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Le travail I. LE TRAVAIL, UNE NOTION SATURNIENNE La mythologie nous apprend que Saturne vint sur terre pour enseigner aux hommes le travail de la terre et les aider à structurer leur vie en communauté. Saturne représente les valeurs, l'ordre, les limites, la stabilité, l'endurance, les conséquences. On lui associe les notions de concentration, de devoir, de discipline et de performance. Il gouverne les os et le squelette et tout particulièrement la colonne vertébrale. Saturne est le maître du temps -Chronos, chez les Grecs- et représente la patience, la sagesse et la loi. Il est le patron des mentors, des architectes, des sculpteurs, des philosophes,... De là à lier Saturne à la notion de Travail, il n'y a qu'un pas. La plus belle planète de notre système et ses merveilleux anneaux n'ont pas fini de nous révéler leurs symboles (notion d'ailleurs typiquement saturnienne…). Même si la double tradition grecque et chrétienne fait du travail une souffrance et une punition, voire une malédiction (Bible), le travail est avant tout une activité utile. Il amène l'homme à produire des résultats, tangibles. En physique, le travail est synonyme de force et lorsqu'il est fourni par l'homme on parle de travail moteur. En fait, le travail confronte l'homme à la matière. Ainsi l'homme modèle, forme, transforme, organise, structure et développe, recycle et remodèle, évolue. Le travail est aussi synonyme d'une action progressive et continue (le travail de l'érosion, ou d'un organe). Et il indique tout autant la manière dont un ouvrage est exécuté (un travail délicat) que l'ensemble des opérations propres à un domaine particulier (des travaux agricoles ou ménagers). Le travail indique l'action qu'exerce l'homme sur la matière en vue de produire un résultat utile. Le monde de l'esprit et de la foi nous ouvre des horizons, celui de la matière nous enseigne les limitations et les règles, nous forme et nous éduque. Par le travail, l'homme exerce une action dans les deux mondes. Le travail est donc d'un processus par lequel l'homme dirige ses efforts vers un but. C'est en quelque sorte l'exercice de sa volonté à une fin créative. Et un enseignement en retour. II. LE TRAVAIL, UNE NOTION TYPIQUEMENT HUMAINE Pour comprendre la vraie dimension du travail, on peut se placer sur la croix. L'axe horizontal figure les efforts de nos mains, le travail dans le monde, souvent synonyme de travail pour avoir. Et comme trop souvent l'avoir l'emporte sur l'Etre... Les objets ne sont plus des moyens mais des buts. Ce qui entraîne un glissement des valeurs. Mais l'avoir a ses limites car il appartient au monde matériel. Ce que nous avons déborde bientôt de notre champ et empiète sur celui du voisin. Voici une deuxième signification pour l'axe horizontal : la cohésion, notre lien avec les autres, le tout que nous formons avec nos semblables et le travail nécessaire à l'organisation d'une structure cohérente et efficiente. L'axe vertical, ce sont les efforts qui nous grandissent. La tête et les jambes. Imagination et volonté. Aller de l'avant. Conquérir ou reconquérir la liberté (on se rappellera la conférence de notre Frère Charles Rittmeyer qui nous expliquait que le Fils est en nous). L'axe vertical, c'est notre colonne. Ce qui nous distingue de l'animal. C'est ce qui nous fait Homme. Ce qui nous relie à l'univers. La tête dans le Ciel, les pieds sur la Terre. Le travail, disait Marx, appartient exclusivement à l'homme parce qu'il suppose à la fois représentation préalable du but, attention et volonté soutenue (donc une tension), ce qui suffit à le différencier de l'activité instinctive de l'animal. Le travail est le propre de l'homme et mieux, il le définit. Les 2 axes figurés par la croix sont pour nous le rappel permanent des 2 dimensions de notre travail,- des 2 dimensions de notre existence : la dimension humaine et le progrès. A la croisée des deux axes naît la conscience. Un Frère, lors d'une conférence qu'il donnait il y a quelques années dans une Loge zurichoise, disait que selon lui, le vrai travail de l'homme -et plus spécifiquement celui du Franc-Maçon- est un travail de communication, avec soi et avec le monde qui l'entoure. Communication étant à prendre dans son sens étymologique, celui de sa racine latine communio, qui est l'expression chrétienne de l'Unité. Ceci ne va pas sans nous rappeler mon dernier travail sur l’Egrégore... III. ET SI NOUS ETIONS PLUS CREATIFS DANS LE TRAVAIL ? Aujourd'hui, avec l’explosion du secteur tertiaire et la disparition du primaire, le travail d'antan, physique, opératif est remplacé par un travail plus cérébral. Le stress se substitue à la sueur et aux courbatures, l'ordinateur à la charrue. La responsabilité remplace la pénibilité des tâches. Dans le domaine de la production, le « juste-à-temps » et la « qualité totale » ont poussé la barre des exigences très haut en comprimant les délais. Les responsabilités et l'engagement dans le travail se sont considérablement accrus et s'accroissent encore avec l'horizontalisation des hiérarchies. La quantité se substitue à la qualité. Ce qui nuit à la qualité de la vie. Et le temps devient un bien précieux. Les rythmes de travail actuels nous obligent à définir de nouvelles priorités et donc à modifier nos valeurs. La question est donc très profonde... Depuis le « lean-management » tout est rationalisé. La pression augmente avec les exigences et au-dessus de nos têtes plane l'ombre du « Karochi » (nom donné par les Japonais à l'arrêt cardiaque par excès de travail et à la mort subite qui s'en suit). La production après être devenue industrie devient science et tout est devenu production -y compris le travail des cadres- parce que l'homme ne cesse de poursuivre des buts égoïstes. Le management à des allures de philosophie. Et l'homme se met à confondre richesse matérielle et richesse spirituelle, sans jamais penser un instant à la richesse d'Etre, ni à ses formidables ressources créatives. Avec le développement de la téléphonie et d’internet, l'homme évolue vers le télétravail, le travail à distance...à distance du travail, car nous n'irons plus vraiment au travail, ni même travailler. Paradoxalement, nous vivons un conflit entre sédentarité et mobilité qui atteignent des sommets : des millions de francs gagnés en quelques opérations informatiques en restant assis sur une chaise et des milliers de kilomètres parcourus par an par certains commerciaux et managers. Les plans de carrière s'accompagnent de mutations dans les pays les plus divers : c'est le compagnonnage moderne. Mobilité. Et avec elle, le dérapage des valeurs sociales car au lieu de servir la communauté, ce travail disloque et déstructure notre société. Les répercussions sont connues : l'éclatement des familles, des difficultés dans les relations, le chômage et son chapelet de conséquences. L'économie (encore une notion saturnienne) est devenue une science, le profit l'objectif premier. Et l'homme lutte pour trouver des valeurs car il a perdu les siennes. Mais la valeur se calcule trop souvent hélas en dollars et le monde est devenu quantitatif. Pourtant, jamais l'on n'aura autant parlé de qualité dans le monde du travail ! La qualité des choses l'emporte trop souvent sur la qualité des relations. Et la qualité d'Etre ? Sous les rythmes dictés par la sacro-sainte productivité devenue presque monotone, la créativité devient l'apanage de certains et pourtant, c'est elle qui donnerait au travail ses vraies dimensions : liberté, affirmation de soi, reconnaissance, valeur, utilité et donc cohésion et sécurité. L'homme est créatif et créateur, à l'image du Créateur. Richard Bandler, spécialiste du cerveau, pionnier de la PNL et thérapeute exceptionnel de la nouvelle génération dit : « L'aptitude à être fasciné par la complexité de l'accomplissement distingue celui qui travaille de façon créative de celui qui travaille de manière curative ». Où est passée notre curiosité ? Et notre créativité ? Et notre capacité à vivre simplement et sans grande analyse les précieux moments de notre vie ? Science, Art et Religion s'éloignent les uns des autres à l'instar de nos 3 principes que sont le Corps, l'Ame et l'Esprit. Si bien que le véritable travail de l'homme d'aujourd'hui consiste avant tout à rassembler les morceaux / les dimensions d'une vie trop multiple et trop éclatée, trop morcelée pour être cohérente, et à s'orienter vers un but noble élevant l'homme à la dimension d'Homme. Pour retrouver le plaisir dans chaque action, dans chaque contact, dans chaque observation. L'homme a cette particularité de pouvoir déplacer des montagnes et accomplir des miracles par la force de son coeur, de sa foi, de sa volonté. Il nous appartient d'être particulièrement vigilants aujourd'hui car le monde de demain aura pour décor nos créations d'aujourd'hui. IV. LE TRAVAIL, DANS LA FRANC-MAÇONNERIE Le Travail est la notion-clé de la Franc-Maçonnerie puisqu’elle le sacralise. Le Frère s'y voue corps et âme (cf. certaines phrases de nos rituels et en particulier celle de notre rite funèbre : « Respect à ceux (Frères) qui ont fait du travail la loi de leur corps et de leur esprit »). Pour les Francs-Maçons que nous sommes, le Travail est avant tout un moyen de perfectionnement, un instrument pour la recherche de la vérité. Opératif d'abord avec les constructeurs de cathédrales, puis spéculatif depuis Anderson, le Travail du Franc-Maçon est d’abord rituel et intellectuel avant d’être social et s'effectue essentiellement en Loge mais aussi à l'extérieur. Par ses recherches, le Frère s'interroge sur la vie extérieure et sur sa vie intérieure. En tant qu'élément d'un ensemble, son but est à la fois son propre progrès et celui de la société. Ce qui nous amène inévitablement à nous pencher sur les notions de Progrès et d'Evolution. En taillant sa pierre avec ses outils, l'Apprenti travaille sur lui-même. Mais c'est en apportant sa contribution à la construction de la Cathédrale -et donc en donnant vraiment un sens à son travail et à sa vie- que le Compagnon transcende la dimension du travail. O. Wirth dit que c'est au pied du mur que l'on connaît le maçon et que c'est à sa façon de travailler que s'affirme le compagnon. Travailler, c'est mettre en oeuvre, c'est édifier (au sens maçonnique). Et cela demande un travail constant. Et c'est pourquoi les Frères n'aspirent pas au repos, V\ M\... L'aspiration, l'objectif, la Cathédrale, ce sont là les motifs de notre progrès. Le progrès est le but suprême de l'Homme et le travail la voie vers ce progrès. Qu'il soit technique, social, intellectuel, ou moral, politique, le progrès c'est la vie. C'est le mouvement en avant de l'Homme et de la Civilisation. Pour terminer ce chapitre, je voudrais citer Oswald Wirth avec un extrait de son livre « Le Symbolisme Hermétique dans ses rapports avec la Franc-Maçonnerie » : « Le Compagnon » dit-il, « a l'ambition de savoir travailler. Travailler ne signifie point s'agiter beaucoup, en dépensant brutalement ses forces, à l'instar des Cyc1opes, dont le manque de discernement est figuré par l'oeil unique que leur attribue la mythologie. L'Initié travaille avec intelligence, éclairé par sa compréhension qui lui permet de s'assimiler la Gnose. Il ne saurait, en cela rester uniquement actif (comme le Cyclope), car, pour comprendre, il faut de toute nécessité se rendre passif ou réceptif au point de vue intellectuel. Combiner judicieusement l'activité et la passivité, telle est la condition indispensable de toute action féconde. C'est pour cela que le Compagnon est appelé à posséder à fond la théorie des deux Colonnes, alors que l'Apprenti n'en connaît qu'une seule, dont il épelle péniblement le nom. L'initié devient en quelque sorte androgyne, parce qu'il unit l'énergie virile à la sensibilité féminine... ». V. CONCLUSION Saturne est une clé si l’on veut comprendre le vrai sens du mot travail. L'acte essentiel de la vie économique reste le travail. Il faut travailler pour vivre. Mais travailler nous aide aussi à structurer nos relations. Le travail éduque, exerce l'homme dans son rapport à la matière et à ses semblables. A travers quoi l'homme devient Homme, développe sa maîtrise et sa compréhension des choses, de lui-même et donc de la Vie. En apprenant à intégrer ses différentes composantes et à vivre en harmonie avec son environnement, l'homme effectue un véritable travail. Son travail. Ce pourquoi il est là. Dans ce sens, le travail définit l'homme. Mais chaque médaille a son revers et le travail peut aussi nous emprisonner. S'en libérer nous demande un effort créatif. Je dis effort car il faut de la force pour renverser la vapeur. Car si l'on considère le travail comme un processus et une forme de développement, l'individu gagne en valeur par le travail qui donne un sens à sa vie. Il affirme son identité, gagne en reconnaissance et conquiert sa liberté en développant ses capacités créatives. Ainsi il prend sa vraie place,
occupe son rôle et devient Lui-même. Non sans
travail (sur lui-même). La société
devient plus cohérente et plus unie ce qui autorise le vrai
progrès. Le vrai travail consiste à trouver ce qu'est le vrai Travail. Dans ce sens, il est à la fois un devoir, un droit et le garant de notre liberté d'être Homme dans l'Ordre Universel. Peut-être le travail est-il l'essence de notre vie ? En tous cas, il est l'essence de la Franc-Maçonnerie. J'ai dit VI. BIBLIOGRAPHIE-L'Alchimie Spirituelle, R. Ambelain -Un cerveau pour changer, Richard Bandler, InterEditions, 1993 -Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie, Daniel Ligou, P. U.F., 1991 -Dictionnaire Noms Communs / Noms Propres, Larousse, 1994 -Dictionnaire de Philosophie, Gérard Durozoi et André Roussel, Nathan, 1993 -Economie générale, Alain Beitone - Christine Dollo - Jean-Pierre Guidoni - Alain Lergardez - Jean-Marie Lamotte, Economie et Gestion Sirey - Dalloz, 1994 -Efficiency, Herbert Cassons Philosophie des Erfolgs, Adof Wirz, Orell Füssli, 1986 -La Franc-Maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes - Il Le Compagnon, Oswald Wirth, Dervy, 1979 -La Guérison par les Fleurs, Dr Eward Bach, Le Courrier du Livre, 1991 -Humanisme N'214-215, Revue des Francs-Maçons du Grand Orient de France, Edimaf, 1994 -Ibrahim, Darius Weber, Darius Weber, 1993 -La Médecine de l'Ame du Dr. Edward Bach, Léon Renard, Ed, du Rocher, 1994 -Une Nouvelle France, réflexions 1, Jacques Chirac, Nil éditions, 1994 -La P ‘rogrammation Neuro-Linguistique, Reine Lepineux - Nicole Soleilhac - Andrée Zerah, Nathan pédagogie, 1994 -Savoir l'entendre, savoir l'aimer, Nancy Samalin, J'ai Lu, 1994 -Schlüsselworte zur Astrologie, Hajo Banzhaf /Anna Hebler, Kailash, 1994 -Le Symbolisme Hermétique dans ses rapports avec la Franc-Maçonnerie, Oswald Wirth, Dervy, 1993 -Le Travail, Pierre Bouvier, Que-sais-je ?, Presses universitaires de France, 1991 -Différentes synthèses de travaux sur la deuxième question à l'étude des Loges de la Grande Loge de France pour l'an 5993/5994, « Le travail comme droit fondamental de l'Homme et facteur de cohésion sociale de la Cité ». |
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