Obédience : NC Loge : NC - Orient de Lomé - Togo Date : NC


 

Initiable et Perfectible


Nous venons à la Franc-maçonnerie par hasard – même si dit-on, le hasard n’existe pas – guidés souvent par un parent ou un camarade ou un ami maçon qui, sous le couvert du secret, et de la discrétion maçonnique nous prive du minimum essentiel devant nous éclairer dans nos décisions, dans nos choix : obédience, rite, obligations même celle d’ordre financier qui nous suivront toute notre vie maçonnique.

Combien d’entre nous peuvent-ils s’enorgueillir d’avoir réussi fermement à se convaincre au moment de leur demande d’adhésion à l’Ordre de ce qu’ils viennent effectivement y chercher ?
 
Nous connaissons la récitation-réponse aux questions posées à l’audition sous le bandeau : « Mon but en entrant dans la Franc-maçonnerie, c’est mon perfectionnement…» et vous en connaissez la suite.

Quels sont donc les devoirs, les responsabilités d’un présentateur d’un profane qui frappe à la porte du Temple ? Mais que peut attendre un profane naïf d’un Maître présentateur qui n’est pas différent de « Celui qui a reçu la semence parmi les épines » de la parabole du semeur Matthieu 13-V22 ? Or le présentateur garantit la qualité du profane.
Vénérable Maître et vous tous mes Frères en vos grades et qualités,

Le thème de la planche qui fait l’objet de nos réflexions de ce jour à savoir : « Initiable et perfectible » semble à mon humble avis devoir nous amener à méditer un tant soit peut sur la problématique de la qualité de nos recrutements de profanes, de la qualité de ceux-là que nous accueillerons dans la chaîne sacrée de la franc-maçonnerie universelle à travers présentateurs, enquêteurs et tous autres Maîtres de la Loge dès l’instant que le parrainage d’une demande d’adhésion constitue pour le profane concerné un blanc-seing, une garantie de présomption de qualité pour ledit candidat et plus rien ne paraît plus pouvoir remettre en cause son passé douteux, fut-il ténébreux, puisque avons-nous l’habitude d’accepter que tout homme est perfectible.

La Constitution de la Grande Loge de France en son chapitre premier » La Franc-maçonnerie universelle et ses principes » dispose que :
«  La Franc-maçonnerie est un ordre initiatique traditionnel et universel fondé sur la Fraternité.
Elle constitue une alliance d’hommes libres et de bonnes mœurs, de toutes races, de toutes nationalités et de toutes croyances.
La Franc-maçonnerie a pour but le perfectionnement de l’humanité.
A cet effet, les Francs-maçons travaillent à l’amélioration constante de la condition humaine, tant sur le plan spirituel et intellectuel que sur le plan du bien-être matériel. »

Il résulte de cette introduction à la Constitution que l’entrée dans l’Ordre se fait par initiation dans le but de perfectionner l’humanité. Et cette déclaration soulève des interrogations :
Quelle signification révèlent les termes initiation et perfectionnement ? Quelles conditions faut-il remplir, quelle qualité faut-il présenter pour être éligible à l’initiation ? En d’autres termes, tout candidat à l’initiation est-il initiable ? Tout homme est-il perfectible ? Toute initiation induit-elle le perfectionnement de l’homme ? Le perfectionnement de l’homme est-il subordonné à une initiation ?
Pour tenter de répondre à tous ces questionnements, j’articulerai mon morceau d’architecture autour de deux axes :
                   I - L’INITIATION ET L’INITIABLE
                   II- L’HOMME PERFECTIBLE EST-IL INITIABLE ?

I  L’INITIATION ET L’INITIABLE

L’initiation selon le Petit Larousse Illustré 1989, est soit, « l’action de révéler ou de recevoir la connaissance d’une pratique, les premiers rudiments d’une discipline ;
soit, la cérémonie qui fait accéder un individu à un nouveau groupe d’appartenance (classe d’âge, métier par exemple) dans les sociétés non industrielles ;
soit l’ensemble de rites d’application dans les cultes à mystères de l’Antiquité orientale et gréco-romaine ; soit, aujourd’hui, l’ensemble de cérémonies introduisant dans des sociétés secrètes. »

Comme on le voit, l’initiation se pratique dans beaucoup de pays et dans plusieurs domaines.

Dans nos sociétés traditionnelles africaines, elle se rencontre dans les classes d’âge : les évalas en pays Kabyè, la circoncision chez les Bambaras en Côte-d’Ivoire ou au Mali, l’excision dans certaines régions africaines, l’Akpéma chez les filles Kabyè, etc. ; l’initiation de métier de forgeron dans le village de Yohonou, l’initiation au Fa (la géomancie), au Vodou qui prend plusieurs aspects qu’on ne saurait, par prudence, développer ici. Dans certaines circonstances et dans certaines contrées, des batteurs de tam-tam et des chanteurs titulaires (Hasinon) reçoivent des initiations appropriées pour être performants.
En pays Guins, les Rois sont soumis à des initiations spéciales avant leur intronisation et leur décès est tenu au secret pendant longtemps avant d’être divulgué le moment venu.
Chez les Pédas, les nouveaux-nés subissent trois initiations :
                . « Esunkuku » première sortie de l’enfant
                . « Edjédada » initiation à l’alimentation en dehors du sein maternel
                    symbolisée par le sel
                . « Vodukon » le baptême au cours duquel est attribué le nom Pédah.

Comme on le constate, nos traditions africaines regorgent de richesses culturelles de moins en moins maîtrisées à cause de leur transmission par voie orale.
D’ailleurs le Passé Vénérable Maître GBEDZE Emmanuel dans sa récente planche sur « Le Secret, le Serment et la Tradition » avait eu à souligner le peu d’intérêt que nous initiés francs-maçons nous portons à la maîtrise de la connaissance desdites traditions. Malheureusement, et c’est le drame, des confessions et sectes religieuses contribuent intensément à leur destruction, à leur disparition.

A ce propos Martin GRAY dans son ouvrage « LE NOUVEAU LIVRE » déclare :
« Dans les sociétés, jadis, le passage de l’adolescence à l’état adulte donnait lieu à une initiation. Les Anciens, les sorciers, entouraient l’adolescent qui subissait des épreuves. Au terme de ces cérémonies, l’adolescent était devenu un guerrier et pouvait affronter la société des hommes, dont désormais il était membre.

Où sont nos initiations ? Où sont les aînés et les prêtres qui entourent les adolescents ? Qui leur dit que le temps vient, pour eux des responsabilités ? Qui leur dit que la société dont ils font partie doit être respectée ? Qui leur parle du sacré des choses ? Des Ancêtres ?
Dans notre temps sans racines où seule la consommation rapide des objets détermine nos actions, les adolescents sont laissés sans cérémonie initiatique.
Alors, ne t’étonne pas s’ils les organisent à leur gré et s’ils prennent des risques pour se prouver qu’ils sont devenus hommes. Quand ils se lancent à grande vitesse sur des circuits dangereux, quand ils pratiquent la violence et même le vol, quand ils se droguent parfois, ils cherchent à se prouver qu’ils sont des initiés. »

Je ne saurais clore ce volet d’initiations non maçonnique sans faire allusion à celles qui se pratiquent dans les religions importées notamment chez les Chrétiens Catholiques à savoir le baptême, le diaconat et l’épiscopat.
Que représente à présent l’initiation en Franc-Maçonnerie ?

En Franc-Maçonnerie, le terme d’initiation désigne la réception ou l’admission d’un apprenti. Il n’apparaît pour la première fois dans la terminologie maçonnique qu’en 1801 et devient officiel en 1826, faisant son apparition dans la Constitution du Grand Orient de France.

Durant tout le XVIIIème siècle, la cérémonie d’apprenti en France est simplement appelée réception. Dans les années 1740, lorsque le récipiendaire frappe à la porte de la Loge, il était présenté comme un gentilhomme qui demande à être reçu maçon, et cela qu’il fût noble ou roturier.

Selon Irène MAINGUY :
« l’initiation a une vocation universelle, visant à favoriser les possibilités de réalisation de tout être (homme ou femme) qui a la volonté de travailler à l’épanouissement harmonieux de ses potentialités physiques, psychiques et spirituelles, de recréer en lui ou elle un prototype d’être parfait, crée à l’image de Dieu, comme celui décrit dans la Genèse.

L’initiation veut dire à la fois commencement et mise en route. C’est un processus qui sert à ouvrir l’entendement et permet de comprendre non seulement les apparences de ce qui nous entoure, mais aussi la nature profonde des choses. Par ce chemin, la connaissance conduit à l’unité, comme l’ignorance à la multiplicité dans laquelle il y a danger de se perdre. »

Etre initié, c’est renaître autrement à soi-même. L’initiation correspond à un processus volontaire pour s’extraire du monde profane, du monde chaotique, de la matière, pour recevoir par l’intermédiaire d’une chaîne ininterrompue, l’influence spirituelle. Celle-ci ne sera opérante que par un travail actif sur soi, permettant petit à petit à l’initié de rectifier, comme dans l’image de la taille de sa pierre qui représente la succession de ses efforts jusqu’à la perfection espérée.

L’initiation est le point de départ qui permet à tout cherchant de pouvoir développer ses possibilités latentes, d’éveiller son entendement, son esprit. Ce travail individuel nécessite l’effort, le courage, la lutte et la persévérance. C’est une voie active, de quotidiennes remises en questions, un état d’instabilité permanent, inconfortable, mais nécessaire à l’éveil de la conscience.

Trois critères sont généralement admis pour que l’initiation puisse un jour être effective :
La qualification ou aptitude de l’être
La réception régulière des rites et la transmission du rituel
La réalisation personnelle par l’effort physique, intellectuel et spirituel

Selon Benoist, les conditions les plus impératives pour recevoir l’initiation peuvent se résumer en quatre points : la pureté du corps, la noblesse des sentiments, l’ampleur de l’horizon intellectuel et la hauteur de l’esprit.
On ne saurait trop souligner le caractère rituel de toute initiation et aucune n’existe sans le respect et l’accomplissement de certains rites. L’initiation est une cérémonie qui a des règles et des exigences en matière de lieu, de temps et d’action.

- Le Lieu : L’initiation, une cérémonie à caractère sacré ne peut se dérouler que dans un lieu sacralisé par un rituel, un temple ou autre lieu clos, à couvert du monde profane, fréquenté par des initiés seulement.
- Le Temps : Le rituel se situe dans un temps privilégié immuable de douze heures entre midi et minuit.
- L’Action : C’est le symbolisme contenu et mis en action dans les différentes étapes de la réception.
Guérillot quant à lui constate que toutes les voies initiatiques véritables guident l’homme vers le respect de lui-même et de l’autre. Toutes, d’une façon ou d’une autre dérivent de la loi d’Amour. Elles sont difficiles et réclament des efforts incessants. Aucune ne confère de pouvoirs, de supériorité, de savoirs cachés mais toutes sont des voies d’humilité et d’accomplissement du devoir. »

Mais alors, quelles conditions doit-il remplir, quelles qualités doit posséder un postulant pour paraître éligible aux mystères d’une initiation ?
Dans notre Afrique profonde et traditionnelle, les personnes âgées dépositaires de nos secrets ou détentrices de pouvoirs occultes pour l’entretien et la protection de la famille, de la communauté ne les transmettent qu’à des jeunes sérieux, dignes de probité, qui font preuve de circonspection et de maîtrise de soi dans leur comportement.
En effet, à quoi serviront nos valeurs initiatiques si elles doivent contribuer à l’autodestruction de nos sociétés ?

Ne nous étonnons donc pas si le triste constat est que nous assistons de plus en plus à leur disparition parce qu’il existe hélas, de moins en moins de personnes dignes de confiance pour recevoir leur transmission.
En franc-maçonnerie, tout profane qui frappe à la porte du Temple détient-il toutes les aptitudes pour sa réception ? En d’autres termes, tout profane est-il initiable aux mystères de l’Art Royal ?

Initier quelqu’un, c’est le mettre à un début de chemin. Ce n’est pas le mettre dans « un » chemin, ni le mettre au début du « seul » chemin, ou encore de le mettre au début de notre chemin. Il s’agit de le mettre au début de « son » propre chemin. Le chemin non pas qu’il va suivre, ou poursuivre, mais qu’il va créer, avec l’aide des frères mais en restant libre de sa démarche.

L’initiation est une démarche accompagnée de serments faits à soi-même, en présence des autres, témoins de l’alliance promise par soi-même au « futur soi-même ».
La Franc-Maçonnerie à ses règles qui ne contraignent que ceux qui le veulent bien et assument de se conformer (et non obéir) à leurs serments et à leur conscience.

Pour Oswald WIRTH dans son ouvrage « Les mystères de l’Art Royal » :
« Tout bois n’est pas bon à faire un Mercure, toute roche ne fournit pas une pierre convenable aux constructeurs, tout aspirant à l’initiation n’est pas initiable. »

Pour demander à devenir Franc-maçon ; il faut désirer la lumière. Or nous ne désirons que ce qui nous manque ; il est donc nécessaire de se sentir dans les ténèbres pour éprouver le besoin d’en sortir… Celui qui croit posséder la vérité ne songe pas à la chercher, de même que le juste satisfait de sa vertu néglige son perfectionnement moral. Il est donc compréhensible que le savant figé dans sa science dédaigne de se faire initier, car riche de ce qu‘il sait, il n’a pas plus à solliciter une instruction nouvelle que le croyant certain de ses croyances.

L’initiation s’adresse donc aux esprits inquiets, à ceux que ne satisfait pas ce qu’ils ont pu apprendre. Il faut être mécontent de soi-même, de son savoir et de sa sagesse, pour aspirer à mieux. Celui qui adhère à un intangible credo religieux, philosophique, scientifique ou politique à tort de se diriger vers la porte du Temple… La vocation initiatique se rencontre parmi ces vagabonds spirituels qui errent dans la nuit après avoir déserté leur école ou leur église, faute d’y trouver leur Vraie Lumière.

L’Initiable doit être un « homme libre et de bonnes mœurs » ; c’est pourquoi d’ailleurs, dans le Rituel de réception au premier degré symbolique, la formule « libre et de bonnes mœurs » est proclamée par le Frère Expert d’abord en se portant garant du postulant avant son introduction dans le Temple par la porte basse, ensuite à la fin de chacun des trois voyages.
La même formule est également rappelée par le Frère Orateur dans la lecture des principes fondamentaux de la Franc-Maçonnerie du Rite Ecossais Ancien et Accepté, après l’entrée du candidat dans le Temple.

Dans cette formule traditionnelle « Né libre et de bonnes mœurs » la liberté de naissance ne concerne pas uniquement l’état de liberté relativement aux engagements que prend un Franc-Maçon à savoir : venir aux réunions et remplir ses devoirs d’initiés ; il s’agit de la liberté spirituelle qui implique une mort libératrice conduisant à une nouvelle naissance. Pour se dire initiatiquement libre, il faut s’être affranchi de l’esclavage profane.
L’initiable doit comprendre qu’en initiation pure, rien ne s’enseigne dogmatiquement et ce qu’il apprend, il ne peut le découvrir qu’en lui-même en s’initiant réellement aux mystères de l’Art c’est-à-dire, en acceptant de devenir un artiste de l’Art de penser, essentiellement basé sur l’impartial discernement du vrai et du faux. Un postulant qui refuse de s’initier à l’Art des penseurs pour se sentir capable de chercher en lui-même une vérité qui ne peut lui être offerte de l’extérieur, un postulant qui manque de perspicacité restera profane en dépit de la plus solennelle réception cérémonielle car, si contrairement aux espérances qu’il avait fait concevoir aux initiateurs il se montre inapte aux œuvres de l’esprit, il ira malheureusement grossir le nombre des appelés qui ne sont pas élus.

L’analyse des critères de qualification d’un candidat à l’initiation repose la problématique du choix, du recrutement de profane initiable aux mystères de la Franc-Maçonnerie même si nous admettons que tout homme est perfectible. Cependant, la question se pose de savoir si la perfectibilité de l’homme induit à l’évidence son initiation ?

II- L’HOMME PERFECTIBLE EST-IL INITIABLE ?

Etre perfectible, c’est être susceptible d’être perfectionné, de se perfectionner. Le perfectionnement, c’est la qualité, l’état de ce qui est parfait, qui n’est pas susceptible d’amélioration ; personne, chose parfaite en son genre. Perfectionner, c’est rendre plus proche de la perfection, améliorer. Se perfectionner, c’est devenir meilleur ; améliorer ses connaissances, progresser, devenir parfait c’est-à-dire réunir toutes les qualités.

Depuis les temps immémoriaux, le monde s’est édifié sous le signe de la perfection. Dans le Livre de la Genèse chapitre I versés 1 à 2 du Volume de la Loi Sacrée, il est déclaré : « Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. La terre était informe et vide ; il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, et l’esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. »
Alors patiemment, de façon ingénieuse, Dieu perfectionne son œuvre. Ainsi pendant six jours – le septième pour se reposer – Dieu mit en place toutes les structures du monde : lumière, ténèbres, jour, nuit, ciel, terre, mer, soleil, lune, étoiles, végétation, arbres fruitiers, animaux, poissons, oiseaux etc. et enfin l’homme, qu’il dota du pouvoir de domination, de vertus, d’intelligence et de sagesse pour s’identifier à son créateur, gouverner et poursuivre avec perfection l’œuvre.

A travers des siècles, l’homme n’a donc cessé d’améliorer son existence par son génie créateur qui lui permet de s’investir dans des recherches scientifiques, techniques et technologiques pour transformer son milieu, son environnement, se nourrir, se vêtir, se loger, se soigner, se déplacer sur terre, sous terre, sur mer, sous mer, dans le ciel, s’éclairer etc.

L’homme crée à l’image de Dieu ne porte-t-il pas lui-même le germe de la perfection ?  Du fœtus du sein de sa mère, il se développe pour naître après neuf mois. Alors commence sa vie sur terre : enfance, adolescence, âge adulte, troisième âge, vieillesse, mort et peut-être réincarnation plus tard… l’éternel recommencement.

Dans toutes les dimensions de sa vie, l’être humain cherche toujours à se surpasser, à considérer chaque aboutissement comme un nouveau point de départ pour une meilleure conquête.

Ainsi donc tout homme, quel que soit son domaine de compétence est perfectible (élève, enseignant, intellectuel, artisan, artiste, sportif, paysan et j’en oubliais). Comment cela pourrait-il en être autrement face au rythme effréné imprimé au progrès scientifique, technique et technologique en ce début du troisième millénaire, ère de l’Internet, des bébés in vitro. Celui qui se dérobe à sa propre remise en cause, à son adaptation, à sa formation, au recyclage, bref à son perfectionnement par la connaissance est vite dépassé, se sclérose et s’auto élimine.

La Franc-Maçonnerie universelle souscrit à la perfectibilité de l’homme et la Grande Loge de France la proclame aux alinéas 3 et 4 du 1er Chapitre de sa Constitution en ces termes : « La Franc-Maçonnerie a pour but le perfectionnement de l’Humanité. 
A cet effet, les Francs-Maçons travaillent à l’amélioration constante de la condition humaine, tant sur le plan spirituel et intellectuel que sur le plan du bien-être matériel. »

Pour Jacky FRANKLIN, juif de confession et franc-maçon de la G\L\D\F\, « Dieu a fait le pari de la perfectibilité de l’homme en devenir. La création n’est pas terminée, l’homme continue la création. Pour être exact, il est créateur pendant six jours et le septième il redevient créateur pour honorer son Dieu. »

Pour le juif, l’éveil spirituel est la clé de son devenir. Il lui appartient de parfaire la création. C’est donc en toute logique que la Kabbale nous apprend que la première question qui est posée à celui qui accède au monde d’en haut après la mort terrestre, est : « Es-tu devenu ce que tu es ? »

Pour le Franc-Maçon, l’homme est aussi créateur de lui-même. Sa vie est un voyage, non pour faire mais pour devenir. Il devra passer du « Connais-toi toi-même » à «  Deviens qui tu es » puis » Découvre ce à quoi tu sers. » Le voyage qui amène à la perfectibilité et à la liberté est un voyage à l’intérieur de soi qu’il faut accomplir en taillant la pierre, symbole de l’homme, du matériel au spirituel.

Il ressort de ces assertions que l’homme est perfectible dans toutes ses dimensions. Cependant j’incline à me persuader que sa perfectibilité n’induit pas l’évidence de son aptitude à une véritable initiation aux mystères de l’Art Royal s’il n’est pas au préalable initiable c’est-à-dire digne d’être initié, de s’initier à l’art de penser.

Vénérable Maître et vous tous mes Frères en vos grades et qualités, la Franc-Maçonnerie n’admet en son sein que des postulants libres et de bonnes mœurs, formule qui implique à mon humble avis un abandon véritable des métaux synonyme d’abandon du vieil homme pour un homme nouveau, d’une mort libératrice conduisant à une renaissance. Cela exige de l’éternel apprenti que nous devons être, que nous devons rester, une bonne dose de connaissance de soi, une permanente introspection par l’application de la formule hermétique VITRIOL, beaucoup d’humilité, de courage, de tolérance, de justice, de charité, de foi et d’Amour.

Mon très cher et aimé Frère, toi qui m’écoutes en ce moment, je t’invite à expérimenter avec moi cet exercice d’introspection et aussi de rétrospection pour te poser comme moi la question de savoir d’où tu viens, qui tu es, que deviens-tu ? C’est une invite à reprendre la barque du parcours initiatique pour répondre à la sollicitation : qu’as-tu fait, que fais-tu, que feras-tu de la lumière reçue dans ce temple et dans ton temple.
Je me souviens comme c’était hier des péripéties de mon initiation. Je ne sais pas si j’étais digne d’être admis aux épreuves, si j’étais initiable, mais je me rappelle toujours ce que mon parrain le Fr\ D’A\ A\ G\ Geo\ paix à son âme, passé Vénérable Maître de cette Loge : « François tu es un maçon sans tablier », peu après son affectation dans mon service à la Direction Générale du Plan et je n’y comprenais rien.

Quelques temps après ma demande d’admission à l’Ordre, j’ai été convoqué pour mon audition sous bandeau avec rendez-vous devant la Société d’Ameublement B\ non loin de la Colombe de la Paix. J’étais présent avant l’heure fixée mais, après plus d’une heure d’attente, j’ai déserté les lieux pour rentrer chez moi. Quelle lèse majesté à un Directeur de Service ? Vous avez certainement compris par mon comportement le sens du symbolisme de l’abandon des métaux. Je me suis assagi le jour du deuxième rendez-vous.
Après mon initiation on me demande de présenter mes impressions et je voudrais livrer à votre méditation la première phrase introduisant ma planche d’impressions d’initiation que j’ai empruntée à un auteur classique français : « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. »

Je laisse humblement à votre appréciation quel genre de franc-maçon je suis devenu. Un modèle à suivre ? je ne sais pas mais j’en doute. Ce que je sais –comme dirait l’autre – c’est que je ne sais rien, je suis resté un éternel apprenti. Ce que je sais également, c’est que les plateaux d’officiers me laissent indifférents et celui de commissaire aux comptes s’est imposé à moi ; autrement, j’aurais déserté les Colonnes du Delta du Bénin  pour mieux me positionner dans la toute première Loge à l’occasion d’essaimage. J’ai été initié aux Hauts Grades dans une Loge sous les auspices du Suprême Conseil de l’Afrique de l’Ouest onze ans après ma cooptation par une loge du Suprême Conseil de France.

Nous étions cinq à recevoir la lumière ce 23 juin 1979. Nous sommes restés trois en activité, deux sur les colonnes du Delta du Bénin dont mon cher Fr\ T\ A\ et un sur les colonnes des Disciples d’Hiram. Les deux autres ont démissionné l’un au grade de Compagnon et le second après sa maîtrise.

Je profite de l’occasion pour rendre un vibrant hommage au premier passé Vénérable Maître de cette Loge et qui lui aura tout donné, toujours sur les colonnes parmi nous malgré ses problèmes de santé, le vigilant oeil du Maître, dusse sa modestie en souffrir, l’infatigable et Respectable Frère aîné G\ F\.

J’ai amené à la Franc-Maçonnerie comme présentateur plusieurs jeunes frères dont la majorité appartient à ma famille et je vous prie de m’en excuser. Ai-je gagné le pari ? A eux-mêmes d’abord et à vous de l’apprécier. Je souhaite cependant qu’ils soient des maillons solides dans notre chaîne d’union et que l’apprenti dépasse le Maître.
Pour les Francs-Maçons, l’homme est perfectible et il est perfectible par la connaissance, par la connaissance du monde, mais en même temps, par la connaissance de soi, car on ne libère pas les autres sans se libérer soi-même et les deux mouvements doivent aller en même temps. La Franc-Maçonnerie est donc une école qui permet à l’homme, avec les outils de la raison, de devenir lui-même.

Mais on n’entre pas facilement dans la franc-maçonnerie, car son idéal ou ses méthodes particulières ne conviennent pas à tout le monde. L’engagement maçonnique est sérieux et ne doit pas se prendre à la légère. Il suppose que la personne qui fait sa demande soit prête à faire un effort personnel sur elle et autour d’elle, qu’elle croie en la possibilité de s’améliorer et de parfaire la société, qu’elle recherche la tolérance et partage l’idéal de liberté, égalité et fraternité, qu’elle soit à l’aise dans un groupe, qu’elle ait une sensibilité s’accordant avec le symbolisme et la démarche initiatique.

Le choix des profanes postulant à l’initiation aux mystères de l’ordre doit être sérieux, rigoureux, sélectif.

Au nom du principe de la perfectibilité de l’homme, des frères favorisent grâce au parrainage, l’admission dans nos Temples, des profanes nullement ou insuffisamment préparés, pour servir de tremplin à l’arrangement de leurs affaires, pour du copinage ou du clientélisme.
Ces profanes « ininitiables » devenus francs-maçons malgré eux sont déçus dès leur réception et font des excuses avec oboles leur règle d’assiduité sur les colonnes s’ils ne les désertent pas à très brèves échéances, fiers qu’ils restent de leur ego, toujours lourds de leurs métaux.
Malheureusement et c’est le drame, certains de ces frères sont toujours parmi nous et réussissent à atteindre l’ultime grade de notre rite et semblent à mon humble avis constituer un danger pour notre ordre. Sinon, comment expliquer les récents évènements de triste mémoire tels qu’on nous les avait révélées à l’occasion de notre dernière fête du Rite à Abidjan. Comme disait un illustre maçon de notre Loge que je me permets de paraphraser, il faut tout cela pour faire la Franc-Maçonnerie.

A ce propos Oswald WIRTH déclare : « Les disciplines de l’esprit ont leur raison d’être ; aussi convient-il que le croyant inébranlable en sa foi demeure fidèle à sa religion, que le philosophe ancré dans son système en reste prisonnier, que le scientifique s’en tienne à ses conceptions, que sectes et partis, doctrines et opinions conservent leurs adhérents. Ce n’est pas l’initiation qui les leur dispute. Religieux ou laïcs, les troupeaux humains retiennent les timorés que ne tourmente aucune soif d’indépendance ; il n’y a donc pas à émanciper ceux qui ne sauraient se passer de tutelle.
Quant aux autres, ils se libèrent d’eux-mêmes pour naître à une liberté qui les autorise à se dire nés libres. Ce sont eux que les Francs-Maçons reconnaissent dignes d’être admis aux épreuves de l’initiation. »

CONCLUSION

Vénérable Maître et vous tous mes Frères en vos grades et qualités,
« Initiable et perfectible » tel est le thème du sujet de réflexion de notre tenue de ce jour et j’aurais pour ma part préféré l’inverse à savoir « perfectible et initiable ». Ce thème à mon sens pose la problématique des qualités des profanes qui frappent à la porte de nos temples c’est-à-dire leurs aptitudes à être éligibles aux mystères de l’Art Royal. En l’occurrence, c’est la responsabilité de toute la Loge en général, en particulier celle du présentateur et notamment celle des enquêteurs qui sont engagées.

Je vous ai livré une planche déjà longue et vous voudrez bien m’en excuser. Cependant, il y a lieu de souligner l’importance de l’admission d’un profane à l’initiation et l’attention qu’il faudra y attacher.

Selon Irène MAINGUY « Il ne faut pas prendre la chose à la légère et se dire que l’on verra bien après l’admission si le choix a été bon ou mauvais et que les indésirables s’élimineront d’eux-mêmes par la suite. Elle estime que l’admission faite à contretemps entraîne souvent des risques aux conséquences graves. En effet, celui qui est reçu et, après un temps plus ou moins long déserte nos temples est un élément qui peut devenir dangereux. N’ayant pas assimilé nos enseignements, il les dénigrera, les tournera en dérision et c’est parmi ces ex-Frères que l’on rencontre souvent les ennemis les plus acharnés de la maçonnerie ».
En ce sens, la G\L\D\F\ a conçu un schéma de rapport d’enquête qui permet, en l’exploitant avec soin, de cerner la qualité du profane, apprécier s’il est libre et de bonnes mœurs, libre parce que disposant librement de sa personne, libre de toute contrainte qui soit un obstacle, et que son esprit n’est pas inféodé à une idéologie totalitaire ; de bonnes mœurs c’est-à-dire homme loyal, d’honneur et de probité.

Je suggère à ce propos que soit envisagé à l’avenir à l’intention des Maîtres une ou des planches d’éducation maçonnique sur les enquêtes et le parrainage.

Vénérable Maître et vous tous mes Frères en vos grades et qualités, en cette année maçonnique, celle de notre 33ème anniversaire placée sous le signe de la solidarité, perfectibles et initiables, éternels apprentis, prenons l’engagement de toujours nous remettre en cause – cent fois sur le métier remettons l’ouvrage - afin de maintenir en éveil et faire briller au dehors la lumière spirituelle latente en nous pour faire de la Franc-Maçonnerie le Modèle souhaité. Puisse la sagesse assister notre légitime ambition, la force la soutenir, la beauté l’orner pour que la paix règne sur la terre, l’amour règne parmi les hommes et que la joie soit dans les cœurs. On n’est pas initié, on s’initie soi-même.

J’ai dit.

F\ François Edorh

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