Les
Francs-Maçons
Malades de la Peste Cordoniteuse
Un
mal qui répand la terreur,
Que l’Architecte en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre.
La cordonité étant son nom,
Dans le Temple de Salomon
Faisait aux Francs-Maçons la guerre.
N’y
succombant pas tous, tous étaient frappés,
Et l’on n’en voyait plus, de vraiment
occupés
A rédiger de planche, ou à toute autre envie,
Même le rituel n’excitait plus leur vie,
Il semblait que chacun s’égarait sur la voie
En n’ayant plus d’amour, et partant, plus de joie
Le Grand Maître en conseil déclara « mes
amis »,
Je crois que le ciel a permis,
Pour nos péchés cette infortune,
Que le plus coupable de nous,
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut être obtiendra-t-il, la guérison commune.
L’histoire
nous apprend qu’en de tels accidents.
On fait de pareils dévouements.
Ne nous flattons donc point, voyons sans indulgence,
Mais par ordre de préséance,
En respectant toute allégeance,
L’état de notre conscience.
Pour
moi, satisfaisant mes appétits de gloire
Dans un poste il est vrai, tout à fait provisoire,
Je me suis revêtu de mon beau sautoir blanc
Et de mon tablier, brodé d’or et
d’argent,
Allant de de-ci, de-là, jouer la vedette
Y compris chez ceux de « Condorcet–Brossolette
».
Il se peut qu’en ces faits réside mon offence
Je me dévouerai donc, s’il le faut, mais je pense
Qu’il est bon que chacun s’accuse, ainsi que moi,
Car on doit souhaiter, selon toute justice,
Que le plus coupable périsse.
Très
respectable ami, vous ètes trop bon roi, dit le Grand
Chancellier,
Vos scrupules font voir trop de délicatesse,
Vous n’aller donc pas vous humilier.
Vous
visitâtes tant de cette sotte espèce
De Petits Maçons de Province.
Vous qui êtes leur Prince,
Allant de leurs travaux jusqu’à faire
l’éloge,
Et dans leur propre loge.
Est-ce
un péché ? Mais non, vous leur fîtes
Seigneur,
Au contraire, à chacun, Infiniment d’honneur.
Ou
bien, dit le Grand Chancellier,
Je vais, dans mon propre atelier,
M’accuser d’être aussi, un
Cor-do-ni-to-man,
Moi qui depuis longtemps, de Brussel à Lausanne
Transporte mes décors
En argent et en ors.
Mais
non, dit le Grand Secrétaire,
Le coupable, c’est moi, voilà bien mon affaire :
Oui je suis un cordoniteux
Sans être pourtant vaniteux,
Car en tant qu’inspecteur de nombreux ateliers
Je me dois de venir, revêtu du collier
De ma haute fonction
Mais, sans ostentation.
Ainsi, dit le Cher Frère, et flatteurs d’applaudir
On n’osa trop approfondir.
Le Conseil Fédéral, tout entier, défila
Avec cordons, sautoir et autres falbalas
Le
Jury fraternel acquita
Tous les Grands Officiers
Ne retenant contre eux, pas le moindre iota,
Se comportant ainsi, en parfait justicier.
Ce fut alors le tour des Frères
Vénérables
Et chacun de son mieux, fit amendes honorables
«
C’est vrai dit l’un- j’ai
cherché les cordons
Les honneurs même, les présidences,
J’en demande aujourd’hui dix mille
fois pardon
En mesurant, hélas mon degré
d’impudence
C’est vrai-dit l’autre aussi-
Longtemps sur ma colonne, assis
J’ai lorgné bien souvent
Sur le premier maillet
Et le fauteuil douillet
Qui se trouve au Levant
Et je fais, aujourd’hui, devant vous, mille
excuses
Car je sais maintenant, combien le pouvoir use
Assez, cela suffit - dit le Grand Maître -
Enfin
Vous avez fait votre devoir
Et n’avez pas pu décevoir.
Mais nous ne pouvons pas, rester sur notre faim,
Il nous faut trouver un coupable
Dont le délit soit tout à fait
indiscutable
Qu’on s’informe un peu mieux par
devers la Maîtrise
Car c’est peut-être là,
qu’il faut chercher traîtrise
A lors un vieux maçon, blanchi sous le
cordon,
S’approcha de la barre et demanda pardon
De porter dans le Temple un tablier brodé
Et partout frangé d’or, bien
qu’un peu trop fripé,
J’ai–dit-il un grand tort, devenu
vieille cruche
De m’accrocher encore à ces
fanfreluches »
«
Mais non dit - dit le très cher,
très cher, Grand Trésorier
Tu as bien mérité ce joli tablier
Cinquante ans de travail et de capitations
T’ont largement valu cette
décoration »
Un
maçon, Maître, moins âgé
Dit « J’ai été
encouragé
Par quelques - uns, à postuler
Dans les Ateliers Supérieurs
Et j’en ai fréquenté
plusieurs
Je me dois de me dévoiler.
J’ai travaillé en perfection
Puis en amour, puis en action,
J’ai porté différents
sautoirs :
Bleu, puis pourpre, et rouge et puis noir,
Et maintenant j’en porte un : blanc
Cela peut paraître troublant ?
Mais
non dit le Grand Orateur
Tu nous fais beaucoup trop d’honneur.
En apportant au sein de ton atelier Bleu
Des notions de Sanscrit, de Chinois…et
d’Hébreu »
«
La Maîtrise est blanchie, affirma le Grand
Maître
Mais il y a un coupable, et qu’il nous faut
connaître.
Les premiers surveillants les trouvent bien mignons
Adressons nous, alors aux frères compagnons
Dans une vieille, et grave, et symbolique affaire
Déjà sur ce degré
pesaient bien des soupçons
Qui attristent toujours les Maîtres -
Maçons
Quand l’un passe au compas, en
délaissant l’Equerre »
«
J’avoue très humblement - dit un
compagnon sage -
Avoir, peut-être à tort,
présumer de mon âge
En faisant coudre, ici, sur mon tablier blanc
Une bordure rouge, et puis dans mon élan
De l’avoir ouvragé
Avec la lettre « G
»
Broutille
que cela - dit le Très Respectable -
Certe, vous avez fait le pitre
En vous croyant dans un chapitre
Mais ce qu’il nous faut, c’est un
véritable coupable,
Tournons- nous vers les apprentis
Qui sont paraît-il si gentils
Mais leur apparente innocence
Peut camoufler leur délinquance.
Qu’on fasse donc venir ici
Le plus jeune de ces petits
En le plaçant rituellement
Au garde à vous face à
l’Orient »
Le
tout dernier des initiés
Fût donc à la fête associée
Impressionné devant un tel aréopage
Grelottant de frayeur, la sueur sur le visage,
Le Petit apprenti
Se mit à l’ordre et dit :
«
Je crois bien franchement que c’est moi, le
coupable.
C’était pour la Saint Jean, ou
d’été, ou d’hiver,
En tout cas j’en suis sur, pour des travaux
de table
Avec le Grand Architecte de l’Univers
Je me suis revêtu d’un beau cordon
de Maître
Qu’en ce jour de festin je croyais pouvoir
mettre
Mais il portait, c’est vrai,
l’équerre et le compas
J’avoue bien humblement que je ne savais pas
Qu’il s’agissait pour moi de simple
tolérance
Et je mérite ici, beaucoup de remontrances
»
Un
silence pesant, glacé
Suivi ce propos insensé,
Puis très solennellement
Comme pour un enterrement
L’orateur se leva et dit d’une voix forte.
«
Cher Amis, que le Grand Architecte m’emporte
Et que cela soit inscrit dans le
procès...verbal,
Si nous n’avons pas là, le
coupable idéal.
N’ayant pas vu l’Etoile, ignorant
l’Acacia,
Ne sachant pas qu’il n’est, pour
l’instant, qu’un paria
Cet apprenti s’excite et voudrait parader,
Et pourquoi pas ? Parler, au lieu que
d’E-PE-LER
Ainsi que le prescrit notre cher Catéchisme
Où allez-vous mon Frère ? Est- ce
là un nouveau schisme
A ces mots, on cria HARO sur l’apprenti
Et chacun déclara, refusant son parti,
Qu’il fallait sacrifier ce maudit animal
Ce pelé, ce galeux,
d’où venait tout le mal
Sa peccadille fut jugée un cas pendable,
Se déguiser ainsi quel crime abominable
Seule la radiation était vraiment capable
D’expier son forfait : on le lui fit
bien voir
Selon que vous serez puissant ou misérable
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir
C’est la dure loi, archaïque,
Celle du pavé mosaïque
»
(d’après
Jean de la Fontaine)
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