Les trois cercles

Il y a des décennies que notre Frère usait ses pantalons de velours sur les colonnes des Temples maçonniques, cherchant à dépasser ce qu’il voyait, voulant surmonter les apparences, se demandant si derrière les Loges, bleues ou d’une autre couleur, il y avait un coordinateur invisible dirigeant la monde maçonnique. Pour lui c’était une obsession qui le faisait aller dans les quatre directions, de chambre du Milieu en aréopage ! Tout comme il avait mis un point d’honneur, à être admis dans de nombreux Rites ; jeune retraité et célibataire il avait le temps, pour satisfaire sa quête de l’impossible. Notre cherchant rendait visite aux ateliers six jours par semaine, gardant le septième jour pour son repos, et si l’occasion se présentait, si une information lui parvenait, il mobilisait aussi sa soif sa curiosité pour rendre visite aux Loges susceptibles de la faire avancer sur la chemin de la Connaissance. Il était en quelque sorte le Chevalier Errant de la Maçonnerie et peu importe les railleries des autre Maçons.

Gloire au Travail !

A force de pugnacité, le Frère en question finit par entrevoir une partie de sa recherche ; voici quelques bribes de ses travaux.

Le cercle numéro UN.

Je le cite : il est le cercle du plus grand nombre, et pas seulement dans les Loges bleues, mais aussi dans les autres ateliers. Les Maçons qui travaillent dans ces Loges, obéissent essentiellement à leur mental et à la raison, mettant en avant, trop souvent leurs certitudes bien ancrés dans un orgueil certain, rivalisant entre eux, de celui qui lira la plus belle planche. Vanité des Vanités… Dans ces travaux on trouve de tout, certains sujets orientés politiquement, d’autres textes traitent de sujet n’ayant rien à voir avec l’initiation proprement dit, exemple un travail sur les Loups un autre sur, pourquoi mettons-nous du plomb dans les carburants ? !

La transmission initiatique ne semble pas les concerner, tout comme il est vrai que beaucoup de Maçons ne savent pas pourquoi ils ont été Initiés, par curiosité, pour faire plaisir à un membre de la famille, pour faire partie de l’Elite, ou encore pour avoir un carnet d’adresses ? Mais dans toutes choses il y a toujours le contraire, il y a aussi des maçons qui s’interrogent sur le sens de leur vie et qui veulent savoir pourquoi ils sont sur Terre, même si ces questions semblent insolubles, pour notre Frère,elles étaient l’amorce, le point de départ des Cherchants, des chevaliers errants à la recherche au moins d’eux même et qui abandonnaient leur Ego. Ils étaient peu nombreux dans ce premier cercle. Mais dans l’ensemble la majorité était semblable à un proverbe soufi : les tambours font du bruit, mais à l’intérieur, ils sont creux. Dans la marge de son cahier une annotation : le cercle des SUBISSANTS… !

Le cercle numéro DEUX, les Cherchants.

Notre frère écrivit sur son cahier d’écolier « je ne dis pas que les trois cercles sont distincts et séparés les uns des autres, non ils sont imbriqués les uns dans les autres, et chaque cercle a besoin des autres, pour exister » !

Les Cherchants avaient consciemment ou inconsciemment, compris que pour la recherche de la spiritualité, le premier cercle conduisait à une impasse ; et qu’il fallait aller plus loin en abandonnant, les planches d’origine profane, et qu’il fallait faire appel aux Maîtres des différentes religions, pour aborder les rives de la spiritualité, qu’en définitive, c’est en eux et sur eux qu’ils devaient œuvrer à tailler la Pierre Brute. Seulement, il n’y avait pas de véritables Maîtres pour les guider sur les chemins de la Connaissance. Dans le Labyrinthe des propositions, certaines conduisaient à un cul de sac dans le dédale des faux savoir, d’autre prirent l’ombre pour la Lumière, et beaucoup restèrent dans les Ténèbres.

Découragés ils abandonnèrent en chemin ou plus grave, estimèrent être arrivés au dernier échelon, et encore plus grave transmirent à d’autres Cherchants, la somme de leurs erreurs tout en croyant bien faire, comme si un savoir livresque pouvait révéler les mystères de l’Esprit. Si le livre pouvait aider, la recherche de la Connaissance devait se faire sur plusieurs fronts par l’expérimentation de soi même avec les principes spirituels, comme l’humilité, la foi et l’espérance.

Comme le lecteur s’en doute, le nombre de Cherchants diminuait de plus en plus, en cela il rejoint la pratique Alchimique, et la Quintessence. Ce n’est pas le nombre qui compte, mais la qualité.

Le troisième cercle celui des sachants.

Notre Frère à force d’opiniâtreté, fit son entrée dans le troisième cercle ; croyant mettre fin à sa quête hélas pour lui, son sens de l’observation lui fit remarquer que le troisième cercle était lui aussi, divisé en trois cercles, mais comme dans la spirale, sur un plan plus élevé, néanmoins ce troisième cercle offrait à notre Frère une image apaisée de la Maçonnerie, bien loin de la fameuse cordonnite, d’ailleurs cela ne pouvait en être autrement car les Loges avaient un effectif réduit, juste ce qu’il fallait pour le bon fonctionnement de la Loge, et les F\ F\ avaient la Sagesse d’oublier les prétentions profanes. Les travaux ; c’est ce que découvrit notre Chevalier, faisaient que la Lumière petit à petit prenait possession de son corps et plus particulièrement de son Cœur, et chaque fois qu’il se trouvait confronter à un problème, un plongeon au Cœur de l’intuition lui donnait la réponse satisfaisante.

Mais comme cela arrive j’ai perdu la trace de notre Chevalier cherchant, pendant des années, plus aucun courrier de notre Frère, pour ma part j’ai continué ma Maçonnerie, avec des hauts et des bas suivant les querelles des dignitaires ; pourtant, un jour arrive un courrier de mon ami et Frère. En voici la teneur : « Pierre, j’ai trouvé une réponse à mes recherches, voilà, après le troisième cercle il existe une dernière Maçonnerie très discrète et même secrète ; quelques Loges dans notre pays se réunissent suivant des critères astronomiques, et son recrutement est basées sur une vie maçonnique exemplaire, par cooptation. Elle agit sur les Loges par la Parole Retrouvée, reprenant d’une manière active les trois symboles de l’Orient, le delta lumineux, le soleil et la Lune, mais cette fois d’une façon très opérative, aucune directive écrite mais une influence efficace de la Pensée de ces rares Loges. Tu vas me prendre pour un illuminé, mais comme presque tous les Maçons, mais en réalité c’est comme cela que ces Loges se protègent, par l’incrédulité des Hommes et depuis Saint Thomas rien n’a changé… »

Depuis ce courrier je n’ai plus de nouvelles de notre Cherchant, je pense que finalement il a trouvé et intégré son But. Je vieillis et il m’arrive de me dire que notre Don Quichotte a trouvé sa Dulcinée (la SAGESSE).

P\ L\