L’Importance
Ini\ de la Musique
Autrefois la musique jouait un rôle important
dans les processus initiatiques.
A l'époque de la Grèce préhistorique
par exemple, les mystères de la nature et les plus sublimes
conceptions de la morale ont été couverts sous le
voile de l'allégorie par des symboles, la THRACE pays saint
par excellence, pays de la lumière, et la
véritable patrie des muses (déesses des arts
libéraux), abritait les plus vieux sanctuaires d'OURANOS, de
KRONOS et ZEUS d'où descendaient en rythmes eumolphiques
la « Poésie, les Lois
et l'Art. » Ses poètes
fabuleux en font foi...le chant mystique de la prêtresse de
Delphes faisait allusion à l'un des nombreux secrets
gardés par les prêtres d'Apollon et
ignorés de la foule... La lyre d'Orphée aux sept
cordes qui embrassait l'univers, chacune d'elles
répondant à un mode de l'âme humaine,
et qui contient la loi d'une science et d'un art... Amphion selon la
légende allégorique mettait les pierres en
mouvement par ses chants et construisait des temples au son de sa
lyre...; bref, le chant et le rythme accompagnaient alors la vie des
temples et faisaient partie intégrante du
déroulement des rituels.
Certains initiés s'accordent pour dire que
« Zeus fut particulièrement
inspiré, en s'unissant pendant neuf nuits
consécutives à Mnémosyne (la
mémoire) afin qu'elle enfantât celles qui furent
les neuf muses, il donna à l'univers des hommes un moyen
nouveau qui leur permit la quête de la
vérité. »
La musique expression des neuf muses, était
ainsi composée de neufs disciplines :
-l'éloquence de Calliope ;
-l'histoire de Clio ;
-la poésie d'Erato ;
-le dithyrambe d'Euterpe ;
-le chant et la tragédie de Melpomène ;
-l'harmonie et la géométrie de
Polymnie ;
-la danse de Terpsichore ;
-la comédie de Thalie ;
et enfin l'astronomie d'Uranie.
Etre initié de cette époque
c'était avant tout être formé aux neufs
arts libéraux.
Nous connaissons également les gammes de Pythagore qui par
Boèce, homme d'état, philosophe et
mathématicien romain (480-524 A.J.C) imprègnent
toute la mystique médiévale.
Plus près de nous on parle des chants
alchimiques qu'on entendrait du tombeau de CHRISTIAN ROSENKREUTZ.
Selon J.P. BAYARD dans son livre « La
spiritualité de la F\M\ »,
« l'initiation est un
rêve éveillé...une constance
psychologique qui permet à l'homme de chair de
déboucher sur un autre plan...l'initiation est vue comme un
phénomène social issu d'un besoin de
déité, toujours présent dans l'homme ».
Parler par conséquent de l'importance initiatique de la
musique c'est se demander quels peuvent être
l'intérêt, le rôle ou même la
valeur de la musique dans cette quête de la transmutation
psychique de l'humain vers un autre plan, vers la
déité, dans les rites et les rituels qui
encadrent le cheminement de tout processus initiatique ?
Notre modeste contribution à ce questionnement portera tout
d'abord quelques définitions
générales, puis nous nous efforcerons de
dégager des caractéristiques essentielles de la
musique qui tiennent de la raison et de la sensibilité, ce
qui nous amènera par la suite à examiner
l'importance, pour l'initié en général
et le F\M\ en particulier, de fréquenter la musique comme
moyen d'éducation des cinq sens afin de mieux être
disposé à l'écoute, pour enfin
conclure.
Selon Le Petit Larousse (édition 1999) la
musique du latin musica, de musa
(muse) est l'art de combiner les sons, ou plus
précisément, une suite de sons produisant une
impression harmonieuse. Le son quant à lui, du latin sonus,
est une sensation auditive engendrée par une onde
acoustique, dixit Le Petit Larousse (édition 1999). Une
vibration violente et brouillée est perçue comme
du bruit, alors qu'un mouvement d'air modéré et
régulier produit des sons musicaux le plus souvent
agréables. La propriété
spécifique des sons peut être réduite
au nombre particulier de leurs vibrations pendant un temps
déterminé.
Le son fondamental est une vibration
c'est-à-dire une alternance des contraires, des oppositions,
des hauts et des bas, des plus et des moins...il est à
l'image d'un pavé mosaïque !
Ne serait-il pas par là le symbole de l'unité
parfaite ?
La musique se caractérise par le rythme, les vibrations et
les nombres. Le rythme est répétition et
alternance d'une part, fréquence et
génération d'ondes sonores d'autre part.
Tout au long des âges, philosophes et savants ne se sont
guère trompés lorsqu'ils ont eu conscience de
l'importance des sons et de leur agencement et c'est peut
être dans l'impensable unité du son que se trouve
l'ultime synthèse d'amour, de sagesse et de joie.
Pythagore de Samos, l'un des grands initiés
aux mystères de l'époque antique, fut parmi les
premiers à établir une relation
étroite entre la musique, les nombres et l'espace.
La tétrade des pythagoriciens semble résumer
toutes les relations d'interdépendance entre les harmonies
de l'espace et du temps. Les sons ou notes musicales se
déduisent les uns des autres dans des rapports bien
précis...si on connaît les nombres on
connaît les sons !
La perfection des sons est
révélée par les nombres et tous les
rapports numériques simples peuvent être
imaginés comme des sons.
Comme dirait un sage donner moi les proportions visibles d'une
cathédrale et je vous donnerais sa signature musicale.
Les adeptes de l'école pythagoricienne avaient
découvert que différents types de musiques
avaient différents effets sur l'homme. Pythagore soigna une
fois un jeune de son éthylisme en lui prescrivant une
mélodie particulière. Apparemment une autre
mélodie eut un effet opposé et le rendit
surexcité.
Dans différents centres de la
Grèce antique, des patients suivaient des
thérapies diverses accompagnées de musique.
D'après le LI-KI chinois, la musique est
l'expression de l'union du ciel et de la terre et nous retrouvons
là le système musical de Platon, de Pythagore ou
des Grecs en général.
L'échelle musicale comporte sept clefs placées
sur sept portées, l'existence de ces clefs qui permet
à chaque instrument de s'exprimer, est en fait un moyen de
pallier les imperfections de l'oreille. Ce qui fait la valeur d'un chef
d'orchestre c'est de pouvoir percevoir chaque son en l'absence de
repères que sont les clefs.
Pour FABRE d'OLIVET dans « L'âge
d'Homme 1975 », « Le
septénaire musical peut être
considéré comme la réunion du 3 et du
4, association du ciel et de la terre, symbole de l'âme du
monde ». Il associe les sept
notes de la gamme aux sept planètes afin de trouver
cette « musique
céleste ».
Les sept planètes du système
solaire dans leur mouvement relatif par rapport à la terre
produiraient ainsi une musique si exquise que nos oreilles ordinaires
ne peuvent l'entendre.
C'est selon certains initiés cette musique cosmique que
Moïse aurait entendu en recevant Les Tables de la Loi sur le
mon Sinaï et que St Augustin pense que chacun de nous entend
au moment de sa mort. Cette musique serait partout
présente et elle gouvernerait tous les cycles temporels, les
saisons, les cycles biologiques, et tous les rythmes de la nature. La
loi mathématique des proportions est le son de l'harmonie de
l'univers, l'harmonie de ce que Platon désignait
par « la chose visible vivante,
contenant en elle-même toutes les choses vivantes de
même nature ».
Pour Boèce, « l'âme
et le corps sont régis par la même loi des
proportions qui gouverne la musique et le cosmos
lui-même. »
La physique générale
établit par ailleurs que la loi des vibrations
régit toute matière et fait d'elle un
élément vivant, qui permet d'établir,
éventuellement, un lien avec l'esprit.
Les nombres étant l'essence de toute chose et la musique
étant l'harmonie entre les rapports des nombres, quel peut
donc être l'importance initiatique de la musique ?
L'homme serait le résonateur-transformateur des harmonies du
cosmos. La théorie des harmonies ou théorie de
l'espèce pensante, reconstituerait depuis le niveau
subatomique jusqu'au rythme universel les niveaux d'organisation allant
de la nébuleuse à l'homme.
Ainsi la destinée normale de l'humanité
s'accomplirait-elle par une gradation qui s'intègre vers
l'harmonie universelle.
Pour Leibniz : « l'harmonie
est l'immanence de la logique dans le monde sensible. »
De même selon Pythagore : « l'harmonie
est l'union des choses qui s'accordent mutuellement, et l'accord avec
les choses qui sont opposées. »
Autrement dit, si la nature où tout n'est que harmonie,
concilie étroitement les contraires en faisant se
succéder dans le temps avec l'aide du rythme l'alternance
des saisons, du noir et du blanc, etc... C’est aussi avec ce
même rythme qu'elle ménagera les progressions aux
nombreuses nuances, générateurs de subtiles
résonances.
Le recours à un langage : celui du rythme
universel, ne permettrait-il pas alors de mieux traduire l'objectif de
la recherche de l'idéal du Beau et du Vrai, de Justice et de
Vérité enfouis en nous-mêmes ?
Si le son se présente comme l'ultime
unité, c'est-à-dire le « logos
créateur de tout », n'est-ce
pas là l'ultime synthèse d'amour, de sagesse et
de joie ?
L'importance initiatique de la musique ne proviendrait-elle pas de ce
foisonnement des bruits et des ombres qui nous cernent quand elle nous
beigne sans pour autant nous détruire, et ces hauteurs de
plus en plus éthérées qui laissent
apparaître plus fortes que jamais, la sagesse et la
beauté ?
La voie initiatique en général
incite l'homme à un dépassement vers le bien,
elle l'oriente vers le beau, autre attribut de la perfection de
l'être. L'art étant
considéré comme une résultante
naturelle de l'organisme humain à trouver une jouissance
particulière dans certaines combinaisons des formes, des
lignes, de couleurs, de rythmes ou de sons, ...et cette
résultante vaut pour tous les hommes et pour tous les temps.
Une telle constante ne toucherait-elle pas à l'absolu ?
La musique, art sublime, ne serait-elle pas ainsi le
facilitateur du contact avec l'absolu ?
La musique grâce à son
immatérialité est à même de
pénétrer le subconscient et l'inconscient et d'en
révéler les profondeurs secrètes. Elle
peut être le véhicule, ou le canal
privilégié et le médium qui
permettrait à l'homme de sentir vibrer à
l'extrême pointe de sa sensibilité et de son
intelligence, peut-être pas l'âme même du
cosmos, mais ne serait-ce qu'une de ses harmoniques les plus
saisissables...
Dans les rituels, les cérémonials,
les phases d'ouverture et de fermeture, la musique permettrait tout
simplement de capter la commune mesure entre les
individualités et à construire
l'égrégore désiré !
Les sons musicaux se distinguent les uns des autres par la hauteur,
l'intensité et le timbre. On peut se poser la question de
savoir si toute sorte de musique peut effectivement jouer un
rôle initiatique, surtout en ce qui concerne les initiations
positives ?
La musique classique et romantique, d'origine
pythagoricienne ou grecque fondée sur des lois rigoureuses
comme nous venons de le voir, semble la plus à
même de conduire à l'harmonie.
Pourtant certaines musiques traditionnelles d'Afrique et d'Asie, ainsi
que la musique contemporaine atteignent une harmonie faite de
gradations verbales et incantatoires !
La musique est en fait un art diversifié qui
englobe aussi bien les voies de la raison que celles de la
sensibilité, celles de la substance et de la forme, celles
de l'âme et du corps, elle peut en décrivant les
aspirations, les angoisses, les craintes, la sensibilité,
réveiller des tendances négatives et
maléfiques qui sommeillent en nous, exprimer des
préjugés et des passions. De tous les temps elle
a été utilisée comme support
d'éveil des consciences, comme allégorie
politique, etc...
Seule une musique libérée des
formes esthétiques et architecturales dogmatiques peut aider
sur la voie de l'éveil initiatique.
Selon Jules BOUCHER dans « LA
SYMBOLIQUE MAÇONNIQUE », les
rites agissent par une sorte d'imprégnation du subconscient,
auquel ils donnent une puissance et une efficience réelles.
La répétition de certaines paroles
incantatoires provoque une transmutation de l'être psychique,
une rupture avec le monde extérieur, en mettant le
récitant dans un état second propre à
lui faire percevoir une autre vue des faits. Les danses
sacrées, les prières dominicales, les hymnes et
chants amène dans chaque cas une transmutation des
éléments subtils de l'être humain.
L’être pénètre alors mieux
son état originel, et revient vers les vraies valeurs de sa
nature.
Certaines ouvres musicales semblent avoir ainsi
donné le meilleur épanouissement de ces
virtualités, la « Flûte
enchantée de Mozart » par
exemple d'inspiration purement maçonnique, semble constituer
d'un bout à l'autre une cérémonie
initiatique, avec une permanence du rite ternaire : effort permanent de
l'homme voué au travail traduit à l'ouverture et
symbolisé par le maillet, suivit d'un foisonnement de
symboles initiatiques, et le choeur final
célébrant la force, la sagesse et la
beauté piliers qui soutiennent l'édifice
maçonnique.
Sur le chemin de l'éveil, la musique permet d'ouvrir en nous
de nouvelles oreilles qui sont non seulement utiles à la
progression intellectuelle, mais encore, favorisent l'écoute
de soi, l'écoute de l'autre.
N'est ce pas là un moyen d'éveiller nos cinq sens
par la faculté d'audition ?
L'augmentation harmonieuse de l'acuité auditive vient du
contact avec les sons, c'est à dire, en particulier la
musique.
On sait que celui qui n'entend pas ne parle pas !
Grâce à l'initiation, il est
possible de remodeler son mental, pour ressentir autrement les choses
auprès desquelles on a pu passer antérieurement
sans les comprendre.
Pour le F\M\, la fréquentation de la musique serait
incontournable quand on sait que les valeurs traditionnelles qu'ils
défend, qui lui permettent d'affronter le monde profane
d'une manière différente sont d'abord orales et
qu'une mauvaise audition de ces transmissions pourrait le faire passer
à côté de certaines
vérités qu'ils recherche...faites quelques fois
d'éléments non raisonnés, mais
totalement ressentis physiquement.
La musique n'est pas seulement le son et sa couleur, elle est
également l'intonation du son, tant de nuance sont
à entendre et, par conséquent, à
exprimer en une vie...spécialement vie initiatique.
D'après ANNE OSMONT dans « Le
Rythme créateur des forces et des formes 1942 »,
le rythme qui vient de l'univers, sans doute créateur,
musique des sphères comme le nomme Platon est une vibration
et il est probable que ses ondes atteignent des points sensibles de
notre organisme. On peut ainsi établir un état de
sérénité et d'harmonie, base de la
recherche spirituelle puisqu'elle permet la communication entre notre
monde et celui de l'univers.
Immatérielle ou presque, toute ouvre musicale reste le choix
de l'assemblage des sons, des durées et, du principe
même de toute composition, cette dernière
s'exprimant par des nombres.
La musique qui est rythme et vibration, son et nombre, est la
nourriture des dieux ; le mouvement des sphères est musique,
harmonie profonde d'un monde pour nous audible, mais il faut savoir
prononcer le AUM, l'OIV ; cette modulation de la parole qui
est aussi prière.
La musique est ainsi un moyen de communication entre les deux mondes,
un lien analogique entre le sensible et l'intelligible, mais
d'après JP BAYARD cette abstraction métaphysique
semble inconnue de nos jours, la musique ne tenant plus une
très grande place dans les rituels modernes.
La musique est une réflexion de l'ordre
divin. L'écoute du rythme musical éveille la
notion d'ordre dans le débit des mots et des phrases que
l'on prononce mais il devient indispensable de ressentir s'il
s'accompagne ou plutôt s'il indique de quel
manière il faut pratiquer une certaine gestique.
C'est avec rythme que des phrases sont dites, c'est avec rythme que des
gestes sont faits, c'est donc avec rythme qu'à
l'évidence un atelier travaille.
La musique est née libre et porte en elle les
germes d'universalisme et comme l'exprime si bien CHARLES YVES dans son
« Essai avant sonate-Sonate Forte de
Piano-1824 », « la
musique est au-delà d'une simple analogie du langage humain
et que le temps viendra, lorsqu'elle développera des
possibilités inconcevable aujourd'hui, en un langage si
transcendant en hauteurs et profondeurs qu'il sera commun à
tous les hommes. »
Disons comme BAEUDELAIRE que « La nature
est un temple où de vivants piliers laissent parfois sortir
de confuses paroles ; l'homme y passe à travers des
forêts de symboles...comme de longs échos qui de
loin se confondent dans une ténébreuses et
profonde unité...les parfums, les couleurs, et les sons se
répondent. »
« Avoir la musique dans le coeur, c'est
avoir la raison et la sensibilité en soi et avec soi, c'est
un cadeau du ciel ! »
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