GLMF | Loge : La Forge d'Hiram - Orient de Marseille | Date : NC |
La Faux La Faux est un outil agricole fascinant qui a tenu une place essentielle dans l’histoire des populations paysannes. Elle se révèle complexe, tant dans sa fabrication que dans son maniement, et son adoption est à l’origine d’importants bouleversements économiques et sociaux. Si la faux s’impose très tôt pour la coupe des foins, son usage est cependant longtemps condamné pour les moissons. Instrument de récolte et de révolte, attribut du Temps et allégorie de la Mort, la faux apparaît comme un symbole fort et ambivalent. En tant qu’outil, la faux a suppléé la faucille, cette dernière ne coupant pas de la même façon. De plus, l’usage de la faucille était contraignant et exigeait qu’on soit presque plié en deux pour s’en servir. Cependant sa confection et son maniement étaient simples. Il n’en était pas de même pour la faux ; celle-ci demandait une certaine dextérité tant dans son utilisation que dans sa fabrication et son affûtage. J’ai dit que cet outil était un instrument autant de récolte que de révolte. En effet, la faux servait d’arme lors des différentes frondes de paysans, en tous moments de l’Histoire, et certaines images sont encore ancrées dans nos mémoires, surtout lors de la révolution française où l’on voyait les manifestants brandir piques, faucilles, fourches et faux. L’existence de cet outil remonte à la nuit des temps et on ne peut dater son apparition. Ainsi on retrouve sa dénomination déjà dans le Nouveau Testament, dans l’Apocalypse selon Saint-Jean (chap.14) « Je regardais encore, et voici, il y avait une nuée blanche, et sur la nuée quelqu’un assis qui ressemblait au Fils de l’Homme, ayant une couronne, et en sa main une faux tranchante » Au chapitre 15 « Et un autre ange sortit du Temple, criant d’une voix forte à celui qui était assis sur la nuée : jette ta faux et moissonne, car le temps venu, parce que la moisson de la terre est mûre » et ainsi de suite il est fait mention de la faux jusqu’au chapître 20 . Mais comment l’outil, objet transformant la matière est-il devenu un symbole ? Qui lui a preté valeur de symbole ? Quel mécanisme mental y conduit et depuis quand ? Nul ne peut vraiment y prétendre. Déjà, dans la Bible figurent de très nombreuses allusions aux outils et à l’art de bâtir : compas, corde, equerre, règle. L’évocation de ces outils dans les textes prophétiques est l’exemple de l’analogie entre leur utilisation pratique et l’image que l’on s’en fait dans une perspective morale ou spirituelle. Qu’en est-il donc de ces représentations symboliques. Allégories, emblèmes, symboles, sont autant de termes appartenant à notre vocabulaire pour désigner l’imaginaire, le rêve, les productions de notre imagination, en un mot tout ce qui échappe à la pensée logique, rationnelle, donc obligatoirement réductrice. Ainsi, la faux, instrument agricole et symbole de la Mort, dessinée derrière le sablier dans bien de cabinets de réflexion, recoupe la parabole de la moisson et évoque le grain qui meurt pour donner la vie. Cet outil, que des générations de paysans ont tenu dans leurs mains pour faucher les prés, est présent dans le jeu de Tarot. C’est la « Lame XIII » , l’ « Arcane sans nom » que la superstition populaire n’ose pas nommer. Que représente cette carte ? : un squelette décharné qui tient une faux !!! La faux, outil servant à couper le foin, est devenu dans les mains du squelette, celle qui fauche les vies, sans distinction de rang social, semant une mort implacable rigoureusement égale pour les humains. On remarquera là un clin d’œil peut-être à notre Fraternité, où il n’est pas question de rang social, ni d’inégalité. Le sablier, souvent associé à la faux, est un emblème du temps qui s’écoule inexorablement . Dans la mythologie de l’Antiquité, les Dieux utilisaient déjà ces outils. Vulcain avait sa forge, Minerve son arc et Saturne ou Cronos son sablier et sa faux. On a dit souvent, et à juste titre, que la faux est le prolongement de la faucille. Ces deux outils, en coupant à la base l’herbe ou le foin, régénéraient la Vie. Dans la Mythologie et les rites païens, Cronos détrône Ouranos le ciel créateur, en coupant ses parties génitales d’un coup de faucille. C’est le signe de la progression temporelle, la nécessité évolutive elle-même, à partir de la semence . Ce même outil, attribut de Demeter déesse de l’agriculture et des récoltes chez les grecs, symbolise le cycle des moissons et leur renouvellement. Mais Cronos est aussi représenté tenant la faux et le sablier, expression alors de la fin ultime des choses et du temps qui s’écoule, inexorable. Mais qu’en est-il du symbolisme de cet outil au-delà de sa représentation ? Le symbole de la faux est donc double : Mort et Moisson. Dans l’Ancien et le Nouveau Testament, c’est la faux qui tranche les mauvaises herbes, c’est-à-dire les méchants et les impurs, ceux qui n’écoutent pas les enseignements du Prophète. Peut-on y discerner un symbolisme plus profond en Maçonnerie ? Les exemples précédents en effet ont montré une image de Mort et de Châtiment. D’ailleurs n’appelle-t-on pas la faux la grande faucheuse ? On pourra parler de l’égalité de tous, riches ou pauvres devant la mort, mais on retiendra surtout le terme égalité, que l’on prononce souvent dans nos loges. La représentation de la faux dans le Cabinet de Reflexion peut interpeller l’impétrant. Pourquoi se trouve-t-elle ici ? Que signifie-t-elle ? Ce n’est que plus tard qu’il comprendra sa signification symbolique. Ainsi, comme je le disais plus haut,dans la Lame XIII du Tarot, la Mort ne représente pas la mort physique, mais plutôt la transformation, le passage d’un état de l’Etre vers un autre état. On peut faire là un parallèle avec les sociétés à mystères, où le profane renaît à une vie supèrieure que procure l’initiation. Dans la Franc Maçonnerie, cette mort doit être interprétée comme une mort symbolique, plus que réelle. Pour cela, il faut donc mourir, afin de renaître, passer de l’état profane à celui d’initié. Dans l’iconographie compagnonique du XIX°siecle,la faux tenue par le Vieillard Cronos, en même temps que le sablier, représente l’allégorie du temps qui passe inexorable, irréversible. Le Compagnon doit utiliser ce temps à bon escient, ne pas le perdre ni le regretter. Le savant Ampère a bien traduit cela dans un poème :
« Et
quand la faux du temps a moissonné les jours
Qu’ils sentent que leurs yeux se ferment pour toujours D’inutiles regrets empoisonnent leur vie Dans de honteux plaisirs, dès l’aurore flétrie Et sans avoir vécu dans leurs funestes jours Ils s’agitent en vain sous la main qui les frappe Ils rappellent en vain le moment qui s’échappe » … Il a été beaucoup question dans cette planche que j’ai sciemment choisie, de termes tels que mort, faux, temps qui passe etc.. Ceci peut paraître un tant soit peu triste. Mais je voudrai donc finir sur une note plus optimiste et plus positive. Pourquoi la faux, pour nous Maçons, ne représenterait-elle pas par son symbole, une exaltation de la vie et l’annonce imminente d’un monde meilleur et d’un homme nouveau ? A nous de tailler notre pierre encore et encore afin d’y parvenir. J’ai dit, V\ M\ M\ S\ |
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