GODF | Loge : NC | Date : NC |
La musique maçonnique Celle-ci n'est qu'un signe et elle reste
stéréotypée, abstraite, pauvre et
froide Seul l'art et surtout la musique
pouvait suggérer l'inexprimable, rendre intelligible le
symbolisme et enrichir
la perception du sacré; ses redoutables facultés
incantatoires, bien propres à
émouvoir et à provoquer un état
second, il était normal qu'elles soient
exploitées pour toutes les activités humaines
supérieures où l'être humain doit
être saisi, non pas par sa seule intelligence mais par toute
son âme. On la
retrouve donc partout où il est besoin de transfiguration et
de transcendance,
donc dans toutes les manifestations à caractère
sacré, initiatique, ésotérique
ou mystique. Je voudrais rapidement illustrer cette
puissance suggestive de la musique en vous faisant entendre quelques
phrases tirées de l'Office
des vêpres orthodoxes russes. Comme vous pourrez le
constater, la récitation
d'un psaume, par définition monotone et ennuyeux, est suivie
d'un développement
musical qui le commente, l'illustre et l'embellit, créant
ainsi chez le fidèle
le profond sentiment religieux qui est recherché. VEPRES ORTHODOXE Cela dit et entendu, il était normal que
la
franc-maçonnerie, ordre à caractère
initiatique, symbolique et sacré par son
rituel, se soit de tout temps entourée de musique. On peut
même dire qu'elle
lui est essentielle. En effet, le rythme est déjà
musique et ce sont trois
coups de maillets qui règlent nos travaux et en indiquent le
caractère, suivant
précisément le rythme dans lequel ils sont
frappés. De plus, le caractère
symbolique de la musique ne nous échappe pas puisqu'elle
signifie
essentiellement la mesure ou la tempérance qui doivent
régir le comportement de
l'initié. Du reste, le premier contact sensible du
profane avec notre ordre n'est-il pas la musique ? Il se
présente aux colonnes les yeux bandés.
C'est encore les yeux bandés qu'il fera les voyages
initiatiques et subira les
épreuves. Il ne peut donc qu'entendre. Entendre les paroles
du rituel soutenues
par la colonne d'harmonie. Dans le souvenir intime qu'il gardera de son
initiation, l'expression de la colonne d'harmonie tiendra une grande
place. La franc-maçonnerie a ceci de
particulier et
d'important que son action sur la musique s'opère
de deux façons. Si les musiciens
francs-maçons ont créé et
développé la musique destinée
à illustrer et à
soutenir le rituel, ils ont aussi été
marqués comme initiés au point que leurs
oeuvres profanes se sont imprégnées du sentiment
maçonnique. Un Mozart n'aurait
pas été le même sans son initiation,
pas plus qu'un Rameau dans ses Indes
galantes ou un Haydn dans sa création. Au point que, chez
beaucoup de musiciens
maçons, on ne peut guère distinguer leur musique
de loge de leur musique
profane. Certes, ce niveau n'a pas été
atteint d’un
coup l'évolution a été assez lente,
suivant l'amélioration progressive des
techniques musicales en même temps que celle de l'expression
des sentiments. Selon les documents dont nous disposons, la
maçonnerie spéculative, elle aussi en
lente évolution, semble avoir adopté
assez
longtemps la musique des maçons opératifs. Il
s'agissait de chants en notation
grégorienne puis dans le style des ménestrels et
qui célébraient les différents
corps des métiers du bâtiment, truffés
de mots secrets et rappelant les
rigueurs du secret. " Les plaisirs de St-Germain-en-Laye, la Mylordine, le Petit deuil ou les Trois Veuves ". Cependant, une nouvelle orientation a
été
donnée à la musique maçonnique par les
F\ Désagulier et Andersen lors de leur
constitution de 1723. On ignore souvent que cette Constitution
s'accompagnait
de quatre chants maçonniques intitulés : "Le chant
du Maître, du
surveillant, du compagnon et le chant pour la réception des
apprentis". On
attribue ces chants à Anderson lui-même et cet
illustre exemple allait faire
naître une solide tradition de chants de loges
destinés à soutenir le rituel
lors des tenues ou alors à animer les travaux en salle
humide. Dans beaucoup de
loges même, les travaux se déroulaient en
dialogues chantés entre le maître en
chaire, les deux surveillants et les FF\ sur les deux colonnes. En
général, ces
chants n'étaient pas fixés par notation ou
partition et ils se transmettaient
oralement. C'est la raison pour laquelle il ne nous est plus
guère possible
d'en définir le caractère. Souvent
même, ils étaient modifiés et
adaptés à
chaque loge. Il arrivait même que l'on adopte, sans autre forme de
procés, des
chants profanes. C'est ainsi que, plus tard, on avait pris
l'habitude
de chanter le fameux Chant du Départ du F. Méhul. Ce n'est guère que dès 1737
que le F\
Jean-Christophe Naudot, de la loge Coustos-Villeroy et musicien de
profession,
mettra un peu d'ordre dans ce répertoire musical
maçonnique. Maçon assidu, il fut
même emprisonné au Châtelet en
1740 "pour s'être trouvé, comme dit le texte, dans
les assemblées de
francs-maçons". Il eut le mérite de mettre en
recueil tout le répertoire
d'alors de la musique maçonnique, recueil qui porte le titre
de : "Chansons
notées de la très vénérable
confrérie des maçons libres". Mais aussi et
surtout il compléta ce répertoire par des oeuvres
personnelles qui donnent bien
le ton de la musique maçonnique d'alors. Je tiens
à vous en donner un petit
exemple sous la forme d'une marche dite "Marche des
francs-maçons" et
qui accompagnait l'entrée des FF\ en loge. NAUDOT : MARCHE DES FM Voici aussi du même Naudot la chanson des
Compagnons et des Maîtres : NAUDOT : CHANSON DES COMPAGNONS ET MAITRES. Cette musique d'origine française a
rayonné
dans toutes les loges de l'Europe d'alors mais elle y a pris
un caractère spécifique en ce
sens que, évoluant vers la cantate dans les pays
catholiques, elle est devenue
cantiques dans les pays protestants. Un bel exemple de ce cantique
maçonnique à
caractère luthérien et un peu asexué
nous est donné par le recueil du F\ poète
Ludwig-Friedrich Lenz et qui s'intitule "Freimaurer-Lieder". Il n'a
malheureusement pas été publié en
disques. Autre différence aussi dans le choix des
instruments. Les loges des pays catholiques ont mis l'accent
sur les instruments à vent, en
priorité la trompette et la clarinette puis la
flûte à caractère plus
symbolique. Que l'on se rappelle la Flûte
enchantée de Mozart. En revanche, les
loges protestantes ont adopté assez vite l'harmonium et
l'orgue. Les
catholiques ont toujours voulu se distancer d'un instrument qui
rappelle par
trop l'église romaine et qui confère
effectivement à nos travaux un caractère
faussement religieux et étranger à la tradition
maçonnique. Les condamnations
de la franc-maçonnerie par les papes ont au moins eu
l'avantage de sauvegarder
les distances entre notre ordre et cette église. La colonne d'harmonie était
composée de FF\ musiciens ou chanteurs sous la
direction d'un officier qui
portait le titre de "Architecte
d'harmonie". Les membres étaient
exonérés de toute cotisation ou charges
financières. Peu à peu se sont ajoutés
aux instruments le piano et la harpe. Le
F\ Rodolphe Kreutzer, celui de la fameuse sonate de
Beethoven et du
roman de
Tolstoï, tout violoniste qu'il était, jouait de la
clarinette dans la loge
"La Concorde" à l'O\ de la cour de Versailles. Cette colonne d'harmonie a pris de plus en
plus d'ampleur, au point que, dans beaucoup de loges
importantes de France et d'Angleterre,
et dès le milieu du 18me siècle, elle
s'était constituée en véritables
orchestres qui animaient, bien sûr, toujours les travaux des
loges mais qui
donnaient aussi des concerts sur les parvis avec admission des
profanes. Ces
manifestations musicales, très souvent de grande classe,
étaient destinées en
général à recueillir des fonds pour
l'activité philanthropique des loges. C'est
le F\ musicien bien connu, Geminiani, qui, pour
l'Angleterre,
était l'âme de
ces concerts qui se déroulaient principalement au Free
Mason's Hall à Londres.
On y donnait surtout audition du fameux "Carmen seculare" de Danican
Philidor. Il s'agissait d'une cantate fortement teintée de
symbolisme
maçonnique. Elle était aussi donnée en
France où ces manifestations musicales
avaient une haute tenue. Il n'était pas rare d'y rencontrer
la reine
Marie-Antoinette et les princes du sang et le succès
était tel que ces concerts
ont dû être donnés au palais des
Tuileries. On y donnait aussi d'autres oeuvres
originales qui émanaient de musiciens
francs-maçons comme Chérubin, avec sa cantate Amphion et Haydn avec ses
symphonies dites parisiennes. Cette activité se prolongea
mais elle cessa dès
1789 à la Révolution française. Mais dans le même temps, la musique
maçonnique plus spécifique et destinée
aux seuls travaux des loges s'est
développée considérablement. A ce
sujet, il importe de citer au premier chef le
F\ François Girou et Jean-philippe Rameau. Ils sont
tous
deux représentatifs de
l'influence de l'Art royal sur leur inspiration, surtout pour Rameau,
et leur musique,
surtout celle de Giroust a servi pendant longtemps aux travaux de loge.
Le F\
Giroust, qui vécut de 1737 à 1789,
était surintendant de la musique du roi.
Membre de la loge "le Patriotisme" à l'O\ de Versailles, il
a laissé
une production musicale maçonnique très
importante et destinée à toutes les tenues
et travaux de loge. Malheureusement, mise en dépôt
à la bibliothèque du
conservatoire, elle a été
égarée dans son ensemble à l'exception
du beau rituel
funèbre appelé le Déluge et qui avait
été composé en 1784. Paradoxalement,
cette oeuvre avait bénéficié, si l'on
peut dire, d'une erreur de classement et
c'est ce qui l'a sauvée. Elle couvre
intégralement une cérémonie
maçonnique
funèbre et elle avait été
jouée dans son intégralité le
20.6.1970 à la grande
loge de France à l'occasion de la
cérémonie funèbre à la
mémoire des
francs-maçons morts en déportation durant la
seconde guerre mondiale. Il est,
bien sûr, impossible de l'entendre ici dans son
intégralité mais vous serez
sensibles, dans l'extrait qui suit, à la batterie ternaire
du maître en chaire
marquant le début des travaux après la marche
solennelle d'entrée des FF\ au
Temple. Vous verrez aussi que, comme dans beaucoup
d’œuvres maçonniques, chez
Haydn et Mozart plus particulièrement, cette oeuvre donne
l'idée du chaos
suivie de la nuit puis la marche vers la lumière. GIROUST: LE DELUGE Quant au grand Rameau, né à
Dijon en 1683 et
mort à Paris en 1764, on ne connaît ni la date
de son initiation ni le nom de sa loge
mais il est bien établi qu'il était
franc-maçon puisque ses détracteurs et
plus particulièrement le transfuge Travenol l'ont
relevé à plusieurs reprises
en le reprochant. Un fait est certain, c'est son oeuvre est
toute imprégnée de l'art royal et du symbolisme
maçonnique à caractère
cosmique. L'une de ses oeuvres surtout le prouve largement. Il s'agit
de son
"Zoroastre" qui a pour thème la lutte entre le
génie du mal,
l'oppression, et celui du bien, la liberté, qui sort
vainqueur. Ecrite en 1749,
soit 40 ans avant la "Flûte enchantée de Mozart,
elle en est curieusement
proche et du reste le nom de Zoroastre le Sage a
été repris par Mozart sous
celui de Sarastro le Grand Maître. On retrouve encore ce même symbolisme
maçonnique de Rameau dans ses Indes galantes et surtout dans
sa fameuse
"Invocation au Soleil". Cette oeuvre figure toujours au
répertoire des loges et elle est surtout
exécutée pour la
fête maçonnique de la St-Jean
d'été. Il en a aussi été
tiré un "Chant pour
les FF\ nouvellement initiés" qui
était le pendant du discours d'accueil
fait aux nouveaux initiés par le F\ Orateur que l'on
appelait alors le
Chapelain. Comme vous le constaterez, cette oeuvre est bien
caractéristique de
Rameau. RAMEAU: CHANT POUR LES FF\ A cette même époque, la
franc-maçonnerie
s'illustrait d'autres musiciens importants tels
que Clérembaut,
Spontini, Piccini ou Méthul qui
ont été Architectes d'harmonie et dont les
oeuvres sont empreintes d'esprit
maçonnique. Il faut cependant citer plus longuement
Henri-Joseph Taskin qui a
vécu de 1779 à 1852 et qui a consacré
presque exclusivement ses talents
musicaux à la franc-maçonnerie. Il est un exemple
très caractéristique de la
musique maçonnique post-mozartienne. Il vaut la peine
d'écouter une partie de
sa "Cantate funèbre" qui donne bien le style de
l'époque. TASKIN : CANTATE MAÇONNIQUE. Alors que, comme dit plus haut, l'Angleterre
évoluait vers le cantique maçonnique tout
en développant le "Carmen seculare" de
Philidor et en adoptant certaines oeuvres de Händel, les loges
allemandes
passaient à des oeuvres lyriques données en loge
et plus ou moins directement
inspirées par notre symbolisme. Il y a eu entre autres
l'Osiride de Mazzola et
un Obéron annonçant la Flûte
enchantée. Il y a eu cependant un musicien plus
spécifiquement maçonnique et qui doit
être cité. Il s'agit de Himmel qui a
vécu
de 1765 à 1814. Membre actif de la loge de la cour du roi de
Prusse, il a
beaucoup composé pour la colonne d'harmonie. Son Maurerlied
ou Chant des maçons
vous donnera une idée de son talent : HIMMEL : MAURERLIED. Nous en arrivons à Mozart et vous savez
que
son importance dans la musique maçonnique est telle
que l'on a tendance à voir en lui,
sinon le seul, du moins le musicien par excellence de
la maçonnerie.
Et de fait, son importance est
telle qu'elle mérite une étude
particulière qui déborde singulièrement le cadre de ce
modeste survol
de la musique maçonnique. Ce serait donc un beau sujet de
travail pour ceux de
nos FF\ que
cela intéresserait. Qu'il
nous suffise de rappeler que Mozart avait été
initié le 14.12.1784 à la loge
"Zur Wohltätigkeit" à l'Orient de Vienne et qu'il
en retira une
impression profonde. On le remarque par le fameux quatuor K 465
composé le 14.1.1785, donc un mois plus tard et qui
constituait ses impressions
d'initiation. Cette oeuvre montre que Mozart avait d'emblée
compris l'esprit de
notre Ordre puisqu'elle débute par la symbolique mort
léthargique du profane
pour finir sur la révélation et la contemplation
de la lumière. Dès lors, la
production maçonnique de Mozart sera considérable
et elle témoignera toujours
du plus profond respect du rituel. Cette musique est
destinée spécifiquement à
tous les travaux en loge, aux voyages initiatiques et à la
Chaîne d'union. Elle
est composée en général pour
chœurs d'hommes, ce qui démontre bien qu'il reste
dans la tradition maçonnique. Cette même tradition
qu'aurait voulu réveiller
récemment un de nos FF\ en proposant dans notre
loge de chanter les trois
voyages initiatiques. Mais semble bien que la difficulté
majeure serait
peut-être de trouver dans notre loge assez de chanteurs qui
sachent chanter
juste. Pour en revenir à Mozart, il faut, bien
sûr,
citer la Flûte enchantée dont le
caractère est tellement maçonnique que,
comme le relevait
Goethe, lui-même franc-maçon, elle ne peut
véritablement être comprise que par
les initiés. Cette oeuvre est un reflet fidèle de
la maçonnerie, autant dans
son esprit que dans son symbolisme profond. Tout son rythme
général est fondé
sur la batterie maçonnique et sur les trois âges
maçonniques; La batterie
ternaire se retrouve déjà tout au
début de l’oeuvre et dans l'ouverture, et
elle en crée l'atmosphère. Elle est tellement
typique je voudrais vous la
rappeler ici. MOZART :
FLUTE ENCHANTEE. On voit qu'il serait effectivement trop long
de considérer ici tout le Mozart initié et que
cela demanderait une étude à part. Le
caractère
exceptionnel de Mozart en ce qui nous concerne ne pouvait que provoquer
un
rayonnement tenace dans les loges et dans tous les pays. En
éclipsant peut-être
d'autres musiciens maçonniques de valeur mais qui souvent
comme Méhul, sont
restés dans son orbite. Même Haydn, dans ce
domaine, subit son influence. C'est
du reste sur l'instance de Mozart qu'il avait été
initié une année après lui.
Il est vrai que Haydn ne fut pas d'une assiduité exemplaire
à sa loge mais il
faut dire à sa décharge qu'il était
toujours en voyage et qu'il était en
rapport constant à Paris avec le F\ Giroust. Nous avons dit
plus haut qu'il
avait composé ses symphonies dites parisiennes à
l'intention de la loge
"Le Patriotisme". Il faut retenir aussi qu'il a composé un
certain
nombre de Lieds maçonnique de grande valeur. On ne les trouve malheureusement pas dans le
commerce mais leur réédition est en bonne voie.
Il est vrai aussi qu'une autre
oeuvre de Haydn montre un caractère
spécifiquement maçonnique et c'est
l'oratorio "La Création". Cette oeuvre est
inspirée des textes de
St-Jean et son plan s'apparente aux œuvres
maçonniques que nous avons déjà
considérées, soit tout d'abord la description du
chaos originel, puis
l'organisation des éléments cosmiques et enfin
l'harmonie et la lumière. Cette
oeuvre n'aurait manifestement pas été telle si
Haydn n'avait pas été initié. Il faut aussi parler de Beethoven puisqu'il
ne semble pas faire de doute qu'il ait été
initié. Un de ses amis intimes, Karl HOLZ,
affirmait, je
cite : "que le Maître avait été
franc-maçon mais que, dans les dernières
années, il ne l'était plus activement". Et il est
bien établi qu'il a
composé pour l'entrée des F\ en loge la petite
marche en si bémol de 1792 puis
avec le F\ Wegeler, l'oeuvre intitulée: "Chant
pour la loge des FF\
courageux à l'Or\ de Bonn". Voici cette petite
marche en si bémol qui
reflète bien l'esprit maçonnique d'alors : BEETHOVEN : MARCHE Cependant, c'est Fidelio qui reflète le
mieux
l'esprit et l'influence maçonnique de Beethoven. Comme vous le savez, c'est un hymne à la
liberté et à la fraternité humaine et
le terme de frère est employé dès que
la
liberté est acquise. Mais c'est aussi la lutte entre l'Ombre
symbolique du
cachot et la lumière redécouverte. II faut dire toutefois que, dans la
première
moitié du 19e siècle, la musique maçonnique
ne s'est guère renouvelée et on assiste
même
à une certaine décadence des travaux et de la
musique de loge. En France, le Concordat de 1801 entre
Napoléon et le pape avait rendu effectives les
nombreuses condamnations proférées par
l'église de Rome
contre la franc-maçonnerie. Dès lors, les loges
travaillaient en veilleuse et
dans une grande discrétion, au point qu'il est presque
impossible de retrouver
des documents d'archive. Quant aux loges anglaises, elles
adoptent
exclusivement et définitivement l'harmonium et l'orgue et
elles mettent même
l'accent sur le caractère religieux des travaux. En
définitive, elles ne sont
plus guère que des succursales de l'église
anglicane et elles ont perdu leur
caractère spécifique. En Allemagne, elles
résistent mieux et elles prolongent
l'héritage mozartien. De plus, on y voit
apparaître des Tafellieder ou chants
de table et surtout les Sieben Vierstimmîg
Maurergesänge, soit en français les
sept chants maçonniques à quatre voix. Il s'agit
d'oeuvres chantées qui se
répandent peu à peu dans toutes les loges
allemandes. Il n'y a eu, comme seul
musicien maçonnique qui sortait du lot le F\
Himmel dont nous avons déjà
parlé et qui n'a manifestement pas
mérité l'oubli dans lequel nous le tenons. Pour l'Allemagne encore et un peu plus tard,
on assiste à un événement de toute
première importance auquel les maçons
n'ont tout
d'abord pas été sensibles. Il s'est agi de la
bombe du Parcifal de Richard
Wagner. Il n'est pas établi par preuves formelles que ce
grand musicien ait été
initié franc-maçon et il n'existe aucun document
pouvant l'établir. Cela pour
une raison qui nous parait légitime. Les loges allemandes de
l'époque luttaient
pour la liberté des peuples et elles poursuivaient en ce
sens l'action de
Beethoven. On luttait contre la tyrannie et le despotisme qui a suivi
la
Restauration de Metternich et cette lutte ne pouvait être
efficace qu'en étant
secrète. On retrouve le même
phénomène chez les Carbonari qui, eux aussi,
s'étaient développés à
partir de la franc-maçonnerie. C'est elle en effet qui,
de par ses structures propres, était le mieux à
même de sauvegarder ce secret
et c'est pourquoi elle taisait soigneusement le nom de ses membres. On
sait que
les loges allemandes ont joué un rôle
prépondérant dans les révolutions
populaires du 18me siècle et surtout dans celle de 1848. Et
on connais aussi la
part prépondérante qu'y prit Wagner, ce qui lui
valut d'ailleurs de gros
ennuis. Il n'est pas impossible qu'il ait agi alors dans le cadre de sa
loge et
sous le sceau du secret, ce qui expliquerait notre manque d'information
à ce
sujet. Plus tard aussi, il aurait eu de bonnes raisons de taire son
appartenance à la maçonnerie pour ne pas choquer
son mécène, le catholique roi
de Bavière, Louis II. Enfin, établi dans les
environs de Lucerne, il n'aurait
pas voulu se mettre à dos la population catholique de cette
ville, encore
traumatisée par les conséquences pour elle de la
guerre du Sonderbund et
déjà assez scandalisée par
l'état de concubinage de Wagner avec Cosima qui
attendait son divorce d'avec von Bulow. Tout cela pourrait expliquer
l’extrême
discrétion de Richard Wagner, en ce qui concerne
la franc-maçonnerie.
Mais un fait est certain, c'est que, s'il n'avait pas connu la
maçonnerie, on ne
pourrait guère
s'expliquer sa parfaite connaissance du rituel de tous les grades ainsi
que de
l'esprit et du symbolisme maçonniques. Le "Parcifal" est en
effet une
oeuvre essentiellement maçonnique et typique de
l'obédience écossaise. Sous le
couvert de la fameuse légende du Graal, on assiste en fait
à l'initiation du
héros Parcifal qui, entouré de ses FF\ Chevaliers, subit toutes les épreuves
des voyages initiatiques et en sort victorieux. Cette oeuvre est d'une rare densité
symbolique et on sait que toute sa charpente musicale est
édifiée sur le rythme
et le nombre symbolique qui se trouve déjà dans
l'ouverture et qui est celui-ci
: WAGNER : OUVERTURE PARCIFAL. Cependant et tout comme la Flûte
enchantée,
le Parcifal demanderait une étude
détaillée et approfondie tant il est de
caractère
maçonnique et tant, par le fait, il pourrait être
salutaire à nous tous. Plus tard et dès le début de
ce siècle s'est
révélé un autre musicien
maçonnique de grande valeur. Il s'est agi du
F\ Francis Casadesus,
de la célèbre famille de musiciens de ce nom.
Initié à la loge Ernest-Renan,
maçon actif et assidu, il eut à coeur de
réveiller la musique maçonnique du
18me siècle et il édita un recueil sous le titre
de "Chansons maçonniques
du 18me siècle". Cette oeuvre modernisée est
très actuelle et elle est
encore jouée en loge, surtout pour les travaux d'initiation. Laissons de côté d'autres
musiciens
maçonniques comme Max Dubois, Julien Falk,
Arsène Souffreau, Marian Kouzan et
évoquons pour
terminer le grand Jean Sibelius. Membre fondateur et très
actif de la loge
finlandaise "Suomi" il composa une grande quantité d'oeuvres
musicales initiatiques éditées sous le nom de "
Hengellist à Musikia"
ou, en français, "Musique maçonnique". Cette
oeuvre couvre absolument
tous les travaux en loge et elle toute empreinte d'un profond
symbolisme
maçonnique. Cependant, la loge Suomi est
d'obédience anglo-saxonne et la
musique sibélienne reste très proche de la
cérémonie et du rituel protestant.
On peut aimer mais, pour mon compte, je la trouve plus proche du
psautier
anglo-saxon que de l'esprit véritablement
maçonnique. Vous en jugerez vous-même
par son hymne d'ouverture de la loge et un hymne du premier grade : SIBELIUS : HYMNES D'OUVERTURE II est bien évident que, par le
passé, toute
la musique maçonnique que nous avons
évoquée était
donnée en loge par les instruments et
les chanteurs de loge. Actuellement et avec l'évolution des
moyens techniques,
on l'a remplacée par de la musique enregistrée et
certaines obédiences mettent
même à la disposition des loges des cassettes
destinées aux tenues rituéliques
de tous les grades. C'est, bien sûr, une simplification mais
d'un autre côté
c'est un abandon de la tradition maçonnique et un risque de
priver de son
caractère vivant la musique en loge et de ne plus lui
accorder la considération
qu'elle mérite. C\ T\ (Par) |
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