Obédience : NC Loge : NC 15/02/2012

Le Silence

“ Les âmes se pèsent dans le silence comme l’or et l’argent se pèsent dans l’eau pure
et les paroles que nous prononçons n’ont de grâce que par le silence où elles baignent"
Maurice MAETERLINCK
Le Trésor des humbles. Le silence.

Qu’est le silence?

L’arrêt d’un rythme,
Le vide, la nécessité d’épurer, de se dégager, de se nettoyer
La paix, la réconciliation avec les faits, avec soi-même, l’intériorisation,
Le contrôle  sur soi,
Le recadrage pour redonner leur vraie place aux choses,
Le détachement, un exercice de relativité,
La modestie: être capable de donner à son flux intérieur la liberté qu’on lui souhaite,
L’écoute de soi et des autres,
Se rendre vulnérable au subtil, au murmure, à l'implicite, à des choses que l'on ne percevrait pas autrement.
Le silence est donc le moyen de signifier quelque chose sans rien en dire.

Il y a dans le cabinet de réflexion un symbole inexprimable qui n’a pas de support matériel et qui est pourtant plus présent que n’importe quel autre: le silence.

Le silence est un moyen de communication. Quand se taisent les bruyantes passions du monde, le cherchant peut enfin écouter.

Quand s’est éteint le tumulte des passions que suscitent ou qu’excitent les vaines apparences de la société, il y a place pour la communication avec l’essentiel.

Est-il besoin de rappeler que la loi de l’apprenti commence par le silence et finit par la méditation.

En fait, les deux sont liés ; le silence est la condition de la méditation ; il est fait de réceptivité, de disponibilité ; il rend possible le travail d’assimilation, d’intégration à soi-même des valeurs de la nature, l’ensemble de ces efforts devant permettre à l’initié d'être en harmonie avec l’univers.

D’une manière générale, le silence des passions, le silence des troubles engendrés par la vie sociale est une condition d’une méditation approfondie qui n’affecte pas seulement la pensée mais encore l’ensemble du Moi de celui qui s’y livre.

Dans de nombreuses religions, en particulier le bouddhisme, la méditation a un caractère libérateur, précisément dans la mesure où elle affranchit des fausses images que la société multiplie autour de nous.

Plus près de nous, la vie silencieuse des cloîtres exerce une fascination croissante sur les hommes et les femmes exposés au stress quotidien de la vie moderne. Pour y répondre, de plus en plus de communautés ouvrent leur porte en permettant aux laïcs de partager leur quotidien. Un mode de vie qui n’attire pas que des croyants. De plus, les couvents sont souvent installés dans des endroits magnifiques où la lumière rayonne. Toute la question est de laisser tomber l’agitation. Beaucoup de choses se décapent dans le silence, Il faut du silence pour voir ce qu’il y a derrière, dessous  les choses, sinon, on reste à la surface.

Il s’agit-là de rétablir une communication directe entre l’être intérieur et la nature environnante.

Dans l’Antiquité, les stoïciens définissaient l’immédiateté d’un contact entre l’homme et la nature par le “ logos ”. C’était à la fois l’armature de l’univers et de l’individu, ce qui suffisait à expliquer que l’homme comprend la nature et l’univers, parce qu’ils sont étroitement apparentés.

Le silence des passions apparaît donc comme une condition indispensable à l’élévation de l'homme.

Celui qui a découvert le lien avec l’univers cesse d’être dépendant de l’opinion d’autrui ; il cesse d’être un jouet que la société fait agir à sa guise parce ce qu’il tire le sens profond de ses actes et leur justification de lui-même sans avoir besoin de s’appuyer sur les autres. Pour trouver le silence, il faut donc descendre en soi.

De notre silence même naît quelque chose en nous de nouveau qui nous attire à plus de silence.

Élevé à sa véritable dimension, le silence est avant tout une discipline libératrice qui doit distinguer le sage, l’initié, le maçon, le philosophe de tout autre.

Lorsque le nouvel initié ne peut donner son obole parce que privé de ses métaux, ce n’est pas une humiliation qu’il subit, mais un enseignement d’humilité constructive. Cette conception de l’humilité est également enseignée par la loi du silence, faisant que l’apprenti s’abstient de prendre la parole.

Il s’agit-là d’une thérapie de l’âme afin d’aider celle-ci dans sa quête de vérité. La loi du silence permet de faire taire son orgueil, son amour-propre et ses passions.

Le pas de l’humilité à travers le silence peut être le plus important et le plus déterminant pour un ego qui sait tout, qui n’a besoin de personne et a tendance à se croire détenteur de la vérité.

L’humilité, c’est apprendre à regarder son propre comportement au lieu de se concentrer sur celui des autres. C’est savoir, ou apprendre à savoir, qu’il y a des vérités sur nous-même cachées à l’intérieur par notre ego, qui refuse de les voir, nous contenant souvent dans l’illusion et dans l’erreur.

Cette humilité-là, on l’apprend par le silence car elle ne s’extériorise pas et, pour être authentique, elle doit rester intérieure. L’apprenti doit apprendre à abandonner les frontières du langage profane. Le silence et la méditation lui permettront d’admettre le caractère infini de sa recherche de la vérité.

Concentré sur lui-même, il sera plus sensibilisé dans sa recherche d’un équilibre entre les valeurs telles que : les sentiments profonds, l’amitié, la connaissance, la noblesse du cœur, la justice, la raison, la morale et la loyauté.

Dans ce registre, nous pouvons évoquer la manière d’intervenir en loge, notamment lorsque “ la parole circule ”. Il faut d’abord se taire avant de parler car se taire est le commencement de l’attention. Si les interventions sont nécessaires, elles doivent être productives et fécondes. Elles démontrent que celui qui écoute est éveillé. Par contre, nul n’est besoin de monopoliser la parole ou de faire de l’agitation intellectuelle. Éviter de développer une théorie en opposition alors qu’on peut le faire en complément, l’important n’est pas de ne rien dire. Le cœur et l’intelligence aussi doivent faire silence. On peut ne rien dire et être envahi pas tant de bruits intérieurs.

 Il y a aussi ceux qui aiment mieux parler, qu’écouter, soit qu’ils trouvent rarement leur compte aux choses qu’ils entendent, soit plutôt qu’ils se plaisent à exercer leur esprit et à marquer leur pensée. Éviter surtout de refaire la planche qui vient d’être présentée.

Ne vaut-il pas mieux  retrancher de sa bouche toute parole oiseuse, de longs et vains discours, les jugements sur ses FF, ne point parler de ce que l’on ignore, et passer pour un silencieux. Si le mot que tu vas prononcer n’est pas plus beau que le silence, ne le dis pas. ”... Voilà quelques conseils à l’usage de nous tous et qui devraient servir d’exemple aux apprentis.

Mais il ne faut pas confondre silence et mutisme.

 Si le silence est un prélude d’ouverture à la lumière, le mutisme est la fermeture à la lumière, soit par refus de la recevoir et de la transmettre, soit par punition de l’avoir brouillée dans le tapage des gestes et des passions. Il cache parfois un refoulement permanent. Le silence ouvre un passage, le mutisme le ferme.

Selon les traditions, il y eut un silence avant la création; il y aura un silence à la fin des temps. Le silence enveloppe les grands événements, le mutisme les cache; l’un donne aux choses grandeur et majesté, l’autre les dégrade et les déprécie.

Le silence, disent les grandes règles monastiques, est une grande cérémonie qui fait surgir un dialogue silencieux, des émotions et nous fait découvrir la beauté comme lorsqu’on écoute de la musique. Le silence se teinte de toutes les infinies nuances de nos vies. Sans cesse, si on l’écoute, il nous parle et nous renseigne sur l’état des lieux et des êtres, sur la texture et la qualité des émotions rencontrées. Il est notre compagnon intime, l’arrière-plan permanent sur lequel tout se détache. Lieu de la conscience profonde, il fonde notre regard et notre écoute.

Dans un moment nous clôturerons nos travaux en jurant de respecter la loi du silence... ce qui n’est pas l’omerta bien que nous ayons, nous aussi, nos parrains respectifs ! Il s’agit pour nous du silence absolu, c’est-à-dire du secret.

Rappelons que le silence est un lien. La minute de silence pour le profane, la chaîne d'union pour le maçon, le silence de ceux qui nous ont quittés, des absents que l’on entend; Le silence devient alors recueillement.

En résumé nous pouvons dire que le silence, c’est accepter de se taire sur ses propres bruits intérieurs, pour accepter d’aimer la personne de l’Autre, de lui accorder crédit, de lui faire confiance. C’est un moment de foi en l’Homme qui libère une nouvelle connaissance. C’est taire sa propre fébrilité pour faire confiance à la personne de son interlocuteur ; la compréhension du message est devenue inséparable de l’acceptation de la personne. On ne peut rien recevoir de son Frère, si, d’abord, on ne l’aime pas.

J’ai retrouvé dans mes souvenirs une conclusion, dont les derniers termes nous sont très familiers,  empruntée à Alfred de Vigny : « La condition souveraine du savoir est le silence, car seul le silence est grand, tout le reste est faiblesse ».

Dans le silence et la solitude, seul subsiste l’essentiel, et, si on ne peut pas changer les autres, son environnement,  ne convient’ il pas de s’efforcer de s’adapter à eux, ou de les quitter !

V\M\, j’ai dit

J\ P\

Q. du V.M. : « à trop parler, faute on commet »
À trop parler, on ne peut manquer de dire qqch que l’on impute à bassesse !
Et en souriant j’ajouterai :
Mieux vaut savoir se taire, et passer pour un imbécile,  que de l'ouvrir et ne laisser aucun doute sur le sujet.

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