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La flamme d'une bougie


Nos ancêtres Maçons n'avaient pas d'autre moyen d'éclairage que les flambeaux et les bougies. Il est donc bien logique que flambeaux et bougies meublent nos rituels et nos Loges.
Mais les avons-nous conservés par simple habitude (certains diront "tradition") ?
Je soupçonne d'autres raisons, car l'électricité, et même l'électronique, nous permettraient sûrement des effets bien plus suggestifs et spectaculaires.
Y a-t-il des vertus inhérentes à la flamme et que n'aurait pas l'ampoule électrique ?
C'est en résumé, les premières questions que m'a posé ce sujet de planche.

Bien sûr, on ne peut parler de bougie sans parler de la flamme, ou plus largement du feu.
Les aspects physico-chimiques de la flamme ne m'ont pas semblé d'un intérêt particulier pour une planche maçonnique.
Je les laisserai donc de coté.
Mais à l'évidence, l'angle de la symbolique ouvre diverses pistes de réflexion.

Les astrophysiciens nous disent que les planètes et les mondes sont issus de e que nous nommons le feu. Le feu serait donc l'élément originel duquel tous les autres sont issus.
En ce sens, le feu est le principe premier de la génération et de la vie.
Elle en est issue, et il la maintient. Ainsi, sans le feu qui la réchauffe la terre serait sans vie.
Dans un cycle sans fin, il transforme l'élément eau en vapeur qui devient pluie, puis fleuve, puis mer. Une mer qui à son tour engendre la terre, le ciel, et la vie.

Les alchimistes nous ont légué une typologie de la matière ramenant tout à 4 éléments. Considérant la flamme de la bougie dans ce cadre, je dirai que l'élément FEU se nourrit des éléments TERRE et AIR. Le feu vit de la mort de la terre et de l'air. Et l'EAU que contiennent les gaz de combustion vit de la mort du feu.
La flamme dans ces interactions et transformations des éléments est une image intéressante du phénomène de la vie. Dans ce cycle de vie, chaque élément se définit par son contraire et se mue en lui. Le sec par rapport à l'humide, le chaud par rapport au froid, et cela tant que la vie se manifeste et tant qu'un état d'équilibre est maintenu. Car l'absence, ou le trop d'un élément déstabiliserait le système :
Trop d'air (par exemple) en soufflant, provoquera un décrochage de la flamme Trop d'élément terre (la matière solide) refroidira le système jusqu'à éteindre la flamme.
Trop de feu consumera rapidement l'élément terre et provoquera l'extinction.
La flamme comme la vie se maintient dans cet équilibre fragile entre des opposés... et elle n'existe qu'entre deux néants, encore à l'image de la vie dont on ne connaît pas l'avant ni l'après.

Mais la vie, comme la flamme, n'apparaît pas spontanément.
3 éléments sont nécessaires pour faire du feu : un carburant, un comburant, et un point d'ignition qui doit être apporté de l'extérieur, et allumé à une autre flamme.
La flamme nous offre une belle image de la transmission initiatique !
Un point d'ignition . une flamme, une lumière donc, a été apportée à une matière solide et lourde mais dont la nature permettait l'allumage.
Cette matière une fois enflammée peut donc à son tour servir de point d'ignition qui transmettra sa flamme et sa lumière à d'autres, et ainsi de suite.
Oui cette flamme transmise de bougie en bougie m'évoque irrésistiblement la chaîne des Initiés. Une flamme a été transmise et est encore transmise de générations en générations d'Initiés. N'en resterait-il qu'un seul au monde, qu'il pourrait encore transmettre sa flamme à beaucoup pour qu'un jour peut-être, un nouvel Initié réalise la transcendance de son être à partir de cette flamme, de même qu'une petite flamme même vacillante peut suffire à
allumer un brasier !
Même avec les meilleurs sentiments du monde, il faut bien convenir du fait que tout le monde ne peut pas recevoir l'Initiation de même que tous les matériaux ne sont pas inflammables. Il y a une réflexion à avoir sur ce sujet, mais elle dépasse le propos de cette planche.

La flamme transforme la matière en lumière. Là encore, la moindre bougie semble vouloir me rappeler la finalité de mon Initiation : ma transformation, mon illumination spirituelle.
Comme le fil à plomb qui m'invite à sonder mes profondeurs, la flamme est verticale, mais elle m'invite à l'élévation, à la sublimation de mon être.
J'ai demandé la Lumière. et l'on m'a transmis la flamme de l'Initiation. A moi de nourrir ce feu en moi jusqu'à devenir lumineux. Une transcendance de ma terre en l'Esprit, à l'image de la queste alchimique dont le but est de transformer la matière en lumière, et le cherchant en esprit pur.

Diverses thèses plus ou moins mystiques sont évoquées à propos de flammes et de bougies.
Ainsi, l'allumage d'une bougie à une autre bougie évoque pour certains la transmigration de l'âme d'un corps à un autre. Dans cette image, la flamme reste toujours identique à elle-même lorsqu'elle voyage de bougies en bougies. L'analogie avec la réincarnation supposerait donc que l'esprit ne progresse pas au fil des incarnations !
Voilà, j'avais envie de tordre le cou à cette analogie à mon sens abusive.
Mais certains corrigent cette image en observant qu'il s'agit , non de l'âme humaine mais de l'esprit divin qui habite ainsi toutes les âmes. Mais, sans doute parce que je ne suis pas croyant (religieux), cette image ne me parle pas vraiment.

Une autre analogie pourrait être celle de la réintégration :
Les voyages du rituel d'Initiation résument le chemin de l'Initié du désordre à l'illumination et désignent la finalité à atteindre comme siégeant à l'Orient où domine le Delta Lumineux, image du principe créateur, du feu primordial et dispensateur de la "Lumière". La transcendance est là représentée par ce feu divin dépassant toute flamme physique et désignée comme "principe créateur".
Ce cheminement vers le Delta désigné comme finalité du celui qui cherche n'est donc pas sans m'évoquer cette "réintégration" si souvent évoquée au siècle des Lumières ?

La flamme est souvent citée comme représentation du Logos, et il y a en Loge de nombreuses flammes ou évocations de flammes : Epée flamboyante, bougies, Delta rayonnant, etc. Autant de représentations diversement situées de la présence du Logos.
Le logos serait l'intelligence universelle et éternelle qui gouverne le monde. A l'origine de tout, elle est cette Unité qui est sensée avoir donné naissance au monde en se divisant elle-même. Une unité qui se multiplie en se divisant.
La sagesse, cette vertu majeure recherchée par l'Initié, consisterait en la connaissance de cette conscience qui régit toutes choses, y compris les hommes. L'Unité est donc le but.
Le chemin vers l'Unité passe pour nous par le travail sur nous-même au niveau de nos dualités que représente si bien le pavé mosaïque, ce plan de la dualité sur lequel ouvrent les Maçons. Et je remarque que sur ce plan de la dualité diverses flammes sont comme autant de jalons pour notre cheminement depuis la division en direction de l'Unité.

Celui qui postule à l'Initiation n'a qu'un désir : recevoir la Lumière, c'est à dire accéder à l'état d'Eveil.
Quelle est donc la nature de cette Lumière ?
Bien sûr, la flamme n'est qu'un symbole, et c'est l'idée sous le symbole qu'il convient de rechercher.
Les auteurs disent de l'état d'éveil que c'est un état de conscience aussi différent de notre état de veille habituel que celui-ci peut l'être du sommeil.
Dans cette image, je retiens que le sommeil n'a pas besoin de lumière et qu'on peut en parler comme d'une absence de conscience. L'obscurité même lui est favorable. Quant à l'éveil, il suppose une capacité à voir que le dormeur ignore. Il suppose une Lumière, un éclairage que le dormeur ne soupçonne même pas. Un éclairage sur le sens des choses et de la vie. Une compréhension des causes : la "Connaissance" de l'Unité.

Bien sûr, cet état d'Eveil dont parlent les auteurs, ne peut être connu que de ceux qui l'ont atteint : les "connaissants".
Les autres, les cherchants .... travaillent sur eux-même, sur leur dualité, leurs oppositions, et sur le monde. Et travaillant sur le monde, ils travaillent sur eux . réalisant progressivement l'union des opposés.
Au-delà de l'intellect et du savoir, l'esprit naît en eux et les illumine.
Ils deviennent "rayonnants" et à leur tour ils éclairent les chemin des autres. deviennent des flammes vivantes.

La première bougie que nous rencontrons dans notre cheminement maçonnique est celle du Cabinet de Réflexion. Dans ce caveau, dans ce lieu de mort à soi-même, la "Lumière" est présentée à l'impétrant avant même son entrée dans le Temple. Je remarque même qu'il en est à ce moment, bien plus proche qu'il ne le sera jamais dans les rituels qui suivront.
Il y a à réfléchir sur cela : la mort à notre nature lourde nous rapproche de la Lumière.
Pourtant le Postulant sortira de ce lieu les yeux bandés, symbole évident de son incapacité à voir la réalité des choses.
"La Lumière luit dans les ténèbres..." et sans doute estime-t-on que le Postulant ne l'a pas "retenue" puisqu'on l'achemine les yeux bandés vers le Temple où enfin, il recevra la Lumière après avoir cheminé selon les 4 éléments, de l'air, au feu.

Il y a une bougie qui revêt une importance particulière en Loge, c'est cette Etoile perpétuelle qui brille sur le Plateau du V\M\
Elle brille dans le Temple avant même l'entrée des FF\. Et elle brillera encore après la fin de la Tenue.
Dans certains rites, cette bougie éternelle est confiée soit à l'Expert, soit au V\M\ qui sont sensés en entretenir virtuellement la flamme. Cette mission hors Tenue me semble témoigner du fort rôle spirituel dévolu à ces Officiers.

Je vois dans cette Etoile perpétuelle la représentation d'une conscience supra-humaine : le "Principe créateur" cher au R\E\A\A\ et qui reste ainsi manifesté même dans les ténèbres. Lors de la Tenue il est encore plus brillamment manifesté par l'allumage du Delta lumineux.
Le V\M\ à l'Orient incarne ce principe créateur sur le plan humain et le manifeste par l'Epée flamboyante, le Delta "lumineux", l’Epée "flamboyante", des flammes, et encore de la Lumière que vont compléter le flambeau à 3 branches et les Etoiles sur les 3 Piliers et sur les Plateaux des Surveillants.

Toutes les bougies (flambeaux, étoiles) qui éclairent les Maçons sont allumées à partir de cette Etoile perpétuelle, et il ne saurait être question de les allumer à une autre source.
Ainsi la flamme première, cette représentation du plus haut principe spirituel, se retrouve ainsi multipliée sur les divers "niveaux" de la Loge.
Jamais au raz du Pavé mosaïque. toujours en élévation, comme une invitation à l'élévation de l'âme.

Mais pourquoi des bougies, plutôt que des ampoules électriques, qui pourtant seraient souvent plus pratiques d'utilisation ?
Je crois que l'électricité nous priverait d'un effet particulier à la flamme.
Qui ne s'est jamais surpris à rêver alors que son regard s'était posé sur une flamme ?
Le feu porte à la rêverie. Et la flamme d'une bougie peut-être plus encore que toute autre.
Elle est brillante et fragile, et le moindre souffle semble lui donner vie.
Elle fascine et calme le mental.
Cet effet psychologique est utilisé dans diverses pratiques de relaxation, de méditation, et même dans des recherches mystiques où l'esprit doit se libérer de la matière pour s'élever jusqu'à la divinité.
Par exemple, certains groupes utilisent cet effet dans l'apprentissage de facultés para normales. Un exercice consiste à regarder fixement la flamme d'une bougie placée devant un miroir. Un halo apparaît rapidement autour de la flamme, et il est d'autant plus facile à distinguer qu'il se renforce de son reflet dans le miroir. La vision de ce halo serait le premier pas vers la vision de l'aura et de diverses manifestations de l'invisible.
Ces exercices de fixation d'une flamme d'une bougie génère une grande quiétude d'esprit, une paix intérieure voisine sans doute de l'état dit de "fascination" dans l'hypnose.

Je ne suis donc pas du tout étonné que l'on préfère la bougie à l'ampoule électrique sous toutes les latitudes dans les lieux de cultes, de méditation, et même dans nos Loges maçonniques.
Nul doute pour moi que ces flammes, ces lumières vivantes, aident à entrer en soi et peut-être à mettre en avant notre part sensible et spirituelle.
J'imagine avec délice l'ambiance d'une Loge d'où tout éclairage électrique serait banni au seul profit des bougies.

Notre rituel de fermeture précise que les bougies doivent être éteintes avec un éteignoir et qu'elles ne doivent pas être soufflées.
Pourquoi cela ?
Je tente une explication :
Lors des voyages de l'Initiation, l'élément AIR est le 1er élément que rencontre le Récipiendaire. L'AIR est l'image du désordre, du non sens, du ruit qui habitent le profane. Le dernier élément rencontré est le FEU.
Dans l'Initiation, le feu témoigne du calme et de la Maîtrise de l'Initié qui a travaillé sur lui.
Le FEU est l'élément le plus subtil, le plus spirituel. Saint Jean Baptiste, l'un de nos patrons, annonçait même la venue de celui qui nous baptiserait de feu, comme une promesse de très haute spiritualité.

Souffler une flamme en Loge, reviendrait donc à faire dominer l'AIR-désordre sur le FEU-vie spirituelle.
Quand on souffle une flamme, l'air fait décrocher la flamme de ce qui l'alimente.
Le feu quitte le Terre. On "arrache" l'esprit de la matière. Une image de mort, en somme !

Éteindre la bougie de façon rituelle, c'est à dire avec un éteignoir, sous-entend que la flamme ne doit pas être supprimée brutalement de la terre qui l'alimente, mais qu'elle doit être comme mise en sommeil.
Lorsque le Maître des Cérémonies applique l'éteignoir sur la bougie, la lumière de la flamme reste visible quelques instants encore en transparence dans la matière de la bougie, puis elle baisse en luminosité, comme si l'élément FEU rentrait à l'intérieur de l'élément TERRE pour s'y lover comme en sommeil.
Ainsi, on ne doit pas tuer la flamme symbole de vie en la soufflant, mais plutôt de la mettre au repos, comme si elle devait rester là comme en gestation, en potentiel.

Alors, V\M\ et vous tous mes FF\, je crois pouvoir répondre à ma question de départ.
Non, le confort moderne de l'électricité ne saurait remplacer les flammes des bougies dans nos rituels tant celles-ci sont suggestives et riches de symboles.
Les symboles qu'elles évoquent, les effets qu'elles produisent sur notre mental ne sauraient être portés par l'électricité. Et tant pis s'il est parfois difficile de lire le rituel, la flamme même vacillante de la bougie est un magnifique et inspirant symbole de vie et spiritualité, et il est bon je crois que ce soit cette lumière-la qui nous éclaire.
Fragile, elle peut pourtant allumer un brasier.
Elle nous invite à l'élévation, et même à la transcendance spirituelle.

V\M\ et vous tous mes FF\,

j'ai dit !

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