Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
Art
et lumière J’ai
eu de nombreuses discussions avec mes enfants sur
l’art, j’ai beaucoup de mal avec l’art
contemporain et particulièrement je
ne trouve pas de beauté dans le cubisme.
Mais qu’elle est la notion de beauté ?
Mes enfants me disaient : ne
dis pas que ce n’est pas beau, dis que tu n’aimes
pas ! Évidemment que je
n’aime pas, mais où est l’art dans ces
formes discordantes faites par un
travail facile dont l’effort des artistes s’est
distingué dans les milieux
mondains et non dans l’atelier. En
matière artistique je suis totalement profane, comme
beaucoup
pour le vin, je saurais dire qu’une œuvre me plait,
mais sans en discerner
toute sa technique, sa dimension. Mon
milieu familial et une formation plutôt scientifique ne
m’ont apporté que trop peu de culture, sinon le
gout de la lecture et du
dessin. Que de frustrations à chaque visite
d’exposition, à chaque lecture, de
ne pas posséder les bases nécessaires
à l’exploration des œuvres, ne pas
retenir suffisamment. Il
m’en reste toujours une chose importante : la
lumière de l’artiste nous éclaire,
parfois nous éblouie. Ce pouvoir de création, que seul le génie permet, n’est donné qu’à quelques uns. Nous pourrions penser que ce sont les plus doués, certes, mais ce sont avant tout les plus travailleurs. Oscar Wilde, dans la préface du Portrait de Dorian Gray écrit : « L’artiste est celui qui crée des choses de beauté. Révéler l’art et dissimuler l’artiste, tel est le but de l’art. » Je
trouve cette phrase révélatrice de ce que doit
être un
artiste, tel que nous devons être nous-mêmes,
Franc-maçon. Nous travaillons
pour le grand art, et, comme l’artiste, nous devons nous
dissimuler derrière
lui. Nous devons rester humbles derrière le
chef-d'œuvre. Déjà, il est
collectif, et notre travail demande patience et humilité
devant l’œuvre à
accomplir. La
définition de l’art peut varier selon les hommes
ou les
époques. Quoi qu’il en soit, il doit
être chargé de symbolisme :
transmettre une idée, un concept, mais surtout
être chargé d’émotions.
C’est
pourquoi cette planche ne peut être complète, je
ne parlerai que d’œuvres que
je connais personnellement qui m’ont transmis une
émotion, éblouie par leurs
lumières. Revenons
à la beauté, comment la
définir ?
Effectivement, il est difficile de faire la différence entre
ce qui nous plait
et ce qui est beau. Certaines choses nous plaisent et pas d'autres. Je
ne parle
pas des snobs qui s’extasient devant une toile blanche au
point de vouloir
l’embrasser, ni de ces monochromes
hors
de prix, soi-disant exceptionnels. Les techniciens en
colorimétrie y travaillent
tous les jours de l’année. Ce sont des
techniciens, pas des artistes. Mais
l’art n’est pas forcément
présent dans la beauté.
Comment le discerner ? Parisien,
j’ai eu la chance de visiter le Louvre très jeune,
et je me souviens d’avoir été
fasciné, alors, par : « Le radeau de la
méduse » de Théodore
Géricault,. Cette œuvre, si je n’en
avais pas compris
tout son sens, m’avait
apporté de
l’émotion. Pourtant, cette toile
dépeint une scène terrible, de mort, de
douleur, de désespoir. Cependant,
ce tableau est extraordinaire par les émotions
qu’il
transporte. Nous avons effectivement la mort et la souffrance dans le
premier
plan, mais les survivants ont le visage et le bras tendu vers
l’espoir, vers la
lumière. Cette toile à fait polémique
en son temps, jugée trop politique à une
période de débat contre l’esclavage. En
effet, un des survivants est de couleur
noire. Ici,
cette lumière est synonyme d’espoir, de
liberté pour
tous les hommes. Autre
peintre lumineux : William Turner, nous
retrouvons dans ses toiles beaucoup de notre symbolisme : la
lumière qui
perse les ténèbres, elle est
nébuleuse, hypnotisante.
Nous y retrouvons également le miroir,
parfois une forme de
labyrinthe. Ce peintre a
été qualifié
d’inclassable, pourtant son travail est chargé
d’émotion, d’émerveillement Nous
retrouvons également les
« vanités », ces
natures mortes allégoriques, signifient la fin de toute
chose. Une lampe ou une
bougie est souvent présente. Son rôle est de
symboliser le temps,
l’éphémère.
La lumière est elle aussi
éphémère. Elle est
d’ailleurs souvent représentée
éteinte auprès d’un crâne
humain : la chandelle éteinte symbolise
« la
non-lumière » : la mort, la fin
d’un cycle … Dans
certains rites maçonniques, la chandelle présente
sur l’autel
des serments n’est symboliquement
jamais éteinte. Les frères entrent dans le temple
à sa seule lumière, et en
sortent de la même manière. Elle est
nommée lumière éternelle, telle notre
utopie philosophique. Au
moyen âge, nous retrouvons cette association symbolique
par le travail des moines copistes illustrant les textes
sacrés d’enluminures.
Exemple d’association de l’art du dessinateur avec
la lumière de l’œuvre. Le
symbolisme associe la beauté de l’image
à celle du message. Nous retrouvons ce symbolisme dans les vitraux des
édifices religieux.
Sans tous les citer, j évoquerai ceux qui
m’ont personnellement émerveillé. Une
des plus spectaculaires
est la rosace de la cathédrale de Saint Denis, le tombeau
des rois, résumant la
Jérusalem céleste. La
cathédrale Notre dame à
Rouen nous réserve également de merveilleux
spécimens de vitraux. Ici l’art
raconte l’histoire des évangiles, mais aussi la
vie et les légendes de la
ville. Financés par les corporations, nous retrouvons
certains corps de métier
au cœur des Saintes Écritures. Ces
vitraux développent
également la légende de Saint Romain et la
gargouille, qui est une sorte
de dragon dont Saint Romain, accompagné d’un
condamné à mort aurait
libéré la
ville. Cette légende a permis de justifier le
privilège donné aux chanoines de
libérer un condamné à mort chaque
année. Ici le symbolisme rejoint l’humanisme. La plus connue pour ses vitraux est Notre Dame de
Chartres mais
je l’évoquerai uniquement pour
une petite curiosité. Dans un de ces vitraux existe un trou. En bas de ce
trou, sur le sol se
trouve un clou, qui à chaque solstice
d’été se trouve
éclairé à midi. Certains
trouvent l’effet très pratique pour
régler
une montre, d’autres y voient un symbole
hermétique. Louis Charpentier
dans « Les mystères de la
cathédrale de Chartres » y a
démontré par
de savants calculs la quadrature du cercle.
Ah…vérité,
vérité, nous serons
toujours à ta recherche. J’oserai
dire :
« Fort heureusement, aucun texte ne reste de ces
périodes qui nous font
rêver ». Seul l’art subsiste, et
sa fascination nous oblige à déchiffrer
seul son symbole, à nous égarer, puis nous
trouver. peut-être … L’art roman à
également eu son heure de gloire avec, entre autres, la basilique sainte
Madeleine de Vézelay,
nous allons nous y arrêter un moment. Le
matériau principal de la
cathédrale de Vézelay est la lumière. Par le plan de l'édifice et
par son élévation, les
bâtisseurs de Vézelay ont en quelque sorte
capturé la lumière. Ils
l'ont répartie
dans l'espace, dans les différents espaces de
l'édifice. Il existe à
Vézelay,
une sorte d'avant-nef qui sert de lieu de transition
entre le monde extérieur
et le sanctuaire : le narthex. Ce lieu est sombre, en dehors
du lieu
sacré. Ici
se tient le profane, il frappe à
la porte du temple. Confiné
dans cet espace clos, le
visiteur ou le pèlerin se tourne
face
au grand portail: lorsque celui-ci s'ouvre, on ressent un
véritable appel vers
la lumière. La
construction a été élaborée
de
manière que pendant la seconde quinzaine du mois de juin,
à l’époque du
solstice d’été, chaque jour
où il fait soleil, on peut observer le chemin de
lumière au milieu de la journée. Lorsque
l’on pénètre dans
l’église, et que
l’on évolue vers son cœur,
nous marchons sur ce chemin, illuminé. Ce chemin est
matérialisé par neuf
taches de lumières sur l’axe central de la
cathédrale jusqu’à son cœur.
Au
solstice d’hiver, le soleil
pénètre par les fenêtres sud de la
cathédrale
(à sa droite) et inscrit sa lumière non plus sur
le sol, mais en haut de
l édifice sur les chapiteaux supérieurs
avec une régularité parfaite.
Cette lumière, à l’approche de
noël révèle aux profanes comme aux
initiés toute
l’étendue du symbolisme de ces sculptures. Autre
exemple de capture de lumière : le temple d'Abou Simbel. Ce monument sauvé des
eaux du
lac Nasser possède une petite pièce se trouvant
à 65 mètres au fond du temple.
La lumière du soleil pénètre deux fois
par ans pour illuminer les statues de
Ramsès II assis au côté des dieux Ptah,
Rê et Amon. Lors des équinoxes,
trois des quatre statues étaient
éclairées,
et étrangement la statue du dieu Ptah restait dans
l'obscurité. Il fut
découvert seulement plus tard que le dieu Ptah
était une divinité funèbre, il
était normal pour les Égyptiens de le laisser
dans l'obscurité, son élément. Le calcul qui a permis ce
phénomène était tellement
précis que les
hommes qui ont sauvé le temple des eaux du lac Nasser n'ont
pas pu réaliser la
même prouesse technique, le résultat est que
maintenant les statues sont éclairées
avec un jour de décalage des équinoxes. Dans notre symbolisme judéo
chrétien la lumière est supérieure aux
ténèbres,
le bien supérieur au mal, et rien ni personne ne permet
d’imaginer
l’association des deux. Sans développer la notion
de bien et de mal, il est intéressant
de noter que ce symbolisme ne leur posait pas de problème de
préséance, que
l’obscurité n’était surement
pas le mal. Ptah était en fait le dieu des constructeurs,
la métallurgie et la sculpture. Il aurait
conçu le monde.
Créé la nature la faune et la flore par la pensé,
puis réalisé par le verbe. En
loge la lumière est d’une grande importance. Pour
l’illustrer je vais la développer par le rite du
REAA qui le démontre bien. Lors
de l’allumage des trois chandeliers entourant le tapis
de loge, le vénérable maître illumine
le pilier oriental et dit : que la
Sagesse préside à la construction de notre
édifice. Ensuite, Le Premier
Surveillant allume le pilier nord-ouest et dit : que la Force le
soutienne. Le
Second Surveillant allume le pilier sud-ouest et dit : que la
Beauté l'orne. Ce
symbolisme associe parfaitement la franc-maçonnerie,
l’architecture et l’art. Il faut de la sagesse pour
construire un édifice
équilibré, de la force pour maintenir
l’édifice et de la beauté pour
l’orner.
Au rite français, nous n’allumons pas ces trois
candélabres, par économie de
temps dans notre rite épuré, mais le symbole est
bien présent. Aussi, au rite
français moderne rétabli, l’allumage
des chandeliers existe bien et mais il est
exécuté par le premier Maître des
cérémonies. Dans
les loges de Saint Jean, l’autre symbole de
lumière
maçonnique sont les trois grandes lumières
présentes sur l’autel des
serments : le compas, l’équerre et le
livre sacré. Le livre étant la bible
ouverte à la page de Saint Jean. Ici les lumières
symbolisent la présence du
Grand Architecte de l’Univers pendant les travaux. Pour
les autres loges la bible est remplacée par les
constitutions d’Anderson ou autres constitutions
d’obédiences, parfois un livre
blanc. Nous travaillons alors à la gloire de la
Franc-maçonnerie Universelle,
une maçonnerie totalement laïque. Quoi qu’il en
soit,
ce livre représente la loi sacrée, et dessus,
la présence
de l’Equerre liée au
carré représentant la matière, et le
Compas qui engendre le cercle représentant
l’esprit. L’épée
représentant l’égalité et la
fraternité doit
également y être présente. La
disposition et l’ordre des outils sur le livre
sacré
relève d’une grande importance, elle symbolise
l’âge auquel nous travaillons
ainsi que les différents outils que nous pouvons employer. Les
frères en charge du rituel d’ouverture ont une
grande
responsabilité. L’ensemble du symbolisme
à ce moment nous permet de passer d’un
lieu profane à un lieu sacré. Tout manquement au
rituel nous laisse en terre profane.
Aucun
lieu n’est sacré pour les
Francs-maçons, l’ouverture
de la loge peut se faire n’importe où, certains
rites le prévoient en
extérieur. Seul les frères et
l’exécution parfaite du rituel rendent ce lieu
sacré.
Toujours
au REAA, Lors de l’ouverture et la fermeture des travaux,
le Vénérable Maitre utilise la lumière
et l’espace pour définir le temps. Ce
n’est pas évident de
l’appréhender dans un temple conçu
pour le rite Français, mais si vous allez travailler au
temple
d’Hazebrouck, les
propos du vénérables
prennent tout leurs sens. Ils
ont disposé sur les murs du temple des fenêtres
à
l’identique du tapis de loge. Imaginez
la loge des maçons opératifs,
elle était placée au sud de
l’édifice religieux,
donc à droite de la future construction.
Il y avait trois fenêtres : une
à l’est face à l’orient, une
deuxième au sud, et la troisième à
l’ouest. Ces trois fenêtres permettaient
d’éclairer les ouvriers tout le long de la
journée. Celle
du sud représente la fenêtre à
l’arrière du Vénérable
Maitre, le soleil levant. Le soleil ouvre la carrière du
jour, le vénérable
ouvre la loge et dirige les travaux. A l’ouverture, le
vénérable demande au premier surveillant
à quelle heure commencent les travaux.
Celui-ci répond
à midi. S’il demande au
second surveillant l’heure qu’il est,
c’est que ce dernier placé au milieu de
la colonne du midi, sous la fenêtre du sud, peut apercevoir
le soleil à son
zénith. Ainsi il peut confirmer l’heure de
l’ouverture des travaux. A la fin des
travaux, le premier surveillant placé sous la
fenêtre de l’occident confirme
que le soleil à fini sa course, il est minuit. Notre
symbolique de lumière est une symbolique
chrétienne,
car nous disposons notre loge telle une loge de bâtisseur,
pourtant nous la
comparons au temple de Salomon. Seulement notre loge est
dirigée face à
l’orient tel que tout édifice chrétien
doit l’être. Le temple de Salomon était
bâti tel un temple Egyptien, dirigé vers
l’occident pour que le soleil puisse
inonder de sa lumière. Passant par le portail grand ouvert
à son levant. En
aparté, dans le livre des rois il est dit que la colonne
Jakin était à la droite du temple. Le temple
étant alors face à l’occident,
elle se plaçait donc au nord du temple. Si l’on
inverse totalement le temple
pour qu’elle reste
au nord, elle se
retrouve à gauche, comme au rite Français. Nous
pourrons dire
que les deux rites ont raisons, tout dépend de la
manière où nous nous plaçons
dans l’espace ou dans le temps.
Nous
ne cherchons pas seulement à construire un
édifice pratique,
nous pratiquons l’art, il doit être beau. Ainsi,
nos recherches et nos travaux,
ne se maintiennent pas au niveau du profane, à la politique
au sens du
vulgaire, mais à un niveau différent, au niveau
de l’utopie. Nos travaux
doivent être beaux, car nous travaillons pour le grand art et
recherchons sans
cesse la lumière. Dans
nos édifices religieux, la lumière entre par les
vitraux : Il a fallu de la sagesse pour les concevoir, de la
force pour
les réaliser enfin que la beauté transcende la
spiritualité. La
lumière n’est que beauté, mais
n’éblouit jamais, donnant
ainsi accès à une nouvelle vision, celle de
l’esprit. Cette
lumière n’est que symbole, elle est un livre
ouvert
sur le passé et ses mythes. Ainsi, ces derniers traversent
le temps,
transmettant les traditions et les messages de cette recherche morale
et ce
parcours philosophique vieux de plusieurs millénaires. Si
l’homme à besoin pour son équilibre de
se réunir sur des
valeurs communes, l’homme moderne, notre civilisation
occidentale n’a plus rien
de spirituel. Il place le matériel au-dessus de tout,
d’où l’impossibilité de
compréhension entre des cultures devenues autistes les unes
des autres. A
l’heure où la communication est devenue si rapide,
trop
rapide, les messages sont inaudibles, la communication est
coupée. Plus
grave, cette désertion spirituelle laisse le champ
libre aux intégristes de toutes les religions :
montée de l’extrême droite
en Europe, on parle de populisme là ou on oubli que la
démocratie vient du
peuple. L’extrémisme islamiste est grandissant
dans de nombreux pays du sud,
sans compter Israël dont le cœur balance entre
démocratie et théocratie. L’homme
a besoin de lumière, si une démocratie ne rayonne
pas suffisamment, la dictature arrive : l’ombre. Si
la spiritualité ne
rayonne pas, l’ombre fondamentaliste apparaît. Ce
mariage de l’art et de la lumière, nous le
partageons,
nous franc-maçon. La beauté de nos temples, cette
lumière qui danse au fil de
nos rituels. Parfois quasi inexistante ou si rayonnante, mais jamais
éblouissante pour l’initié qui apprend
par l’apprentissage à en supporter ses
rayons. Elle
guide nos travaux, elle aide au recueillement, à
l’ouverture de notre imaginaire, développant ainsi
l’esprit créatif. Enfants
du Siècle des lumières, nous devons
réinventer
l’homme moderne. Être force de proposition et agir
dans nos cercles
d’influence. User de la
« propagande » par
l’exemple. Cette
lumière, celle que l’on découvre
à l’initiation et que
l’on suit tout le long de notre vie maçonnique est
notre essence même de maçon.
On la développe et on la partage, on la déploie
en dehors du temple. Notre
travail est notre art, notre art se transmet au
travers de la lumière. Le
franc-maçon doit être Art et Lumière J’ai
dit P\ C\ |
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