini, centré et sphérique,
cette figure est en premier lieu un
symbole de l’Univers. Le
cercle
extérieur est celui que le Grand Architecte de
l’Univers a tracé au moyen d’un
compas symbolique tel que nous le montrent les enluminures
médiévales. Le point
central est celui où il a fixé la pointe du
compas. La
signification suprême de la figure formée
d’un cercle et
de son centre est de représenter la Trinité,
à l’image de laquelle sont faits
et l’Univers et la Loge. Le centre représente le
Père, le cercle extérieur le
Fils et l’espace intermédiaire l’Esprit.
Ce symbolisme a été formulé avec une
grande force par Kepler, dans la période même
où naissait la Maçonnerie
spéculative. Dans « le mystère
cosmographique » (1596)
il écrit :
« Et alors que cela
seul aurait suffit à fonder en Dieu la noblesse du courbe,
il s’y ajoute une
autre raison de loin plus importante : l’image de la
divine Trinité dans
la surface sphérique avec le Père au centre, le
Fils à la superficie et le
Saint-Esprit dans l’égalité de la
relation du centre au pourtour ». C’est
donc l’image de la Trinité divine qui est
figurée dans les Loges par le point
central dans le cercle. De plus cette figure orne l’autel qui
supporte le
Volume de la Loi Sacrée dans lequel la Trinité se
révèle par sa seconde
personne, le Verbe correspondant à la limite circulaire.
Dès lors les deux
lignes parallèles qui touchent le cercle
représentent les deux faces de la
révélation scripturaire :
l’Ancien et le Nouveau Testament. Voilà pourquoi
elles correspondent aux deux Saint-Jean. En eux en effet
l’Ancienne et la
Nouvelle Loi touchent au plus près au Verbe venu dans le
monde. Saint
Jean-Baptiste le dernier des prophètes
de l’Ancien Testament et en même temps
« plus qu’un
prophète » au
dire de Jésus lui-même (Matthieu 11.9) annonce que
la première s’accomplit dans
cette venue et Saint Jean l’Evangéliste commence
à propager la deuxième, que le
Verbe apporte. Ainsi, dans cette figure, les deux Saint-Jean sont
chacun à leur
place dans une représentation complète de la
Révélation chrétienne. Les deux Saint-Jean sont riches d’enseignements spirituels. Saint Jean-Baptiste a prêché le repentir. Il est celui qui invite à se préparer à la venue de la Lumière, à se mettre en état de la recevoir. Il enseigne l’humilité, le renoncement à soi sans lesquels il n’y a ni initiation ni progrès spirituel : « Moi, je ne suis pas digne de dénouer la courroie de sa sandale » (Jean 1.27) ; « Il faut qu’il croisse et que je diminue » (Jean 3.30). Le véritable ésotérisme ne consiste pas à pénétrer les arcanes de quelque science secrète mais à se pénétrer de la substance de telles phrases initiatiques. Si saint Jean-Baptiste enseigne au Maçon comment se préparer à recevoir la Lumière, saint Jean l’Evangéliste est le type d’homme qui l’a reçu et qui a donc atteint une certaine connaissance. Sur la nature de cette connaissance , sur la source dont elle procède, sur les effets qu’elle opère en celui qui la reçoit, tout est dit dans son Evangile en des termes simples et abordables dont il ne s’agit que de se pénétrer : « Le Verbe était la vraie Lumière qui illumine tout homme en venant au monde » ; « A ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son Nom, il a donné le pouvoir de devenir enfant de Dieu : ceux-là ne sont pas nés du sang, ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu. (Jean 1.9 ; 1.12-13) ; « Qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif, mais l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source jaillissante pour la vie éternelle » (Jean 4.14).
Enfin
l’Evangile de saint Jean est par excellence
l’Evangile de l’amour. Bien
qu’à la vérité les
commandements d’aimer Dieu et
son prochain figurent dans l’Ancien Testament et soient
repris dans les
Evangiles synoptiques (Matthieu 22.34-40, Marc 12.28-31, Luc 10.25-28)
qui
contiennent même la prescription d’aimer ses
ennemis, le commandement d’amour
est proclamé d’une manière
particulièrement solennelle dans l’Evangile de
Saint-Jean où d’ailleurs Jésus le
présente comme nouveau parce qu’il lui donne
un caractère absolu et une portée universelle
qu’il n’avait pas dans l’Ancien
Testament : « Je vous donne un commandement
nouveau : aimez-vous
les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi
aimez-vous les uns les
autres. A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes
disciples, à cet amour que
vous aurez les uns pour les autres » (Jean
13.34-35). « Comme le Père
m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés.
Demeurez en mon amour. Si vous gardez mes
commandements, vous demeurerez en mon amour, comme moi j’ai
gardé les
commandements de mon Père et je demeure en cet amour. Je
vous dis cela pour que
ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. Voici mon
commandement : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai
aimés »
(Jean 15.9-12). Dans
ces passages, le commandement d’amour fraternel est
mis dans la perspective de la Révélation
trinitaire dont le schéma complet est
donné par la figure symbolique commentée plus
haut. L’amour des Frères entre
eux est à l’image de celui que le Fils a pour eux
et dans lequel ils demeurent,
et celui-ci est lui-même à l’image de
l’amour que le Père a pour le Fils et
dans lequel le Fils demeure, cet amour étant ce dont
procède l’Esprit. Il a été
révélé partiellement dans
l’Ancien Testament sous la forme de la Loi puis dans le
Nouveau Testament sous la forme plus parfaite d’une nouvelle
loi de Grâce et de
Vérité (Jean 1.17). Les deux Saint-Jean
symbolisent ces deux phases de cette
Révélation, phases que chaque Maçon
doit revivre son parcours maçonnique
passant par l’attente dans l’effort et dans les
œuvres qui sont déjà amour, de
la venue de la Grâce et de la Lumière qui feront
éclore en lui, en même temps
que la connaissance, l’amour dans sa perfection. V\F\
Y\
R\ Source :
-
rituel Emulation -
Instructions Emulation |
3158-7 | L'EDIFICE - contact@ledifice.net | \ |