Le vénérable et les Apprentis (parodie d’une fable)

Il était une fois dans une Loge perdue entre ciel et mer, un Véné vieillissant qui se posait des questions sur l’avenir de la Loge et plus généralement sur la pérennité de la Maçonnerie.

Ce qui le tracassait le plus, c’est de voir que toute son expérience n’avait pas prise sur les sept Apprentis de la Loge et pourtant depuis des années notre V\ M\ avait fait son tour de France des rituels maçonniques, des obédiences, cherchant aussi les Loges qui se distinguaient des autres loges en étant les plus initiatiques possibles, achetant sur le Net les rituels oubliés, pratiquant certain de ces rituels pour leur caractère vraiment initiatiques, bref, depuis des lustres, il avait taillé sa pierre et même, il l’avait polie ; de même il avait vécu le rituel de l’installation de Maître Installé, ce qui lui donnait la possibilité d’allumer les feux d’une Loge. C’était un Cherchant qui trouvait et qui transmettait !

Il décida de réunir les sept apprentis, mais en dehors des Tenues, et pour bien leur montrer l’importance de cette réunion, c’est lui-même qui prépara les agapes et c’est lui qui servit à table les apprentis voulant leur démontrer par l’exemple, qu’un V\ M\ pouvait être au service des F\ F\, et surtout il se souvenait de la remarque d’un Ancien qui lui avait dit ceci « si tu ne sais pas faire les petites choses comment peux-tu espérer réaliser les grands projets ? ». Prudent, le V\ M\ avait limité le repas, sans dire qu’il était frugal, il suffisait à maintenir les effets de la digestion sur l’attention des participants.

Avant de passer au dessert, les Apprentis firent autour du V\ M\ un cercle, interloqués de ce semblant de rituel qui ne ressemblait en rien au rituel du premier degré. Voilà mes F\ F\, depuis de longues semaines, je me demande pourquoi vous avez frappé à la porte du Temple, certes vos motivations m’ont apporté un début de réponse, sachant par expérience que tous les candidats à l’initiation veulent faire « plaisir », mais depuis des semaines je vous observe, et ce jour je vais vous pousser dans vos retranchements, vous pouvez le constater, il n’y a plus de bandeau, il n’y a que vos yeux et les miens ; Je vais aussi vous dire le pourquoi de cette Agape. Vous le savait, les médias en font leur fonds de commerce, la Maçonnerie est en proie aux convulsions des Egos, mettant en péril l’avenir de notre Ordre. Stupéfiés er interloqués, les apprentis restèrent muets. Devinant leur perplexité, il dit ceci : je suis le passé et le présent de la Maçonnerie quant à vous vous êtes l’avenir, mais sur le chantier du futur, il faut s’assurer que les pierres soient bonnes pour la construction. Dans le cercle des apprentis, on se demandait qui sera le premier à passer entre l’équerre et le compas ?

« J’aurais une seule question à vous poser : pourquoi êtes-vous devenus Franc Maçon ? » Par ordre d’entrée dans la Loge le plus ancien se mit au centre du cercle et répondit au V\ M\ « j’ai demandé à entrer en Maçonnerie, pour faire plaisir à un membre de ma famille ; mais j’avoue que cela ne m’emballe pas trop ! »

Le second, étudiant révolté en 68, pense que la Maçonnerie sera l’outil utile à la réalisation du Grand Soir et des Lendemains qui chantent et que la Maçonnerie peut servir l’Humanité… !

Le troisième apprenti, déçu d’une pratique religieuse, mais en recherche d’une vie spirituelle ; croit que la Maçonnerie peut lui apporter cette spiritualité, tout en reconnaissant qu’il n’est qu’au début de sa recherche, mais qu’il faut persévérer !

Le quatrième, lui fut le plus franc en déclarant que la Maçonnerie faisait partie de son cursus politique ce qui lui valut une réponse en forme d’interrogation : « vouloir servir deux maitres à la fois, c’est mécontenter les deux maitres, pour ce qui est de la Maçonnerie, tu seras absent très souvent... »

Le cinquième placé au centre du cercle, confessa que son appartenance à une Loge lui ouvrait les portes utiles à sa profession en agrandissant le cercle des relations ! Et puis je fais partie de l’Elite ! Dit-il.

L’avant dernier fut tout aussi précis que les autres F\ F\, voilà, mon père fut initié, et il nous a donné à moi et mes autres frères, un sens à notre vie, en ayant des principes de respect et de tolérance, c’est en quelque sorte pour moi le devoir de continuer à faire vivre l’héritage paternel !

Le septième et dernier, confia qu’il avait fréquenté Lanza del Vasto et lu avec passion Comarswani et se dit que la Tradition orientale n’est pas faite pour lui et qu’un des derniers systèmes initiatiques, d’Occident est la Franc-maçonnerie alors je suis persuadé que j’aurais ma place et une utilité dans la Loge.

Ensemble, ils prirent le dessert, dans un silence chargé de questionnement et de préoccupation, après le café et les accolades, tout ce petit monde regagna la vie profane.

Pendant quelques jours le V\ M\ réfléchit et médita repassant sans cesse les dires et intentions des apprentis. Il fallait pour satisfaire son questionnement, trouver un point de chute. La nuit porte conseil. Le V\ M\ finit par comprendre qu’il y avait beaucoup d’appelés mais que peu d’Elus, seront sur le chantier, et encore moins d’Elus pour construire le Temple Intérieur. Il se souvint d’une discussion avec un Frère qui était aussi un Compagnon du Devoir, ce soir-là, il apprit donc que la construction de la cathédrale de Rouen, en fait, n’avait mobilisé, qu’une poignée de bâtisseurs, et non point comme on le dit, des milliers de travailleurs, jusqu’à présent il refusait et même il s’insurgeait lorsque l’on disait de la Maçonnerie : « c’est l’Elite ! » Il changea d’avis après cette discussion et la réunion des apprentis de la Loge. L’expérience lui ouvrit les yeux et il se dit que la maçonnerie est très sélective et qu’elle n’est pas du tout démocratique. Si l’adage populaire dit que l’habit ne fait pas le moine, il pensa que le tablier ne fait pas le Maçon, bien loin de là, et que beaucoup de Frères, sont attirés par des pouvoirs illusoires et par des cordons et autres titres rutilants, mais qu’en réalité ils passent à côté du Secret maçonnique.

Il décida de prendre les Apprentis, qui lui semblèrent les plus aptes à persévérer, sur le chemin de l’initiation, afin de transmettre toute son expérience maçonnique et avec l’espoir d’en faire de parfaits initiés.

Patience et longueur de temps… !

Après des années, et de la persévérance, les compagnons choisis, devinrent des Maîtres accomplis et Parfaits ; pour la plus grande satisfaction de l’ancien V\ M\. Devenu Passé Maître, il termina sa longue réflexion sur le devenir de l’Ordre Maçonnique, dont voici quelques extraits : il ne sert à rien d’être des milliers sur le chantier, si l’on aboutit au chaos, à quoi bon vouloir faire le bonheur de l’humanité, alors que l’on n’est pas capable d’avoir des initiés au vrai sens du mot, que la vie sur Terre est sacrée et que le devoir du Maçon étant de faire que notre Terre reste sacrée, afin que nos héritiers continue notre Œuvre, et aussi que l’Ordre Maçonnique est sacrée et que c’est le devoir du Maçon d’en être le conservateur au sens où il est chargé d’en être le protecteur. Le plus grand but étant selon lui que notre civilisation ne sombre pas dans la barbarie. Comme nous ne pouvons plus construire des cathédrales, il nous reste la construction de cathédrale spirituelle, afin de redonner à tous le sens des valeurs qui élèvent l’homme Vers le haut, cela peut sembler naïf mais c’est la seule arme contre le cynisme et la négation de la Vie, en disant cela, le V\ M\ pensait au discours du Chevalier de Ramsay et en particulier deux chapitres du discours : celui de l’amour de humanité et presqu’à la fin du fameux discours le paragraphe, sur l’avenir de l’Ordre en France ; Notre passé Maître ne se sentez pas investi d’une mission sacré, simplement il avait pris conscience que le rôle du maçon est de transmettre le plus fidèlement possible la Tradition Maçonnique, maintenant, je pense avoir transmis aux maçons les outils utiles à l’Ordre, je n’ai plus qu’à me préparer pour mon dernier voyage, la conscience tranquille… !

P\ L\