Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
Le Bois ou Le Monde des Forestiers Tenter de faire l'historique du monde forestier, de ses rites et coutumes revient en quelque sorte à retracer telles qu'elles furent sur 1500 ans, les relations entre deux types de civilisations qui se sont côtoyées sans se confondre : le monde des cités et le monde de la forêt. Cependant en terme d'antériorité celle-ci appartient au monde du bois dont les premières activités remontent au Néolithique. Notons au passage que, dans la Bible, le Livre des Rois et les Chroniques mentionnent que le Temple de Salomon est en bois; et qu'Hiram est un bronzier, donc un forestier. Il est difficile de comprendre aujourd'hui, alors que les forêts sont morcelées et désertiques, le monde de la Gaule lui, n'était que forestier. Le schéma social avait éparpillé les familles celtiques en clans de clairière et qu'ainsi les forêts « étaient pleine de gens ». Le territoire du clan était une zone boisée, avec ses propres défenses naturelles. L'habitat était en bois, la religion le druidisme (sous sa forme régionale) et tous les métiers étaient, à part l'élevage et l'agriculture, tournés autour de cette matière : l'arbre. Ces métiers forestiers vont d'ailleurs devenir des points forts économiques qui feront la réputation des productions occidentales comme le travail de transformation des métaux , la forge, et l'orfèvrerie. Il faut bien retenir l'image d'une civilisation forestière dans tous les sens du terme : ce sont des chaînes de métiers très spécifiques, abouchés les uns aux autres, couvrant tous les besoins du clan et de la vie sociale La Filière bois Celle qui nous intéresse aujourd'hui se compose du métier des bûcherons et des fendeurs de bois menant à celui des charbonniers pour finir aux forgerons, aux marteleurs et fendeurs de fer. Depuis la plus haute antiquité l'exploitation du bois était liée à la métallurgie. Le bûcheron sélectionnait les coupes et abattait l'arbre. Il était le gestionnaire de la forêt. Le fendeur de bois était le scieur en long des troncs, les arbres abattus étaient décomposés immédiatement en plusieurs produits. Le premier de tous était bien sûr les troncs utilisés pour diverses constructions habitat, ponts etc... Les branches grosses et moyennes, passaient dans les mains d'un autre métier, celui des charbonniers qui les transformait en charbon de bois. Après le charbonnier, le bois transformé en charbon prenait plusieurs directions dont la plus importante était l'alimentation en énergie des autres métiers comme les forges, les briqueteries et poteries, les tonnelleries et plus tard les verreries. La chaîne économique ainsi formée se tenait bien et permettait à tout le clan de vivre en autarcie. C'était une chose indispensable si l'on considère le schéma social des celtes qui imposait un éparpillement des familles et des tribus par essaimage. Cette maçonnerie du bois a vécu en parallèle, mais pas forcément en opposition avec la maçonnerie de la pierre, elles se sont côtoyées sans se rencontrer jusqu'au 18 ème siècle, où l'on constatera l'imprégnation des rites forestiers à la maçonnerie spéculative. Mais peut-on parler de maçonnerie du bois ou de la pierre au sens où on l'entend aujourd'hui ? Peut-être vaudrait-il mieux parler de pratiques initiatiques. La maçonnerie du bois ou de la pierre, pratiquaient, chacune de leur coté, des initiations ayant pour but de transmettre leur savoir-faire, et ont naturellement adopté des rituélies, des cérémonies et des symboles. Les différents corps de métier des forestiers présenteront une évolution historique comparable à celle de la maçonnerie de la pierre, par le passage de l'opératif au spéculatif. Cependant, nous ne savons que peu de choses sur les premiers rites de métiers pratiqués dans la Franc-maçonnerie du bois, car c'était une tradition du geste et du verbe qui n'a laissé que peu de traces écrites. Destin parallèle j'ai dis! Après avoir été Solomoniens avant l'ère pré-chrétienne tous les deux, les maçons opératifs de la forêt restent influencés par le paganisme druidique, alors que les maçons de la pierre et des villes se sont vite christianisés au contact d'une chrétienté en marche et pour laquelle ils élevaient des monuments. La rude confrérie forestière païenne résiste donc mieux que les métiers des villes à l'autorité ecclésiastique qui des siècles durant qui tenta de réduire l'importance du compagnonnage. Son enfouissement au fond des forêts, peu évangélisée en est la cause principale. Ce positionnement au sein de la société n'était pas dû à une simple volonté de recul, mais elle obéissait à un impératif économique qui voulait que le métier de charbonnier était avant tout lié à celui des forges Ces dernières, en effet, quant elles n'étaient pas d'antiques « forges à bras », se situaient toujours en des lieux où l'on pouvait trouver simultanément de l'eau pour l'entraînement hydraulique des soufflets, du bois pour la transformation en charbon et du minerai de fer généralement affleurant. Pour leur approvisionnement en bois, les charbonniers passaient après les bûcherons et abattaient en dehors des périodes de sève entre novembre et avril. Le bois était alors entassé en une unité de mesure qui se nommait la « corde » . Cette mesure était la base des transactions pour les acheteurs, les charbonniers étant payés à la corde brûlée et non au poids du charbon transformé. Chaque corde carbonisée donnait environ 250 kilos de charbon. Pour la transformation du bois en charbon, les charbonniers édifiaient des meules, appelées parfois des charbonnières ou des fourneaux, le plus souvent des « fouées ». La taille des fouées était variable suivant les commandes ou les cordes disponibles. Elles pouvaient être de trois à vingt cinq cordes, leur taille variant de trois à huit mètres de diamètre. La mise à feu d'une fouée amorce une opération qui peut durer cinq jours et cinq nuits. Vie et Rites des Charbonniers La famille L'organisation sociale des charbonniers est calquée sur la vie des clans selon un schéma pré chrétien toujours persistant. Un homme est le chef du clan et c'est lui qui traitait les échanges commerciaux avec les forges et les gens des villes. Les autres hommes accomplissaient les taches de leur métiers en coordination avec le chef de clan. Les femmes s'occupaient de la famille, leur importance était égale à celle de l'homme et parfois elles participaient aux travaux de mise en sacs des charbon. L'habitat L'habitation des charbonniers s'appelait la hutte ou la loge et pouvait contenir deux à huit personnes. Prés d'ici des villages comme Vitry aux Loges ou Fay aux Loges, étaient probablement des zones d'habitations de charbonniers dans la forêt d'Orléans. Compte tenu que les charbonniers changeaient souvent de sites l'habitation était sommaire tant au niveau de la construction que du mobilier. Constituée des mêmes matériaux nécessaires aux fouées, bois, fougères etc, elle se situait le plus souvent en bordure de chantier et près d'un cours d'eau ou d'une fontaine. Religions et croyances L'évangélisation chrétienne a de tout temps peu touché ces forestiers. leurs échanges économiques les ont cependant assez tardivement et par conformité superficielle amenés vers l'église paroissiale pour les naissances, les mariages et les décès. Les clans forestiers possédaient leurs rites et leurs coutumes dont les racines plongeaient dans les temps pré chrétiens de la civilisation celte. Résistants et taciturnes, réfractaires à l'avancée de la civilisation, les clans forestiers portaient toutes les marques et indices de l'ancienne religion de la Gaule chevelue. Le Maître de Forge Avant que la maîtrise de la forge devînt une charge achetable transmissible financièrement sous diverses formes aux alentours du XVIIe siècle, le maître de forges était un des hommes les plus respecté du monde forestier. Les producteurs de la forêt étaient essentiellement des forestiers dont les métiers se subordonnaient les uns aux autres, et il semble que le maître de forge ait une importance particulière en tant que pivot de toutes les activités, car il était l'aboutissement des autres métiers qui, sans lui ne se justifiaient pas. En effet, la forge était le point central de tous les chantiers forestiers et fournissait du travail aux bûcherons, aux charbonniers, aux fendeurs, aux orfèvres; tout passait par la forge. Le maître de forge était l'homme qui connaissait les transformations du métal. Alchimiste et forgeron, son rôle fondamental pour le clan l'assimilait à une incarnation de Vulcain dans le monde des hommes. Honoré et respecté il avait aussi indubitablement un rôle de » passeur » de par les transformations qu'il accomplissait en partant de la matière brute du minerai, pour aboutir au produit utile et efficace, arme guerrière ou soc pacifique. Le chant des outils du forgeron résonne aujourd'hui encore dans nos loges. En maçonnerie spéculative, le maillet du vénérable qui frappe une batterie pour ouvrir et clore les travaux (particulièrement celle du 2+1) ainsi que pour faire appel aux frères lors des travaux cette pratique nous paraît sans extravagance être le reflet de l'autorité légendaire du maître de forge. Consistance des Rites Forestiers Pour sortir des analyses de types historiques, parlons maintenant du sens traditionnel des rites forestiers, leurs messages ainsi que la signification profonde tels qu'ils apparaissent au début du 17ème siècle. Le sens Compagnonnique Tels que les rituels se présentent à nous dans les formes les plus païennes, ils sont tous issus de trois métiers : les bûcherons, les charbonniers et les forgerons. La matière essentielle est le bois, l'arbre avec le respect qui lui est dû en tant que grand pourvoyeur de bienfaits pour l'homme. C'est une vision très crue et réaliste du monde de la forêt qui transparaît dans les rites originaux : rudesse et hospitalité en sont les maîtres mots. En suite l'attention doit se porter sur les essences des arbres qui sont tous porteurs d'un symbolisme celtique bien identifié. Le troisième point, relatif aux deux premiers, c'est l'analogie qui est tirée entre l'arbre et l'homme : le tronc est commun, les bras sont les membres, la tête est la cime, les pieds les racines etc... Dans le rite forestier, il faut retenir avant tout que l'arbre est l'être vivant sacrifié qui donne le plus aux hommes. Vivant il donne, mort il donne encore plus. Le sens religieux La référence au « Prophète de la Forêt », les présences de l'Ermite et de l'Ours, la symbolique de la Hache, le vocable « brûler le mannequin », le serment sur la boisson sacrée et le pain sont des donnée issues de l'ancienne religion celtique occidentale : leDruidisme Bien que ces deux données soient inclus dans l'ensemble symbolique. le serment sur le pain et sur le vin doit être compris dans son sens entier et pas seulement le pain de la fraternité et le vin de l'hospitalité, C'est sur la mort du dieux grain et la mort du dieu grappe, leur transformation et leur résurrection que le briquet « autrement dit le profane » prête son serment. Le sens symbolique Dans cette question, le sens symbolique rejoint le sens religieux. Il est deux phrases qui sont retenues comme fondamentales dans l'instruction par demandes /réponses : Demande : que signifie le bleu ? Réponse : la fumée bleue de la fournaise qui monte et se confond dans le ciel. Demande : quel est le signe le plus élevé des bons cousins ? Réponse : la fumée Ces deux courtes phrases sont explicites, la fumée est le signe symbolique le plus élevé des Bons Cousins. Que penser d'une telle information apparemment si désuète ? Dans d'autres cultures, nous allons retrouver la fumée dans un rôle concernant les éléments de prière de différentes religions. Par exemple : dans l'Ancien Testament, la fumée est le signe de l'offrande faite à la divinité. Droite et s'élevant haute dans le ciel, c'est un signe de l'acquiescement de ladite divinité; si elle se couche, tourne et ne peut s'élever, c'est un signe de refus du sacrifice par cette même divinité. Le drame de Caïn qui tua son frère Abel part du fait que la fumée de ses sacrifices ne s'élevait jamais très haut, bien qu'il eût travaillé dur en tant que cultivateur, alors que la fumée des sacrifices d'Abel se perdait dans le ciel et que son travail ne consistait qu'à surveiller son troupeau. Injustice ? Peut-être. mais la fumée a tranché Dans tous ces métiers, les foyers qui engendraient cette fumée, qui leur est chère, se sont les fours et les fouées. C'étaient autant de centres de prières artisanaux qui offraient tous les jours aux divinités deux choses. L'homme offrait d'abord son travail qu'il voulait le plus réussi possible pour être digne du sacrifice , la deuxième était celle de la matière sacrifiée : l'arbre. Alors maintenant, il est plus aisé de comprendre pourquoi la fumée était le signe le plus important des rites forestiers. A la lecture des rituels forestiers à caractère païen, il est possible de sourire devant l'aspect gaulois de ses formes. Ce serait faire une lecture bien superficielle des choses et le moyen le plus sûr de ne pouvoir comprendre la leçon traditionnelle de ces rites ancestraux. Il paraît important de souligner que les rites forestiers sont avant tout allégoriques et religieux dans le sens large du terme, contrairement aux rites maçonniques judéo-christianisés de la pierre qui sont orientés vers une démarche plus symbolique. Le monde forestier opératif bascule dans le mode spéculatif Dans le monde que nous venons de décrire existait-il une véritable initiation ? ou bien cette initiation était-elle seulement professionnelle; par exemple le droit d'entrer dans un métier, et d'engager ensuite un long processus d'apprentissage des savoir-faire et des connaissances nécessaires à la maîtrise du dit métier; s'agit-il d'une initiation au sens d'admission aux « mystères » d'affiliation, d'admission à un ordre dans son acceptation ésotérique , ou bien les deux à la fois. Et au delà, y aurait-il une sorte de F M du bois à l'image de la F M de la pierre? Quoiqu'il en soit, c'est tout naturellement que ces rites forestiers vont se faire une place dans l'espace de liberté ouvert par le réveil simultané, du druidisme et de la maçonnerie à Londres en 1717, double renaissance qui eut des dates symboliquement voisines, des fondateurs communs comme John Toland et les lieux communs comme la Taverne du Pommier La maçonnerie du bois spéculative apparaît brusquement; le 17 août 1747, se met en place en France la première Vente Forestière sous le nom distinctif de Chantier du Globe et de la Gloire. Animée par le père Beauchêne qui disait tenir ses pouvoirs de Mr de Curval, grand Maître des Eaux et Forêt du Comté d'Eu. Cette première Vente se tint dans une atmosphère chaleureuse et bon enfant dit-on, même si l'on y reconnaissait une grande partie de la Cour du Roi et beaucoup de notables de la région. La page de la maçonnerie forestière opérative est tournée. L'extraction de la houille industrielle à cette époque révolutionnera la chaîne économique bûcherons-charbonniers-forgerons. Cette fois-ci, le monde forestier fut vaincu, et les populations commencèrent à abandonner les métiers des anciens pour trouver du travail à la ville. Quelques îlots de forestiers persistèrent au centre des régions comme la Bretagne et la Franche-Comté, ce qui n'est pas limitatif. Mais les traditions ont la peau dure, le mode forestier refera surface sous d'autres formes. Moi aussi! sous la forme d'une planche en février qui évoquera la suite de cette maçonnerie si particulière, de la première Vente à la résurgence des rites forestiers aujourd'hui. J'ai dit M\ J\ |
3206-1 | L'EDIFICE - contact@ledifice.net | \ |