Les Trois
Fenêtres
Il était une fois, un jeune homme qui
s’appelait NEO. Il venait tout juste de perdre sa
mère, lorsqu’il décida de construire sa
maison. Un jour qu’il travaillait à ses plans, sa
curiosité se trouva vivement excitée. La question
était de savoir quel allait être le nombre de
fenêtres ainsi que leur orientation et leur forme Aussi
décida-t-il de se rendre à Amsterdam en 1745 afin
d’avoir l’avis de « L’ordre
des Maçon Trahis ». On lui fit
rencontrer une personne qui tenait à l’anonymat.
A la question de Néo : « Où
dois-je placer mes fenêtres et quelle forme doivent-elles
avoir ? », l’inconnu
répondit ceci.
- Tu en placeras une au-dessus de la porte d’orient, une
au-dessus de la porte du midi, et une troisième au dessus de
la porte d’occident.
Néo pensa que c’était là une
bien curieuse manière de disposer des fenêtres.
Car, placées ainsi, il ne pourrait jamais les atteindre, et
ne pouvant ni les ouvrir ni les fermer, l’air ne pourrait
donc jamais entrer chez lui ! seulement la lumière.
Mais, le Hollandais lui tendit un dessin d’un
superbe tapis de loge, d’époque, et poursuivit en
ces termes :
- Elles auront la forme rectangulaire et seront munies de trois
barreaux dans le sens horizontal, et de trois barreaux dans le sens
vertical, créant ainsi seize rectangles.
Néo crut remarquer la proportion
dorée dans chacun des ces petits rectangles, ainsi que dans
le triangle formé par chacune des fenêtres.
Néanmoins, intrigué par ce quadrillage, il posa
la question, et l’homme lui répondit que
c’était en souvenir des grilles des
fenêtres du temple de Salomon. Puis l’œil
de Néo constatât avec amusement que, sur ce tapis
de loge, les portes et les fenêtres avaient
été dessinées comme si l’on
avait rabattu les trois pans de murs sur le plancher de la
pièce. Il nota également que le haut de chacune
des portes était surmonté d’un arc
romain et que deux traits les séparaient dans leur longueur,
montrant ainsi la possibilité d’ouverture par le
milieu.
Il prit alors congé de l’inconnu de
1745 et s’en fut en 1830, consulter le Tuileur de Vuillaume.
Mais, il commit d’entrer sans frapper ce qui lui valut pour
se faire reconnaître douze bonnes minutes de questions avant
de pouvoir poser la sienne. Mais, ce Tuileur était un
esthète, et il lui dit :
« Tu construiras une fenêtre au
milieu du mur d’Orient, une seconde au milieu du mur du midi,
et la troisième sur le mur d’occident, tout de
suite à droite en rentrant. »
Néo vit sur le plan du Tuileur une seule porte
placée à l’occident, à la
différence du Hollandais. Mais le Tuileur continuait :
« Tu leur donneras une forme gothique, et
les grillageras finement de centaines de petits losanges. »
Néo admira rapidement ces trois petits
chefs-d’œuvre, tous dessinés dans le
même sens, c’est-à-dire
l’ogive gothique tournée vers le haut du dessin.
Puis, il prit congé de cette période gothico-
romantique en imaginant une seule porte à sa maison et des
arcs gothiques à ses fenêtres...
L’idée d’un fin grillage
était certes moins austère que les barreaux du
Hollandais, mais tout cela laissait Néo encore bien
indécis ! Il voulut rentrer chez lui afin de consulter sa
Bible, dans laquelle, il lui semblait bien qu’une
réponse devait s’y trouvée
cachée. Mais ses pensées l’avaient pris
de court car le temps d’un petit bon d’un
siècle, en 1930, juste devant la porte d’un ami
dont sa mémoire venait de lui donner l’adresse.
Cette fois, il frappa avant d’enter. Et quelle
ne fut pas sa surprise lorsqu’il se trouva dans un noir
total. Hasardant un pas, il se prit le pied dans quelque chose qui
tomba avec un grand bruit. Néo battit rapidement le briquet
et la lueur de sa flamme lui indiquât qu’il venait
de renverser une épée, vraisemblablement
appuyée sur une chaise, et qui maintenant gisait
à ses pieds. Après l’avoir
délicatement remise en place, il jeta un regard autour de
lui. Des chaises étaient bien rangées... Tout le
mobilier semblait en ordre... Quelle curieuse maison, pensa
Néo. En voilà une sans fenêtre
à présent !
Puis, il distingua sur sa droite, une lueur venant du
plafond. Ses yeux s’étant maintenant
habitués à la semi-obscurité, il vit
se détacher l’escalier en colimaçon qui
y menait. Et quelle ne fut pas sa joie lorsqu’il trouva son
ami à l’étage moyen de la maison.
- Ce vieux Néo s’écria se dernier !
- Ce vieil Oswald répondit Néo, mais quelle
drôle d’idée cette absence de
fenêtre en bas!
- Néo, nous sommes Frères, alors laisse moi
t’expliquer.
L’initiation se conférait
primitivement dans des grottes naturelles, puis dans des cryptes
taillées dans les flancs de la montagne. C’est en
souvenir de ces sanctuaires que la Loge n’est
éclairée par aucune fenêtre.
J’ai également voulu rappeler ainsi que
l’univers n’est visible que du dedans,
puisqu’il n’y a pas à supposer
d’aspect extérieur au Tout qui remplit
l’immensité sans limite. Un éclairage
artificiel s’impose ainsi en loge : Il est fournit par un
minimum de cinq lumières placées prés
des cinq officiers.
- J’entends bien dit Néo, et c’est une
très belle histoire que tu viens de me raconter ! Mais,
dis-moi Oswald, pourquoi ici, à ton étage moyen,
les as-tu rétablies ?
- Néo, par combien de fenêtres
l’étage moyen est-il éclairé
?
Néo regarda autour de lui et
commença à faire le décompte.
- Par trois fenêtres, une grande romane s’ouvrant
à l’Orient, et deux petites, toujours romanes,
s’ouvrant au midi.
- Mais non, Néo, tu sais bien que ce n’est pas la
bonne réponse.
- Oswald, tu triches, ce que j’ai sous les yeux, chez toi,
correspond précisément à ce que je
viens de dire.
- Bien sûr... Peut-être... Mais, Néo,
nous sommes des spéculatifs, et si mes fenêtres ne
sont pas à la bonne place, l’essentiel,
c’est d’y voir clair... Après tout,
ça n’est qu’un catéchisme
interprétatif... Mais laisse-moi poursuivre. Saurais-tu me
dire pourquoi il n’y en pas au septentrion.
- C’est justement la question que je me suis
posée, car tu es le troisième que je visite qui
n’en mette pas à cet endroit. Alors, je me
souviens du bon sens paysan qui fait que leur maison tourne toujours le
dos au nord, car il y fait trop froid. Ils n’y mettent jamais
de fenêtre eux non plus ! Et s’il y fait trop
froid, c’est parce que le soleil ne vient jamais
réchauffer ces murs. Pour moi Oswald, pas de soleil signifie
pas de chaleur et pas de lumière, donc, pas de
fenêtre.
-Mon cher Néo, ton interprétation, quoique
profane, semble logique. Je te donnerai la mienne tout à
l’heure. Pour le moment, pourrais tu me dire à
quoi servent ces trois fenêtres ?
- A éclairer les ouvriers quand ils viennent au travail,
pendant qu’ils s’y livrent et lorsqu’ils
le quittent.
- Bien, et où se tiennent les gens de
l’étage du milieu ?
- Devant tes deux ridicules petites fenêtres romanes.
- Et pourquoi s’il te plaît ?
- La réponse donnée est la suivante ; parce
qu’ils sont assez avancés en initiation pour
supporter le plein éclat du jour.
- Tu n’as pas l’impression, Oswald, que ces gens
assis à cet endroit lui tourneraient le dos au plein
éclat du jour ? Un compagnon me rapportait même
qu’à midi l’ombre portée de
sa tête et de son buste lui cachait le travail. Le matin,
c’était pareil, il est droitier ! Il n’y
avait guère que le soir qu’il pouvait
espérer être éclairé
directement. Mais à cette heure, le jour décline
rapidement. Conclusion : il y voyait peu et pas longtemps. A mon humble
avis, Oswald, à midi, ce sont les apprentis qui sont
éclairés. Ils sont complètement
aveuglés. Mais, le second surveillant est là,
bien en face d’eux pour les guider.
- Néo, enchaîna Oswald, c’est un point
de vue tout à fait personnel. Je t’opposerai que
l’apprenti se tient au septentrion qui représente
une région où la lumière est constante
et sans variations trop brusques, car du fait qu’il ne
possède que des connaissances
élémentaires de la F. M., il n’est pas
encore en état de supporter l’intensité
d’une trop grande lumière. Vois-tu,
Néo, je raisonne par lieux, je donne une place dans le
temple aux quatre points cardinaux, et, en fonction des limites de
cette aire, j’y attribue la valeur représentative
d’un des quatre points cardinaux par rapport à la
course du soleil. Ainsi, le nord n’est jamais
éclairé, c’est donc un lieu qui
convient aux apprentis. Mais toi, Néo, tu raisonnes par
rapport à l’angle d’incidence
d’un rayon lumineux.
- Mais, Oswald, je ne fais que défendre le point de vue de
Jules.
-De qui ?
- Ah, c’est vrai ! excuse-moi Oswald, tu ne peux pas
connaître. Jules c’est un petit jeune qui a
beaucoup d’avenir chez nous.
- Néo, écoute ce que je vais te dire. Pour moi,
l’étage moyen de ma maison est en communication
extérieure grâce à trois
fenêtres. La première illumine des rayons du
soleil levant qui dissipe les ténèbres. Cette
lumière combative correspond à la raison
juvénile s’attaquant aux vieilles erreurs et aux
préjugés tenaces. C’est une logique
dissolvante, destructrice de tout ce qui n’est pas solidement
fondé.
Par la fenêtre du midi, entre la pleine
lumière du jour celle qui réduisant
l’ombre portée à son minimum, montre
les choses telles qu’elles sont dans leur
réalité brutale. C’est
l’observation rigoureuse et positive des faits
scientifiquement déterminés.
Les feux du soleil couchant se reflètent enfin dans la
fenêtre d’Occident. De riches couleurs manifestent
alors ce qui mérite de survivre du passé. La
raison en effet, ne se contente pas de repousser l’erreur et
de constater la réalité objective, elle sait
aussi rendre justice aux penseurs disparus, en dégageant des
anciennes traditions ce qu’elles renferment de vrai.
- Ah, fit Néo d’étonnement,
c’est une très belle histoire. Mais, si
j’ai bien compris, on ne doit pas faire de bon Francs
Maçons dans l’hémisphère
sud.
- Comment cela Néo ?
- Justement, je te propose d’y
réfléchir. Mais, je dois partir maintenant, car
j’ai promis à Edouard d’être
à l’heure. Et, d’un bon, Néo
sauta d’une des deux petites fenêtres, car son ami
Oswald lui, les voit très mal grillagées.
Très vite, il frappa à la porte
d’Edouard car il n’avait pas besoin de changer
d’époque.
Le vieil Edouard le reçu sans le regarder.
- Entre Néo, je sais pourquoi tu viens. Tiens, prends mon
plan. Comme tu peux le voir, mes trois baies grillagées sont
rectangulaires, et représentent pour moi les trois portes du
temple de Salomon. Toutes les portent et les fenêtres sont
rectangulaires dans le temple de Salomon.
- Tu veux dire le temple de Jérusalem construit par Salomon.
- C’est ça, dans le temple de Salomon... Le
grillage soustrait à la vue des profanes le travail des
ouvriers.
- Un instant Edouard, quelle taille donnes tu, à un profane
de l’époque de Salomon ? car le premier Livre des
Rois, donne au temple de Jérusalem une hauteur de plus de
quinze mètres/ Et tout autour du temple, Salomon avait fait
construire trois étages de galerie dont la hauteur totale
faisait environ sept mètres cinquante. De plus, ce pourtour
avait un toit, parcourant lui aussi le temple, et d’une
largeur de trois mètres cinquante. Un profane devait donc
mesurer sept mètres cinquante et avoir un cou de trois
mètres cinquante pour pouvoir espérer apercevoir
le travail des ouvriers. Cela évidemment, après
avoir enjambé les trois rangées de pierres
surmontées de plaques de bois qui encerclaient le temple.
- Tu as certainement raison, Néo, mais, écoute ce
que je vais te dire. Pour la F.M. la Loge est au centre de la terre,
à l’intersection des quatre points cardinaux, et
son optique et son regard sont différents.
- Mais, Edouard, la Loge est à la surface de la terre. Dans
le mémento, quand on te demande : quelle est la forme de la
loge ? Tu réponds: Un carré long. Quel est le
sens de sa longueur De l’orient à
l’Occident. De sa largeur : Du septentrion au Midi. De la
hauteur ? Du nadir au Zénith. Alors, si tu mets ta Loge au
centre de la terre, qu’est le Nadir. Elle ne peut
être entre le Nadir et le Zénith, c’est
une Loge plate qui n’a pas de hauteur, et si tu en fais un
point de ta Loge, ce qui par définition est sans volume,
où places-tu tes baies grillagées.
- Tu as certainement raison, Néo, mais écoute ce
que je vais te dire. Le F. M. doit savoir voir la lumière
qui brille dans les ténèbres si son intelligence
est assez aiguisée pour lui suggérer. Et du
centre de la terre qu’aperçoit-on qui ne se voit
pas de sa surface ? Sa curiosité
éveillée, il cherchera à la
satisfaire, et il la satisfera dans les limites qui lui assignera
l’entendu de ses aptitudes spirituelles et ses
facultés de logique.
Durant cette explication toute verticale, Néo
se demandait de plus en plus à quoi pouvait servir les baies
du vieil Edouard vu que sa Lumière semblait venir de
l’intérieur !
Au niveau moyen de cette maison, les grillages avaient
mystérieusement disparus... Néo allait en faire
autant, lorsque la voix d’Edouard le surprit.
- J’ai entendu tout à l’heure ce que tu
as dit à Oswald pour
l’hémisphère sud, mais,
réponds-moi. Si tu vas un jour sur la Lune et que tu
veuilles construire ta maison, dans quel sens les mettras-tu tes
fenêtres ? Néo resta interloqué, puis
il lança.
- Certainement sur la face cachée.
A peine Néo fut-il rentré chez
lui, qu’il reçut un appel
télépathique de Jean Pierre Bayard qui lui parla
de son symbolisme traditionnel en ces termes.
- Ces trois fenêtres diffusent les trois aspects de la
lumière intelligible, Création, conservation,
destruction.
Dans les symbolismes celtiques, le trident, ce signe de
reconnaissance entre les druides émet trois rais lumineux,
trois rayons convergeant sans point de rencontre, trois colonnes de
lumière qui s’apparentent au nom sacré
IOV, comparable au IOD des hébreux, au IAO des gnostiques ou
au AUM védique. Cette lumière spirituelle
diffusée par les trois fenêtres nous fait
pressentir l’unité transcendante.
D’autant plus transcendante pensait Néo que ces
trois rais lumineux ne s’aperçoivent jamais
ensemble ! Que ces rayons ont besoin de l’espace pour se
mouvoir, et apparaissent ponctuellement dans le temps avec une force et
une couleur différentes à chacune des stations
solaires.
Tant et si bien, qu’on ne peut clouer au mur
de l’Orient un rayon du matin ; attendre que le soleil passe
au Zénith, clouer un second rayon au mur du midi ; en faire
autant le soir sur le mur d’occident, et pouvoir contempler,
comparer et méditer sur les trois en même
temps… Cette pensé le fit sourire, et
Néo se dit qu’il fallait donc avoir la patience
d’attendre, et que peut-être, les trois rais
émanant du Delta lumineux dont on voit bien qu’ils
sont issus d’un même point sans jamais le
rejoindre, symbolisent aussi et en particulier les trois stations
solaires permises dans le temple par
l’intermédiaire des trois fenêtres.
Mais Néo pressentait que le delta lumineux
ferait l’objet d’un autre voyage. Aussi
décida-t-il de remonte à une des sources, et il
tendit le bras vers la Bible de Crampo. Il trouva la description de la
construction du temple de Jérusalem. Dans le premier livre
des Rois au chapitre VI, le verset IV indiquait :
« Le roi fit au temple des
fenêtres à grilles fixes. »
Et c’était tout. Malheur ! Des fenêtres,
et le pluriel qui commence à deux. Alors deux, trois six
cent soixante six. Pour sûr, Jules l’avait bien
prévenu. Le livre des Rois ne donne aucune
précision. Néo chercha dans les chroniques :
personne ne parlait des fenêtres. Il se souvint alors
qu’il avait une autre Bible datant de 1956, traduite par les
moines de Maredsous d’après les textes originaux.
Au même chapitre du premier livre des rois, Néo
lut le verset IV :
« Le Roi fit au temple des
fenêtres aux grilles de bois ».
Mais voilà une autre traduction qui changeait
tout ! Même Jules s’était
trompé dans son interprétation. Notamment
lorsqu’il lui avait dit :
« Les fenêtres sont
grillagées non pas pour interdire aux profanes de regarder
dans le temple, mais simplement pour en défendre
l’accès. »
Pauvre Jules ! Même toi, tu t’es trompé
! Défendre un accès avec des grilles de bois !!
Il suffirait de mettre le feu et d’attendre tranquillement.
Sans compter que, toi aussi tu as oublié la palissade qui
encerclait le temple, et qui elle, semblait bien avoir un
rôle de défense. Quel besoin avez vous de donner
une fausse paternité à ce symbole.
Dans la troisième traduction de la Bible
Néo put lire l’explication suivante :
« Le mot rare
« shequphim » provient de la
racine SH-Q-PH signifiant regarder d’en haut. Le mot suivant
ATUMIM signifiant proprement
« bouchés »
s’applique aux fenêtres munies de grillages, tels
les moucharabieh des maisons arabes. »
Néo pensa que ce grillage d’époque
produit par une culture, une civilisation par rapport à un
climat bien précis, était effectivement en bois
sculpté de multiples volutes laissant filtrer un peu de
lumière, et que la notion que nous avons du grillage en
Europe et à notre époque a totalement
déformé le sens originel. Que beaucoup ont voulu
donner un sens de protection à ce grillage, mais nous avons
très bien que ce qui protège la Loge,
c’est un être humain, et non pas un morceau de
métal. Sur ce chapitre, les conclusions de Néo
furent les suivantes :
En l’état actuel de ses connaissances, la logique
et le bon sens lui confirmaient qu’il
n’était aucunement possible de rattacher ses
fenêtres à celle du temple de Jérusalem
sous peine de se fourvoyer.
Ainsi, Néo, résolut-il de chercher
lui même une forme, un emplacement et un nombre de
fenêtres à sa maison.
La première chose qui lui vint à
l’esprit fut que ces fenêtres devaient laisser
entrer la lumière. Cette lumière qui donne la
vie, cette lumière qui produit
l’oxygène, cette lumière qui
dégage même en hiver des calories
récupérées par l’homme pour
se chauffer. Cette lumière enfin qui nous simplement nous
montre et nous apprend le monde visible de la nature.
Et Néo comprit qu’il fallait absolument la laisser
entrer dans sa maison, car elle allait lui donner la force et
l’énergie nécessaire à son
travail. La forme des fenêtres fut sa première
préoccupation. Des fenêtres carrées lui
semblaient trop massives et trop terrienne pour laisser entrer un corps
si céleste. Il rejeta donc le carré. La forme
rectangulaire lui proposa d’hésiter entre le
rectangle top trapu des proportions 3x4 dont la diagonale est
égale à 5 ; formant ainsi deux triangles de
Pythagore, et qu’il rejeta. Le rectangle double
carré lui parut trop étroit, et il le rejeta
également. Et, c’est enfin le rectangle
à la proportion dorée qui flatta son
œil et pour lequel il se décida.
Mais, l’austérité des
quatre angles droits ne le satisfaisait pas. La domination de la
matière par l’esprit est une bonne chose, mais
encore une fois ce coté céleste de la
lumière une association cercle carré
évoquant le couple ciel et terre. Néo compris que
ce rectangle surmonté d’un arc de cercle pour les
fenêtres de sa maison symboliserait une aspiration
à un monde ou à un niveau de vie
supérieur. Il se souvint que cette association de forme
était devenu l’image classique de l’arc
de triomphe réservé au passage du
héros victorieux. Dans l’ordre intellectuel, le
héros est le génie qui a percé une
énigme : et dans l’ordre spirituel, le
héros est le saint qui a triomphé des tendances
inférieures de sa nature. En volume, l’association
hémisphère cube, lui faisait penser au saint
sépulcre de Jérusalem qui tentait de rappeler la
grande voûte de l’univers que l’homme, du
reste, symbolise par sa boite crânienne.
Toutes ces formes défilaient dans
l’esprit de Néo, et son choix le procurait joie et
satisfaction. ses fenêtres auraient la forme d’un
rectangle doré surmonté d’un
demi-cercle. Et maintenant, il savait pourquoi. Après tout
se disait-il autant que le jour n’entre pas chez moi
n’importe comment, cela valait la peine de la
réflexion. Puis, il n’y pensa plus. Quant
à l’emplacement, il décida
d’avoir du soleil toute la journée afin de
méditer sur les trois couleurs principales de
l’astre. Néo pensa que les cathédrales
avaient des vitraux de couleurs différentes suivants
l’orientation des murs. Il savait que le portail de la Vierge
est toujours à gauche, au septentrion, l’obscure,
le féminin, le passif. De ce côté, les
couleurs des vitaux sont effectivement plus sombres. En opposition au
portail de droite, au Midi, celui des deux Jean le Baptiste et
l’Evangéliste qui sont davantage
éclairés. Au centre, à
l’Orient, le Christ. Sont ainsi en présence, le
masculin, le féminin et l’esprit. Et
Néo retrouvait une fois de plus ce nombre TROIS. Il savait
qu’il allait construire trois fenêtres à
sa maison. Surtout que la numérologie lui avait
enseigné que le nombre Un représentait le
masculin, le deux le féminin. L’addition de
l’un à l’autre donnant la vie, revenant
ainsi à l’impair par le nombre trois. Mais cela
aussi était dans son mémento.
Il eut alors une pensée curieuse. Il se dit,
il y a un Vénérable, le masculin, et deux
surveillants qui s’occupent comme des mères des
enfants que sont les apprentis et les compagnons. Et ces trois
personnages donnent la vie à la Loge lors de
l’ouverture des travaux, et il ont chacun leur
fenêtre. Au fil de ses méditations, Néo
découvrit les vraies couleurs des trois stations solaires.
La couleur du soleil levant était l’or.
La couleur violente du soleil au midi était blanche
La couleur du soleil couchant était rouge.
Et il comprit immédiatement
l’analogie avec l’alchimie. En effet,
l’alliage du mercure et du souffre pour fabriquer la Pierre
Philosophale était bien connu. Et Néo
établit la correspondance entre les trois couleurs des
stations solaires et l’alchimie comme suit :
La mercure représente le féminin, le souffre le
masculin, et le résultat que chacun doit chercher et tenter
de trouver, c’est cet or philosophale, à savoir :
l’Amour. Car l’éternelle recherche de
l’alchimie ne fut autre que la tentative de
découverte de l’amour par l’alliance du
masculin et du féminin.
Néo se souvint alors que le blanc
était la couleur alchimique du mercure ; le rouge la couleur
alchimique du souffre, et l’or la couleur alchimique de la
pierre philosophale ; et il ne put s’empêcher de
les comparer à celles des trois stations solaires. Presque
tout concordait.
Le mur du midi donnait la couleur blanche, le mercure,
par le second surveillant, nombre DEUX, le féminin, aux
apprentis qui sont aussi sous le féminin de la colonne B.
Le mur d’occident donnait la
lumière rouge, le soufre, par le premier surveillant, le
nombre UN, le masculin aux compagnon qui sont eux sous le masculin,
celui de la colonne J, rouge elle aussi.
Ensuite, le soleil se couchait. Alors
l’obscurité de la nuit permettait au souffre et au
mercure de cheminer ensemble. Tout qu’allait durer cette nuit
permettrait à l’apprenti devenu compagnon de
voyager, afin qu’il puisse équilibrer en lui
même l’horizontale et la verticale. Cette nuit, par
son obscurité était une forme de la mort, et par
la durée de son écoulement, un nouveau temps de
gestation.
En final, le matin, Dame nature affichait le
résultat à l’Orient, lorsque le soleil
se levait dans la fugitive rareté de la première
coulée de son premier rayon, une coulée
d’or! Et la dernière correspondance entre cette
fenêtre du matin et l’alchimie était
établie.
Mieux encore, pour que puisse naître cet amour, cette
première coulée d’or était
engendrée par cette première lueur du jour qui se
produit à l’horizon, à savoir :
l’aube. Du latin alba et qui signifie blanche. Là
encore le féminin, le mercure.
Ensuite vient l’aurore, cette
première lumière qui annonce le lever du soleil,
prévient par sa couleur jaune dorée
l’arrivée du produit des voyages de la nuit, de
cette synthèse juste et parfaite, cette première
coulée d’amour. Et cette coulée peut
seule engendrer le cycle :
Midi, blanc, mercure féminin, second surveillant.
Soir, rouge, souffre, masculin, premier surveillant.
Matin, or, l’or, esprit, Vénérable
Maître.
Mais qui des deux avait commencé ? Néo eut
l’amusante idée de l’œuf et de
la poule. Et, sans pour autant pouvoir la résoudre, il se
plut à imaginer que l’œuf contenait lui
aussi les couleurs blanches et jaune...mais de là
à penser que la poule était un produit
d’amour...
Cependant, il restait à Néo un
dernier point à éclaircir. Et, son esprit curieux
l’ayant souvent porté à
réfléchir sur les voies de l’invisible,
il se souvint de la réflexion faite par Edouard E. :
« Si tu vas un jour sur la lune »
et il lui avait répondu qu’il construirait sa
maison sur la face cachée. Il travailla alors sur cette
idée, et il se dit :
Par rapport aux colonnes, l’absence de fenêtres au
nord correspond à la colonne B qui signifie
« Dans la force ».
Le B est féminin, mais de quel féminin
s’agit-il. S’agit-il de la femme, ou
plutôt d’une partie de la femme. De la
mère, ce ventre qui enfante dans la douleur, soit, mais
surtout dans la force. Alors Néo imagina qu’il
existait au Nord sous la colonne B une quatrième
fenêtre, invisible, celle ci, qui ne s’ouvrirait
pas à l’extérieur sur la
lumière, mais qui renfermant le noir, l’obscure,
l’eau, ne serait là que pour laisser
l’enfant.
Et ce serait pour cette raison que l’apprenti ne peut pas
parler. Ce droit de parole n’était en rien une
interdiction, comme il l’avait souvent entendu dire, mais une
chose beaucoup plus subtile, l’apprenti ne sait pas parler,
ne sait même pas s’exprimer puisqu’il est
encore dans le ventre de la mère en pleine gestation.
Un jour viendra, où, dans la force B, il
déchirera une fenêtre dans le mur du nord pour le
laisser passer.
Alors la lumière blanche du midi l’attend comme
pour lui rappeler que dans l’air, le troisième
élément, dont il vient de faire connaissance par
sa première respiration, il existe aussi un
féminin aérien.
Mais, immédiatement, ses frère lui feront tourner
le dos au midi pour le protéger de l’aveuglement,
car maintenant qu’il est établi, qu’il
est né, qu’il existe, il est assis sous J et
commence à babiller.
Ainsi il ne pourra jamais oublier son origine par la
présence éternelle de la colonne B, il reverra
plus cette quatrième fenêtre
d’où il procède et qui s’est
refermée derrière lui, toute cette grossesse qui
le rendait invisible au monde.
Néo pensa donc que sa réelle naissance sera
achevée lorsqu’il sera dépendant de la
colonne J. Alors, pendant tout ce temps de gestation, il
était en train de se faire, de se fabriquer,
d’où la notion de verticalité.
Verticalité effectivement représentée
par sa propre translation du haut vers le bas
lorsqu’à sa naissance il descendra du ventre de sa
mère vers cette fenêtre qu’est le vagin
de sa mère. Et, c’est seulement après
avoir été achevé verticalement
qu’il pourra poser un regard latéral, horizontal
à trois cent soixante degrés sur ses autres
frères désormais rendus visibles.
Et Néo pressentait déjà
cette nouvelle aventure de sa vie allait lui procurer joie et
découverte.
Il compris que son initiation n’avait
été que sa conception, forme première
de la naissance, où tous les principes lui avaient
été transmis à son insu. Il
n’était sûr que d’une chose :
Tout était en lui, et il se savait rien. Il avait toutes les
têtes de chapitres de sa vie, il attendait de pouvoir les
écrire.
Mais pour l’instant, il était
encore invisible aux yeux de ses frères, il se tenait
caché derrière cette quatrième
fenêtre, toute aussi invisible, les yeux clos, dans la
blancheur de son mercure qui le condamnait à ne regarder
qu’en lui même.
Et c’est ainsi que Néo, après avoir
fait tous ces voyages, se dit qu’il ne manquerait certes pas
d’en refaire d’autres, si, d’ores et
déjà une autre énigme posée
par la construction de sa maison devait être
éclaircie.
J’ai dit
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