Obédience : NC Loge : NC 20/12/2005

 

Le choix maçonnique

C’est un choix délibéré qui m’a poussé à choisir ce sujet, mais ais-je fait le bon choix ? je peux dire que ce simple mot constitue à lui seul un morceau de choix, car il symbolise toute la complexité de l’être pensant.

Il nous est tous arrivé de nous retrouver confronté à ce dilemme : faire le bon ou le mauvais choix ; sur quels critères nous basons-nous pour établir notre choix ? et ceci en toutes occasions, car la vie nous amène régulièrement à prendre des décisions bien souvent en notre âme et conscience.

Le pouvoir de choisir correspond à une faculté, à une liberté de sélectionner selon une préférence, mais comment décide-t-on d’effectuer un choix ? quel est ce libre arbitre spécifiquement humain qui nous pousse à agir suivant des convictions, et ainsi donc à évoluer.

En mathématique, l’axiome du choix s’oppose au postulat de la philosophie, car le premier doit être accepté comme vrai, alors que le second peut être mis en doute.

Symboliquement le choix est assimilé au carrefour, car il représente la croisée des chemins et véritablement un centre du monde, un lieu sacralisé qui provoque l’arrêt et la réflexion. De même la balance, immortalisée par THEMIS, permet de peser le bien et le mal selon une loi universelle.

Mais qu’en est-il exactement ?

Pour répondre à cette question, je me suis efforcé de traiter ce sujet en 3 parties, en sachant très bien que ce travail restera inachevé, et pour cela je vous parlerai d’abord de LA MECANIQUE DU CHOIX, puis nous essaierons de comprendre LE CHOIX MACONNIQUE avant de terminer en posant cette question LE CHOIX EST-IL UN CHOIX.

LA MECANIQUE DU CHOIX…

Pour beaucoup d’entre nous, choisir entre telle ou telle option n’est pas vécu seulement comme une difficulté, mais relève souvent du supplice intellectuel ou de l’égoïsme pur et dur.

La vie nous offre si peu d’occasions de choisir en toute liberté, sans à priori, sans références au passé ou par peur de l’avenir, même dans les circonstances les plus simples et les plus quotidiennes, que cette faculté est souvent mal utilisée par chacun de nous.

Notre civilisation s’est appliquée, depuis tant de générations, à fournir des schémas comportementaux et des archétypes censés répondre à toutes les circonstances. La richesse de l’existence réserve autant de nuances et de surprises que l’on est amené à faire des pauses, à réfléchir, et à faire des choix. On hésite régulièrement, entre tel ou tel aliment, entre tel ou tel vêtement, entre telle ou telle attitude, entre telle ou telle réflexion. Mais qui l’emporte ? la raison ou la spontanéité ?

Il n’est pas facile non plus de choisir le partenaire idéal, aussi amoureux soit-on. L’idéal étant un leurre ou un rêve éveillé qui constitue un attrait, une étoile qui flamboie si loin de nous qu’elle reste inaccessible.

Si l’on y ajoute nos propres interrogations, nos références archétypales, nos peurs et notre propre sensibilité, les causes du choix sont multiples. Certaines sont personnelles, d’autres, bien qu’extérieures ont aussi une incidence sur le flottement psychique et mental du choix.

L’aptitude à choisir est le résultat de l’expérience, du savoir penser et du savoir vivre. Ce n’est pas une question purement intellectuelle car le choix serait alors aussi facile que de déterminer le cosinus de « X » ou de « Y ». l’intellect est cartésien, le choix, lui, ne l’est pas toujours car il fait appel à l’inconscient, aux brûlures du passé, à l’enfance, au goût ainsi qu’au plaisir et aux sens.

Le raisonnement peut nous amener à trouver une multitude d’arguments POUR ou CONTRE les éléments en cause ou en balance, mais ce n’est pas la raison qui décide. Il y a quelque chose au delà, quelque chose de plus fort et de plus déterminé qui nous pousse à l’action = LA VOLONTE. Soit elle est atrophiée chez certains, soit elle est hyper développée chez d’autres, mais elle est le vecteur principal du choix.

Le manque d’expériences de vie, solides, bien assumées et bien assimilées, fait qu’il est très difficile de pouvoir choisir, car il reste toujours une trace d’incertitude, de doute, un sentiment de n’avoir pas trouvé ce qui nous correspondait vraiment.

La normalisation du choix se fait à l’adolescence, car jusque là le choix nous est imposé et il fait référence aux valeurs sociales dominantes, aux normes morales, aux modes, aux convenances, au prestige, à l’idée générale, à l’influence familiale, à la religion, à la crainte du rejet par les groupes institués mais aussi au besoin d’affirmation de la personnalité.

Choisir, c’est avoir la capacité d’appréhender tous les tenants et les aboutissants en prévoyant les conséquences de la décision. Mais qui n’a jamais poussé un cri de liberté en s’égarant dans un choix contestataire, afin de se démarquer de la logique commune, afin d’avoir l’illusion de ne pas faire comme les autres.

La pression extérieure est souvent dictée à notre conscience endormie, les idées suggestives nous pénétrant de façon subliminale sans aucune intervention de notre part, comme la publicité, par exemple, qui influence directement notre choix en nous présentant une propagande subtile et influente sur nos opinions intimes.

Choisir serait donc une fonction de l’intelligence et non de la raison. La raison est un instrument à la disposition de l’esprit qui fait référence à des normes, ainsi qu’à l’ensemble des injonctions et des convenances que la société nous impose.

L’intelligence, par contre, est discernement, elle permet d’identifier toutes les options possibles afin de nous amener à choisir la plus acceptable en fonction de sa propre expérience et de son propre jugement. Cette décision impliquera une responsabilité personnelle face au succès ou à l’échec, par une prise de conscience claire de l’effet et de sa cause. C’est une raison d’être de l’intelligence. elle nous permet de décider en toute connaissance de cause et d’en tirer un enseignement pour chacun de nos choix. Mais les effets ne sont pas toujours positifs, ce qui implique la possibilité d’un nouveau choix afin de rectifier le premier ou de ne plus le répéter, même à distance, car la mémoire nous rappellera en temps voulu qu’un même choix n’est pas possible sinon à commettre la même erreur.

En toute objectivité, il apparaît bien souvent difficile de savoir appréhender toute la palette d’options qui ont été préalablement acceptées ou rejetées par ceux-là mêmes qui ont le pouvoir d’en décider ainsi, comme par exemple, les parents, les professeurs, les législateurs ou encore les religieux.

En fait, l’enfance conditionne le choix, qui se modifie ensuite en fonction de l’affirmation de sa propre responsabilité, des évènements et de l’expérience.

Choisir, au fond, c’est dire OUI à une option, le OUI n’étant qu’une action en demi teinte, ou NON à telle autre, le NON n’étant qu’une simple abstention.

Il ne sert donc à rien de faire porter la faute aux autres en cas d’échec si nous n’osons pas utiliser notre volonté et rectifier nos erreurs avec la plus grande fermeté. Une infirmité au niveau du mental et de la volonté est généralement irréversible et entraîne la déchéance psychique à cause du NON-CHOIX. Ce cas est affligeant et pose aussi le problème de l’atermoiement.

A ce sujet je me suis souvenu de l’histoire de l’ANE DE BURIDAN, que DIOGENE racontait à ALEXANDRE LE GRAND lorsque celui-ci l’implora de lui indiquer une méthode pour établir son choix. Cet ANE hésitait entre le trop grand bol d’avoine et l’eau trop claire que lui donnait son maître, plein d’attention pour lui. Lorsqu’il mangeait il avait soif et lorsqu’il buvait il avait faim, il ne savait plus que choisir et il mourut de faim et de soif. Et que dire de certains marins qui rêvent de la terre lorsqu’ils sont en mer et qui ne pensent qu’à repartir en mer lorsqu’ils sont à terre. Quelle hésitation cruelle éprouvent certains autres hommes qui n’arrivent pas à choisir entre leur femme et leur maîtresse. Le dilemme ou le choix cornélien sont autant de parts de rêves qui nous arrachent aux chaînes du conformisme.

En cela, la liberté est sans doute le meilleur vecteur du choix, car l’homme libre aura une sensation d’épanouissement, même s’il hésite, alors que l’homme asservi n’aura qu’une sensation de frustration, sans aucun choix possible puisqu’il lui est imposé.

Nos sociétés modernes ne nous laissent pourtant pas toujours le choix, car elles sont hyper réglementées et régies par des lois trop souvent contraignantes. Le tout est planifié, nos comportements sont étudiés, disséqués et interprétés. Aux niveaux individuel et collectif, l’homme se heurte trop souvent à une double incapacité à choisir. D’abord par manque de discernement et ensuite par manque d’options valables, ce qui nous amène à faire comme tout le monde pour ne pas choquer les habitudes établies.

Il s’agit là certainement d’un constat négatif, mais sommes-nous réellement libre de choisir en toute liberté, sommes-nous seulement assistés ou pouvons-nous affirmer nos opinions, afin de satisfaire nos besoins, nos rêves ou nos idées ? le déterminisme ne prend-t-il pas le pas sur le libre arbitre ? et quel Dieu croire quand toutes les religions promettent le paradis sur Terre, comment avoir foi si Dieu est vérité, alors que l’horreur et le péché nous guettent à chaque instant ? le libre penseur n’est-il pas opposé à toute croyance religieuse au contraire de l’universaliste qui croit à l’unicité de la race humaine.

Heureusement l’esprit de l’homme a hérité d’une parcelle de divin, choisir développe l’intelligence et le discernement qui remettent chaque chose à sa juste place, en connaissance de cause tout en relativisant les effets négatifs.

Reconnaître que nous avons peu d’options est déjà le début de la sagesse, car les contraintes s’exercent et s’exerceront toujours, ce qui importe sans doute est de prendre conscience que le labyrinthe tend à nous enfermer, le savoir nous permet de réfléchir aux moyens d’en sortir, pour trouver des échappatoires et des solutions.

Chaque être humain constitue un potentiel d’intelligence et de volonté, chaque peuple croît ou s’élève dans la mesure ou ses hommes sont sages, constants dans leurs idées et résolus dans leurs actions.

Le choix le plus difficile, en dépit des apparences, est de se décider à créer de nouvelles voies, afin de continuer à choisir, à expérimenter et à vivre en pleine harmonie avec soi-même et avec les autres pour que les générations futures puissent avoir les mêmes choix que nous…

LE CHOIX MACONNIQUE…

Pourquoi le profane, que nous avons tous été, a-t-il cherché l’entrée du Temple ? quel est ce choix intérieur qui l’a amené à frapper à une porte mystérieuse ? celle qui mène à l’initiation.

Là est toute l’ambiguïté du choix maçonnique, pourquoi chercher, pourquoi persévérer et pourquoi souffrir et s'obstiner à choisir l'entrée de ce qui semble être un labyrinthe, un parcours sinueux qui va amener l’impétrant jusqu'aux limites de lui-même ?

Quel est la raison de ce choix ?

La Foi sans aucun doute, mais aussi l’espérance de nous arracher à cette solitude morale qui nous étreint dès notre naissance. Lutter contre l’absurdité de la vie ou se situer sur l’échelle du rationnel est un défi insupportable.

L’initiation vient du Latin « initium » (le commencement), lui-même venant de « in ire » (aller dans, entrer), l’initié est mis sur le chemin, car l’homme se pose depuis toujours les questions fondamentales : « qui suis-je ? qu’est-ce que le monde ? d’où viens-je ? où étais-je avant d’arriver dans ce corps ? où vais-je ? qu’est-ce que la mort et il y a-t-il quelque chose après ? ». L’initiation est une mise sur la voie qui va le conduire à la réponse, à sa réponse. La sagesse de SOCRATE y répond en partie : « connais-toi toi-même, et tu connaîtras l’univers et les Dieux » ce que nous confirment le Bouddhisme, le Vedanta, les sages Musulmans et les Pères de l’Eglise. La voie initiatique permet à l’individu de se connaître lui-même avant de connaître le monde. Un système initiatique comprend un ensemble d’échelons qui vont permettre à l’initié d’avancer sur le chemin de la connaissance de soi, suivant le nombre 7 et son corollaire le 9. L’initiation n’est pas seulement l’accès à la connaissance réservée à une élite, mais aussi une profession de Foi qui doit amener le profane à plus d’humilité, mais aussi d’amour et de charité.

L’homme peut être divisé en 2 parties : le corps, qui est visible, et l’âme, qui est invisible. L’Eglise en compte 3 : corpus, animus et spiritus (le corps, l’âme et l’esprit). Par contre les hermétistes en voient 7 : le corps physique, le corps éthérique (qui contient le plan du corps physique), le corps astral (siège des sentiments, qui permet la décorporation), le mental inférieur (siège des idéations concrètes), le mental supérieur (siège des idéations abstraites), le corps de l’intuition pure (ou corps bouddhique) et l’étincelle divine. A cela on peut rajouter le ternaire, d’essence divine, pour arriver à 9, ce chiffre que l’on retrouve dans « l’échelle de la sagesse » à 9 degrés de Saint-Jean de la Croix, en alchimie, ou encore au Rite Ecossais Rectifié, qui correspond aux degrés de l’initié qui gravit les échelons jusqu’à la parfaite connaissance. Les Francs-Maçons travaillent avec 3 grandes lumières, le volume de la Loi sacrée, l’équerre (suggérant l’angle droit de la matérialité) et le compas (suggérant le cercle de la divinité) qui sont toujours associés, car l’initié doit pouvoir effectuer le passage de la matérialité à la spiritualité, il doit mourir à son ancienne vie pour renaître dans sa nouvelle vie d’initié.

Au REAA l’itinéraire de l’initié depuis sa première interrogation se compose de paliers plus nombreux et plus complexes, qui peuvent amener le Franc-Maçon à l’initiation parfaite du 33 ème degré. Ce cheminement parcouru à travers les symboles et les arcanes de l’ésotérisme permet d’élargir son champ de conscience en progressant vers la recherche de son être profond. Le sommet de l’échelle n’amène pas vers un au-delà éthéré, car la tradition conduit l’initié à réaliser sa propre unité, puis à s’intégrer à ce qui l’entoure. Ce cheminement parcouru grâce à un travail constant, une réflexion fidèle et continue amène l’initié à se nourrir de l’esprit des choses de la nature, empreint de sagesse et de gnose, il servira au progrès moral de l’humanité. Chaque degré ne se révèle qu’à celui qui choisit de s’améliorer mais il faut qu’il sache qu’il existe toujours un stade d’évolution possible, la pensée créatrice de l’être initié devra ainsi trouver ses propres réponses, à l’opposé de toute notion de révélation.

GUENON nous explique que l’initié vient des ténèbres extérieures et après l’état d’errance il aboutit à sa stabilité lorsqu’il parvient au centre. Mais au centre de quoi ?

Le MANDALA du Bouddhisme en est un exemple, mais LA QUETE DU GRAAL nous montre aussi qu’un esprit juste, sincère et volontaire peut arriver à se dominer pour aller au-delà de lui-même et se débarrasser ainsi de ses conflits intérieurs.

L’adulte qui atteint sa plénitude a-t-il perdu ses illusions ou cherche-t-il des convictions ?
Les convictions sont des repères pour vaincre ses peurs et l’homme qui en possède manifeste une santé globale, une assurance enviable car il sait d’où il vient et où il va, ce qui lui permet de se mouvoir avec équilibre et bon sens.

Les convictions ne naissent-elles pas de l’exercice constant des aptitudes intérieures et de la transformation progressive d’opinions changeantes en jugements stables ?

Un profond engagement psychologique, intellectuel et moral ne préserve-t-il pas de l’ankylose et de la stagnation ? la Maçonnerie propose des idées qui ont toutes une énergie propre et un rythme naturel de développement.

La Maçonnerie ne possède-t-elle pas une tolérance active qui réveille les convictions du profane, qui sera ferme avec lui-même tout en se découvrant, mais toujours disposé à écouter et entendre ceux qui pensent autrement.

Pourtant ce profane ne trouve-t-il pas curieux, voire même ridicule de se conformer à des rites comportant des contraintes vestimentaires et gestuelles ? ne faut-il pas être fou pour payer de son sang, même symboliquement, un engagement qui doit le lier pour la vie, alors qu’aucune religion ni loi ne l’y oblige.

Pourquoi ce choix emblématique nous pousse-t-il à adhérer à ce que l’on pourrait considérer comme une organisation secrète et universelle ? peut-être parce que cet engagement est librement consenti et que la Loge qui accueille le profane est aussi libre de le refuser. La Maçonnerie n’est pas une école de pensée car elle accepte toutes les différences, sans prosélytisme ni sectarisme, et c’est sans doute cet élan ascensionnel autour d’un centre de lumière qui nous attire et nous fait rêver. Nous avons tous besoin d’évasion, surtout pour échapper aux exigences physiques et conventionnelles de la vie profane.

La Maçonnerie crée ainsi un espace et génère de l’espoir, elle ne s’impose pas de façon tyrannique, ni ne se considère comme la somme de toutes les perfections, et c’est peut-être ce qui aide l’initié à avancer et à devenir toujours un peu plus meilleur. Face à l’adversité, la solidarité fraternelle ne représente-t-elle pas le poumon de cette force invisible dont le seul enjeu est intimiste.

En fait si l’homme choisit d’être initié, ce n’est pas pour atteindre la perfection, mais pour suivre l’œuvre de son imaginaire ; cette quête d’absolu qui permet d’irriguer les canaux de son vaisseau intérieur, celui qui tend à sombrer dans les méandres de l’incohérence.

Celui qui s’est perdu était livré à lui-même et la voie qu’il suivait menait partout et nulle part. errer n’est pas un rêve car il s’agit d’une triste réalité.

Le dédale qu’il suivait le renvoyait sans cesse vers lui-même, il n’avait que le choix du mirage et de l’éphémère au travers d’une quête mortuaire.

Ce parcours hélicoïdale ne nous entraîne-t-il pas dans une spirale, à travers le temps et l’espace, où l’entrée et la sortie ne forment qu’une seule et même issue. Le choix maçonnique ne nous permet-il pas de nous affirmer en tant qu’individu en passant d’un monde physique à un monde spirituel et intemporel.

Et puis avouons-le, la tradition est aussi un refuge pour celui qui s’égare et la chaîne d’union n’est-elle pas le point d’orgue de nos cérémonies car elle nous rend solidaire de notre devenir et nous permet de lutter contre l’indifférence.

Si l’homme est tributaire des faits, il peut influencer son destin par sa seule volonté, par sa capacité à choisir la voie étroite qui doit le mener à sa rédemption.

Si l’intelligence humaine a assigné artificiellement des bornes à ce qui est « UN » et sans limites, n’a-t-elle pas fixé de fausses apparences à la réalité, n’a-t-elle pas envisagé des secrets qui n’existent pas, afin de préserver la cohésion du monde. Le choix n’étant alors qu’un symbole vivant, destiné à vaincre ses passions, soumettre sa volonté et faire de nouveaux progrès. Comme en Franc-Maçonnerie, où le choix de la mort symbolique n’apparaît que comme la seule issue pour renaître à une vie nouvelle. Sans doute est-ce là notre meilleur symbole, celui qui nous permet de mieux comprendre notre état et d’appréhender le destin, non pas comme une fatalité, mais comme une issue, car pour être maître de soi ne faut-il pas d’abord dominer ses passions et ses peurs pour mieux choisir sa route ?

MAIS CE CHOIX EST-IL UN CHOIX ?…

En fait, en parlant du choix maçonnique je n’ai fait que réfléchir à voix haute, je me suis posé d’innombrables questions sur les raisons de mes choix et sur leurs conséquences.

Si je suis ici et maintenant parmi vous, c’est par simple choix, celui d’un Maçon libre dans une loge libre, comme le fit Didier ERASME en défendant contre LUTHER la tolérance et le libre arbitre, en associant dans un même idéal la raison et la foi.

Ce libre arbitre qui fait de chacun de nous un acteur privilégié de la vie, par le simple fait de la volonté, car la raison humaine n’a-t-elle pas le pouvoir si important de se déterminer librement. Mais si le rêve n’est qu’une illusion, le choix n’est-il pas une désillusion du rêve puisqu’il nous confronte à la réalité ? en cela le rêve n’est-il pas chargé de symboles, puisqu’il exprime les désirs profonds et latents du psychisme, « ce gardien du sommeil » comme l’appellent certains philosophes, ne permet-il pas de réaliser ses meilleurs choix en l’absence de répression qu’exercent conjointement la conscience et la réalité.

A mon avis, la véritable liberté est intérieure, car pour accepter les bouleversements qui affectent le monde, il faut pouvoir se transposer soi-même, la richesse de l'homme libre n'est-elle pas de choisir son propre choix ?

Dans l’ALCHIMISTE de PAULO COELHO, celui-ci fait allusion au choix du cœur qui sait déchiffrer les signes du destin et comprendre le langage du monde. Autrement dit, l’homme est aveugle s’il ne voit que lui-même car il n’aura jamais que son image à admirer.

L’Adam primordial a eu le choix de son évolution et il n’a que par trop écouté sa raison présomptueuse en piétinant le jardin d’EDEN que lui avait confié le Divin. Ce choix malheureux nous poursuit à tel point que son contemporain s’est réfugié dans l’échappatoire, dans une fuite éperdue et illusoire qui ne mène que très rarement au véritable bonheur.

Nous reste-t-il encore assez de dignité pour échapper à cette inconscience collective ? Etienne GUILLE, enseignant et chercheur, nous dit : « au lieu de nous considérer comme des enfants du hasard, soumis aux caprices et aux incertitudes de la déesse matière, décidons en toute lucidité et conscience de devenir des fils de la lumière, pétris de liberté, de responsabilité et d’amour ».

Si la raison tend à l’unification du réel, qu’en est-il de l’imaginaire qui développe le sens créatif et irréel de la pensée ?

Le choix est-il donc une obligation matérialiste ou une possibilité métaphysique ?

En Maçonnerie, l’initiation est un choix de liberté, il s’imbrique dans un mouvement continu de la pensée, il ouvre la porte de l’autodétermination par sa vocation suggestive mais aussi par sa spontanéité créatrice. Il répond avant tout à un besoin de sécurisation, de méditation aussi, voire même de recueillement, car si le TOUT est planifié, rien n’est définitif et le choix ne s’impose qu’à celui qui le désire, à celui qui cherche le véritable sens de la vie. Alors considérons le choix comme un don du ciel, et non comme une récompense, il ne nous est pas imposé, il nous est seulement proposé.

De la même façon que l’interprétation d’un symbole qui varie suivant le sens que l’on veut bien lui donner, le choix n’est pas conventionnel, il est indéfini et ne doit obéir à aucune règle qui tendrait à l’asservir.

La pensée symbolique n’est pas un choix, c’est le choix qui est symbolique, il est révélateur d’une attitude positive et cohérente qui incite l’homme à briser ses chaînes, et Dieu sait s’il en existe.

La pensée unique est fanatique et totalement intolérante puisqu’elle n’accepte qu’un seul choix, qu’une seule alternative, alors que la pensée maçonnique exprime sa différence par le libre choix de son expression.

Bien souvent le choix s’égare entre le hasard et la nécessité, voire même de l’esclavage, car si le préambule de la déclaration des droits de l’homme stipule que tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit, le totalitarisme et l’obscurantisme existent toujours et réapparaissent régulièrement sur cette Terre. Combien de peuples n’ont-ils pas le choix de leurs opinions, enchaînés les uns aux autres et soumis à l’arbitraire d’une minorité, sans même pouvoir choisir leur propre vie, au risque de la perdre en essayant de penser librement.

Le rôle du Maçon n’est-il pas de combattre l’intolérance et l’exclusion sous toutes ses formes et sur tous les continents, pour que la Bête ne puisse plus se nourrir de nos erreurs et de notre aveuglement, afin que tous les Etres Vivants et à venir aient le Droit de choisir et de penser librement. Rappelons-nous simplement du choix d’obéir et de désobéir pendant l’occupation, lorsque l’Etat imposait à ses fonctionnaires de collaborer avec l’ennemi. Il faut savoir dire non et oser affirmer un autre choix tant que cela est possible.

Le penseur médite et se recueille dans le calme, sans pour autant se perdre dans le rêve, et comme JANUS, ce Dieu à double visage, il saura toujours regarder en arrière pour découvrir l’origine des choses et en avant pour choisir son devenir. La réflexion doit lui permettre de se faire la meilleure idée du passé, du présent et de l’avenir sans agir par instinct, ce qui le différencie de la brute ou de l’animal.

Le meilleur langage du penseur n’est-il pas le symbole, qui invite à réfléchir pour comprendre et deviner le côté voilé des apparences, au delà des dogmes et de la foi aveugle. Il permet de s’attarder sur ce qu’il représente sans emporter de réponse définitive, il doit aider le penseur à envisager lui-même la signification du symbole sans lui imposer de choix catégorique ou conceptuel. Il décidera alors de son interprétation en fonction de son évolution intellectuelle et de sa progression philosophique.

Le choix est donc évolutif puisqu’il permet de se remettre en question, mais il n’est pas obligatoire. Il reste une possibilité donnée à l’homme libre de se déterminer sur un sujet bien précis, d’ordre personnel ou collectif, sans condition de temps ou de lieu. Un choix rapide n’est pas toujours juste, surtout s’il n’a pas de caractère urgent et obligatoire.

La justice humaine ne fait pas toujours le bon choix lorsqu’elle rend des sentences expéditives, elle impose ses choix mais elle n’est pas garante de la vérité, nul ne peut l’être d’ailleurs. Pour cette raison il est sans doute préférable de s’abstenir plutôt que de faire un mauvais choix, et les démocraties modernes ont compris depuis longtemps que leur justice était faillible et susceptible d’appel.

Reculer devant un choix est aussi une source de conflit, provoquer le choix pose le même problème, car comment imaginer que l’on puisse contester un engagement après l’avoir souscrit. Cela est le propre de l’homme qui n’est jamais sûr de son choix et peut le remettre en question à tout moment.

La Maçonnerie n’est pas un endoctrinement, même si elle s’accompagne d’un serment ou d’une signature, car cet acte de libre engagement pour celui qui en aura fait son choix est contestable et révocable. L’initié n’est pas toujours garant de son évolution puisqu’il cherche, il n’est pas non plus à l’abri de l’erreur ou d’une mauvaise interprétation, et comme le disait Oswald WIRTH, une pierre mal taillée ne doit pas pénaliser un édifice car elle n’y trouve pas sa place.

En Franc-Maçonnerie comme dans la vie profane, l’engagement personnel n’est jamais définitif et si tous les soldats du monde refusaient de tuer, il n’y aurait plus de guerres. Et le suicide ? n’est-il pas le chemin du faible qui choisit d’abréger ses souffrances, alors que le brave choisira de les affronter dans l’espoir d’une vie nouvelle.

Le doute est un vecteur incontournable du choix qui entraîne systématiquement un phénomène d’attraction et de répulsion. Les scientifiques nous ont démontré que la matière était dépendante du TOUT ; le contenu est ainsi intimement lié avec son contenant, ce qui crée des tensions normales en fonction du temps qui est inexorable.

Dans le société civile, l’individu, en tant qu’entité juridique, devra obligatoirement suivre les règles et les lois de la communauté, sous peine de sanctions. Même s’il les refuse, il ne pourra pas leur échapper, sauf à s’isoler ou à s’expatrier, mais gare au miroir aux Alouettes qui donne l’illusion d’un monde meilleur dans l’ailleurs.

PANDORE ouvrit un jour une jarre de belle apparence et y libéra tous les maux de l’humanité, malgré l’interdiction de le faire, seule l’espérance resta au fond. Nous n’avons pas le choix de changer l’ordre des choses, mais simplement celui de les apprécier dans leurs nuances. Si la femme recherche inconsciemment le prince charmant à l’image du pater, prenons garde, nous Maçons, de ne pas nous laisser attirer par le chant des sirènes, et de peser avec juste mesure et prudence nos actes afin de montrer l’exemple.

L’être éveillé n’est-il pas confronté aux réactions passionnelles et impulsives qui font de lui un éternel cherchant, s’égarant bien souvent dans sa déraison car incapable de trancher entre le sensible et l’intelligible.

Le Maçon, par se lente maturation n’apprend-t-il pas à doser ses pas et à réfréner ses ardeurs. On a dit de SOCRATE qu’il savait indifféremment se passer et jouir des choses dont la plupart des hommes ne peuvent ni s’abstenir sans tristesse, ni jouir sans emportement. Peut-être est-ce là un comportement sage et ascétique, mais alors à quoi sert le cœur et l’expression de ses sentiments ?

Existe-t-il une règle qui permette de faire l’infaillible choix, sans excès et sans regret, celui qui réchauffe le corps et calme les angoisses ; ou alors faut-il se laisser guider par l’ensemble du troupeau, aussi docile que résigné ?

EN CONCLUSION…

L’impossible choix n’est-il pas celui que l’on ne choisit pas, car il s’impose de lui-même.

La paix intérieure du philanthrope n’est-elle pas la meilleure source qui alimente l’esprit tourmenté à la recherche de sa quiétude. Les pulsions n’ont-elles pas travesti nos actions d’un but égoïste, voire même vaniteux.

Si la gloire est éphémère, l’orgueilleux qui croit tout savoir ne se dirige-t-il pas dans un désert en suivant un mirage, à la recherche du choix perdu, celui qui lui éviterait de rester insensé mais aussi d’être trop sage, comme si EVE n’avait jamais croqué cette pomme, ou plutôt cette convoitise qui l’a éloignée de la vie éternelle. La marge est étroite mais l’homme honnête saura se diriger avec sincérité, il saura choisir la meilleure voie, car il sait que l’idée de la souffrance est plus difficile à supporter que le mal lui-même.

Le choix est dur, mais la valeur la plus inestimable qui poussera l’homme d’honneur à faire le bon choix en toutes circonstances, malgré la tourmente et sans compromission, ainsi que nous Maçons pour montrer l’exemple, c’est le Courage avec un grand « C », celui qui ne s’achète pas et qui ne peut être galvaudé par la lâcheté et le regret.

L’initiation ouvre la porte de la connaissance et du savoir, les secrets sont toujours réservés aux initiés, car ils savent les garder, et celui qui détient le savoir détient le pouvoir. Voilà pourquoi toute vérité n’est pas bonne à dire et tout secret n’est pas prêt à être dévoilé. Il y a sur Terre et dans l’immensité de l’humanité toute entière, des initiés qui veillent et qui traquent la bête, celle qui dévore les plus faibles pour les endoctriner, celle qui réveille les idées noires et malsaines, celle qui attise l’envie du mal et soumet à la tentation et au vice. Le choix de l’initié comme de tout être pensant et honnête, est de combattre avec force et vigueur le fléau du mal et le spectre de Satan, ce mauvais esprit qui sévit en trompant le monde par le biais des esprits impurs qui le reçoivent. C’est à lui, à cet Homme-là, qui est bon et compatissant que je fais appel, pour que toutes les prophéties qui prédisent la fin des temps ne soient qu’une illusion et non une réalité. Il faut pour ça un code d’honneur et une volonté farouche de sauver l’humanité, pour pouvoir résister aux assauts du malin, et pour se lever, telle une sentinelle afin de s’opposer à la lente descente vers les enfers.

Je ne suis pas sûr d’avoir fait le bon choix en vous parlant de ce sujet, mais cela m’aura permis de me mettre au pied du mur afin d’exprimer ma différence et d’éprouver mes sentiments, sans simulacre et sans déguisement, pour ouvrir un débat qui pour être complet appelle votre avis pour que tous ensemble nous méritions notre salaire.

V\ M\ J’ai dit…

C\ D\

PRECISIONS :

CHOIX : XII Got. KAUSJAN. Eprouver, goûter, choisir. Une porte ouverte, une porte fermée, choisir le bien ou le mal, dilemme, hésitation.

CHOIX CORNELIEN : (relatif à Pierre CORNEILLE, Rouen 1606/ +Paris 1684, poète dramatique français, avocat : LE CID/1637, HORACE/1640, NICOMEDE/1651, ŒDIPE/1659) ce choix met en balance le devoir et la passion, dilemme douloureux.

DILEMME : raisonnement présentant en majeure partie une alternative dont les différents termes conduisent à la même conclusion. Situation qui donne à choisir impérativement entre 2 parties.

ALTERNATIVE : situation dans laquelle on ne peut choisir qu’entre 2 solutions possibles. Succession d’états qui se répètent.

ALTRUISME : propension à aimer et à aider son prochain. Intérêt de nos semblables comme le but de la conduite morale (LALANDE).

PHILANTHROPE : ami du genre humain (action personnelle qui contribue à l’amélioration des conditions de vie des hommes).

PROSELYTISME : zèle déployé pour faire des prosélytes, de nouveaux adeptes.

UNIVERSALISME : doctrine de ceux qui comprennent la réalité comme une unicité englobant tous les individus et qui ne voient d’autorité que dans le consentement universel. Croyance selon laquelle Dieu veut la rédemption de tous les hommes.

UNICITE : caractère de ce qui est unique, unicité d’un événement, d’une thèse.

LIBRE PENSEUR : celui qui déclare n’avoir aucune croyance religieuse (pamphlets).

LIBRE : qui a la possibilité d’agir ou non, qui se détermine indépendamment de toute contrainte extérieure.

LIBRE ARBITRE : pouvoir qu’a la raison humaine de se déterminer librement.

STUPEUR : engourdissement des facultés intellectuelles avec immobilité et physionomie étonnée ou indifférente que l’on observe dans certaines affections psychiques. Etonnement profond qui ôte toute possibilité de réaction : rester muet de stupeur.

Didier ERASME (1469-1536 Hollandais) : défendit contre LUTHER la tolérance et le libre arbitre, associant dans un même idéal la raison et la foi. ADAGES/1508, L’ELOGE DE LA FOLIE/1511, COLLOQUES/1518.

AVERROES (ABU AL WALID IBN RUCHD, Cordoue 1126/ +Marrakech 1198) : Philosophe et médecin arabe, commentateur d’ARISTOTE, doctrine : l’AVERROISME, éternité de la matière et celle de l’intellect actif, intermédiaire entre Dieu et les hommes. Pensée d’AVERROES : distinction entre la raison et la foi, qui sont 2 sources de la connaissances nées il y a plus de 2000 ans sur les rives de la Méditerranée, se conciliant parfois, s’opposant souvent, confrontation de la raison et des Dieux, puis de la science et de la conscience, de la raison et de la foi.

2 Hommes dans le désert (histoire célèbre qui a traversé les âges jusqu’à nous et qui pose le problème du choix impossible)

2 Hommes sont perdus dans le désert. 1 a une gourde avec suffisamment d’eau pour arriver au prochain point d’eau. 1 n’a pas de gourde. Que doivent-ils faire ?

- Partager ? si ils partagent ils mourront tous les 2. Si celui qui a la gourde ne partage pas il verra son frère mourir et aura son poids sur la conscience. L’altruisme voudrait que celui qui a la gourde la donne à l’autre en se sacrifiant, mais son frère lui rendra selon le même principe « pourquoi moi ? », et cela peut durer éternellement jusqu’à la mort des 2.

La solution devrait faire dire au détenteur de la gourde : « je donne un peu de ma vie pour que quelqu’un d’autre vive ». ce choix est intellectuel, ainsi la providence, qui a permis d’avoir cette gourde, pourra peut-être permettre aux 2 de vivre en rencontrant, par exemple, une caravane, ou en trouvant un autre point d’eau. CICERON, au 2ème Siècle avant J.C. avait déjà posé ce principe et toutes les civilisations en firent de même depuis.

Il s’agit du choix impossible entre 2 Frères. Si ils étaient ennemis, ils ne devraient pas se rencontrer. Qui doit vivre, peut-on choisir celui qui a le plus d’intérêt pour l’humanité, au risque d’encenser l’égoïsme et la discrimination. C’est la même chose entre un riche et un pauvre, mais si on partage, il s’agit quand même d’un suicide pour celui qui donne la moitié de sa gourde. La compassion et la charité sont les maîtres mots de toutes les religions, ainsi que des sociétés initiatiques. Peut-on laisser mourir son Frère sous ses yeux au risque d’être rongé par le remord, donner sa gourde ou la partager, alors que le suicide est interdit.

Il faut aider son prochain comme soi-même et il faut croire à la providence. A vous de trouver la solution…


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