Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
Cherche et tu trouveras… J’ai tellement cherché une introduction à ce travail qu’elle n’était plus qu’une longue suite de mots mis bout à bout, sensée me permettre de démarrer une planche qui ne commençait en fait jamais. Préparer une planche pour la présenter en Loge est mystérieusement bien plus difficile que de préparer un dossier ardu dans le monde profane. Pourquoi ? En essayant d’analyser cette incapacité à démarrer ce travail, je me suis rendu compte qu’inconsciemment j’essayais de ne pas me dévoiler, de retarder le moment où je rentrerais réellement dans le sujet. Ni par convention, ni par manque de sincérité mais parce qu’en Loge on doute toujours d’avoir saisi l’essentiel des symboles qui nous sont présentés et d’être à la hauteur d’une démarche véritablement rigoureuse. Je suis en apprentissage dans une Loge opérative et je me suis retrouvé au travail sur la matière brute, non pas après une introduction, mais après une initiation. Cette expérience là n’est pas exprimable avec des mots. Je débuterai donc avec ma pierre. J’ai porté mon menhir 33 ans avant de vous demander de pouvoir le poser ici, persuadé de trouver une « réalité maçonnique » où les notions de liberté, d’égalité et surtout de fraternité seraient plus évidentes et simples qu’ailleurs. Lorsque j’ai cherché à entrer en Franc Maçonnerie, j’ai frappé et vous m’avez ouvert « La Porte du Temple». Je pensais que c’était une démarche dans la continuité, moi qui était fils et petit-fils de Francs-maçons. Naïvement comme une espèce d’Obélix qui serait tombé dans la potion tout petit, je n’avais pas imaginé que le sens des mots n’est pas le même dans le monde profane et dans un Ordre initiatique. La porte était ouverte j’étais libre d’entrer, libre de prendre conscience, dans le silence, que je n’étais pas libéré de moi même. Et il ne s’agit pas là d’une simple expression car il m’a fallu réellement produire des efforts considérables pendant les tenues afin de pouvoir rester assis immobile sur la colonne du septentrion, j’ai souvent été au bord du malaise physique, à plusieurs reprises à la limite de quitter ce lieu, tellement mon corps refusait le silence dans lequel je le plongeais. Je crois que dans le monde profane l’inscription continuelle des choses dans un temps déterminé permet d’occulter l’espace, ou tout au moins de le réduire à de petits espaces limités. Travailler immuablement au cours des tenues de midi à minuit dans un endroit, qui ne représente pas moins que le Cosmos, réduit l’individu à ce qu’il est vraiment entre rien et tout selon sa propre densité. Je me suis souvent questionné sur cette espèce de claustrophobie, cette sensation de perte de liberté, une utilisation puérile du temps profane par peur d’être noyé dans l’espace. J’ai simplement trouvé en moi les ressources de dépasser ma propre existence corporelle pour rendre mon esprit disponible à la réflexion, pour partager une démarche qui dépasse mon enveloppe corporelle, qui nous dépasse tous. N’est ce pas là d’une façon assez triviale, l’essence même de l’initiation maçonnique ? C’est à dire le passage à un état supérieur de conscience par le renoncement à une certaine forme de matérialité. Processus qui s’est traduit pour moi par une libération de mes entraves conduisant à un assouplissement de mon être. Depuis l’obscurité qui régnaient sous le bandeau je cherchais la Lumière, la Loge l’a demandée pour moi. Nous sommes à priori tous égaux devant cette expérience initiatique, éclairés par la même lumière. Mais quand on est sur la colonne du septentrion et que l’on regarde la Lumière du midi on est ébloui par trop de clarté, trop de lumière, trop de symboles. C’est parfois difficile de construire dans ces conditions. De surcroît, quand on a eu des difficultés dans le monde profane à entrer dans une vie normalisée, on met un point d’honneur à avoir la bonne réponse à toute question posée, la bonne attitude à toute circonstance nouvelle. Dans une Loge maçonnique, chaque maçon a une réponse différente au sens des symboles, mais les avis ne s’opposent en fait qu’en apparence. Tout se complète progressivement sans jamais se laisser enfermer dans une certitude précise. Alors quoi de plus déstabilisant, quand l’immobilisme et le silence renvoient la moindre velléité de réaction au plus profond de soi-même ? Combien de midi à minuit faut-il vivre et revivre pour que le cœur cesse de bondir et que l’esprit se débarrasse véritablement de ses a priori. Combien faut-il user de gants et de tabliers avant d’admettre qu’il ne faut rien rejeter, et que chaque maçon, chaque idée, chaque geste bien ou mal fait, appartient à un tout cohérent. Dans un ordre initiatique on n’est pas tous égaux car la lumière se dévoile peu A l’Occident, à droite de la Porte du Temple, inlassablement une voix répète cette phrase énigmatique : cherche et tu trouveras. Je ne sais ni comment il faut s’y prendre, ni ce qu’il faut chercher. J’ai trouvé des choses différentes de celles que je recherchais, comme des rencontres parfois magiques ou inattendues avec autrui ou moi-même. En revanche, je n’ai pas trouvé toutes les choses que je cherchais. On ne m’a donné qu’une lettre sur deux et l’alphabet permet tellement de solutions que j’ai la sensation de me perdre. Avant tout, ce que je cherchais en entrant en maçonnerie c’était la fraternité, une bonne vraie fraternité conviviale et festive. On ne se refait pas, je persiste, j’aime ce partage naturel et gai des choses mais il ne correspond pas à l’universalité de la fraternité maçonnique qui ne s’édifie que dans le travail. Elle se situe au delà du lien biologique, au delà des affinités naturelles rassurantes qui confortent et donnent une identité. La fraternité maçonnique est un lien complexe qui se tisse progressivement autour de valeurs et d’un idéal commun, au fil du temps. Elle dépasse le temps et l’espace. Je témoigne d’ailleurs que dans le cycle par exemple de la vie et de la mort, le symbolisme et le réel peuvent être liés d’une manière assez stupéfiante, la chaîne d’union est pour moi maintenant une manifestation profonde de cette fraternité, de cet amour unique qui nous unit tous, présents par le corps ou la pensée. J’aurais été capable de faire de la fraternité profane le but de ma recherche maçonnique et je me suis rendu compte qu’elle n’était qu’une toute petite partie d’un tout plus profond, moins accessible et pourtant intuitivement présent. On ne se rend pas toujours compte qu’on peut se situer à la périphérie des choses, de soi même et des autres et c’est géométriquement cette position centrale qu’il faut peut-être rechercher. Je pense néanmoins qu’on ne peut chercher qu’avec ce que l’on a, alors certains mots font peur, toutes ces notions de spiritualité si confuses me laissent à penser que l’on est peut-être toujours à la périphérie de quelque chose, c’est en cela sûrement que la recherche se doit d’être J’ai difficilement introduit cette planche, et j’aurais tout autant de mal à conclure car je crois qu’il n’y a pas de limite au travail. On ne sait pas quand il a commencé, et il n’est jamais fini Je vous propose donc tout simplement de terminer par cette phrase de St Jean de la Croix qui parlait de l’âme : « pendant cette heureuse nuit, je suis sortie en ce lieu secret où personne ne me voyait et où je ne voyais rien, sans autre guide et sans autre lumière que celle qui luisait dans mon cœur, elle me conduisait plus sûrement que la lumière du midy. » Chanson de fugain : « Ne cherche pas » (track 13) jusque « …cris d’espoir… » J’ai dit Vénérable Maître. |
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