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Les Voyages du Compagnon au RER

Vénérable Maître et vous tous mes biens Aimés Frères , avant d’aborder le sujet, il est utile de rappeler trois points importants :

-                     dans toute société traditionnelle, la mise en mouvement, ici le voyage, fait partie intégrante de la méthode initiatique la plus pure et la plus ancienne. Elle est souvent accompagnée de moments de contemplation offerts au récipiendaire.
Au Rite Ecossais rectifié, cette mise en mouvement est produite par la contemplation commentée de vertus et par celle, silencieuse, des tableaux de grade.

-                     le grade de compagnon, en anglais « fellow of the craft » ou en écossais « fellowcraft » n’a aucun rapport avec le compagnonnage, terme identifiant un ensemble de sociétés professionnelles. L’introduction fâcheuse, par un certain rite au XXème siècle, dans la cérémonie de réception au 2ème grade maçonnique, d’imitations, fausses du reste, de rites de départ pour le voyage, a malheureusement contribué à augmenter la confusion dans l’esprit des Frères.

-                     en conséquence, le voyage, au Rite Ecossais Rectifié, n’a aucun rapport avec les voyages des Compagnons du Tour de France. Ces derniers n’ont aucune intention initiatique, mais visent simplement au perfectionnement professionnel.

En revanche, il apparaît de manière indéniable que les 3 voyages réalisés par l’apprenti à la réception au grade de compagnon constituent le prolongement cohérent de la démarche initiatique amorcée.

Par conséquent, j’ai la sensation que l’on ne peut aborder les voyages du Compagnon sans rappeler ceux du grade d’Apprenti. Ils étaient déjà pour l’Apprenti en construction, une mise en mouvement initiatique, comme indiqué précédemment.

En effet, si le rituel d’apprenti nous apprend la verticalité, (le second surveillant ne porte t’il pas un bijou perpendiculaire ?) et cette possibilité de se hisser vers le très haut, le grade de Compagnon (niveau du premier surveillant) nous apporte son complément : l’horizontalité.

Il convient donc de considérer un ensemble, comprenant six maximes et six voyages et d’en évaluer les éventuelles différences, les évolutions mais surtout leurs cohérences.

En préambule, il est à noter que le terme voyage signifiait auparavant « chemin à parcourir et plus spécialement pèlerinage » avant de devenir un simple déplacement.
Un pèlerinage était par essence un aller retour chargé d’embûches et de dangers. Cette notion prend particulièrement son sens au Rite Ecossais Rectifié.

En effet, nous retrouvons cette notion d’épreuves en déambulation jusqu’aux environs de 1730, procédure rituelle qui sera appelée ensuite le Rite Français. Mais la notion d’épreuves n’apparaîtra réellement que dans la deuxième moitié du 18ème siècle.

Entre le couvent de Lyon en 1778 et celui de Wilhelmsbad en 1782, nous passerons de 2 à 3 voyages.

Plus précisément, il y avait initialement 2 voyages :
-                     lors du premier, le candidat faisait 3 tours de loge et recevait une première maxime.
-                     Au second voyage, il accomplissait 2 tours et recevait une seconde maxime.

C’est en s‘appuyant sur les grades suédois, les grades français rectifiés du couvent de Lyon et les anciens rituels allemands que les 2 derniers voyages ont été épargnés au candidat, et c’est au couvent de Wilhemsbad que cette pratique sera définitivement adoptée.

Si l’on mène un parallèle avec les 3 voyages de l’apprenti, l’évolution au grade de compagnon est cette notion de 5 voyages pour 3 réellement opérés.
C’est cette même notion que nous retrouvons dans les propos du Vénérable Maître lorsqu’il dit : 
« l’apprenti devait faire cinq voyages pour parvenir au grade de Compagnon, mais en suivant vos conseils avec docilité dans les trois qu’il a déjà faits, il nous a suffisamment prouvé la défiance qu’il a de lui-même ; je le dispense donc des deux derniers voyages, dans lesquels peut-être, il aurait succombé »

Il est également rappelé en ces termes dans l’instruction morale :
« Vous avez été assujetti à cinq voyages mystérieux autour du temple, pour vous apprendre que, lorsqu’on s’est une fois engagé dans le chemin de la vertu, il faut le suivre sans se décourager par les obstacles que l’on peut y rencontrer encore. La persévérance les diminue, et la force pour les vaincre augmente en proportion de la confiance »

On notera au passage, la notion de prolongement préalablement indiqué.
 
Tout comme les voyages de l’apprenti, les voyages du compagnon se font de manière circulaire. Ils tournent autour de la loge, derrière  l’autel du Vénérable Maître et des plateaux des surveillants.

Cependant, il est intéressant de constater que les voyages de l’Apprenti ont commencé du nord au midi puis du midi au nord et enfin du nord au midi.
Les voyages du Compagnon semblent prendre une suite logique en repartant du midi au nord, puis du nord au midi et enfin du midi au nord.

Ce constat appelle deux remarques :
-                     la continuité de l’initiation
-                     un effet d’inversion qui ne peut que rappeler l’effet miroir, cher au grade

D’autre part, et tout comme les voyages de l’apprenti, les voyages du compagnon se dérouleront avec la pointe d’une épée nue sur le cœur, symbole du danger, rappelant ainsi que celui-ci existe toujours et démontre davantage encore le caractère initiatique de ces nouveaux voyages.

La différence notoire entre les deux grades réside dans le fait que les 3 derniers voyages sont effectués les yeux ouverts afin de bien montrer que lorsque l’initié a vu la lumière, elle ne le quittera plus jamais. Ceci nous est clairement rappelé dans l’instruction morale où il est écrit :
« vous avez fait les voyages avec les yeux découverts, ce qui vous désigne que lorsque le Maçon a une fois ouvert les siens à la lumière par un effort de sa propre volonté et sa confiance, elle ne l’abandonne pas, tant qu’il conserve de l’attrait pour elle »

Quant aux maximes, force est de constater que celles-ci, dans la continuité de notre démarche initiatique, recentrent notre attention sur nous-mêmes et nous placent définitivement au coeur du travail qui reste à accomplir tout en nous indiquant la voie à suivre et les dangers à éviter.

En effet, rappelons-nous la première évoquée à l’apprenti, si profonde et si annonciatrice de notre démarche à venir.

« l’homme est l’image immortelle de Dieu ; mais qui pourra le reconnaître s’il la défigure lui-même »

Voilà esquissée la trame religieuse, ou plutôt spirituelle du Régime, et le travail que tout Cherchant se doit d’accomplir pour espérer recouvrer sa nature primordiale, ce qui dans le rite se trouve évoqué par le tableau avec la colonne brisée : adhuc stat.

J’ai pu constaté également que les deux maximes suivantes, moins « capitales » si l’on peut dire, se rapportent à certains devoirs fondamentaux :

Référons-nous à la seconde : 
« celui qui rougit de la religion, de la vertu, et de ses frères, est indigne de l’estime et de l’amitié des maçons ».

Nous nous situons ici dans une obligation religieuse

Ou encore la troisième :
« le maçon dont le cœur ne s’ouvre point au besoin et aux malheurs des autres hommes, est un monstre dans la société des frères »

Nous nous positionnons ici dans une obligation d’assistance fraternelle envers tous les hommes, c’est-à-dire la bienfaisance, et pas uniquement envers les maçons car nous provenons d’une souche commune et non limitative à nos mères et pères putatifs.

Concernant les 3 maximes soumises au compagnon, elles ont été révélées suite à une action que l’on m’a demandé de faire.
J’ai rejeté, avec une certaine violence, 3 métaux : l’argent, l’airain et le fer.
Ces trois métaux sont le symbole de comportements humains que le Compagnon doit réfuter, ceci justifiant le rejet de ces 3 métaux.

Voyons maintenant en détail les 3 métaux que l’on m’a physiquement fait rejeter. Lors de notre réception au grade d’apprenti nous étions dépouillés de nos métaux.

L’argent :

Il est dit : « L’argent a divisé les hommes et séparé les frères »
Puis : « l’insensé voyage toute sa vie sans savoir où il va, ni d’où il vient, ni ce qu’il doit faire. Mais le sage se rend compte de tous ses pas, parce qu’il n connaît l’importance et le terme »

Ceci est d’une totale évidence : l’argent est l’objet de toute la cupidité générant souvent des comportements vils et indignes.
La maxime nous appelle en ce sens à l’acquisition de la sagesse.

L’airain :
Il est dit : «  ce métal est l’emblème de l’orgueil qui, par son alliage impur, dégrade les plus grandes vertus »
Puis : « l’homme est naturellement bon, juste et compatissant. Pourquoi est-il si souvent en contradiction avec lui-même ? Etudiez-en sérieusement la cause, elle est bien importante à découvrir »

Et moi, suis-je donc impur ? Mon âme est-elle si souillée ?
Cette deuxième maxime nous invite à nous interroger sur notre propre impureté mais également nous invite à persévérer dans la recherche de la contradiction de l’homme avec ses actions.

Le fer :
Il est dit : « le plus dur des métaux est détruit par la rouille, lorsqu’il est abandonné à lui même »
Puis : «  celui qui, étant une fois entré dans le chemin de la vertu et de la vérité, n’a pas le courage d’y persévérer est cent fois plus à plaindre qu’il n’était auparavant »

Il nous est indiqué ici le symbole de l’autodestruction et donc la non réintégration à l’état d’avant la déchéance par la non persévérance dans le chemin de la vertu.
On peut également comprendre que si le fer est entretenu, il ne se détruira pas. Par conséquent, le regard de l’autre est essentiel à notre avancement mais notre propre regard au travers du miroir l’est également.

J’ai donc dû me débarrasser, une fois de plus, de ce que représentent ces métaux, et j’ai été invité à travailler à vaincre mes passions, à m’écarter du matériel et de l’orgueil.

Les maximes soumises à chaque voyage et chaque grade, ont pour but d’avertir des dangers mais surtout d’indiquer l’axe, la route à suivre, afin que je devienne un homme d’harmonie, en parfaite correspondance avec la beauté du monde, avec les exigences attendues d’un Cherchant véritable et ceci afin que je puisse progresser continuellement sur la voie, me préparant à la rencontre de l’auteur de mon être, le moment venu.

Aussi, retenons les propos du Vénérable Maître à ce sujet :
« Nul homme, mon cher frère, ne fait de progrès vers le bien sans la connaissance de lui-même. Celui qui ne se connaît pas encore n’a aucune idée juste de son origine et de sa destination. Il est sans but, sans règle, et n’agit que par l’impulsion dominante des habitudes et des passions dont il est l’esclave. Soumis à l’influence de tous les objets qui l’environnent, il ne connaît pas la tempérance, il fait toujours trop ou trop peu.
Evitez cet écueil mon cher frère. Que votre œil pénétrant découvre les motifs de vos penchants et de vos désirs. Si vous reconnaissez que vous êtes loin de a route, gardez-vous d’errer plus longtemps dans ce vaste désert, et n’oubliez pas qu’il vous faut un asile avant la fin du jour »

La maçonnerie rectifiée fut et reste la plus « exigeante » qui soit. Ce n’est pas sans raison qu’on y trouva une partie de l’élite européenne tels Mozart et Goethe, qu’elle refusa de dévier de ses fondements et principes et de modifier ses rituels devenus les plus anciens d’Europe.
Ce sont donc les seuls qui soient restés intacts et « traditionnels », c’est à dire conformes à la Tradition, et toujours pratiqués en l’état.

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Les Liens vers plus de 15 Travaux sur ce sujet, sont au sommaire du Recueil R108 : Le Cinq, Cinq Voyages, Cinq Sens
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