Obédience : NC Loge : NC Date : NC

Eloge du Silence

A la gloire du Grand Architecte de l’Univers, vénérable maître et vous tous mes frères en vos grades et qualités, après 15 mois sur la colonne du septentrion, il est important pour moi de continuer de travailler en silence mais aussi de vous présenter après la planche VITRIOL, cette autre introspection à travers le voyage de l’éloge du silence.

Mes frères, je sollicite humblement votre indulgence pour ce morceau d’architecture bien imparfait, et qui m’a donné tant de mal car je croyais connaître le silence, mais en fait il est plus complexe que je l’imaginais.

Si le silence est un repos sur la colonne du septentrion, il permet tout d’abord de me poser et d’apporter une mise en ordre en moi par l’apprentissage de l’écoute avant même d’apprendre à (re) parler.

Le silence, porteur de semence, exprime sans détour ce que nous sommes; le bruit lui permettant de se dissimuler.

En élaborant ce travail j’ai constaté que le silence est multiforme et qu’il peut être appréhendé sous différentes formes, j’ai donc choisi d’aborder les aspects suivants :
- Signification du silence
- Silence de l’apprenti
- Le silence et le corps
- Impressions et remarques personnelles
Certes non exhaustives, ce sont pourtant ces formes de silence qui résonnent en moi et m’interpellent.

SIGNIFICATION DU SILENCE

Etymologiquement, il a la même racine que le verbe latin « Silere » qui signifie se taire mais aussi de « silentium » qui caractérise une absence de bruit ou de sons perceptibles par l’homme. Le silence n’est par contre jamais synonyme de « RIEN », il est une expression de la vie, une forme d’expression complexe.

Le silence peut être aussi un état de non manifestation, par la « Parole inexprimée », il revêt une forme sacrée et se transforme en voix du grand mystère comme le souligne René GUENON dans son ouvrage « Mélange » : « La communication avec le Grand Architecte de l’Univers ne pourra être obtenue que par le silence, car le silence lui-même est le grand mystère….. »

Le silence se traduit par une diminution sensible de la perception de vibrations acoustiques pour un être vivant.

Correspond-il pour autant à l’absence d’audition ?

Le silence « pur » existe-t-il ? N’est-il pas une question d’amplitude, de relativité, de subjectivité dans la mesure où il rythme la vie et ses différentes formes d’expression…..

Par contre il faut user du silence avec mesure, respect et équilibre afin de ne pas se laisser emporter dans l’excès ou l’incommunicabilité ! Le silence se transforme en mutisme.

Le silence dénote les états multiples et contradictoires de l’être : désespoir/espoir, mépris/admiration, peur/confiance, secret/complicité, attente/satisfaction, réflexion/confusion, rêve/réalité, communion/isolement…..    En musique ce sont les silences, qui donnent à la partition, sa construction, son harmonie, son rythme….. Comme un lien essentiel : riche de sens profond de l’expression de la personnalité ou d’un groupe.

J’aime en effet le silence que j’ai rencontré avec les Anciens dans les villages de brousse en Afrique, ce n’est pas un silence d’ignorance, de manque d’opinion ou de neutralité mais bien au contraire un silence ayant valeur sociale,  qui privilégie celui qui (se) tait pour bâtir, plutôt que celui qui s’agite, celui qui favorise la communion des esprits plutôt que celui qui désunit ou pervertit.

Dans le silence, l’homme ne se tait pas « il pense, il converse » il est pour lui-même simultanément : je et tu.

Le silence est par ailleurs le vecteur de la transformation interne de notre être, il m’a permis d’aborder avec beaucoup de sérénité, de clairvoyance et plus concrètement le chemin symbolique complexe de la Franc-maçonnerie ; ceci m’amène à parler maintenant du silence de l’apprenti.

SILENCE DE L’APPRENTI :

Le silence de l’apprenti est un apprentissage de l’écoute des autres et de soi. En fixant l’attention sur le rite et sur les symboles de la loge, il conduit l’apprenti à réapprendre à voir, à écouter, à sentir les choses, à toucher, à observer et à analyser ce qui se passe autour de lui, sans prendre toute la mesure de cette « métamorphose des sens » qui opère en lui…..

Le silence est-il outil d’un certain recentrage de l’être sur lui-même ? Est-ce que le silence n’est pas le chemin d’accès à la méditation et à la concentration pour l’apprenti ? Comme le prescrit Oswald WIRTH : « L’apprenti franc-maçon a pour premier devoir de méditer les enseignements du rituel afin d’y conformer sa conduite… »

Le silence apporte à l’apprenti une condition propice à recevoir la rectitude du R de VITRIOL. Dans la loge, le silence est un luxe pour l’apprenti, car il facilite l’état de veille, de compréhension, de sérénité et d’éveil au symbolisme, c’est un engagement fait en silence et de silence entre soi et soi …. Comme en résonnance à l’adage : « connais-toi toi-même ».

Le silence apporte une meilleure connaissance de soi mais aussi des autres, car il donne une place singulière à l’autre, il ne fige pas les choses, au contraire, il requalifie chaque fois les actes et les paroles. Le silence amène le verbe à ne pas être le seul moyen d’expression, de communication, le corps peut se substituer au langage et devenir un autre outil de communication.

LE SILENCE ET LE CORPS

Le silence valorise la communication par le corps et de ce fait l’apprenti n’accède plus qu’à des codes, des signes à décrypter à partir de la gestuelle, des attitudes, des expressions du corps. Pour l’apprenti, regarder le déroulement de la tenue, l’accolade fraternelle, participer à la chaine d’union, être à l’ordre, suivre la batterie, deviennent des états signifiants et se transforment à leur tour en langage symbolique…

Le silence est en cela  la première étape initiatique de l’apprenti dans le rituel :

Colonne du septentrion : Silence du froid, de l’obscurité, de la nuit…

Signe à l’ordre qui ferme le 5ème chakra, celui justement de la parole.

IMPRESSIONS ET REMARQUES PERSONNELLES

Personnellement, j’espère grâce à cette expérience accéder à  un nouvel apprentissage de la parole pour que celle-ci soit plus juste, plus pondérée, et plus à propos…de manière à aiguiser la pensée, la conscience, la beauté pour qu’un jour je puisse œuvrer en communion dans le dialogue avec les frères de la loge à la construction du temple….

Mais cet été, lors de la préparation de cette planche, j’ai plutôt vécu un silence qui était mutisme, blessure, oubli car loin et sans nouvelle de l’être aimé….   Ce silence-là souligne l’absence de l’autre en la remplissant d’un grand vide…   Le silence n’apporte pas toujours la sérénité, il peut être un refuge pour les blessures, la mélancolie, le mal être….

Enfin, considérons qu’il existe une forme de  silence radical, le silence éternel, le dernier voyage à l’Orient celui qu’a rejoint notre frère Gérard, il y a 3 semaines, ce silence a certes toujours le dernier mot, c’est le silence de l’absence physique définitive….  Néanmoins, considérons également la possibilité que le passage de Gérard parmi nous puisse contribuer à nourrir nos silences !

Vénérable Maître et vous tous mes frères

J’ai dit…..

D\ B\


Bibliographie :
Mélanges de René GUENON
La parole est au silence !  De Pierre PELLE  LE  CROISA
Le voyage en Orient  d’Hermann HESSE
Le désert intérieur de Marie Madeleine DAVY
Eloge du silence de Marc de SMEDT
Quelques planches du site « EDIFICE »
Et  plusieurs articles des numéros de Points de Vue Initiatiques.   

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