Obédience : NC Loge : NC 09/12/1996


Le silence

Laissez-moi tout d'abord vous dire en guise de préambule que je dédie, avec une toute particulière affection, le présent travail, ayant pour objet le silence, à mon cher Petit Professeur, notre aime Frère Jacques Bret. Laissez-moi vous dire ensuite que j'ai pris la liberté de demander à notre Frère le Silence d'être ce soir des nôtres, un peu plus tôt qu'à l'accoutumée. En raison de sa présence effective, et compte tenu des égards qui lui sont dus, c'est donc à sa personne que je vais maintenant m'adresser.

Bien avant que n'existât l'implacable mécanique du Temps, alors que le Grand Architecte n'avait encore pris aucune décision quant à la création du Tout, le Rien étendait son empire, bien au delà du concevable. Il n'était pas seul, le Rien, puisque toi, mon Frère le Silence, te trouvais là. Déjà là, devrais-je dire, car on est en droit de l'imaginer, avant même que ne débute le règne du Rien, tu imposais ton incommensurable et lourde présence.

« Au Commencement était le Verbe » : ces mots-là, comment pourraient-ils jamais déserter ta mémoire ? Certes, je ne saurais me mettre à ta place, néanmoins je ne puis m'empêcher de vous imaginer, toi et le Rien, ignorant l'un comme l'autre toute fin et donc tout Commencement, soudain confrontés à ce Verbe qui s'apprêtait à te conférer ta raison d'être, et à terrasser le Rien d'où il ferait jaillir le Tout. Ainsi te faudrait-il désormais composer avec l'homme et avec son entourage. Tu devrais apprendre à écouter, t'efforcer de te faire entendre, affirmer ton importance ainsi que ton caractère irremplaçable, et défendre ta souveraineté, afin que nulle parole ne constitue jamais pour elle la moindre offense ou menace.

Depuis ce jour où tu fus anobli par le Verbe, tu as dû en voir et en entendre, sans jamais pouvoir t'exprimer à haute voix. Ceci par exemple, qui tout naturellement me vient à l'esprit. Rappelle-toi. C'était un certain soir, sur une certaine colline. « Eli, Eli, lamma Sabacthani ! », le dernier cri du crucifié. Ce cri-là, tu n'es pas près de l'oublier. Auras-tu jamais été plus total, plus épais, plus froid qu'à cet instant et durant les heures qui l'ont suivi ? Tu recouvrais le monde, telle une lourde chape. Tu avais précédé de peu les ténèbres. Tu étais resté longtemps avec eux... Vois-tu, Silence, je me demande si tous ces hommes que tu dévisageais, écrasaient de ta présence énorme, si ces hommes-là, qui n'entendaient que toi, LE TEMOIN, alors que te parcouraient encore les ultimes vibrations de ce cri, ne se sont pas sentis étranglés par la honte et le remords.
Si j'ose, entouré de mes Frères, te rappeler ces moments insoutenables, c'est qu'il m'importe de souligner le caractère fondamental de ce râle qui est le tien. Quitte àme montrer trivial, je dirai : tu n'es pas là pour la fermer. Tu n'es pas spectateur, tu es témoin, j'irai même jusqu'à penser que tu es mémoire. Rien de ce qui se fait, et rien de ce qui s'exprime, ne saurait t'échapper. Tu parles avec tes mots à toi. À nous de prêter une oreille accueillante et attentive. Ce faisant, ta plénitude tranquille franchira notre seuil et, le temps d'une halte, rassurera nos âmes tremblantes.

Souvent, quand je pense à toi, il est une question qui me travaille, toujours la même : comment fait-il donc pour être encore là, constamment sur la brèche, disponible, patient, efficace et réceptif, lui qui depuis le Commencement n'a jamais cessé de supporter l'insupportable, qui tant et tant de fois s'est vu éclaboussé des plus abjectes salissures, -disons pour aller d'une façon toute arbitraire d'un point à un autre du grand martyrologue- les hurlements que poussaient les premiers Chrétiens, crachant leur sang sous l'œil vorace et amusé de Néron, jusqu'à cette petite fille qui, voici tout juste quelques Jours à Sarajevo, se voyant demander ce qui, durant la guerre, lui avait causé la plus grande peur, avait répondu : le silence parmi les ruines et les morts, après que les obus soient tombés.

Ainsi donc cher Silence, toi le doux et le tranquille, source des réponses apaisantes et limpides, voici où tu en es arrivé sous bien des latitudes d'une planète de moins en moins bleue, car de plus en plus rouge : à faire peur. Rien en cela qui puisse surprendre.

Dès le premier lendemain du Commencement, tu étais déjà -à l'état embryonnaire, j'en conviens- la décharge du monde. Celle-ci n'ayant depuis lors jamais cessé de multiplier ses métastases, est devenue immense. Dresser la liste des immondices dont elle est quasiment saturée serait trop long. Disons, la haine qui engendre la violence, laquelle enfante les injures, les cris, les vociférations, les gémissements, les hurlements, les déferlements, les explosions et les déflagrations.

Ceci conduit au seul constat qui s'impose : la place qu'il te reste s'amenuise chaque jour davantage. Avant que de t'emmener hors de cette morgue, laisse-moi te poser ces quatre questions que nous laisserons sans réponses, tant celles-ci me paraissent évidentes :
- Ne t'arrive-t-il pas de la regretter, ta cohabitation avec le Rien ?
- Ne trouves-tu pas que ce Verbe, les hommes le conjuguent bien mal ?
- Pour un million de morts, une minute de toi ?
- Untel, on l'a RÉDUIT au silence.

Rendons-nous de ce pas là où je veux te conduire mais, auparavant, laisse-moi rassurer mes Frères qui seraient en droit de se demander si je vais bientôt me décider à parler de la place que tu occupes au sein de la Maçonnerie. Ma réponse est simple : Apprenti que je suis, que j'ai la ferme intention de rester, il me plaît de penser et de dire que la Maçonnerie, loin de requérir l'étalage d'une érudition livresque et froide, est avant tout un état d'esprit, une ouverture sur le monde et donc sur l'autre, ou, mieux, un état d'âme.

Pour ce qui est de notre Atelier, je dirai volontiers notre chantier, il est tout à la fois universel et intemporel. Nous, nous sommes les guetteurs. Notre impérieux devoir est de nous tenir constamment sur le qui-vive. Que la moindre fièvre s'empare du monde, que le mal le plus bénin l'atteigne, qu'un léger tremblement l'agite, sont autant de signaux d'alarme auxquels il nous faut répondre. À nous, fortifiés par l'Orient, d'ordonner à nos pieds de quitter l'équerre, et d'emporter au grand galop nos cœurs vibrants et volontaires là où se trouve menacé notre Frère le Silence. C'est dans cet esprit que je suis allé le rejoindre sur le Golgotha, dans les arènes ensanglantées de Rome, et quelque part au plus tragique d'une ville brisée. Voilà pour l'Universel. Toujours dans cet esprit, muni de la permission de notre Vénérable Maître, j'ai demandé au Silence d'être ce soir des nôtres, un peu avant que sous sa protection nos mains se fassent maillons de la chaîne. Voilà pour l'Intemporel.

Me sentant à présent un peu moins coupable vis-à-vis de mes Frères, j'en reviens à toi. Ton espace vital se rétrécit, cela nous l'avons admis. Mais enfin, grâce soit rendue au Grand Architecte, il t'en reste. Avant que d'y venir, je voudrais non pas me risquer à brosser ton portrait, ce qui serait à la fois une gageure et une effronterie, mais seulement tenter d'éclairer certains de tes traits qui ont, à mes yeux, de l'importance.

Ce qui d'entrée me frappe, c'est combien il est difficile de t'apprivoiser. Je crois qu'avant même de songer à faire un pas vers toi, il importe de te mériter. Pour cela, il faut avoir soigneusement procédé à la toilette de son âme, s'assurer qu'on n'a pas oublié de préparer sa petite provision de silence personnel. Il convient d'avoir toujours présent à l'esprit que tu es fragile, plus encore que le verre de Bohême. Parvenir à ton niveau d'écoute n'est pas une mince affaire. Si l'on atteint à ce paroxysme, tu nous laisses t'approcher, peut-être même t'avances-tu d'un rien et, à ce moment-là, très doucement, tu dis des choses. Des choses, tout me donne à le penser, qui viennent d'ailleurs. Tu es, ne l'oublions pas, un étonnant dépositaire et conducteur d'énergie. Ceci encore, qui montre à l'évidence à quel point tu nous es vital. À la différence du miroir dont le rôle est passif, vu qu'il se contente de réfléchir l'image, disons l'apparence, toi tu réfléchis notre intériorité, allant jusqu'à t'y installer. Tu nous ouvres maintes portes et fenêtres, nous alimentes, nous gratifies de tes éclairages, nous permettant ce faisant de nous trouver, de nous situer, de nous retrouver. C'est dire combien ton rôle est actif. A ce propos, il est une chose qui m'agace : on donne la vedette à l'Air, à l'Eau et au Feu. Ce serait me semble-t-il une justice élémentaire que faire appel à toi, le Silence, afin de compléter cette trilogie.

Rendons-nous à présent chez trois amis que tu connais bien. On ne fera qu'entrer et sortir. Mon temps est sur le rouge et, après, il me faut encore te dire deux ou trois choses. Mieux vaut que j'évite de croiser le regard de notre Vénérable Maître, qui ne doit pas être très éloigné du court-circuit.

Beethoven. Retourne en arrière. Il a 34 ans. Il écrit les premières mesures de l'Héroïque. C'est le moment que tu as choisi pour emménager dans sa tête. Quatre ans plus tard, il enfante la Pastorale. Tu es tellement chez toi, chez lui, qu'il n'entend, mise à part sa musique, que toi. Au reste, en quel état lui parvient-elle, sa musique ? Alors imagine, quand, seize années plus tard, il prend en charge la IXème... Au fait, ne t'es-tu jamais demandé si cette musique aurait été aussi belle sans toi ?...

Maintenant, allons voir ce que fait Cézanne sous son grand chapeau de paille, face à la Sainte-Victoire. Lui ne t'a jamais embêté, il a toujours été bien collègue avec toi. Regarde-les bien, ces couleurs qu'il est en train de déposer sur la toile, afin d'éterniser sa chère montagne. Dis-toi qu'elles sont chargées de son silence à lui, et emplies de ton silence à toi, donc de toi. Cela veut dire que celui ou celle, qui va aujourd'hui, ici ou là, regarder une Sainte-Victoire de Cézanne, demeurera un moment devant elle. Il se tiendra silencieux, forcément puisqu'il aime. Sois tout à fait sûr que l'envahira le silence de Cézanne mêlé au tien, donc la pensée de Cézanne, mariée à la tienne, qui aujourd'hui encore émane de ces couleurs. Tu vois combien elle est grande, ton importance.

Notre dernière visite, elle est pour Charles de Foucauld. Hâtons-nous, le Sud-Algérien n'est pas la porte à côté, pour moi tout au moins. Nous voici en plein désert. L'une de tes résidences de prédilection Tamanrasset, tu connais. Et bien sûr tu connais ce regard ébène, à la fois doux et brûlant, qui occupe toute la place dans le visage émacié, buriné, bordé d'une barbe sombre. C'était en 1901. Charles avait 43 ans. Il venait de saborder sa carrière d'officier et, une fois jeté loin l'uniforme, avait mis un terme à une vie dissolue, décomposée par l'argent trompeur et facile, par les filles faciles et trompeuses, et t'avait rejoint ici. T'ayant bien observé, beaucoup écouté, il s'était converti. Vêtu désormais d'une blancheur laineuse et rude, on l'appellerait le Père. Aujourd'hui, nous voici en 1915. Charles a 57 ans. Il poursuit dans son petit fortin solitaire l'étude de ta langue touareg. Tu sais, Silence, s'il ne t'avait eu pour seul et unique interlocuteur, jamais il n'aurait trouvé le chemin de Dieu. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est lui qui l'a écrit. Combien de fois n'a-t-il pas répété que tu lui étais si précieux. Regarde-le. Il ne fait aucun doute qu'il est habité de toi. Dans un an, en 1916, les pillards Sénousis viendront l'assassiner. Pour lui, cela ne changera pas grand-chose. Il continuera d'être avec toi. Simplement, la lumière sera inimitable.

Donc voilà, mon Frère. Nous venons d'approcher trois artistes. Je dis trois, parce qu'un homme de Dieu est un artiste. Comment pourrait-il en être autrement, vu que Dieu est le sublime Artiste, et que nul ne pourrait être artiste si Lui, Dieu, n'était pas là pour lui tenir la main.
Le temps l'eût-il permis, nous serions allé interroger un écrivain. Il nous aurait rappelé, cela tu le sais mieux que personne, qu'en matière d'écriture, le non-dit est bien souvent plus fort, plus parlant, que le dit. Qu'est-il donc, ce non-dit, si ce n'est toi ?

Puisque nos pas nous ramènent vers cet ici qui est la source, arrêtons-nous dans une pénombre tranquille, là où ta respiration se sent vraiment chez elle. Que pour une fois ce ne soit pas une cathédrale, et non plus une abbaye ou un monastère, mais plutôt la simple et timide église d'un village sans histoire. Romane ou gothique, modeste ou ordinaire, pour toi c'est sans importance. Que la vierge soit de pierre et admirable, ou tristement de plâtre, montrant des joues trop rosés et une robe trop bleue, toi tu es là pareil, tu écoutes pareil, tu donnes pareil. Ainsi fais-tu chaque dimanche, alors que l'harmonium un peu poussif en a fini d'expirer, que le dernier cantique s'est lourdement envolé, que ces hommes et ces femmes tout simples, s'étant signés d'une main terreuse s'en sont allés, loin de se douter que tu venais une fois encore d'amender leur âme comme ils amendent leurs prés et leurs champs.

Toi tu restes là. Tu reprends ta déambulation tranquille, porteur de leurs prières et de leurs pensées, dont la pierre s'imprègne, chaque fois que passant auprès d'elle tu l'effleures.
C'est ainsi qu'au fil des ans, la pierre dont sont faites les petites et les grandes maisons de Dieu se charge d'une indicible énergie. C'est pour obéir à ce cycle immuable que, vivant en symbiose avec toi, elle ne cesse jamais, suivant ton exemple, de transmettre aux uns la force rassurante qu'elle a reçue des autres.
Tu vois, il n'y a pas que les couleurs de Cézanne qui savent se comporter. Il en va de même de la pierre. Parfois des hommes, mais ça, c'est une autre histoire.

Maintenant que nous voici revenus en cette demeure qui est tienne, je veux dire ceci : comme tous mes Frères, ceux ici présents, ceux présents ailleurs, je te rencontre souvent, souvent t'accompagne, ou plus exactement, je fais avec toi bien du chemin. En plusieurs circonstances que je qualifierai de graves, il m'a fallu te faire face. Je n'en citerai qu'une seule.

On était en Mars. Le soir était sibérien. On m'avait attribué une chaise dans la cuisine, et prié d'attendre. Au bout d'un moment, le Frère Expert - aujourd'hui notre Vénérable Maître - était venu à moi, et m'avait gentiment poussé dans le Cabinet de Réflexion. Naufragé dans cet espace étroit et noir, qu'attristait davantage encore une ampoule violette, il m'était revenu ce que me disait ma grand-mère, quand J'étais petit enfant : « Si tu n'es pas gentil, il faudra qu'on te mette dans le cabinet noir... ». Bien du temps avait passé, et voilà que soudain je m'y trouvais. Je pensais que celui qui m'y avait poussé était très certainement une sorte d'agent secret à la solde de ma grand-mère, laquelle depuis là-Haut me surveillait.

Plus raisonnablement, je songeais l'instant d'après que si je me trouvais là, c'est que, sans doute, je n'avais pas été gentil. Au fond de moi, quelque chose me faisait comprendre que j'avais raison. Toi, bien installé dans ton antre, tu posais sur moi un regard froid, et moi qui m'efforçais de le soutenir, je ne faisais qu'observer sans plaisir non pas mon image, mais mon intériorité. Pareil à la petite fille de Sarajevo, je considérais mes ruines et tous ces morts qui gisaient parmi elles. Aussi, n'entendant plus que toi, tu me devenais insupportable, et la peur s'emparait de moi.
Permettez-moi une courte incidente. Ce passage obligé au travers de l'étroit Cabinet de Réflexion, me fait immanquablement songer à un autre, dénommé Haut-Fourneau. Le profane-minerai, ayant subi la fusion, puis la réduction, devenu fonte liquide, sera recueilli dans ce creuset que constitue l'initiation.

Vois-tu Silence, ce moment où tu réfléchis le profane n'est pas selon moi celui où ta présence s'impose avec le plus de force. C'est bien plutôt l'autre, qui aussitôt lui succède. L'Expert vient de ceindre votre tête du bandeau. Souvenez-vous, mes Frères, de ces quelques pas qu'il vous a fallu faire, pour atteindre le Parvis. Ce n'étaient pas tant vos pieds qui rattachaient au monde le peu que vous étiez devenu, à savoir un pantin désarticulé, dépourvu de tout sens de l'orientation, en constante recherche d'équilibre. Vous étiez arrimé à une solide masse en mouvement, une abstraction, maintenu par quelque chose qui pouvait rappeler un avant-bras ou une main. Ce quelque chose emmenait ce plus rien que vous étiez vers un inconnu où vous pourriez enfin devenir quelqu'un, mais, cela, vous ne le saviez pas encore.

L'aveuglement que vous valait ce bandeau n'était pas, croyez-le, l'unique responsable de votre délabrement, de votre laminage, de votre légitime anxiété dont on voudra bien me pardonner la description quelque peu clinique. L'autre responsable, c'était lui, assis partout en ce Temple. C'était toi, Silence. Tu avais beau jeu de diminuer plus encore un malheureux profane-épave.

Les Maçons, je parle de ceux qui savent beaucoup de choses, ont, j'en suis persuadé, tout misé, enfin disons presque tout, sur toi, Silence.
Qui ne se souvient de son cheminement silencieux, du temps que, la bavette de son tablier étant relevée, il écoutait. J'emprunte à notre Frère Serge Majal la belle phrase qui concluait, le 20 janvier 1995, sa planche consacrée au silence de l'Apprenti :
« Ces moments de la germination souterraine, en attendant laborieusement la promesse de l'aube ».

Vous viendrait-il à l'esprit, mes Frères, d'imaginer ce qu'il adviendrait de notre liturgie, si quelque force démente lui arrachait soudain le Silence ? Oseriez-vous priver l'oiseau de ses ailes ? Notre liturgie n'aurait plus aucun sens, elle serait dépourvue de tout relief, elle aurait perdu son éclairage et sa dimension sacramentelle. L'Orient ne se situerait plus sur la trajectoire de la plénitude, la Lumière-Principe n'éclairerait plus que le vide, Sagesse, Force et Beauté ne seraient plus que des mâts de cocagne, les maillets ne serviraient plus de rien, eux qui, au nombre de leurs missions, ont celle de mettre en relief, de souligner ta prééminence.

Ainsi que je tentais de le signifier, au début de cette recherche, bien des hommes, dont l'âme est en friche, redoutent le silence, apeurés à la simple idée qu'ils pourraient y rencontrer leur propre regard. Et aussi, craignant de l'entendre, ils vocifèrent, pointent leurs armes et le tuent.

Chez nous, le bruit n'a pas droit de cité. II est chose vulgaire, orgueilleuse et destructrice. Nous le savons ennemi de toute âme pensante. En ce temps, hormis ces petits bouquets de toi, que tu nous laisses cueillir, seules s'épanouissent les sonorités et les vibrations, qui sont notre manière de te servir, cher Silence à qui nous rendons ce soir ce juste et fraternel hommage.

J'ai dit, Vénérable Maître.


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