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La musique maçonnique

Il est presque banal de constater que, partout et de tous temps, l'homme a accompagné de musique toutes celles de ses activités qui sortent de l'ordinaire quotidien. Que ce soit pour les festivités de la famille ou de la tribu, lors des rituels cosmiques comme les fêtes des saisons, que ce soit aussi pour la commémoration des morts, les humains de toutes civilisations ont reconnu à la musique ses facultés incantatoires et de mise en condition. Si le tam-tam des primitifs avec sa puissance rythmique ou le violonci du village animaient les festivités populaires, assez vite avec l'amélioration des instruments de musique on assiste au développement d'une expression mélodique plus accentuée, capable de faire écho aux sentiments les plus complexes et de les souligner. La musique devenait dès lors supérieure à la parole.

Celle-ci n'est qu'un signe et elle reste stéréotypée, abstraite, pauvre et froide Seul l'art et surtout la musique pouvait suggérer l'inexprimable, rendre intelligible le symbolisme et enrichir la perception du sacré; ses redoutables facultés incantatoires, bien propres à émouvoir et à provoquer un état second, il était normal qu'elles soient exploitées pour toutes les activités humaines supérieures où l'être humain doit être saisi, non pas par sa seule intelligence mais par toute son âme. On la retrouve donc partout où il est besoin de transfiguration et de transcendance, donc dans toutes les manifestations à caractère sacré, initiatique, ésotérique ou mystique.

Je voudrais rapidement illustrer cette puissance suggestive de la musique en vous faisant entendre quelques phrases tirées de l'Office des vêpres orthodoxes russes. Comme vous pourrez le constater, la récitation d'un psaume, par définition monotone et ennuyeux, est suivie d'un développement musical qui le commente, l'illustre et l'embellit, créant ainsi chez le fidèle le profond sentiment religieux qui est recherché.

VEPRES ORTHODOXE

Cela dit et entendu, il était normal que la franc-maçonnerie, ordre à caractère initiatique, symbolique et sacré par son rituel, se soit de tout temps entourée de musique. On peut même dire qu'elle lui est essentielle. En effet, le rythme est déjà musique et ce sont trois coups de maillets qui règlent nos travaux et en indiquent le caractère, suivant précisément le rythme dans lequel ils sont frappés. De plus, le caractère symbolique de la musique ne nous échappe pas puisqu'elle signifie essentiellement la mesure ou la tempérance qui doivent régir le comportement de l'initié.

Du reste, le premier contact sensible du profane avec notre ordre n'est-il pas la musique ? Il se présente aux colonnes les yeux bandés. C'est encore les yeux bandés qu'il fera les voyages initiatiques et subira les épreuves. Il ne peut donc qu'entendre. Entendre les paroles du rituel soutenues par la colonne d'harmonie. Dans le souvenir intime qu'il gardera de son initiation, l'expression de la colonne d'harmonie tiendra une grande place.

La franc-maçonnerie a ceci de particulier et d'important que son action sur la musique s'opère de deux façons. Si les musiciens francs-maçons ont créé et développé la musique destinée à illustrer et à soutenir le rituel, ils ont aussi été marqués comme initiés au point que leurs oeuvres profanes se sont imprégnées du sentiment maçonnique. Un Mozart n'aurait pas été le même sans son initiation, pas plus qu'un Rameau dans ses Indes galantes ou un Haydn dans sa création. Au point que, chez beaucoup de musiciens maçons, on ne peut guère distinguer leur musique de loge de leur musique profane.

Certes, ce niveau n'a pas été atteint d’un coup l'évolution a été assez lente, suivant l'amélioration progressive des techniques musicales en même temps que celle de l'expression des sentiments.

Selon les documents dont nous disposons, la maçonnerie spéculative, elle aussi en lente évolution, semble avoir adopté assez longtemps la musique des maçons opératifs. Il s'agissait de chants en notation grégorienne puis dans le style des ménestrels et qui célébraient les différents corps des métiers du bâtiment, truffés de mots secrets et rappelant les rigueurs du secret.

Ce n'est guère que dès 1649, à l'arrivée en exil en France de la reine Henriette de France avec toute sa cour qu’une musique maçonnique spécifique se développa. On sait que cette Henriette, fille d'Henri IV de France avait dû quitter l'Angleterre à la suite de la décapitation de son mari, Charles 1er Stuart, roi catholique et écossais et que cela nous valu l'arrivée en France du rite maçonnique écossais. Au château de St-Germainen-Laye mis à sa disposition, cette veuve s'entourait de fidèles qui se reconnaissaient entre eux par le titre de "Enfants de la Veuve". En fait, la maçonnerie qui y était pratiquée se mélangeait à des préoccupations politiques et son secret ne couvrait guère que la préparation des complots. Cette intrication de maçonnerie et d'activité profane se retrouve du reste dans les oeuvres des deux musiciens qui animaient le rituel maçonnique d'alors, soit Nicolas Derosier et Couperin. Chez ce dernier surtout, on retrouve régulièrement la batterie ternaire que nous connaissons. Cette même musique est employée dans toutes les loges écossaises qui ont essaimé rapidement. De Couperin, je citerais surtout les oeuvres pour clavecin intitulées :
" Les plaisirs de St-Germain-en-Laye, la Mylordine, le Petit deuil ou les Trois Veuves ".

Cependant, une nouvelle orientation a été donnée à la musique maçonnique par les F\ Désagulier et Andersen lors de leur constitution de 1723. On ignore souvent que cette Constitution s'accompagnait de quatre chants maçonniques intitulés : "Le chant du Maître, du surveillant, du compagnon et le chant pour la réception des apprentis". On attribue ces chants à Anderson lui-même et cet illustre exemple allait faire naître une solide tradition de chants de loges destinés à soutenir le rituel lors des tenues ou alors à animer les travaux en salle humide. Dans beaucoup de loges même, les travaux se déroulaient en dialogues chantés entre le maître en chaire, les deux surveillants et les FF\  sur les deux colonnes. En général, ces chants n'étaient pas fixés par notation ou partition et ils se transmettaient oralement. C'est la raison pour laquelle il ne nous est plus guère possible d'en définir le caractère. Souvent même, ils étaient modifiés et adaptés à chaque loge. Il arrivait même que l'on adopte, sans autre forme de procés, des chants profanes.

C'est ainsi que, plus tard, on avait pris l'habitude de chanter le fameux Chant du Départ du F. Méhul.

Ce n'est guère que dès 1737 que le F\ Jean-Christophe Naudot, de la loge Coustos-Villeroy et musicien de profession, mettra un peu d'ordre dans ce répertoire musical maçonnique. Maçon assidu, il fut même emprisonné au Châtelet en 1740 "pour s'être trouvé, comme dit le texte, dans les assemblées de francs-maçons". Il eut le mérite de mettre en recueil tout le répertoire d'alors de la musique maçonnique, recueil qui porte le titre de : "Chansons notées de la très vénérable confrérie des maçons libres". Mais aussi et surtout il compléta ce répertoire par des oeuvres personnelles qui donnent bien le ton de la musique maçonnique d'alors. Je tiens à vous en donner un petit exemple sous la forme d'une marche dite "Marche des francs-maçons" et qui accompagnait l'entrée des FF\ en loge.

NAUDOT : MARCHE DES FM

Voici aussi du même Naudot la chanson des Compagnons et des Maîtres :

NAUDOT : CHANSON DES COMPAGNONS ET MAITRES.

Cette musique d'origine française a rayonné dans toutes les loges de l'Europe d'alors mais elle y a pris un caractère spécifique en ce sens que, évoluant vers la cantate dans les pays catholiques, elle est devenue cantiques dans les pays protestants. Un bel exemple de ce cantique maçonnique à caractère luthérien et un peu asexué nous est donné par le recueil du F\ poète Ludwig-Friedrich Lenz et qui s'intitule "Freimaurer-Lieder". Il n'a malheureusement pas été publié en disques.

Autre différence aussi dans le choix des instruments. Les loges des pays catholiques ont mis l'accent sur les instruments à vent, en priorité la trompette et la clarinette puis la flûte à caractère plus symbolique. Que l'on se rappelle la Flûte enchantée de Mozart. En revanche, les loges protestantes ont adopté assez vite l'harmonium et l'orgue. Les catholiques ont toujours voulu se distancer d'un instrument qui rappelle par trop l'église romaine et qui confère effectivement à nos travaux un caractère faussement religieux et étranger à la tradition maçonnique. Les condamnations de la franc-maçonnerie par les papes ont au moins eu l'avantage de sauvegarder les distances entre notre ordre et cette église.

La colonne d'harmonie était composée de FF\ musiciens ou chanteurs sous la direction d'un officier qui portait le titre de "Architecte d'harmonie". Les membres étaient exonérés de toute cotisation ou charges financières. Peu à peu se sont ajoutés aux instruments le piano et la harpe. Le F\  Rodolphe Kreutzer, celui de la fameuse sonate de Beethoven et du roman de Tolstoï, tout violoniste qu'il était, jouait de la clarinette dans la loge "La Concorde" à l'O\  de la cour de Versailles.

Cette colonne d'harmonie a pris de plus en plus d'ampleur, au point que, dans beaucoup de loges importantes de France et d'Angleterre, et dès le milieu du 18me siècle, elle s'était constituée en véritables orchestres qui animaient, bien sûr, toujours les travaux des loges mais qui donnaient aussi des concerts sur les parvis avec admission des profanes. Ces manifestations musicales, très souvent de grande classe, étaient destinées en général à recueillir des fonds pour l'activité philanthropique des loges. C'est le F\ musicien bien connu, Geminiani, qui, pour l'Angleterre, était l'âme de ces concerts qui se déroulaient principalement au Free Mason's Hall à Londres. On y donnait surtout audition du fameux "Carmen seculare" de Danican Philidor. Il s'agissait d'une cantate fortement teintée de symbolisme maçonnique. Elle était aussi donnée en France où ces manifestations musicales avaient une haute tenue. Il n'était pas rare d'y rencontrer la reine Marie-Antoinette et les princes du sang et le succès était tel que ces concerts ont dû être donnés au palais des Tuileries.

On y donnait aussi d'autres oeuvres originales qui émanaient de musiciens francs-maçons comme Chérubin, avec sa cantate Amphion et Haydn avec ses symphonies dites parisiennes. Cette activité se prolongea mais elle cessa dès 1789 à la Révolution française.

Mais dans le même temps, la musique maçonnique plus spécifique et destinée aux seuls travaux des loges s'est développée considérablement. A ce sujet, il importe de citer au premier chef le F\ François Girou et Jean-philippe Rameau. Ils sont tous deux représentatifs de l'influence de l'Art royal sur leur inspiration, surtout pour Rameau, et leur musique, surtout celle de Giroust a servi pendant longtemps aux travaux de loge. Le F\ Giroust, qui vécut de 1737 à 1789, était surintendant de la musique du roi. Membre de la loge "le Patriotisme" à l'O\ de Versailles, il a laissé une production musicale maçonnique très importante et destinée à toutes les tenues et travaux de loge. Malheureusement, mise en dépôt à la bibliothèque du conservatoire, elle a été égarée dans son ensemble à l'exception du beau rituel funèbre appelé le Déluge et qui avait été composé en 1784. Paradoxalement, cette oeuvre avait bénéficié, si l'on peut dire, d'une erreur de classement et c'est ce qui l'a sauvée. Elle couvre intégralement une cérémonie maçonnique funèbre et elle avait été jouée dans son intégralité le 20.6.1970 à la grande loge de France à l'occasion de la cérémonie funèbre à la mémoire des francs-maçons morts en déportation durant la seconde guerre mondiale. Il est, bien sûr, impossible de l'entendre ici dans son intégralité mais vous serez sensibles, dans l'extrait qui suit, à la batterie ternaire du maître en chaire marquant le début des travaux après la marche solennelle d'entrée des FF\ au Temple. Vous verrez aussi que, comme dans beaucoup d’œuvres maçonniques, chez Haydn et Mozart plus particulièrement, cette oeuvre donne l'idée du chaos suivie de la nuit puis la marche vers la lumière.

GIROUST: LE DELUGE

Quant au grand Rameau, né à Dijon en 1683 et mort à Paris en 1764, on ne connaît ni la date de son initiation ni le nom de sa loge mais il est bien établi qu'il était franc-maçon puisque ses détracteurs et plus particulièrement le transfuge Travenol l'ont relevé à plusieurs reprises en le reprochant.

Un fait est certain, c'est son oeuvre est toute imprégnée de l'art royal et du symbolisme maçonnique à caractère cosmique. L'une de ses oeuvres surtout le prouve largement. Il s'agit de son "Zoroastre" qui a pour thème la lutte entre le génie du mal, l'oppression, et celui du bien, la liberté, qui sort vainqueur. Ecrite en 1749, soit 40 ans avant la "Flûte enchantée de Mozart, elle en est curieusement proche et du reste le nom de Zoroastre le Sage a été repris par Mozart sous celui de Sarastro le Grand Maître.

On retrouve encore ce même symbolisme maçonnique de Rameau dans ses Indes galantes et surtout dans sa fameuse "Invocation au Soleil". Cette oeuvre figure toujours au répertoire des loges et elle est surtout exécutée pour la fête maçonnique de la St-Jean d'été. Il en a aussi été tiré un "Chant pour les FF\ nouvellement initiés" qui était le pendant du discours d'accueil fait aux nouveaux initiés par le F\  Orateur que l'on appelait alors le Chapelain. Comme vous le constaterez, cette oeuvre est bien caractéristique de Rameau.

RAMEAU: CHANT POUR LES FF\

A cette même époque, la franc-maçonnerie s'illustrait d'autres musiciens importants tels que Clérembaut, Spontini, Piccini ou Méthul qui ont été Architectes d'harmonie et dont les oeuvres sont empreintes d'esprit maçonnique. Il faut cependant citer plus longuement Henri-Joseph Taskin qui a vécu de 1779 à 1852 et qui a consacré presque exclusivement ses talents musicaux à la franc-maçonnerie. Il est un exemple très caractéristique de la musique maçonnique post-mozartienne. Il vaut la peine d'écouter une partie de sa "Cantate funèbre" qui donne bien le style de l'époque.

TASKIN : CANTATE MAÇONNIQUE.

Alors que, comme dit plus haut, l'Angleterre évoluait vers le cantique maçonnique tout en développant le "Carmen seculare" de Philidor et en adoptant certaines oeuvres de Händel, les loges allemandes passaient à des oeuvres lyriques données en loge et plus ou moins directement inspirées par notre symbolisme. Il y a eu entre autres l'Osiride de Mazzola et un Obéron annonçant la Flûte enchantée. Il y a eu cependant un musicien plus spécifiquement maçonnique et qui doit être cité. Il s'agit de Himmel qui a vécu de 1765 à 1814. Membre actif de la loge de la cour du roi de Prusse, il a beaucoup composé pour la colonne d'harmonie. Son Maurerlied ou Chant des maçons vous donnera une idée de son talent :

HIMMEL : MAURERLIED.

Nous en arrivons à Mozart et vous savez que son importance dans la musique maçonnique est telle que l'on a tendance à voir en lui, sinon le seul, du moins le musicien par excellence de la maçonnerie. Et de fait, son importance est telle qu'elle mérite une étude particulière qui déborde  singulièrement le cadre de ce modeste survol de la musique maçonnique. Ce serait donc un beau sujet de travail pour ceux de nos FF\ que cela intéresserait. Qu'il nous suffise de rappeler que Mozart avait été initié le 14.12.1784 à la loge "Zur Wohltätigkeit" à l'Orient de Vienne et qu'il en retira une impression profonde.

On le remarque par le fameux quatuor K 465 composé le 14.1.1785, donc un mois plus tard et qui constituait ses impressions d'initiation. Cette oeuvre montre que Mozart avait d'emblée compris l'esprit de notre Ordre puisqu'elle débute par la symbolique mort léthargique du profane pour finir sur la révélation et la contemplation de la lumière. Dès lors, la production maçonnique de Mozart sera considérable et elle témoignera toujours du plus profond respect du rituel. Cette musique est destinée spécifiquement à tous les travaux en loge, aux voyages initiatiques et à la Chaîne d'union. Elle est composée en général pour chœurs d'hommes, ce qui démontre bien qu'il reste dans la tradition maçonnique. Cette même tradition qu'aurait voulu réveiller récemment un de nos FF\ en proposant dans notre loge de chanter les trois voyages initiatiques. Mais semble bien que la difficulté majeure serait peut-être de trouver dans notre loge assez de chanteurs qui sachent chanter juste.

Pour en revenir à Mozart, il faut, bien sûr, citer la Flûte enchantée dont le caractère est tellement maçonnique que, comme le relevait Goethe, lui-même franc-maçon, elle ne peut véritablement être comprise que par les initiés. Cette oeuvre est un reflet fidèle de la maçonnerie, autant dans son esprit que dans son symbolisme profond. Tout son rythme général est fondé sur la batterie maçonnique et sur les trois âges maçonniques; La batterie ternaire se retrouve déjà tout au début de l’oeuvre et dans l'ouverture, et elle en crée l'atmosphère. Elle est tellement typique je voudrais vous la rappeler ici.

MOZART : FLUTE ENCHANTEE.

On voit qu'il serait effectivement trop long de considérer ici tout le Mozart initié et que cela demanderait une étude à part. Le caractère exceptionnel de Mozart en ce qui nous concerne ne pouvait que provoquer un rayonnement tenace dans les loges et dans tous les pays. En éclipsant peut-être d'autres musiciens maçonniques de valeur mais qui souvent comme Méhul, sont restés dans son orbite. Même Haydn, dans ce domaine, subit son influence. C'est du reste sur l'instance de Mozart qu'il avait été initié une année après lui. Il est vrai que Haydn ne fut pas d'une assiduité exemplaire à sa loge mais il faut dire à sa décharge qu'il était toujours en voyage et qu'il était en rapport constant à Paris avec le F\  Giroust. Nous avons dit plus haut qu'il avait composé ses symphonies dites parisiennes à l'intention de la loge "Le Patriotisme". Il faut retenir aussi qu'il a composé un certain nombre de Lieds maçonnique de grande valeur.

On ne les trouve malheureusement pas dans le commerce mais leur réédition est en bonne voie. Il est vrai aussi qu'une autre oeuvre de Haydn montre un caractère spécifiquement maçonnique et c'est l'oratorio "La Création". Cette oeuvre est inspirée des textes de St-Jean et son plan s'apparente aux œuvres maçonniques que nous avons déjà considérées, soit tout d'abord la description du chaos originel, puis l'organisation des éléments cosmiques et enfin l'harmonie et la lumière. Cette oeuvre n'aurait manifestement pas été telle si Haydn n'avait pas été initié.

Il faut aussi parler de Beethoven puisqu'il ne semble pas faire de doute qu'il ait été initié. Un de ses amis intimes, Karl HOLZ, affirmait, je cite : "que le Maître avait été franc-maçon mais que, dans les dernières années, il ne l'était plus activement". Et il est bien établi qu'il a composé pour l'entrée des F\ en loge la petite marche en si bémol de 1792 puis avec le F\ Wegeler, l'oeuvre intitulée: "Chant pour la loge des FF\ courageux à l'Or\ de Bonn". Voici cette petite marche en si bémol qui reflète bien l'esprit maçonnique d'alors :

BEETHOVEN : MARCHE

Cependant, c'est Fidelio qui reflète le mieux l'esprit et l'influence maçonnique de Beethoven.

Comme vous le savez, c'est un hymne à la liberté et à la fraternité humaine et le terme de frère est employé dès que la liberté est acquise. Mais c'est aussi la lutte entre l'Ombre symbolique du cachot et la lumière redécouverte.

II faut dire toutefois que, dans la première moitié du 19e siècle, la musique maçonnique ne s'est guère renouvelée et on assiste même à une certaine décadence des travaux et de la musique de loge.

En France, le Concordat de 1801 entre Napoléon et le pape avait rendu effectives les nombreuses condamnations proférées par l'église de Rome contre la franc-maçonnerie. Dès lors, les loges travaillaient en veilleuse et dans une grande discrétion, au point qu'il est presque impossible de retrouver des documents d'archive. Quant aux loges anglaises, elles adoptent exclusivement et définitivement l'harmonium et l'orgue et elles mettent même l'accent sur le caractère religieux des travaux. En définitive, elles ne sont plus guère que des succursales de l'église anglicane et elles ont perdu leur caractère spécifique. En Allemagne, elles résistent mieux et elles prolongent l'héritage mozartien. De plus, on y voit apparaître des Tafellieder ou chants de table et surtout les Sieben Vierstimmîg Maurergesänge, soit en français les sept chants maçonniques à quatre voix. Il s'agit d'oeuvres chantées qui se répandent peu à peu dans toutes les loges allemandes. Il n'y a eu, comme seul musicien maçonnique qui sortait du lot le F\ Himmel dont nous avons déjà parlé et qui n'a manifestement pas mérité l'oubli dans lequel nous le tenons.

Pour l'Allemagne encore et un peu plus tard, on assiste à un événement de toute première importance auquel les maçons n'ont tout d'abord pas été sensibles. Il s'est agi de la bombe du Parcifal de Richard Wagner. Il n'est pas établi par preuves formelles que ce grand musicien ait été initié franc-maçon et il n'existe aucun document pouvant l'établir. Cela pour une raison qui nous parait légitime. Les loges allemandes de l'époque luttaient pour la liberté des peuples et elles poursuivaient en ce sens l'action de Beethoven. On luttait contre la tyrannie et le despotisme qui a suivi la Restauration de Metternich et cette lutte ne pouvait être efficace qu'en étant secrète. On retrouve le même phénomène chez les Carbonari qui, eux aussi, s'étaient développés à partir de la franc-maçonnerie. C'est elle en effet qui, de par ses structures propres, était le mieux à même de sauvegarder ce secret et c'est pourquoi elle taisait soigneusement le nom de ses membres. On sait que les loges allemandes ont joué un rôle prépondérant dans les révolutions populaires du 18me siècle et surtout dans celle de 1848. Et on connais aussi la part prépondérante qu'y prit Wagner, ce qui lui valut d'ailleurs de gros ennuis. Il n'est pas impossible qu'il ait agi alors dans le cadre de sa loge et sous le sceau du secret, ce qui expliquerait notre manque d'information à ce sujet. Plus tard aussi, il aurait eu de bonnes raisons de taire son appartenance à la maçonnerie pour ne pas choquer son mécène, le catholique roi de Bavière, Louis II. Enfin, établi dans les environs de Lucerne, il n'aurait pas voulu se mettre à dos la population catholique de cette ville, encore traumatisée par les conséquences pour elle de la guerre du Sonderbund et déjà assez scandalisée par l'état de concubinage de Wagner avec Cosima qui attendait son divorce d'avec von Bulow.

Tout cela pourrait expliquer l’extrême discrétion de Richard Wagner, en ce qui concerne la franc-maçonnerie. Mais un fait est certain, c'est que, s'il n'avait pas connu la maçonnerie, on ne pourrait guère s'expliquer sa parfaite connaissance du rituel de tous les grades ainsi que de l'esprit et du symbolisme maçonniques. Le "Parcifal" est en effet une oeuvre essentiellement maçonnique et typique de l'obédience écossaise. Sous le couvert de la fameuse légende du Graal, on assiste en fait à l'initiation du héros Parcifal qui, entouré de ses FF\ Chevaliers, subit toutes les épreuves des voyages initiatiques et en sort victorieux.

Cette oeuvre est d'une rare densité symbolique et on sait que toute sa charpente musicale est édifiée sur le rythme et le nombre symbolique qui se trouve déjà dans l'ouverture et qui est celui-ci :

WAGNER : OUVERTURE PARCIFAL.

Cependant et tout comme la Flûte enchantée, le Parcifal demanderait une étude détaillée et approfondie tant il est de caractère maçonnique et tant, par le fait, il pourrait être salutaire à nous tous.

Plus tard et dès le début de ce siècle s'est révélé un autre musicien maçonnique de grande valeur. Il s'est agi du F\ Francis Casadesus, de la célèbre famille de musiciens de ce nom. Initié à la loge Ernest-Renan, maçon actif et assidu, il eut à coeur de réveiller la musique maçonnique du 18me siècle et il édita un recueil sous le titre de "Chansons maçonniques du 18me siècle". Cette oeuvre modernisée est très actuelle et elle est encore jouée en loge, surtout pour les travaux d'initiation.

Laissons de côté d'autres musiciens maçonniques comme Max Dubois, Julien Falk, Arsène Souffreau, Marian Kouzan et évoquons pour terminer le grand Jean Sibelius. Membre fondateur et très actif de la loge finlandaise "Suomi" il composa une grande quantité d'oeuvres musicales initiatiques éditées sous le nom de " Hengellist à Musikia" ou, en français, "Musique maçonnique". Cette oeuvre couvre absolument tous les travaux en loge et elle toute empreinte d'un profond symbolisme maçonnique. Cependant, la loge Suomi est d'obédience anglo-saxonne et la musique sibélienne reste très proche de la cérémonie et du rituel protestant. On peut aimer mais, pour mon compte, je la trouve plus proche du psautier anglo-saxon que de l'esprit véritablement maçonnique. Vous en jugerez vous-même par son hymne d'ouverture de la loge et un hymne du premier grade :

SIBELIUS : HYMNES D'OUVERTURE

II est bien évident que, par le passé, toute la musique maçonnique que nous avons évoquée était donnée en loge par les instruments et les chanteurs de loge. Actuellement et avec l'évolution des moyens techniques, on l'a remplacée par de la musique enregistrée et certaines obédiences mettent même à la disposition des loges des cassettes destinées aux tenues rituéliques de tous les grades. C'est, bien sûr, une simplification mais d'un autre côté c'est un abandon de la tradition maçonnique et un risque de priver de son caractère vivant la musique en loge et de ne plus lui accorder la considération qu'elle mérite.

Mes chers FF\ , je vous prie d'excuser la longueur de cette planche tracée et qui est inhérente au sujet traité. Merci de votre attention et de votre patience, surtout à ceux d'entre vous qui restent réfractaires à la musique. On souhaiterait simplement qu'ils reconnaissent son importance pour le bien même de notre Ordre.

C
\ T\ (Par)

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