GLNF Loge : NC Date : NC


L’Étoile Flamboyante et la Lettre G
ou
comment le Compagnon étudie et médite pour se parfaire

Je vais évoquer devant vous deux grands symboles de la Maçonnerie, plus particulièrement reliés au grade de Compagnon. Néanmoins, sachez que mon propos, ce soir, n’est pas de vous parler dans le détail de l’Étoile Flamboyante et de la Lettre G : je vais surtout m’attacher à vous faire part de la manière dont les Maçons que nous sommes peuvent se laisser guider (par l’Étoile) sur le chemin de l’étude et de la méditation pour nous changer, et contribuer, chacun à notre mesure, à l’amélioration du monde et, ce faisant, à nous parfaire nous-mêmes.

L’Étoile Flamboyante

Tout d’abord, quelques mots sur l’Étoile Flamboyante : ainsi que je vous le disais, elle est le Signe symbolique par excellence du Compagnon. C’est une étoile à 5 branches, ou pentagramme, commun à beaucoup de traditions, comme en témoigne, par exemple, sa présence sur 48 drapeaux.

Le pentagramme étoilé apparaissait déjà dans la mythologie égyptienne (il y représentait, semble-t-il, le fils d’Isis et d’Osiris, c’est-à-dire le fils de la Terre-Mère et du Soleil, symbole de la vie et de la fécondité). Les Pythagoriciens, quant à eux, avaient choisi l’Étoile pour emblème et en avaient fait le centre de leurs méditations. Sur la crèche de Béthléem, où elle y avait guidé les trois Rois Mages, elle figurait le mystère de l’Incarnation.

Le génie constructeur des bâtisseurs du Moyen-Âge s’est exprimé par l’Étoile : elle constitue l’architecture secrète des églises romanes et des cathédrales gothiques qu’elle décore discrètement, mais de manière significative.

Dans notre Temple, lorsque nous travaillons au grade de Compagnon, l’Étoile Flamboyante brille à l’Orient, constituant un symbole central entouré des quatre autres symboles majeurs que sont le Pavé Mosaïque, les Marches du Temple, les Colonnes et le Delta lumineux.

Et, pour conclure sur ce bref rappel, on peut rajouter que l’Étoile à 5 branches est le symbole de l’harmonie.
Je n’en dirai pas davantage ce soir, car ce n’est pas précisément mon propos, et je vais vous parler maintenant de la Lettre G.

La Lettre G

La Lettre G se trouve au centre de l’Étoile Flamboyante.
Selon les traditions et les Rites, G signifie God pour les Anglos-Saxons, ou, depuis le 19è siècle, Géométrie, Génération, Gravitation, Génie ou Gnose pour d’autres.

Je vais juste dire quelques mots de certaines interprétations :

- Le G de Génération : il s’agit de la génération des êtres, c’est-à-dire la germination ou la fécondation. Je rappelle ce que j’évoquais précédemment : les anciens Égyptiens firent d’Isis, Déesse de la Nature, le symbole de la fécondité sans cesse productive grâce à l’action d’Osiris, le Dieu Soleil.

- Le G de Gravitation : il s’agit de l’attraction de la matière par la matière. Mais, pour nous Maçons, il faut y voir autre chose qu’une loi physique : c’est aussi l’attirance et le foisonnement des idées, du monde mental et spirituel, où les courants vont se dessiner.
C’est pourquoi des hommes vont se regrouper suivant leurs affinités et les vibrations de leur esprit. Et ainsi, la pensée des uns va enrichir les autres et tout le groupe, et un individu, suivant son état mental et spirituel, pourra élever le niveau de tous ceux qui l’entourent.

On peut donc dire que les lois de la Gravitation (attraction-répulsion) sont les mêmes pour l’Univers et pour l’homme : en cela, les Maçons constituent un ensemble solidaire (je me permets de vous renvoyer au symbole des grains de grenades qui ornent les colonnes de notre Temple).

- Le G de Génie : je vais évoquer, pour illustrer cette interprétation, le Compagnon. Celui-ci symbolise l’homme qui travaille pour aller vers le mieux. En effet, « dégrossi » par l’apprentissage, le Compagnon doit apprendre un métier.

Ses 5 sens l’informent sur le monde extérieur. Mais que seraient ces 5 sens privés de la puissance de la pensée qui les contrôle ? C’est précisément par la pensée que nous nous sommes élevés au-dessus des animaux, que nous avons inventé les outils, etc. C’est donc la pensée qui donne à l’homme son Génie.

- Le G de God : God signifiant Dieu en anglais. Mais il est néanmoins difficile d’admettre que la signification de God soit universelle, toutes les Loges ne parlant pas anglais. On peut donc admettre qu’il ne s’agit pas de Dieu en tant que tel, mais seulement de morale, qui elle seule est obligatoire au sens des Constitutions d’Anderson. Les croyances, les religions, les Églises, les dogmes passent alors au second plan.

Il s’agit donc de transcender la conscience individuelle : idéal, Dieu, Société, qu’importe car c’est avant tout la notion de Grandeur qui va s’inscrire dans la Lettre G.
 
Je vais maintenant passer un peu plus de temps à vous parler du G de Géométrie, avant d’aborder la partie essentielle de mon propos qui est consacré ce soir à la Lettre G du mot Gnose. 

- Le G de Géométrie : un ancien rituel du 18è siècle précise, en parlant de l’Étoile Flamboyante, je cite : « la Lettre G, que vous voyez au centre de l’Étoile, vous présente deux grandes et sublimes idées : l’une est le monogramme de l’un des noms du Très-Haut, source de toute lumière et de toute science ; l’autre signifie Géométrie, science qui a pour base l’application de la propriété des nombres aux dimensions des corps ».

Il faut bien reconnaître que le G de Géométrie est universel, et convient à toutes les langues latines et germaniques. Et si l’on veut admettre que l’arithmétique naquit avant la géométrie (l’homme compta d’abord avec ses doigts, puis avec des cailloux), c’est la géométrie qui devint quant à elle l’école de pensée par excellence (permettez-moi de vous rappeler l’inscription qui figurait sur le fronton de l’école de Pythagore, et reprenant la pensée de Platon : « que nul n’entre ici s’il ne sait la Géométrie »).

La Géométrie nous fournit une excellente méthode d’approfondissement et d’élévation de notre intelligence, un moyen de méditation, de réflexion et de concentration. N’oublions pas que c’est de la Géométrie que nous faisons quand nous taillons la pierre brute en un cube régulier.

N’oublions pas non plus que la Franc-Maçonnerie étant d’abord une initiation « de métier », et plus spécialement de constructeur, il est normal que son symbolisme fondamental soit issu de la construction, et en premier lieu de la Géométrie. En effet, elle, et elle seule, permet de résoudre les problèmes relatifs à la construction elle-même, comme par exemple définir la bonne orientation du Temple et son tracé sur le terrain.

Ce n’est donc pas sans raison que tous les anciens manuscrits de l’époque pré-Andersonnienne (c’est-à-dire avant les Constitutions d’Anderson – 1717) mettent en avant l’excellence de la Géométrie pour les constructeurs, et ces textes enseignent aux ouvriers la valeur et la nécessité de la Géométrie.

Ainsi, le manuscrit Régius de 1390 décrit clairement la Géométrie comme étant synonyme de Maçonnerie. Je cite : « C’est alors que, grâce à la bonne Géométrie, cet honnête métier qu’est la bonne Maçonnerie fut ainsi créé, et mis au point en commun par ses clercs ».

Plus tard, Anderson, dans l’historique précédant les Constitutions, expose, je cite : « Adam, créé à l’image de Dieu, Grand Architecte de l’Univers, doit avoir la Géométrie inscrite dans le cœur », et que l’Arche de Noé fut « fabriquée selon la Géométrie et les règles de la Maçonnerie ».

Divers auteurs montrent que la Géométrie est un Art fondamental qui permet de comprendre le monde, et donc de nous comprendre, et dont les hommes ne peuvent se passer (c’est la Science de la construction universelle). Anderson franchit la distance entre la Maçonnerie Opérative et la Maçonnerie Symbolique en transcendant la notion de mesure matérielle en mesure spirituelle : dès lors, la construction du Temple de Salomon devient celle de notre Temple Intérieur.

En résumé de cette partie consacrée à la Géométrie, on peut dire qu’elle est indiscutablement la science des Maçons, celle qui enseigne à façonner les individus. Et celui qui voudra se donner la peine de rechercher en ses théorèmes essentiels la métaphysique qui y est secrètement incluse, celui-là pénètrera dans un merveilleux jardin.

En fait, ce merveilleux jardin est notre jardin intérieur, celui de la connaissance, c’est-à-dire de la Gnose.

J’en arrive donc à la dernière partie de mon propos, celle du G de Gnose.

Le G de Gnose ou la Gnose du Compagnon
 
Avant toute chose, il faut savoir que Gnose signifie « connaissance » au sens étymologique du terme. Mais cette définition, dans le cadre qui nous occupe au cas présent, est tout à fait insuffisante, et je vais m’attacher à vous l’expliquer.

Géométrie et Gnose sont étroitement liées. En effet, les figures géométriques, pour les Maçons que nous sommes, sont des symboles révélateurs : c’est le monde de la Géométrie transcendantale qui devient initiatique. Pour bien éclairer tout cela, je me permets de citer Platon : « La connaissance ne se laisse pas transmettre comme une banale suite de théorèmes ; ce n’est qu’après de longues méditations que, comme par l’embrasement d’un éclair, la flamme intérieure jaillit, et sa lumière continue, sans plus nécessiter d’aliment extérieur… car, pour celui qui a une fois pour toutes saisi cet enseignement, il n’y a pas de danger que jamais il ne l’oublie ».

C’est là que le G de Gnose prend toute sa force pour le Compagnon, mais aussi pour tous les Maçons que nous sommes : Gnose ne veut pas seulement dire « connaissance », mais surtout et avant tout IMPULSION QUI CONDUIT À VOULOIR APPRENDRE DAVANTAGE. En effet, nous ne sommes pas entrés en Maçonnerie par goût de l’érudition (ou par quelque attirance pour l’ésotérisme), mais pour nous changer, et pour contribuer, à notre mesure, à l’amélioration du monde, et ce faisant, à nous parfaire nous-mêmes.

Ainsi, le symbole, ce G de Gnose, n’est pas à contempler, mais à assimiler, à incorporer, afin qu’il devienne notre chair et notre pensée. Il ne s’agit donc pas d’accroître son bagage intellectuel, au sens scolaire et universitaire du mot : pour être transparent à la vérité, il ne suffit que de réveiller sa conscience, et pour cela se connaître soi-même. Démarche moins aisée qu’il n’y paraît, tant nous sommes doublement aveuglés par nos conformismes mentaux et nos passions obnubilantes.

Dans le « Catéchisme de l’Apprenti » (REAA), on peut lire : « Il ne suffit pas à l’homme d’être mis en présence de la Vérité pour qu’elle lui soit intelligible. La Lumière n’éclaire l’esprit humain que lorsque rien ne s’oppose à son rayonnement. Tant que l’illusion et les préjugés nous aveuglent, l’obscurité règne en nous et nous rend insensibles à la splendeur du vrai ».
Il nous faut donc nous redécouvrir, par-delà les apparences ou les errements, nous dépouiller, concentrer notre pensée, remonter au Principe, retrouver notre réalité première, notre centre, et ainsi arriver, d’après les théosophes, à l’éclosion des facultés suprasensibles et à la « connaissance », c’est-à-dire l’union avec le « soi-supérieur » : c’est tout cela le sens du mot Gnose que symbolise la Lettre G.

Ainsi, à la Lumière de l’Étoile Flamboyante, le Compagnon va façonner la Pierre Brute et préparer la Pierre Cubique en recherchant la Sagesse, qu’il lui faudra assimiler non comme s’il entassait dans sa mémoire les détails d’une instruction livresque à la façon profane, mais pour en faire un état d’esprit, un état de conscience et vivre de manière à « assurer le plus de bonheur et le moins de souffrance à nos semblables et à nous-même ».

Mais il faut savoir que la plus grande part de travail incombe au Compagnon lui-même. Certes, les conseils du Maître sont précieux. Mais, ainsi que l’a proclamé Bouddha, « Nul homme ne peut faire le salut d’un autre », et si le Maître enseigne comment on fait le métier, il n’appartient qu’au Compagnon seul de parvenir à le connaître. On rejoint en cela l’idée « qu’il est beau de savoir les règles de la Sagesse, mais qu’il est plus précieux d’avoir le cœur d’un sage ».

Le Compagnon s’instruit en étudiant et en méditant sur le sens profond des symboles, fait seul son voyage et sait jusqu’où le mèneront ses pas. C’est en ce sens que la Gnose est qualifiée d’incommunicable, car celui qui ne la fait pas éclore dans son propre esprit ne pourra jamais la recevoir du dehors.

Mais le Compagnon n’est pas seul : la Loge lui montre le chemin et prêche l’exemple, par le rituel et le travail, en exerçant une influence consciente et inconsciente à la fois. La répétition de mots, de formules, de gestes au cours des Tenues, des cérémonies ou à l’Agape, le martèlement de certains enseignements convergents, inclinent le Compagnon (et bien sûr tous les Maçons) vers une disposition à la fraternité, à la tolérance, au libre examen, au perfectionnement des autres et de soi-même : à force d’entendre répéter les mots et reparaître les idées, on y forme sa mentalité, on y prend des habitudes de pensée et de sentiments. Cette mentalité, on s’y habitue, on la fait sienne, après avoir parfois un peu hésité, puis l’habitude vient et l’on s’y attache. Il en est ainsi, par exemple, de l’accomplissement du bien, qui a demandé d’abord le sacrifice d’un peu d’égoïsme, puis devient facile et normal.

Conclusion

Cette conclusion, si vous me le permettez, je vais l’emprunter à un ouvrage intitulé « Le Livre du Compagnon » (Pierre Dangle – Éditions La Maison de Vie), sans en changer un mot, tant je la trouve merveilleusement adaptée :

« Le chemin du compagnon n’a pas de fin au sens profane du terme, mais une finalité qui est de se mettre en quête. Le Compagnon est un être qui n’acquiert de stabilité que dans un perpétuel voyage au cours duquel il tente un maximum d’expériences. Son guide est l’Étoile Flamboyante, centre qui définit l’axe des mondes et oriente la démarche de ceux qui cessent de se regarder eux-mêmes pour lever les yeux au ciel et se laisser conduire par autre chose que leurs désirs personnels. De ceux-là, Maître Eckhart dit : « nul n’est plus joyeux que celui qui se trouve dans le plus grand détachement ».
Pour voyager en esprit , il faut donc expérimenter le détachement qui passe, pour le Compagnon, par la réalisation d’un chef-d’œuvre. Il s’agit pour lui de formuler en justesse : pas d’autre moyen, pour ce faire, que d’exprimer ce qui vient du cœur. La main doit exprimer ce que le cœur lui dicte. Le chef-d’œuvre prend forme par l’union du cœur qui impulse et de la main qui réalise. Le chef-d’œuvre est une mise à l’épreuve du Compagnon, non pas dans la perspective de transformer l’être, mais dans celle de le faire participer au plan d’œuvre en appréhendant toutes ses parties.

Lorsqu’il a achevé son chef-d’œuvre, le Compagnon est équipé comme il convient pour affronter d’autres épreuves qui le conduiront, s’il s’en montre digne, au-delà de la Chambre du Trait, vers d’autres contrées du mystère ».

Post scriptum
Il me semble difficile de conclure sans évoquer Le Grand Architecte de l’Univers. J’ai le sentiment que, en fait, Géométrie, Génération, Gravitation, Grandeur, Génie, Gnose, ne sont que des « prénoms ». Comment ne pas être convaincu que l’Étoile Flamboyante est davantage le symbole du Divin manifesté dans l’humain, l’Énergie mystérieuse et constructive du Cosmos dans la personne humaine, avec son rayonnement vital et spirituel.

Cette Énergie universelle est le Grand Architecte de l’Univers.

J’ai dit Vénérable Maître.

J\M\ G\

6001-M L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \