GODF | Loge : NC | Date : NC |
Le
Sablier La
première fois que je vois un sablier dans une
enceinte
maçonnique c'est dans le cabinet de
réflexion. Il fait partie des symboles
vivants de cet endroit. Avec le
sablier on trouve des ossements, une petite table,
un tabouret et une écritoire. Sur la table, du pain, une
cruche d'eau, une
coupe contenant du sel et une autre coupe contenant du souffre. Parmi tous
ces objets du cabinet de réflexion, le sablier
est le seul dont le sens m'apparaît clairement. Je me
souviens de l'avoir retourné pendant l'écriture
de
mon testament philosophique. Symbole du
temps, il est le symbole de mon passage de
l'état profane à celui d'initié. Le sable
passant de haut vers le bas par l'attraction, si
on le renverse, le bas devient le haut et le haut devient le bas et
pour
assurer la continuité de ce passage, il faut l'intervention
humaine. Expression
de la volonté humaine de changer le cours des
choses. Volonté contrariée par le fait que le
sable ne peut s'écouler vers le
haut. L'étroitesse du goulot peut évoquer la
porte étroite de l'entrée du
temple pour un profane, le jour de son initiation. Le sable
étant guidé par l'attraction et l'homme passant
l'étroite porte du temple avec l'aide de son tuteur.
Là encore, tout est
symbolique. Le goulot
étroit du sablier, la porte étroite du temple
sont les symboles de la difficulté, de
l'exiguïté du passage. Ces difficultés
sont là pour rappeler les efforts que tout homme doit
accomplir, rien n'est
acquis, la vie est un éternel combat spirituel. "Le
symbolisme du sable vient de la multitude de ses
grains. Le nombre de grains de sable est celui des
péchés, dont on se défait,
des années de vie qu'on sollicite." Dans
certains peuples la multitude des grains de sable
représente la pluie, ce qui est encore une forme
d'abondance. Le sable est
purificateur, liquide comme l'eau, abrasif
comme le feu. Facile
à pénétrer en plastique, il
épouse les formes qui
se moulent en lui : à cet égard, il est un
symbole de matrice. Le plaisir
que l'on éprouve à marcher sur le sable,
à
s'étendre sur lui, à s'enfoncer dans sa masse
souple. C'est
effectivement, comme une recherche de repos, de
sécurité,
de régénération. La matrice
est empruntée au latin matrix, mot
dérivé de mater (mère)
sur le modèle de genitrix
(génitrice)
et mutrice (nourrice).
Le mot désigne la
femelle pleine ou qui nourrit. Le sablier
est un objet, oh, combien symbolique. Il est le
symbole du temps, horloge à sable ou ampoulette mais plus
communément appelé
sablier. Il fait
partie de ces symboles qui se rapportent à Saturne
et conséquemment au plomb. Saturne est
un emprunt au latin saturnus,
nom d'un
dieu d'Uranus et père de Jupiter, dieu du temps et
personnification du temps. C'est aussi
en latin, le nom d'une planète. Il correspond
au khronos grec. Saturne est
le nom d'un dieu de Rome et désigne en
alchimie le plomb car ce métal était
considéré comme un métal froid, comme
Saturne en astrologie était la planète froide
(à partir du XVIe siècle Saturne
est également, le nom d'une des planètes du
système solaire). Le vase du
haut laissant glisser le sable vers celui du
bas, celui-ci recevant l'exacte mesure du départ, l'analogie
peut être comparée
dans ce cas, à ce que l'homme doit apporter à
l'homme ; la qualité de sa vie
dépend de la qualité de ce qu'il donne et par
conséquent de ce qu'il reçoit. Le sablier
est le symbole du temps et de la mort. Ce sable
qui coule inexorablement compte le temps de la vie vers la mort. Le
symbolisme du sablier se dégage, en premier lieu, de la
forme même de l'objet, le haut pouvant être le
ciel, et, le bas la terre. Comme
l'écrit Lamartine, le sablier symbolise la chute
éternelle du temps ; son écoulement
inflexible et portant son aboutissement
dans le cycle humain, à la mort. Mais il signifie aussi, une
possibilité de
renversement du temps, un retour aux origines. L'interprétation
du symbolisme étant concrètement
abstraite et personnelle. Le symbole étant très
fort on peut comparer l'ampoule
du haut avec l'ouverture des travaux en loge, c'est-à-dire
midi. Et l'ampoule
du bas à la fermeture des travaux à minuit.
Puisqu'entre ces deux heures, il
s'écoule douze heures, autrement dit l'addition de cet
écoulement du sable
d'une ampoule vers l'autre est l'écoulement du temps d'une
demi-journée. Le sablier
engage la réciprocité puisque la teneur en
sable de l'ampoule du haut est égale à celle du
bas. Nous pouvons
mettre en parallèle la réciprocité des
sentiments
qu'un homme doit engager vis-à-vis de l'autre. La
compassion, la charité, la
solidarité qui doivent unir tous les êtres
humains de notre temps et dans
l'univers. L'échange
est un passage obligé de la vie. Comment envisager
le contraire sans risque d'être écarté
de tout amour et de toute joie. Le sablier
pratique en silence l'intersubjectivité entre ces deux
ampoules ; l'une et
l'autre sont uniformes. Rien ne les distingue étant
donné leurs formes
identiques. L'analogie
entre les deux ampoules nous démontrent que
celles-ci peuvent être deux hommes dont le sable est la
matière du savoir du
passage de l'un à l'autre. Le sablier,
objet à définir le temps. Le temps qui passe
mais ne s'enfuit pas. Après avoir observé un
sablier, le sable se creuse dans
l'ampoule du haut en entonnoir, et retombe dans celle du bas en
cône. Le temps,
continuité indéfinie, le sablier objet
à décider
le temps, à compter. Une vie sans
horloge nous est inconcevable car partout où
nous allons, quels que soient les appareils, les gros, les petits, les
montres,
les horloges ou horloge de clocher, nous trouvons tous, le temps, un de
ces
objets pour nous situer dans l'existence. Pourtant,
pendant des millénaires, nos ancêtres se sont
passés de toutes ces horloges mécaniques et de
tout objet à mesurer le temps.
Tandis que l'homme avait une activité toute aussi remplie
qu'aujourd'hui, il
fallait bien chasser, garder ses troupeaux, travailler son
champ ou même
naviguer et voyager sur terre. A notre
époque, il est courant de trouver une montre sur
nos enfants dès qu'ils savent lire. Il y a
encore quelque part sur notre terre et de notre
temps quelques peuples qui vivent sans horloge mécanique,
sans le stress du
temps ignorant toutes informations sur l'heure. Cela nous
arrive également, quand les vacances sont là
où
nous retrouvons des occupations agréables,
délicieuses où la mesure du temps
nous est indifférente. Nous ne
vivons pas contre la montre, un enfant s'arrête de
jouer quand il est fatigué, quand nous l'appelons ou quand
la nuit tombe. Nous
ne vivons pas non plus, selon la montre, quand nous pêchons,
que nous chassons
ou pendant ces balades des nuits chaudes d'été. Ah, les
vacances, c'est la période où ce n'est pas la
montre qui nous fixe nos loisirs mais la nature de nos loisirs qui nous
fixe le
temps. Le sablier a
été inventé vers le XIVe
siècle par des
moines européens. D'autres disent qu'à
l'antiquité il existait déjà... C'est dans
l'histoire de la navigation que le sablier a
joué un rôle essentiel. Il fut des
siècles durant avec l'observation du soleil
et des astres, la seule mesure nautique du temps. Cette si longue
prédominance
du sablier à bord des navires est surtout due au fait qu'il
résistait aux
épreuves de la traversée, mieux que les
horloges mécaniques. Pour
conclure, je voudrai vous lire un passage de texte du
traité du sablier de Ernst Junger. Si nos
horloges n'étaient que des machines à mesurer le
temps, la métamorphose ne pourrait être aussi
grave. Un fait plus décisif est
que ce sont des machines à créer, à
fabriquer le temps. Cette assertion semble
aller à l'encontre de l'idéalisme, qui a
démontré, d'une manière
convaincante
due le temps est l'une des formes de la représentation
humaine. Mais cette
représentation est relative aux peuples et aux
époques et détermine, outre la
technique même de la mesure, et plus
généralement la valeur qu'on lui
attribue. Car on peut encore percevoir le temps de toute autre
manière qu'en le
mesurant. Si l'homme
en tant que moi pratique, pour reprendre le
terme de Kant, conçoit un nouveau temps du monde, il
reçoit en tant que moi
théorique la petite monnaie de son temps. Le lieu
d'où lui revient cet écho est
l'horloge prise en son sens le plus vaste. Donc, un fin
réseau de temps
transformé est toujours tendu autour de nous, ainsi qu'au
travers de nous-mêmes
! Toutefois, nous contenons aussi de l'intemporel, une force qui puise
hors du
temps et qui, comme le bras de Gulliver, déchire la toile
arachnéenne du temps
mécanique. Là est notre force. L'heure ne sonne
pas dans la forêt. Aussi, ne
pouvons-nous succomber pour jamais à l'automatisme. C'est le
mystère des
doctrines du salut. S'il en était autrement, nous ne
pourrions méditer sur le
temps. Ainsi, s'achève notre digression sur les horloges à rouages : nous pouvons retourner à notre sujet, les horloges élémentaires et spécialement le sablier. C\
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