Le
Geste
Je
voudrais vous préciser que nous sommes le 14 octobre de
l’an 2009 année profane, et ce, vous le savez,
mais ce que nous oublions bien
facilement c’est que depuis dix milles ans
qu’est-ce qui a changé dans le
monde ? rien, Les hommes continuent à
s’entre-tuer allègrement pour divers
prétextes : religieux, racistes, sexistes,
politiques et que sais-je
encore ! non rien à changer, d’autant que
l’homme continue à exploiter
l’autre, continue à escroquer l’autre
etc. etc.
Le
geste qui permet de tuer l’autre, et l’autre est
bien sur
l’ennemi, reste tel qu’il est, seules les armes ont
changé et ce n’est pas sur
puisque certains trucident leurs voisins avec des machettes et ce
à grandes
échelles.
Nous
nous sentons tellement impuissant, chacun d’entre nous
dans notre environnement familier, que nous nous créons le
plus souvent
possible, une petite bulle pour nous
protéger !…
Mais
c’est vrai, nous aussi à notre niveau, nous sommes
plongés, touchés, affaiblis, dans nos affections,
dans nos cœurs, par nos
propres tragédies, mais simplement à notre petite
échelle.
Alors
assez souvent je me pose les questions
suivantes, pourquoi sommes-nous là ici ensemble ?
Pour faire quoi exactement ? N’est ce pas
dérisoire ? Est-ce que nous
ne nous ne faisons pas de la masturbation intellectuelle ?
Pour
moi, il y a une réponse et celle là est
simple :
Pour améliorer l’homme et la
société, en fait pour améliorer le
monde ! Et
puisque le monde
commence en chacun de nous, pour nous améliorer !
Finalement vaste
programme et pas si dérisoire que cela !
Quelle
distance ! Je dirais même des
années-lumière ou
presque, entre le
monde des finances,
des pouvoirs, des guerres de religion, bref du monde dans sa
complexité, dans
sa vanité, dans sa folie, et chacun d’entre nous
en son for intérieur !
Mais
peut-être pas…voyons de plus
prés…
Je
pense alors souvent
dans ces cas là (de doute de découragement)
à le peine de mort.
Qui
de nous n’a pas été tenté de
dire : la mort pour ce
pédophile, ce tueur d’enfant, pour ce criminel
récidiviste, pour ce criminel
contre l’humanité… Pourtant chez nous
en France, la peine de mort a été abolie,
et malgré tout, beaucoup encore autour de nous, sont encore
pour cette sentence
fatale. Nombreuses ces petites voix en chacun de nous,
spontanées et sauvages
qui seraient tentées..
Mais
à force de travail sur soi, de réflexion, de
contrôle
des pulsions, à force d’intelligence, de
lucidité, ce qui en nous est primaire,
animal, est dominé, jugulé, domestiqué
et ce qui prévaut enfin, c’est le bien,
le juste, et non la barbarie…
On
devine peu à peu où est le bien, certaines
valeurs
deviennent plus précises,
plus
impérieuses.
Alors
oui nous avons raison d’être ici, ensemble,
à
travailler ensemble, c’est en
s’améliorant soi-même que nous
améliorons le
monde, et cela sera sans fin, puisque tous les
êtres qui naissent, auront ce combat
à mener contre eux même.
Mais
nous maçons, nous avons un gros avantage sur les non
initiés, nous travaillons dans un endroit sacré
et nous nous servons d’un
rituel et des symboles:
Un
rituel, ce sont des gestes et des paroles.
Gestes
et paroles, sont le fondement de la tradition orale,
l’écrit n’étant que pour
mémoire.
Les
gestes dans le temple sont souvent des mouvements
bizarres, et beaucoup d’entre nous attachent peu
d’importance à leur beauté,
c’est à dire leur précision, leur
exactitude, porteuses de sens.
Quant
à moi, j’ai
mis du temps à admettre que c’était
important et c’est en travaillant et en
avançant sur mon chemin que j’ai
découvert leur rigueur, leur exigence, et que
j’ai pu ainsi leur donner du sens.
Comment
en effet pourrait-on ici faire un travail sur soi,
si le rituel qui nous porte dans ce chantier n’est pas bien
servi ?
Et
un rituel est bien servi :
- Par
la disposition des objets et des outils dans le temple (c’est
le
travail du maître des cérémonies avec
l’aide des apprentis).
- Par
les paroles et les sons (musique et coups de maillet avec le
rythme qu’ils imposent)
- Et
par les gestes.
Les
gestes ne peuvent pas être compris dés notre
initiation.
C’est pourquoi tout d’abord, ils sont
imposés sans explication, d’où
l’importance des gestes modèles
exécuter par les maîtres (théoriquement
modèle
bien sur).
Le
néophyte fait des gestes qu’il ne comprend pas, en
toute
humilité et en toute confiance, il fait confiance aux
maîtres qui eux en
principe ont compris, ceux ci sont censés les
réaliser à la perfection, c’est
la transmission ! Ainsi
avec cette
aide, le nouvel apprenti comprendra plus tard qu’il est sur
un chemin
initiatique.
Evidemment
les maîtres n’ont pas tous compris, ni tout
compris ! Eux aussi sont sur leur chemin initiatique,
à leur rythme, et
sont loin de l’avoir totalement parcouru.. Et comme nous ne
sommes pas initiés
mais que nous nous initions nous même, le
chemin pour certains peu être
encore plus long.
Par
cette initiation qui en fait n’en finit pas, nous sommes
tous des apprentis, vous le savez bien.
C’est
pourquoi les chantiers de maître permettent
d’apprendre encore et encore.
Tout
geste est un tracé ; ce tracé est
porteur de
sens ; ce n’est donc pas n’importe
quoi ;
C’est
le corps qui exécute ce tracé ; en fait
le corps
est le premier à être initié avant
l’esprit, puisque l’initiation
est créatrice
de sensations et mise en éveil de tous nos sens. La
compréhension viendra par
la suite
Après
la lecture, et l’interprétation qu’il se
fera du
rituel.
Un
geste, je le fais, je le répète encore et encore,
je le
comprends ensuite, tout le monde connaît la vertu
pédagogique de la répétition.
Le
corps possède ses mémoires, il
mémorise les attitudes,
les gestes, le ressenti des mouvements, puis
l’étude intellectuelle suivra, et
c’est un champ d’investigation immense.
Nous
sommes, nous maçons, d’abord physiquement dans le
temps
et dans l’espace du temple, de ce lieu sacré
à partir de l’ouverture des
travaux jusqu’à leur fermeture, nous y sommes
alors différents du monde
profane, et le franc-maçon s’y tient
autrement : Nous sommes ne l’oubliez
pas en tenue !
Car
enfin, comment consentirions-nous
à faire des gestes que tout profane trouverait
idiots, insensés s’il les voyait, si nous ne
savions pas au fond de nous, de
façon très certaine,
que ce n’est pas
insensé justement, que tout geste à un sens, en
tous cas celui que nous lui
donnons, et que pour cela tout geste exige la perfection ou tout du
moins sa
recherche.
Le
geste précède la parole :
L’apprenti
apprend les gestes et les réalise avant de
pouvoir prendre la parole, dés la
cérémonie d’initiation, et ensuite au
silence
sur la colonne du nord ou il prend place.
Mais
pas seulement l’apprenti ! Tous les Compagnons et
tous les maîtres ne prennent la parole
qu’après l’avoir demandé et
qu’après
s’être mis à l’ordre,
c’est même par un geste (le même) que les
francs-maçons
sont reconnus comme tels sur leurs colonnes respectives par les deux
surveillants. C’est aussi par un geste appelé
attouchement que les
Francs-maçons se reconnaissent entre eux dans le monde
profane.
Je
l’ai dit plus haut, tout geste est un tracé, mais
il faut
apprendre à tracer droit, en effet dans tous nos gestes,
l’équerre
domine ; c’est à dire la droiture
d’abord, et avant tout : respect
des lois, des règlements, respect du rituel, rectitude
morale, recherche du
bien.
Mes
frères n’oubliez pas la devise
d’HARMONIO
« rectitude et
fraternité » Car comme disait un membre
fondateur
aujourd’hui passé à l’Orient
éternel : La rectitude sans la
fraternité
serait de la rigidité, et la fraternité sans la
rectitude serait du copinage.
Revenons
à l’équerre, il y a aussi tout ce
qu’elle
symbolise : la mesure, les limites,
l’équilibre, la verticale et
l’horizontale donc tout l’espace.
Mais
dans tout geste, l’équerre rappelle la droiture de
ce
qui sera dit ou fait, elle rappelle que nous nous sommes
engagés dans cette
recherche, par serments, recherche de travail sur le chantier pour
tailler la
pierre brute, recherche de la vérité, recherche
de servir à améliorer l’homme
et la société etc.. Etc..
Pour
ma part je vois l’équerre tracée en
préambule de tout
comme une promesse de droiture.
Je
vous soumets quelques exemples :
-
On
ne marche jamais dans le temple sans se tenir à
l’ordre.
-
On
ne prend jamais la parole sans se tenir à l’ordre.
-
On
tient l’épée de la main gauche pour
pouvoir se mettre à
l’ordre de la main droite, sauf les officiers qui tiennent le
glaive symbole de
leur fonction de la main droite, et dresse celui-ci à la
verticale, pour se
mettre à l’ordre.
-
L’équerre
existe même dans la chaîne d’union, nos
pieds
doivent être en équerre ! Et cela est
important car pour moi à ce moment
précis, notre esprit va voguer vers les étoiles
au-dessus de nous, nous serons
alors en plein équilibre dans notre relation avec
l’univers.
-
Lorsque
nous « traçons » un
geste, il faut que
celui-ci soit conforme, à ce qu’il doit signifier,
au sens que nous lui
donnons, il faut le réaliser avec tout son être,
c’est à dire avec son corps et
son esprit, c’est la seule condition.
Je
suis persuadé, qu’un beau geste est fait par
quelqu’un
qui est concentré, attentif, absorbé par ce
qu’il fait. Une personne distraite
ou agitée, éparpillée, ne
réussira pas à exécuter un beau
geste ;
n’oublions pas : il faut laisser les
métaux à la porte du temple.
Peut
être à méditer aussi sur les trois
colonnettes
présentent seulement au rite écossais ancien et
accepté « sagesse, force,
beauté ».
Donc
il faut être concentré, afin de se rassembler, ou
plutôt rassembler ce que nous avons en nous (assembler ce qui
est épars en
nous) tel est le travail à exécuter en loge.
Les
frères qui ont eu à pratiquer des sports
connaissent
l’importance de la concentration pour exécuter un
mouvement parfait et juste,
qui permettra de marquer un essai ou mettre un ballon au fond des
cages.
En
fait nos gestes sont le reflet de ce que nous sommes, et
nous savons tous, combien nos émotions peuvent perturber
ceux-ci.
En
conclusion, il m’a fallut beaucoup de temps pour
comprendre que la méthode maçonnique
s’adressait aussi au corps. L’esprit bien
sur participe sans doute plus que le corps, mais le corps
n’est pas exclus,
loin de là.
Le
geste fait partie de la tenue générale de tous
les
Francs-maçons dans leur temple, c’est un point de
convergence des Sœurs et des
Frères, c’est un processus collectivement
vécu et ressenti ; il participe
par-là même à
l’Egrégore de la tenue, qui est
l’expression la plus aboutie de
l’harmonie de la loge.
C’est
un outil de transmission et il exige en cela
l’assiduité et le travail, il faut prendre place,
toute sa place, mais rien que
sa place, et celle ci doit être active.
Tout
geste, comme tout le rituel, fait appel à l’ETRE
dans
sa totalité.
Tout
geste maçonnique est un tracé, et le sens de ce
geste
dépend du sens qu’on lui donne et de la
beauté qui en résulte.
Ce
sens va nous toucher d’autant plus, qu’il
participera à
notre construction, qu’il s’inscrira dans la
recherche initiatique
fondamentale, car n’oublions pas et je le
répète encore une fois, nous ne
sommes pas initiés, nous nous initions nous même.
J’ai
dit.
J\M\
D\
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