Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
La Cyber-Maçonnerie Il est coutume de dire que la Vie commence par un Cri. J’ai rencontré la FIF, un peu par
hasard, à la recherche d’une
franc-maçonnerie qui élargirait
l’horizon des émotions, et je me suis inscrite
à cette fraternelle il y a maintenant deux ans. Car, oui, mes Frères et mes Sœurs, elle existe, je l’ai même rencontrée, et je l’ai même vécue à plus d’une occasion. Ce qui me permet de contredire ici un de mes philosophes préférés, Albert Jacquard, qui affirme, dans sa « Petite philosophie à l’usage des non philosophes », ceci : « Il faut (…) prendre conscience de l’apport d’autrui, d’autant plus riche que la différence avec soi-même est grande. (…) L’informatique, dans la mesure où elle apporte de l’information, est précieuse ; mais elle n’apporte que de la communication mise en boite, surgelée. Elle est incapable de provoquer les sursauts créateurs qui se produisent tout naturellement dans un dialogue vrai, fait de silences autant que de paroles. » Mais comment vous dire, comment vous faire partager
cette expérience, alors même qu’il est
déjà difficile de se mettre d’accord
sur une définition de
l’égrégore ! D’autre part, un de mes FF\ en a
proposé une autre, qui me convient encore
davantage : Et dès lors, comme tout orgasme, il se
prépare. Il faut y croire pour le laisser vous envahir, il
faut s’abandonner à recevoir ses signes, les
manifestations de cette émotion
cybernético-fraternelle, au moment où elle se met
à vous étreindre. Et il faut surtout, alors, lui
ouvrir la voie royale de son cœur. La première fois, c’était dans ma bombinette rouge, au volant de laquelle je roulais mécaniquement vers un rendez-vous professionnel. Je venais, comme à mon accoutumée, de repenser à mes FF et SS de la FIF, dont j’avais lu la veille (enfin, la nuit…) quelques messages très personnels et engagés, dans lesquels je percevais des vécus de mes correspondants. Et roulant donc mécaniquement, c’est eux que je voyais, chacun différent de tous les autres, avec son imaginaire propre. Chacun avait sa vie personnelle derrière lui, autour d’elle. Et ils ont tous pris corps dans mon cœur et dans ma tête. Je les ai imaginés, qui avec des problèmes d’argent, qui devant faire face à un surcroît de travail, untel en passe de se lier pour toujours au compagnon de sa vie, tel autre ayant enfin réussi ce qu’il espérait entreprendre depuis si longtemps, et tels autres enfin, qui, tout banalement, passent leur vie à essayer de s’en sortir et à rayonner un tout petit peu, mais à rayonner quand même. Bref, ils se sont mis à exister, jubilatoires, timides, muets ou prolixes, hargneux, teigneux mêmes, mais là, tous initiés comme moi. Ce faisant, j’ai en fait imaginé
des bribes d’identités au-delà de
l’écran. Ce qui a
généré une cascade d’images,
d’éprouvés, qu’il
m’a fallu « leur » communiquer. Dans « Les
Identités Meurtrières »,
Amin Maalouf disserte à propos de la notion même
d’identité… Nous sommes donc constitués d’une foule de sentiments d’appartenance, d’une multitude de caractéristiques, dont les poids relatifs sur le vécu que nous avons de notre identité sont éminemment variables dans le temps. Or, lorsque nous « sommes » dans notre vie quotidienne, ce n’est pas notre « moi fifonaute » qui émerge sur les autres de nos caractéristiques. Mais quand nous nous attablons devant notre « machine à communiquer avec le monde », et que nous basculons dans l’univers de cette communication particulière qu’est la Liste de Diffusion et ses dérivés, nous basculons aussitôt vers cette identité spécifique qui nous rapproche singulièrement des autres participants. La distance qui nous en sépare devient symboliquement nulle (d’ailleurs, on la qualifie souvent de distance virtuelle)… D’autre part, le temps a d’autres
caractéristiques que notre temps quotidien, habituel,
chronologique, logique : c’est un temps
cassé, hachuré,
déstructuré… Le moment où
untel a écrit son message (et où il
était en contact avec une émotion
donnée) n’est pas, sur le plan
réaliste, celui où moi je prends connaissance de
son écrit. Or, pour moi, même si je sais que ce
décalage existe je n’en ai nullement la
perception, et inconsciemment, je le gomme… et
même je transposerais celui dont je lis la prose, dans MON
temps, dans MON lieu imaginaire et symbolique, ce qui va me permettre
d’avoir l’intuition d’être en
train de vivre quelque chose avec lui, en même temps que lui,
en fonction de lui, et ceci, où qu’il soit et
à quelque moment qu’il l’ai
écrit. Donc, et contrairement à ce que prétendent certains penseurs modernes, la communication mondialisante permise par Internet n’est nullement cloisonnante, ni réductrice de la personne en une cellule totalement hors du contact chaleureux avec les autres Hommes. Que du contraire : pratiquer quotidiennement, fréquenter avec une telle impudeur parfois toutes ces personnes avec qui on échange des propos qui partent droit du fond de son être, crée une intimité qui force l’envie de se rencontrer « pour de vrai », de se « voir »…et qui favorise l’ouverture de soi à la perception de ces émotions communes et convergents. Et c’est ainsi, mus par ce besoin, que furent
organisées les rencontres fifiennes, Repas, Fifête
etc… Voici encore une expérience
d’unisson qui m’a fortement
touchée : c’était au
départ de ma fille cadette. Elle nous quittait pour vivre
définitivement en dehors du nid. Mais au jour fatidique,
j’en étais malade, et je m’en suis
ouverte à mes Froeurs de la FIF. Même pas une
heure après avoir envoyé mon message,
j’en recevais qui me soutenaient, me témoignaient
leur compassion, me faisaient un peu la morale, me
rassuraient…comme si la Terre entière
s’était mise à essayer de me faire
chaud, pour que je souffre moins du vide omniprésent de son
absence. Des hommes m’ont parlé du chagrin de voir
leurs enfants les quitter pour aller vivre avec leur mère,
en suite de divorces ou autres séparations… Ils
m’ont dit des choses dont je suis certaine qu’ils
ne les avaient auparavant jamais dites comme ils me l’ont
écrit, dont certains m’ont avoué en
avoir pris conscience seulement à la faveur de mon message.
Cette vibration émotionnelle EST présente dans
les mots qui vous parviennent. Car nous venons ensemble de perdre un petit être que nous ne connaissions pas, mais dont l’existence est à jamais marquée dans nos mémoires. Son père, notre Frère, nous a annoncé le décès de sa fille tout simplement, parmi l’ensemble des autres messages charriés par la liste. Et voilà que chacun nous le recevons dans le cœur, tous, à nos moments personnels, mais, comme je vous l’ai dit tout à l’heure, en un moment symboliquement commun, nous avons été profondément et violemment blessés, ensemble, par la douleur de ce Frère. Je vous assure, mes Frères et mes Sœurs, qu’il n’est point d’émotion qui n’ait traversé les kilomètres de connexions électroniques pour parvenir jusqu’à chacun de nous. Je nous ai ressentis ensemble autour de lui, si proches qu’il n’avait plus besoin de puiser dans sa force personnelle pour tenir debout. Notre émotion commune, convergente, a traversé les écrans, s’est échappée de nos doigts, et nous a tous unis dans une même tristesse profonde, et un vif espoir, celui que notre Frère et ses proches arrivent à surmonter cette épreuve, car le Temple reste à être construit, et nous avons TOUS besoins de sa contribution de F\M\. Il y eut encore cet autre grand moment
d’émotion collective que nous avons
vécue avec l’élévation
à la maîtrise de l’un de nos
Frères : Jean. On se retrouve donc à plusieurs obédience, Frères et Sœurs conspirateurs réunis du DHF, GLFF, GOF, GLDF, GOB, DHB, etc… Quelle belle tenue, le regard de Jean, embrassant notre communauté (il était assis en face de nous, sur les colonnes), qui nous détaillait, qui nous regardait à l’intérieur de nous-mêmes, et Jean-Dominique qui nous accueillait la gorge serrée, arrivant tout juste à articuler nos noms... Et puis, ce moment que je n’oublierai jamais, celui où Jean-Dominique a constitué son père Jean Maître Maçon, où son émotion entravait sa diction, mais qu’importe…c’est le cœur qui parle à ces moments-là, et où nous avions chacun justement pris froid qui nous faisait renifler un petit coup, voire éternuer une émotion dans le coin d’un mouchoir... Et puis, il y a eu cette chaîne d’union, j’en ai les mains encore chargées de l’amour qui y a circulé. Et au-delà de ces anecdotes individuelles, il y a eu ce moment magique, cette Tenue où, en dehors des plateaux du V\M\ et de Gr\ Ex\ et de la fonction de M\ des Cér\ de l’Atelier d’accueil, tous les plateaux étaient distribués parmi les sexes et les diverses obédiences présents. Sa Chaîne d’Union a réellement uni sur place les frères et les sœurs du monde entier, en une égrégore véritablement universelle (Merci, ma sœur Claudine, d’y être venue depuis ton Québec ensoleillé). Oui, mes Frères et mes Sœurs, la cyber-egrégore existe, je l’ai rencontrée, et je la rencontrerai encore, car j’ai la ferme volonté, le désir profondément ancré de ne plus jamais laisser quelque barrière que ce soit me séparer de mes frères et de mes sœurs, et tant que je le pourrai, je me rapprocherai d’eux pour leur témoigner mon amour, ma compassion, leur passer de mon énergie si c’est nécessaire, bref, pour partager ce qui me reste de vie à construire avec eux, avec elles, dans l’optimisme de la croyance en un futur meilleur, dans la ferveur de notre construction commune du Temple de l’Humanité. E\ L\ |
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