Approches
maçonniques
Le Baptiste et l’Evangéliste
Le Pérou, conquis par l’épée et christianisé de force par les
vainqueurs à partir du XVIème siècle, a cependant conservé ses anciens
rites solaires, du temps où le soleil était un dieu, que personne ne
peut commander, excepté Tintin dans ses aventures au pays du soleil. Un
reportage télévisé récent montrait ce rite solaire toujours pratiqué
aujourd’hui par les Péruviens, ce qui ne les empêche pas d’être
Chrétiens et d’aller à la messe. Dans leur sagesse, les autorités
chrétiennes préfèrent tolérer plutôt que de combattre ce culte païen du
Pérou, cette communion rituelle et sacrée si naturelle avec le
dieu-soleil. Nous fêtons nous aussi la Saint Jean d’été et les feux de
la Saint Jean. Voici mes Frères qu’arrive la fête, l’apogée de l’été,
la fête du soleil, splendeur et triomphe de la lumière sur les temps
sombres, sur la tristesse, fête de la joie que nous célébrerons avec
les feux de joie, en sautant peut-être par-dessus les flammes, comme
cela se faisait dans les campagnes françaises. Dans notre Temple, lieu
sacralisé, le soleil et la lune sont présents, comme le jour et la
nuit, la lumière et l’obscurité dont les mouvements sont rappelés par
les 2 solstices. Jean le Baptiste au solstice d’été, Jean l’Évangéliste
au solstice d’hiver.
Ces deux Saint Jean rappellent les deux visages de Janus, dieu de la
dualité, du nombre 2. Janus, le dieu aux deux faces, dieu des saisons,
le dieu des portes, important chez les Romains rappelle cette symétrie
des deux Jean, ces noms jumeaux.
Castor et
Pollux, les Dioscures, jumeaux mythiques, sont probablement
des projections de Janus, réunissant en sa personne le 1 et le 2. Le
rapprochement s’impose quand on imagine l’importance dans l’Empire
romain, époque de l’écriture des Évangiles, du culte en l’honneur de
Janus, avec ses rites et ses sacrifices d’animaux.
Les Évangiles sont écrits durant cette période historique imprégnée de
ces croyances romaines. Et à cette époque, si l’on veut convaincre, il
est bon de créer des similitudes avec ce qui existait déjà dans les
esprits du temps.
Ainsi se
met en place dans le calendrier Chrétien la mise en parallèle du
prophète et de l’Évangéliste, des jumeaux.
On trouve dans les textes sacrés l’évocation de deux autres jumeaux,
Jean le Baptiste et Jésus. Tous deux prophètes en Palestine, avant que
la mission du Christ prenne toute son ampleur au cours de sa vie
publique; tous deux ponctuent les temps nouveaux, l’un diminuant pour
que l’autre grandisse.
De même qu’il y a deux Jean, l’un à la diminution des jours ; l’autre à
leur augmentation, il y a Jean le Baptiste et Jésus, le rôle du
Baptiste annonçant le prodigieux destin de Jésus, le début de la
prédication du Christ en juin ; l’autre Jean se fête peu avant Noël,
fête de la nouvelle naissance, de l’espérance au sein des ténèbres, en
pleine nuit hivernale, « il est né le divin enfant »
; une nouvelle étoile est née.
Dans le
style biblique, la vérité se renforce de ces mises en
parallèle, en correspondance, en oppositions complémentaires. La
symétrie entre les deux Jean
nous
rappelle que la géométrie garde son rôle
dans la
littérature sacrée. Symétrie, complémentarité et opposition font
tourner le cycle répétitif du temps, des saisons, des années, l’apogée
de la Lumière opposé au puits des ténèbres, ces ténèbres de Décembre
dans lesquels brille l’étoile nouvelle, annonçant la nouvelle lumière,
celle du Messie annoncée par Jean.
Jean le Baptiste s’écrie (je cite le texte): « c’est
celui dont j’ai dit: Celui qui vient après moi m’a précédé, car il
était avant moi. ».
Le Baptiste vu par
Léonard de Vinci
Cela ressemble au style de
Raymond Devos.
Plus sérieusement, ne serait-ce pas une allusion au cycle des saisons,
à l’alternance des deux solstices. L’annonce du Baptiste inaugure la
vie publique du Christ le début sa mission qui a à faire avec la mort,
avec le déclin des jours, bien avant la résurrection.
Les
prophètes et la prophétie annoncent : parole révélée ; parole
transmise oralement dont on fera un texte sacré ; parole prophétique ;
la bonne parole.
Annonce faite à Noé ; annonce du retour à Jérusalem annonce de la terre
promise ; annonce faite à Moise ; annonce de l’archange Gabriel faite à
Élisabeth de la prochaine naissance de Jean-Baptiste, annonce faite à
Marie de la naissance du Christ; annonce de la destruction du Temple et
de sa reconstruction. Toujours la parole de l’annonce rétablit
l’espérance en des temps nouveaux.
Toute
parole reproduit, répète une parole ancienne avec un effet de
nouveauté, elle s’appelle alors une nouvelle ; on est plus ou moins
prêt à entendre la bonne nouvelle, celle qui nous porterait dans
l’enthousiasme à l’espérance joyeuse : par exemple, « il est
né le divin enfant »,
celui qui va délivrer les hommes de la mort ; voilà la bonne nouvelle
de Noël traditionnellement marquée par l’apparition de la lumière
nouvelle qui va chaque jour augmenter à partir de la Saint Jean d’hiver.
Jean-Baptiste s’inscrit dans la tradition de la prophétie qui se répète
de livre en livre dans la bible, qui fait partie du style de la
littérature biblique.
« Vision
» de Saint-Jean (l’Evangéliste) à Patmos
Il la renouvelle avec l’annonce de Celui qui vient sauver l’humanité
d’une mort irréversible dans ces temps troublés de la diaspora juive
après la ruine du Temple de Jérusalem. Après le désastre de la
destruction du Temple, une partie du peuple juif plutôt que de se
résigner au repli et au désespoir va adhérer à la nouvelle foi prêchée
par Paul. Ils adhèrent à celui qui vient sauver l’espérance afin
qu’elle renaisse dans le peuple juif puis soit apportée à toutes les
nations.
Style biblique : le merveilleux, les miracles pour créer l’émotion ; et
la répétition de l’annonce pour renouveler l’espérance.
L’été amplifie notre joie de vivre. Il nous épanouit. Ainsi on comprend
mieux le culte des saisons et des moissons, représenté dans l’Antiquité
par Déméter et Proserpine, et le sens des fêtes païennes des feux du
solstice.
Jean-Baptiste, prophète en Palestine, annonce l’arrivée d’un Sauveur :
« Moi, je vous baptise avec de l’eau, mais vient plus
puissant que moi; lui vous baptisera par l’Esprit Saint et le feu ».
Dès que Jésus eut été baptisé, il sortit de l’eau. Et voici, les cieux
s’ouvrirent, et il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et
venir sur lui.
Et voici, une voix fit entendre des cieux ces
paroles: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute mon
affection. Vous voyez ici mes Frères, à l’oeuvre, ce que l’on a appelé
le
« merveilleux chrétien ».
« Au commencement, la parole, la parole avec Dieu, Dieu la
parole, En elle, en la parole, la vie, lumière des hommes ».
Nous pourrions faire un sujet de planche de chaque mot de ce 1er verset
de l’Évangile de Jean : Dieu, Parole, Vie, Lumière.
Puis : « Il
y eut un homme envoyé par Dieu nommé Jean Il est venu témoigner de la
lumière Elle la seule et vraie lumière, en venant au monde a
éclairé chaque homme A tous ceux qui l’ont reçue elle a donné le
pouvoir d’être enfants de Dieu ».
M\ F\, avons-vous réellement reçu la lumière ? Et comment
comprenons-nous nous, en M\, cette expression : « enfants de
Dieu » ? Le texte ajoute : « Ils ne sont plus
nés du sang, ni de la volonté charnelle ou virile, (autrement dit de la
femme et de l’homme), mais de Dieu. ».
Cela M\ F\s nous parle, nous qui sommes nés une deuxième fois
par
l’initiation, à la vie de l’Esprit, pour que s’ouvre à nous la voie
royale de l’esprit. La Loi fut donnée par Moïse ; par Jésus fut donnée
la tendresse, mot traduit parfois par chérissement, ( chérir mes
frères, aimer) ou encore par la grâce. Symboliquement l’équerre
correspond à la Loi, aux Commandements ; la circonférence du compas à
l’amour, à la tendresse sans angles coupants ; l’un plutôt viril,
l’autre plutôt féminin, « aimez-vous les uns les autres »,
cette Loi d’Amour qui transgresse parfois l’ancienne Loi, qui parfois
est plus forte qu’elle.
Je voudrais que mes paroles soient inspirées; c’est-à-dire qu’elles
transmettent, communiquent éveillent en chacun l’essentiel, le partage
de l’Esprit par la parole et sans la parole, condition d’une fraternité
en esprit.
Sans
pratiquer ici une religion, ce qui nous amènerait à exclure ceux
qui n’y adhèrent pas, nous, F\ M\, sommes religieux, aux deux
sens
du mot selon deux étymologies possibles; l’une, de religare , lier,
relier entre eux dans la fraternité, et aussi relier à Dieu, relier au
ciel, que rappelle le mot pontife, dans l’expression « Souverain
Pontife »
; l’autre religere, c’est-à-dire répéter, relire, c’est-à-dire revivre
par les rites. Relier et revivre, voilà toute la Tradition.
Le
ciel, F\ M\, est fait des paroles qui lui donnent son
existence,
sa réalité ; l’initiation est cette ouverture sur le ciel et le cosmos,
mise en ordre harmonieux à l’aide de mots, c’est-à-dire de pensées;
comment organiser en nous les idées, les croyances et les doutes dans
le but d’ériger un édifice, notre temple personnel, en conformité avec
le temple universel ?
Les planches que nous rédigeons, F\ M\, sont des mises en
ordre
des acquis par les sens selon un style, (on a évoqué tout à l’heure le
style de la Bible), un style qui rappelle les styles d’architecture,
style qui doit être cependant le vôtre propre, personnel, car on ne
peut s’élever à l’universel qu’avec sa propre sensibilité.
L’initiation fait passer de la perception par les sens aux styles, à
l’art, aux dissertations, aux planches qui établissent les plans
harmonieux du monde et de nos relations à nous-mêmes et à autrui, qui
constituent un Temple en soi-même, en notre vie intérieure. Cette
démarche est développée dans le second degré de Compagnon que nos F\
Apprentis découvriront.
Nous avons foi dans notre utopie, projet imaginaire de nous changer,
chacun de nous, afin que la somme de ces F\ changés par l’initiation,
conduise par une conséquence naturelle, non-violente, au changement de
la société, ou du moins à son perfectionnement.
En attendant cette lointaine réalisation, symbole, parole, pensée,
esprit sont les échelons de cette ascension qui nous conduit à être
ensemble, dans le partage d’intense spiritualité, au moment de la
chaîne d’union, d’un moment d’amour.
Entendons
M\ F\ la parole qui se montre dans nos rituels,
invitant à l’intelligence des textes de chaque degré. Ainsi a lieu le
voyage de la pensée, de notre pensée poursuivant notre recherche d’une
parole perdue, perdue en chacun de nous et qu’il nous faut retrouver.
V.I.T.R.I.O.L. Au moment de la célébration des feux de la Saint Jean,
je vous souhaite M\ F\ une émotion simple, une
émotion
d’enfant, qui laisse parler en vous l’enfant de l’origine, notamment la
parole perdue de certaines émotions.
Une émotion fait mieux comprendre les mythes, les religions, les
révélations que bien des livres. Elle permet de comprendre que
nous-mêmes, en chacun, recelons en nous l’origine des choses, des
histoires, l’origine de tous les chemins communs à tous.
J/P/ R/
|