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Les Fondamentaux du RER
2 - RER :
Quel ésotérisme chrétien ?
Il y a 1 mois, je concluais
mon 1er moëllon
d’architecture sur «les fondamentaux du
RER » par cette citation du recès
du Convent de WILHEMBAD en 1782 : " La vraie tendance du
Régime
Rectifié est et doit rester une ardente aspiration
à l’établissement de la cité
des hommes spiritualistes, pratiquant la morale du Christianisme
primitif,
dégagée de tout dogmatisme et de toute liaison
avec une Eglise quelle qu’elle
soit "... Bien évidemment,
cette rédaction était de la main de
Willermoz , deus ex machina qui, comme nous l’avons vu,
étant ultérieurement
chargé de la rédaction définitive des
textes fondateurs par ses mandants que
son dévouement à la cause dispensaient de
déperdition d’énergie, profita en
plus de son exceptionnelle longévité pour
interpréter à sa guise son mandat
après le décès desdits mandataires. Il n’en demeure pas
moins que cette notion de
«Christianisme primitif » dans un Rite
dont la particularité exotérique
est de se proclamer chrétien dès la
réception –seul parmi tous les autres rites
tout aussi chrétiens mais qui exigent une initiation- , ce
«Christianisme
primitif » fondateur demande clarification,
notamment par rapport à la
gnose chrétienne. Je vous propose donc ce soir
d’approfondir cette notion de
Christianisme primitif –ou
«originel » selon la formule de Jean
Tourniac-
qui faisait aussi dire au F\ S\, 33e
au REAA et C.B.C.S au RER. qui, en 1910, était de ceux
qui réveillèrent en France le Rectifié
endormi depuis 30 ans : «Personnellement,
j'avoue que le
libre-penseur et le libre croyant que j'ai toujours
été n'a
manifesté en entrant au Rite Rectifié,
aucune hésitation ni aucun scrupule lorsqu’on lui
a demandé de déclarer qu’il
professait l'Esprit du Christianisme, surtout lorsque le Grand
Prieuré a
ajouté, qu’il s'agissait ici de l’Esprit
du Christianisme Primitif résumé dans
la maxime : «Aime ton prochain comme
toi-même », et que l'Ordre se
réclamait de cette morale, qualifiée
chrétienne, mais commune à plusieurs
religions du passé, à certaines écoles
philosophiques grecques ou
latines, et qui se résume dans «l'amour
du prochain » ... Courrier
de JBW à la Triple Union datée
de pluviôse, ventôse, an XIII (1805)
"… mais
les
loges doivent être des écoles de morale
Chrétienne et non pas de catholicisme."
Phrase soulignée dans
le manuscrit. Cette citation est
précédée de : " ... que si depuis
quelques siècles l'église
romaine a eu intérêt de s'approprier exclusivement
la dénomination d'Eglise, il
n'était pas en son pouvoir d’affaiblir la valeur
des paroles de J. C. qui a dit
dans l’Evangile : Celui qui croit en moi
et qui m'aime de tout son
coeur, ne peut pas périr
[souligné] ; qu’ainsi Dieu
étant au-dessus
des jugements humains, c'était à Dieu seul que
les sages devaient abandonner le
jugement de leurs FF qui trouveraient en son temps auprès de
lui le prix de
leurs vertus, de leurs erreurs » Autre
courrier de
JBW à la Triple Union, 22 prairial an 12 (1804) [l'Orateur
(–c’est
moi ;-)] “leur développera la
morale maçonnique, qui étant fondée
sur la morale chrétienne est utile à tous, mais
les temples maçonniques étant
ouverts à toutes les confessions chrétiennes, il
se gardera de traiter d'aucun
des points sur lesquels les opinions sont divisées entre
elles, ...” Last,
but not
least, quelques extraits de L’INSTRUCTION
PARTICULIERE ET SECRETE A MON
FILS POUR LUI ETRE COMMUNIQUEE LORSQU'IL AURA ATTEINT L'AGE DE PARFAITE
VIRILITE, SI ALORS IL SE MONTRE DIGNE DE LA RECEVOIR, (c’est
un titre !)
de la main même de notre «père
fondateur » JBW en 1818 –il
n’avait alors
que 88 ans ( !), mais n'étant plus
menacé par les pouvoirs cléricaux
d'avant la révolution, il s'offre enfin le luxe de
s'exprimer en toute clarté !
On adhère ou pas mais au moins savons nous le fond (ou
presque) de la pensée
willermozienne : «il s'agit de
préparer votre esprit par des explications
très peu connues aujourd'hui quoiqu'elles le
fussent beaucoup dans les premiers siècles du christianisme,
à
apprécier dans sa juste valeur la doctrine religieuse et
chrétienne (…). C'est
là où se trouve l'origine des anciennes
initiations
secrètes, plus ou moins dégradées
(…) suivant le génie des peuples qui les
adoptèrent, dont on retrouve des vestiges dans toutes les
parties du monde, qui
ont même servi de base à la mythologie, qui furent
dénaturées partout (…). Il
se trouvera sans doute des hommes parmi ceux qui sont aujourd'hui
spécialement
et presque exclusivement préposés à
l'enseignement (…) qui s'étonneront de nous
voir placer sur la même ligne (…)
l'étude des traditions religieuses écrites et celle
des traditions non écrites,
secrètement conservées et transmises
dans tous les temps avec les plus grandes
précautions et parvenues jusqu'à
nous » Sous la plume d’un
homme que nous qualifierions
aujourd’hui, de «grenouille de
bénitier », difficile de comprendre des
pensées qui à son époque lui auraient
valu l’excommunication ! …Mais pas plus
difficile que de comprendre pourquoi le
même qui avait placé la charité
chrétienne au sommet de son édifice doctrinal
ne pouvait se permettre de consacrer tout son temps à ses
spéculations que
parce que ses canuts étaient enchaînés
à leur métier à tisser… Considéré
dans son essence chrétienne, le Rite nous situe
au début de la tradition à laquelle il se
rattache (le Christianisme et la
Maçonnerie), en même temps qu'aux fins ultimes du
déroulement cyclique de cette
tradition. Or, il y a là, des " possibilités ",
au sens guénonien du
terme, qui sont encore insoupçonnées lors de la
gestation du rite rectifié,
sauf peut-être dans la vision quasi prophétique de
certains, car il y a une
sorte de " prophétisme ", au sens noble du terme, de la
Maçonnerie rectifiée
résultant de la conjonction des courants
biblico-chrétiens et
maçonnico-templiers ; un prophétisme
découlant de l'ésotérisme du Rite. À ce
degré de connaissance, le Messie-Rédempteur se
révèle
dans sa réalité première de "Centre de
tous les Centres" selon le
terme des litanies, ou de "Lieu des Possibles", deux expressions
exprimant la même notion métaphysique. Or, comme
le dit Jean Tourniac, qui ne
voit qu'illuminé par ce soleil de pure intelligence divine,
le Christianisme
propre au Rite Rectifié, acquiert un rôle
eschatologique –ultime- accordé à la
vision prophétique ? Et qu'il évite de se muer en
secte religieuse concurrente
des églises dans le domaine qui est le leur et où
s'exerce leur magistère
incontesté. Quant à Willermoz,
sa lettre du 3 février 1873 montre
qu’il ne sous-estimait pas les périls
"sectarisants" du Rite. On en
connaît le motif : Willermoz répond aux objections
de Salzmann et B. de
Turckheim qui souhaitaient la disparition de l'Ordre
Intérieur de style trop
immédiatement catholique à leurs yeux, mais
désiraient conserver la
"Profession" : Sans doute ce que Willermoz
entend défendre dans cette
lettre qu’Antoine Faivre qualifie justement de "capitale pour
la
compréhension du willermozisme", c'est la
séparation entre l'ordre
symbolique (comprenant le grade de Maître
Écossais) et la grande Profession, en
étageant, par progression, les affirmations
chrétiennes du Rite qui ne culmineront
qu'au sommet et au terme d'une montée doctrinale
sélective. Nous n'en
retiendrons que cette notion du danger de dérive sectaire
lié à l'exclusivisme,
voire à l’élitisme, périls
sous-jacents à la spécificité
religieuse du Rite,
qu’un fondamentalisme intégriste pourrait oublier
en confondant le respect des
Rituels et de leur esprit avec l'adoration d'une Écriture
Sainte et la
vénération du pur littéralisme. Cette
«exotérisation» du Rite est
à l’opposé de sa
réalité intrinsèquement
ésotérique dont Guénon, entre autres,
nous a fait connaître la nature cognitive
-au sens de la gnose chrétienne, elle-même
à l’opposé du gnosticisme
hétérodoxe. D’ailleurs, toute la
cosmogonie de Martinez de Pasqually peut-être
assimilée à une gnose que Clément
d’Alexandrie n’aurait pas renié, lui qui
illustre avec Origène ce «Christianisme
primitif» cher à JBW. Clément
d’Alexandrie se propose en effet de nous enseigner
«la gnose véritable», celle
qui vient du Christ par la tradition apostolique, et que
l’étude de l’Ecriture
et la vie sacramentelle actualisent en nous. De même, le
grand Origène nous
parle de cette «gnose de Dieu» que peu
d’hommes possèdent et par laquelle Moïse
a pénétré dans la
Ténèbre divine. Et il faut bien dire que lorsque
JBW parle à
son fils de traditions non écrites,
secrètement conservées et transmises
dans tous les temps, il fait directement référence
aux textes apocryphes qui, chez les gnostiques
chrétiens, constituaient un enseignement secret,
conservé et transmis par la
tradition orale. …Mais la gnose en
tant que sujet de réflexion nous
emmènerait trop loin, trop tard ! La notion
même d'ésotérisme chrétien
mériterait un morceau d'architecture particulier… Alors, VM, je me contenterai
ce soir d’évoquer une
interprétation du Rite qui échappe aux limites
temporelles et mentales du
milieu historique qui fut le sien en ce siècle, d'ailleurs
fort peu
traditionnel, de la Révolution française. Cette
interprétation affirme tout
aussi bien le Nom et la doctrine du Rédempteur, la foi en
lui qui découle des rituels
de Maître Écossais et de l'Ordre
Intérieur, mais se trouve accordée aux
données
propres à l'ésotérisme et à
l'Unité transcendante des diverses religions.
D'aucuns qualifieraient cette interprétation
d’"abrahamique" en ce
qu'elle s'étend aux sémites de chair comme aux
sémites en esprit appelés à
cette grâce par Celui que révère le
Rite Rectifié et qui tire son sacerdoce du
Roi-Prêtre Melkitsedeq, ce mystérieux personnage
qui n’apparaît qu’une fois
dans la bible (Genèse 14 : 8) et dont Guénon fait
le père de la "tradition
primordiale". Disons simplement que
l'herméneutique de notre Rite nous
ouvre à la compréhension de "
l'ésotérisme judéo-chrétien
" qui le
fonde. Exemple auquel nous devrions être sensibles : Paul (Romains 11, 24)
s'adresse aux chrétiens de son temps
en ces termes : " Si toi tu as été
coupé de l'olivier sauvage et enté
contrairement à ta nature sur l'olivier franc, à
plus forte raison seront-ils
entés - il s'agit des Juifs - selon leur propre nature, sur
leur propre
olivier". Certes l'Apôtre a
en vue un événement qui touche au
prophétisme, mais qui pourrait bien s'appliquer à
une période où notre Rite
aurait une place de choix, lors de la gloire de l'olive et
qu'évoquent
peut-être ces paroles de l'Ange à Zorobabel en
Zaccharie 4, 11-14 : "
Qui sont ces deux oliviers à la droite et à la
gauche du chandelier ?...Il me
dit : Ce sont les deux fils de l'onction qui se trouvent
près du Seigneur de
toute la Terre. " On sait que, dans la vision de Zaccharie, le
Candélabre
soutient sept lampes comme la Menorah, et que ce sont les sept yeux de
l'Éternel qui parcourent toute la terre, alors que les deux
fils de l'onction
ou les deux oliviers sont Zorobabel et Jésus le Grand
Prêtre. Quant à
l'intériorité doctrinale du Rite en entier, elle
découle d'une propédeutique (=enseignement pour
apprendre à apprendre)
spirituelle, confortée par l'articulation des grades et elle
tient dans cette
identité, déjà signalée,
des Temples de l'Homme, de l'Univers et de Salomon,
des Temples terrestres et céleste, avec le
"modèle christique" offert
par le "divin Réparateur", terme typiquement
martinéziste. Antoine
Faivre notera justement dans son analyse de
l'ésotérisme chrétien: "Au fond
Willermoz a obtenu que les cadres de la Stricte Observance
Templière servissent
à l'enseignement des Coens" et c'est bien pour cela, comme
qu'à l'époque
de Willermoz la classe secrète de la Profession -qui n'avait
point encore
disparu- contenait "l'essentiel de la pensée
martinéziste". Rappelons-nous encore que
l’identité du Rite est faite de
différents apports qui –cas unique et paradoxal-
lui donnent sa cohérence. Le
rite retient en effet : - de la
Maçonnerie spéculative récemment
apparue en
Grande-Bretagne, les rituels, mots, signes et
l'ésotérisme des constructeurs,
l'initiation et les trois grades bien connus, Autre remarque, cette
doctrine est admirablement ventilée
et étagée dans les strates graduelles du Rite
sans contradiction chronologique,
sans anachronisme ou syncrétisme. Donc il s'agit
véritablement d'un
"Ordre" (et non d'un fourre-tout), d'une "cohérence" qui
tranche dans un paysage maçonnique plutôt
foisonnant. Sans doute, ce désir
d'unicité organique et de spécificité
religieuse fait-il peu de place à
l'universalité de l'initiation maçonnique et
à l'universalité traditionnelle d'un
Art qui est d'autant moins catégoriel que
l'ésotérisme est forcément Un ! Mais
ceci, au fond, ne concerne plus la structure et les
caractéristiques du Rite
mais beaucoup plus les critères d'entendement et les
motivations du siècle, en
bref l'ouverture des esprits. On peut en effet penser avec
Tourniac que le Christ est le
Verbe divin incarné, qu'il est dans le Père et le
Père en lui et que l'Esprit
Saint est ce lien de l'un à l'autre... sans pour autant
croire que l'Éternel
n'est... que chrétien ! J'ai dit,
V\ M\ C\
B\ BIBLIOGRAPHIE succincte "Histoire des Francs-Maçons en France",
dirigée par Daniel LIGOU
(chez Privat, plsrs éditions) Et
surtout MERCI aux FF R\
B\,
C\
B\,
P\
N\,
et à
d'autres qui se reconnaîtront pour mes emprunts de certaines
de leurs éminentes
réflexions d'une pensée réellement
partagée. |
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