Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
De la violence des échanges en milieu maçonnique Pour commencer une petite histoire à la fois vraie et plaisante. Certaines d'entre vous la connaissent peut-être déjà. Le personnage central de cet épisode est le chat de J\ D\, ce dernier étant, comme la plupart des humains lorsqu'ils font face à un chat, un comparse...mais un comparse intelligent et disert. Un matin, au sortir de son lit, J\ D\, pas très bien réveillé, se dirige en titubant vers la SDB où il procède d'ordinaire à ses ablutions matinales. Il est tout nu. Il aperçoit son chat et, se rendant compte de ce que celui-ci le voit nu, en éprouve une gêne certaine. Cette gêne s'alimente elle-même et devient une honte qui le laisse transi. Evidemment cette honte devient vite une honte de la honte, qui l'emporte dans une spirale qui le décontenance. Cette rencontre a produit chez l'humain concerné un sentiment vertigineux de sa finitude. Cet échange de regards a convoqué en Derrida son humanité avec l'intimité de « qui je suis ? ». La langue humaine évoquera un phantasme, une projection, une raison qui devient folle. Derrida dit bien, lui, que son sentiment touche à son intimité et qu'il est la marque de son exposition au regard d'une altérité qu'en général on appelle l'autre lorsqu'on ne se nomme pas Derrida. Et de constater que cet échange hors théorie - un humain ne peut être interpellé par un animal - ouvre la possibilité d'un espace autre. Nolens Volens et Cahin Caha c’est un peu ce qui ; nous arrive en loge, du mOfns à ceux qui sont venus sans trop ployer sous le poids des métaux que certaines charrient dans les temples et dont ils font le négoce en permanence de manière le plus souvent autoritaire et même autocratique. L'expérience de la rencontre d'une altérité peut être ravageuse. D'aucunes ne savent que faire et/ou dire sous le fait de ces ravages pourtant non mortels, pour soulever ou annuler les faussetés diverses qui nous encombrent et trop souvent nous griment. Pour l'instant, mon propos reste plus ou moins plaisant. Ne vous y trompez pas ! Le sujet de débat sorti du fécond cerveau de notre VM va m'obliger à nous égratigner. Ceux qui ont la peau trop fragile seront peut-être blessés. Trois granules d'arnicaen 9CH matin et soir pendant 7 à 10 jours devraient arranger leur affaire sur le terrain de la douleur. Le cas échéant, staphysagria prendra sa part dans l'opération de cicatrisation, même dilution même tempo d'administration. Qu'une chose soit claire! Je vais vous parler d'une maladie dont aucune d'entre nous n'est indemne à un titre et/ou à un autre. Ce pourquoi aucune d'entre nous n'est fondée à simplement se tirer de ce débat à l'aide du trop fameux « ce n’est pas moi, c'est les autres ». Au sujet des termes qui forment le substrat de notre rencontre de ce matin. Décortiquons le titre « de la violence des échanges en milieu maçonnique ». Qu'est-ce que la violence ? Que sont « les échanges » ? Et de la F\ M\ que pourrions-nous dire (en gros) ? Qu'entendons-nous par « milieu maçonnique » ? Là où nous procédons A COUVERT à tous nos échanges : la loge en tenue, la loge hors des tenues (les parvis, les réunions par degrés, les agapes ou les repas plus élaborés, les rencontres singulières non ritualisées, les sorties, les visites, les fraternelles, les convents, toutes les rencontres entre FF\ MM\ quel que soit le sujet qui les provoque ou les anime). Notre F\ Olivier, lorsqu’il nous a parlé rue Pinel, nous a dit que nous nous aimions. Je crois que ceci est indéniable, comme l'est aussi le constat corolaire facile qui est que nous avons l'amour vache, injuste et souvent cruel. Le sujet de ce matin tendrait à prouver que cet état de fait(s) ne nous convient pas vraiment. Aimons-nous, si nous le pouvons, mais ne nous étripons pas, fût-ce sous la bannière du « ici tout est symbole ». Nos symboles ont bon dos en effet et, à constater la réalité conflictuelle des manifestations de l'amour fraternel/sororal, nous sommes hélas fondés à interroger notre méthode et la pratique d'icelle autrement dénommée « méthode symbolique ». Un constat doit être posé : la violence de nos échanges génère plus de souffrance que d'insatisfaction et c'est pourquoi l'interrogation de ce jour est grave. Car elle n'engage pas que nos personnes en situation de souffrance psychologique et affective en F\ M\, mais aussi, bien sûr, l'avenir de nos assemblées. En effet, au delà de ces dysfonctionnements souvent ravageurs, se profile à court terme un questionnement essentiel relatif à l'efficacité de notre méthode au regard des principes qui la fondent et des objectifs visés, spirituels ou sociaux, la permanence de l'ordre maçonnique donc de ses diverses structures administratives lorsque s'accélèrent les mutations de civilisation qui, questionnant ces dernières, vont déboucher sur leur perpétuation et peut-être leur renforcement avec rénovation ou leur brisure lente mais sûre et peut-être guerrière. Survivre collectivement pour nous bouffer le groin jour après jour, soir après soir, n'est tout simplement plus envisageable. Des diverses doléances exprimées il ressort que la violence de nos échanges recouvre une méchanceté endémique des maçonnes les unes à l'égard des autres. Cette méchanceté se transforme souvent en cruauté mentale. Les conséquences de cette méchanceté sont multiples mais, au premier chef, elle nous empêche de faire ce pourquoi nous nous réunissons, à savoir travailler à...voir les rituels. Le rituel devrait, par lui-même en quelque sorte, tenir en lisière les passions (du latin patior - souffrir) et les pulsions afin de dégager l'espace pour le travail que nous nous flattons si souvent de vouloir accomplir dans le temple ET au dehors. Non seulement « ça ne marche pas », mais encore est-il des FF\ MM\ qui instrumentalisent le rituel pour asseoir une/leur domination. D'où un rituel dévoyé en esprit avant de l'être en pratique. Comme si la fréquentation assidue de l'idéal conférait à certaines d'entre nous un statut occulte d'initiées supérieures, statut non écrit mais vigoureusement agi offrant à leurs pseudo-titulaires auto proclamés le bénéfice de droits extra moraux et supra légaux. D'où quelquefois des déviances fortes dans le style dévotion gouroutique (offre et demande). Confiscation/ privatisation du pseudo sacré, infaillibilité des autos missionnés érigés seuls interprètes pertinents du message [perdu (s'il a jamais existé)] donc du sens… Une fois de plus il y aurait parmi nous des êtres bénéficiant de toute éternité d'un accès privilégié à la vérité à raison de ce qui ils sont, qui n'a jamais à être explicité. Ceci les autoriserait ou encore, à constater la peu ordinaire assurance de certain-e-s, les obligerait à en imposer aux minus habens parmi les adeptes de l'Art Royal et à édicter à leur intention les préceptes du bien, du bon, du beau et du vrai. La recherche de la domination par lie biais de tentatives répétées plus ou moins adroites et/ou efficaces est la raison la plus fréquemment évoquée pour expliquer la prégnance de la violence en milieu maçonnique. D’ailleurs, ainsi que le rappelle M\ F\ Hirigoyen, « l'enjeu de la violence est toujours la domination », a l’évidence d'aucunes trouveront les plaignant-e-s pusillanimes dans la mesure où il est rare de voir sortir des temples des adeptes sanguinolents, ornés de coquards, au nez cassé, aux épaules démises, etc. Parce que la violence en F\ M\ est le plus souvent, du moins dans son apparence formelle, insidieuse, sournoise, hypocrite, biaisée, vicieuse, par conséquent et en un mot, perverse. Le/ laquelle d'entre nous n'a jamais contemplé en loge des F\ F\ ou des S\ S\ marquant physiquement, pas toujours en silence mais avec une ostentation clairement jouisseuse, leur mécontentement à l'écoute de certains propos, leur mépris à l'encontre d'un orateur ? Ce qui, au petit pied, peut sembler risible mais est cependant choquant car blessant, pose le problème de notre tenue...en Tenue. Je vise là notre tenue morale (et affective !), celle de nature purement physique en position assise demeurant à discuter car une rigueur formelle trop forte peut servir de cache misère. Domination donc mais de quoi et pourquoi ? On retrouve là l'éternel et lancinant refrain du pouvoir à prendre ou à saboter. Voilà qui est farce en un lieu où les règles que nous nous sommes données abolissent le pouvoir comme fantasme d'un absolu de substitution qui se révèle vite comme un vide absolu. En F\ M\ il n'y a à priori pas de pouvoir mais des règles favorables à un fonctionnement policé d'un vivre ensemble qui doit permettre à tout le monde d'assumer à un moment un petit brin du pouvoir...pouvoir de faire que nous sauve gardions un espace de liberté hors temps propice à une réflexion sans enjeu dit « profane ». Si nous savions conduire rituel maçonnique proprement dit et règles de fonctionnement (choix des profanes, temps optimal des séquences de la vie maçonnique, partage des sujétions attachées à chaque charge, questions à travailler, rythme des rotations aux plateaux, travaux proprement dits avec participation de toutes, etc.), nous ne pourrions nier que la loge est un lieu potentiellement démocratique, ce qui peut satisfaire les narcisses, chacune ayant vocation à connaître un jour la « gloire » d'une charge enviée... Ce qui concerne l'alternance aux responsabilités, l'absence d'experte de quelque plateau que ce soit ou de la chose maçonnique, l'égalité fondamentale des membres, l'obligation de délibérer comme préalable à toute décision, etc. Notre inconduite est dommageable en ce qu'elle casse la machine mais aussi et probablement plus encore parce qu'elle gâche le plaisir anticipé d'un vivre ensemble quelques heures par mois sur un mode assez serein pour générer un air qui nous recharge en énergie. Et cela même si ce vivre et travailler ensemble densifie nos interrogations au risque de troubles divers tel celui de la perte de toute certitude. Là est peut-être ce qui nous distingue vraiment de I'Eglise : en F\ M\ « le service du doute est ouvert 24 heures sur 24 » : citation de Roland TOPOR. Violence pour la domination, domination pour le Pouvoir, son accaparement, sa maîtrise. Violence comme résultat tangible d'une frustration: ceux qui cherchent la paix rencontrent des guerriers, les guerriers ne trouvent pas de partenaires à leur mesure et en conçoivent souvent une telle amertume qu'ils produisent en rétorsion les venins aptes à empoisonner la vie d'un nombre impressionnant de maçonnes. Du politique au psychologique il n'y a qu'un pas vitement franchi par nos S\ S\ et F\ F\. Et encore me dispensé-je de disserter sur les ambitions profanes charriées en loge par tant de maçon-ne-s. Vous ·connaissez toutes ces S\ S\ ou ces F\ F\ qui se vengent en F\ M\ des échecs et déceptions subis dans le monde profane. Ou encore ceux/celles qui, venu-e-s en F\ M\ afin de recruter pour des chapelles diverses et qui, lorsque la recrue potentielle s'avère rétive ou carrément refusant, en appellent à leurs semblables, au dedans comme au dehors, pour punir qui a osé les repousser. Ces procédures punitives peuvent aller très loin, durer très longtemps. Or l'expérience et l'observation m'ont prouvé que les F\ F\ M\ M\ étaient, dans de telles situations, extrêmement tolérants. Comment se fait-il que l'ordre soit, quant à lui, si poreux à ce qui ne peut que le déprécier ou même, un jour futur et funeste, l'abolir ? Nous nous conduisons souvent comme si la F\ M\ était une société de réassurance égotique et de réparation des déboires subis dans la (vraie) vie, ceci jusqu'à transformer nos loges en fourriers de névroses et d’ambitions individuelles le plus souvent incompatibles entre-elle. J'ai rencontré des maçonnes qui m'ont signifié leur étonnement. Pourquoi nous plaindrions-nous d'être humains et, partant, de nous comporter « comme tout le monde » ? Que répondre à cette question qui semble totalement ignorer des caractéristiques essentielles et remarquables qui font que la F\ M\ n'est comparable à aucun autre rassemblement ? Nombre d'entre nous ont incriminé, comme combustible à cette violence méchante, les archaïques sentiments de l'envie, de la jalousie autres noms du fameux désir mimétique analysé par René GIRARD. Que dire à leur sujet ? La cause, à leur évocation, devient presque désespérée. Passe encore que, en dépit des assurances rituéliques (notre acceptation par le groupe via notre initiation, la reconnaissance qui s'ensuit de facto, notre participation), nous nous laissions de temps à autres chatouiller par ce sentiment aux pinçons brûlants, cela fait en quelque sorte partie du jeu de la vie. Mais songeons aux troubles immenses et disproportionnés que provoquent au sein des loges et de leur fédération les adultes immatures qui se laissent déborder puis emporter par ces sentiments mortifères. Pour que nos loges et nos rassemblements hors temple fassent si souvent office de « fourriers de névroses », il faut bien sûr que soient bien immatures ceux dont la pudeur, pour le moins, devrait retenir ces poisons délétères. Comme nous initions des êtres en partie éduqués, ces sentiments cannibales se présentent sous d'autres oripeaux et ne se dévoilent pas avant d'avoir, grâce à l'usage des signes de reconnaissance, désarmé le groupe victime qui fera les frais de leur extériorisation. Est-ce à dire qui il serait pertinent ne plus initier que des profanes ayant vécu au moins dix ans en analyse ? Que nenni ! Mais, outre, qu'il conviendrait de juguler les indicibles peurs individuelles qui ouvrent la porte à ces fauves (les sentiments précités), peut-être devrions-nous mettre au point quelques procédures de répartie, de parade, de soin. Les ravages que, peut causer a un groupe une seule personne en crise, donc, trop souvent, en guerre (contre la partie du groupe éligible par substitution au rôle du démon à combattre ou exorciser) sur un terreau fantasmatique (ego blessé, recherche individuelle de puissance réparatrice, réminiscences amères, etc.) excluent à mon avis que nous persistions à assister à ces casses répétées à la manière de spectateurs aux jeux du cirque. Lorsqu’une assemblée invoque la liberté individuelle et la nécessaire dureté de l'existence comme du cheminement initiatique pour ne pas intervenir, sinon lorsque le combat a pris fin avec la « mort » de l'une des leurs, ceci me rappelle toujours le poème de BRECHT (lorsqu’ils sont venus me chercher...) et cette réalité m’est. Il est - inadmissible que des FF\ MM\ obéissent entre eux au principe de la concurrence libre et faussée donc à la liberté de guerroyer n'importe quand et comment contre n'importe quelle F\ ou S\ au prix d'une perversion cancérigène du « système des échanges maçonniques ». Il est, par respect pour la F\ M\, ses principes ainsi que notre humanité, insupportable que nous comptions les points de ces combats récurrents et laissions collectivement W\ harceler X\, massacrer Y\ et menacer Z\. Nous incriminerons donc notre lâcheté, notre hypocrisie en même temps que notre sadisme. Lorsqu'un groupe maçonnique ne se dresse pas au résonné des premiers horions, il se condamne à plus ou mains court terme et met en échec la Maçonnerie tout entière. Vous connaissez cette célèbre sentence qui dit que la diplomatie est la continuation de la guerre par d'autres moyens. A force d'entendre partout tout le temps en F\ M\ les mêmes histoires de guerres intestines, clan contre clan, ou par élimination d'une victime expiatoire, je me demande si notre belle association n'est pas un moyen de poursuivre avec peu de risques la guerre sociale qui sévit au dehors des temples. Cet en dépit de deux paradoxes (au moins !) : d'une part ce sont globalement les perdants de ladite guerre sociale qui s'entretuent en loge et, d'autre part, ces perdants-là sont ceux qui, du fait de leur credo, avaient vocation à aider leurs semblables humains à résister à l'hydre qui nous consume collectivement... Car les FF\ MM\ sont, lorsque apaisés, des sortes d'ingénieurs du vivant, du social. Si, au lieu de travailler « au progrès de l'Humanité », ou nous détruisons en Loge avec la férocité dont nous sommes capables, alors… L'imprécateur qu'était Charles PEGUY insistait sur le caractère décisif des « petits faits vrais », ces figures mineures aux marges d'un tableau, qui, lorsqu'on daigne leur prêter attention, révèlent tout à coup le sens d'une démarche. Ainsi, que se révèlerait-il du véritable sens de notre démarche à un observateur extérieur au spectacle de nos guerres picrocholines ? Que nos aspirations ressortent plutôt de l'ordre de, la prétention ? Que nos paroles, à défaut d'être clairement mensongères, sont au moins fallacieuses ? Que, dans nos temples, nous jouons pour de faux à la Maçonnerie, ce qui fait de nous des imposteurs, des tricheurs dont le système des échanges se grippe car alimenté par la fausse monnaie que nous fabriquons nous-mêmes, qui plus est en nous en glorifiant ? Ou, au regard de nos prétendues exigences éthiques, devons-nous, l'air faussement contrit, persister à invoquer une humaine nature qui, faute d'être perfectible en actes visibles et constatables, devrait nous conduire à rendre nos tabliers et, pourquoi pas, à nous joindre à tous ceux qui, à l'instar de Saint Paul (Epître aux romains VIII14-23), font de nous des esclaves invertébrés du mal. Humains, trop humains, nous ne pourrions faire mieux, ne serions responsables de nos méfaits et n'aurions de surcroît aucun compte à rendre à personne ? Si les FF\ MM\ sont incapables, respectant les serments par eux librement contractes, de promouvoir des formes plus amènes du vivre ensemble, il n'y a plus d'espoir...sinon celui, peut-être, de contribuer à féconder une éthique de la désillusion. J’ai dit. |
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