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Le silence de l’A\

Qui dans cette vénérable assemblée aurait pu imaginer, même un instant, que l’on puisse imposer silence si longtemps à votre pipelette de service.
Il faut croire que la chose est d’importance.
Autant essayer de définir l’impossible, comme le mariage de la carpe et du lapin, assemblage raté par excellence.
En tout cas c’est promis, apprentie je suis, muette comme une carpe je resterai…en tenue.

On a l’habitude de définir le silence comme l’état d’absence totale de bruit. Et lorsque quelqu’un fait silence, qu’il s’abstient de parler, d’exprimer son opinion, il se met en état de réceptivité maximum. Si bien que la valeur du silence nous échappe.

Une phrase aurait-elle le même sens si elle n’était pas ponctuée par des silences plus ou moins longs…valorisant ainsi certaines locutions. Dans une phrase si les mots sont les sons, les silences en sont la ponctuation. De même, que deviendrait une symphonie sans le positionnement subtil de silences, soupirs, demi soupirs… ? (Croche, demi-croche)

Le son et le bruit comme le bonheur et le malheur ne s’opposent pas, mais se complètent comme le jour et la nuit. Vouloir dissocier cette complémentarité se traduit par la mort.

Je cite, Boris Cyrulnik.
« Attachement et amour ne peuvent se développer que si nous avons connu la souffrance, puis le retour à la sécurité.
Trop de souffrance tue
Trop de bonheur sans le souffle de la souffrance tue aussi
De même
Trop de bruit peut tuer ainsi que trop de silence ».

Le silence total absolu, existe-t-il ? Comment peut-on se déconnecter du bruit de la vie sinon dans la mort ?

Mes FF\, mes SS\ il n’est pas aisé de définir le silence. Je veux dire qu’il est particulier à chacun d’entre nous, mais pour tous il est propice à la concentration, au sens yoga du terme.

Je cite :
« Les pensées sont comme des nuages ; elles nous cachent le ciel bleue et limpide. Elles sont, en outre, un empêchement au silence. Sans doute le silence primordial contient-il un son, ou un mouvement, mais ceux-ci sont partie intégrante du silence.
Quand on est silencieux, il n’y a ni entité, ni dissipation, ni agent perturbateur. Il n’y a qu’intégration parfaite de l’être de plénitude ».

Le bruit existe pour nous, parce que nous vivons dans le monde de la matière, parce que nous sommes faits de matière.
Notre seul instrument pour interpréter la matière, est notre cerveau qui décrypte les signaux que lui envoient nos sens.
Notre cerveau est constitué de molécules contenant un noyau autour duquel gravitent des électrons, le tout séparé par des vides de proportion spatiales.

Dans le silence de la méditation, nous nous éloignons du monde de la matière pour nous approcher du monde de l’énergie, de l’autre coté de la lumière, nous sommes plus prés de notre temple intérieur.

Alors, qu’es-ce que le silence et pourquoi est-il le propre de l’apprenti ?
J’entends déjà la réponse de quelques unes d’entre vous : « tais toi tu comprendras plus tard ».
Bien sûr, je ne puis vous livrer que le fruit de mes réflexions ou de mon expérience.

Etre silencieuse, pendant plus d’un an, a tout d’abord été, pour moi, comme vous vous en doutez, une grande frustration. Soumise aux exigences de l’Ordre Maçonnique, je n’avais d’autre choix que celui de respecter et d’accepter  la règle du « silence ».

Mon premier travail, fût donc celui de contrôler mes élans, libérant ainsi mon esprit de toutes interférences pour donner place a une certaine ouverture. Mes sens et en particulier celui de l’Ouie étaient, enfin, prêts à recevoir.

Cette première étape, en partie maîtrisée, m’a permis de me rendre plus disponible à la parole de l’autre.
Mais se taire ne veut pas dire n’avoir rien à dire. Se taire avec savoir, vouloir et oser, sont les bases mêmes de mon apprentissage.
J’ai souvent eu envie de réagir, mais surprise, j’étais aussi à l’école de l’humilité. Mon égo devait s’y soumettre.
Lentement j’ai pu constater, en toute humilité, que ma pierre prenait forme, et que cela m’allait bien.
Le silence est un moyen qui permet à l’initié de réfléchir sur lui-même.
« Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’Univers… » Disait l’Oracle de Delphes.

La version maçonnique serait : « Avant de travailler sur un édifice, tailles ta pierre et celle-ci s’ajoutera aux autres ».

Le terme argot « tailler une bavette » me fait penser à la bavette du tablier de l’A\, qui relevée lui interdit le bavardage. Interdit dont il ne sera affranchi qu’en devenant C\. Et alors seulement, on considèrera, qu’il a suffisamment appris pour que l’on donne à ses jacasseries, la considération que l’on doit à des propos plus sensés.

Ou plus clairement : tais toi, il y a beaucoup à apprendre, tu auras la parole quand tu auras quelque chose de pertinent à dire.

Le silence est la base de la pyramide, nous en connaissons tous l’importance. C’est sous la protection du secret que nos débats peuvent avoir lieu et nos rituels garder tout leur sens. Sans lui, nous ne serions pas réunies ici ce soir.

Par ailleurs, quand nous sommes à l’ordre, la position de la main signifie bien : « que l’on me tranche la gorge si je viole le secret ».

Dans toutes les religions le silence permet le recueillement de l’âme. Pour nous F\ M\ le fil à plomb nous montre bien la direction du premier voyage, c’est dans notre silence intérieur que nous trouverons la lumière et ainsi nos pensées libérées du poids des passions pourront s’envoler vers les étoiles.

Visita Interiora Terrae Rectificando Invenios Occultum Lapidem… Visite l’intérieur de la terre et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée.

Aujourd’hui, A\, parmi vous, ma place est sur la colonne du nord : colonne d’ombre, de silence et d’introspection, passage indispensable à une ouverture vers la lumière me conduisant lentement vers la connaissance du « MOI ».

L’A\ ne sait ni lire ni écrire, il ne sait qu’épeler le mot sacré, mais entre chaque lettre il marque une pause, un silence qui lui rappelle qu’il n’a pas encore la parole et il n’épelle le mot sacré que guidé par son M\, c’est donc guidé par ses MM\ qu’il doit faire son apprentissage et le silence imposé lui permettra de dominer ses impulsions naturelles. Le silence de l’A\ est donc constructif. C’est dans le silence qu’il taille sa pierre pour lui donner la forme et la taille exacte pour l’insérer à sa place dans la construction du T\.

A l’aide de ses outils l’A\ va d’abord travailler sur lui-même, alors commencera cette alchimie qui transformera le profane en initié, le plomb en or le plus pur, la pierre brute en pierre angulaire et le creuset de cette alchimie est le silence, et la flamme en est sa volonté.

En conclusion, le silence est un outil permettant le passage de l’énergie intérieur sans aucune interférence. C’est ce qu’on appelle - l’Axe - lieu de « non - respire » entre le moi intérieur et le moi extérieur.

Sri Aurobindo

« La connaissance est un éclair qui jaillit du silence et tout est là, ni plus haut, ni plus profond, en vérité, mais juste là, sous nos yeux mêmes, attendant que nous devenions un peu plus clairs. Ce n’est pas tant la question de s’éduquer que de se libérer des obstructions ».

Pour en terminer avec le silence permettez-moi de vous lire la réflexion d’un F\ qui m’est chère.

Je cite :

Ton silence n’était pas d’un soir d’été à rêver aux étoiles
ni celui d’un sous bois où le vent dans la ramure est la seule présence
pour toi méditer n’était pas faire silence
tu ne te mêlais pas aux palabres, tu étais à côté
et quand on parlait de toi tu le savais par les regards
Jamais tu ne te plaignais,
Tu souffrais…simplement
Le silence te gardait prisonnier depuis ta jeunesse
et nous ne savions pas combien tu souffrais
Tu étais si bon, si solide et nous si insouciants, si égoïstes.
Tu es parti te fondre dans le silence.
Ce soir les nuages se tordent dans le vent
et le silence de la nuit répond en écho au tumulte de mon cœur
Tu me manques papa.

M\ P\E\


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