Causerie en Loge de Compagnons

Chacun le sait. Toutes les étapes du parcours initiatique sont des clés sur le chemin de la connaissance. Connaissance sans laquelle nous n'aurions pas la sagesse nécessaire pour accomplir utilement notre juste part dans la mission que la F\ M\ s'est assignée : travailler au perfectionnement de l'humanité.

La symbolique du voyage est dans tous nos degrés et particulièrement comme on vient de le voir ou revoir au second, faisant référence explicite à nos origines historiques. Le mythe du voyage remonte à la plus haute antiquité. Je citerai simplement Ulysse dans l'Odyssée et Jason à la conquête de la Toison d'Or. Il demeure toujours présent chez les compagnons bâtisseurs, astreints au Tour de France.

Pendant des siècles le compagnonnage fut le grade quasi unique des ouvriers du devoir puis des maçons spéculatifs. Ce n'est qu'à partir de 1730 que la F\M\ moderne s'organisa en 3 grades. Ce que d'aucun appellent encore les sublimes degrés n'étant inventés qu'à la fin du XVIIIème siècle.

Il ne fait aucun doute, en effet qu'en créant la F\ M\ moderne Désaguliers et Anderson recherchaient moins la spiritualité que la rencontre, le dialogue et la tolérance dans l'époque troublée où ils vivaient. En considérant également que si le but du monde est le développement de l'esprit, la première condition du développement de l'esprit c'est la liberté, liberté indispensable aussi pour voyager.

Ainsi après « Connais-toi, toi-même » au premier degré, le second avec autant de force invite à agir avec les autres, à poursuivre au dehors l'œuvre commencée dans le temple. Aller à la rencontre de l'homme, c'est accepter aussi sa différence (l'EGALITE) mais aussi l'idée de partage qui résultera de cet échange (la FRATERNITE). Voyager, j'y reviens, c'est vouloir connaître autre chose ou davantage, une démarche qui nécessite tolérance et humilité mais aussi sagesse et curiosité.

Les réponses aux questions posées, entraînent de nouvelles questions car le savoir ne peut-être figé pour celui qui veut aller au fond des choses. Pour qu'il puisse questionner, interpeller, mais aussi s'identifier et témoigner, le compagnon a retrouvé l'usage de la parole. Une parole qu'il lui faut cependant maîtriser pour ne pas se saouler de mots de la même façon qu'il doit maîtriser ses gestes pour le bon usage des outils confiés.

Libre de sa parole, le compagnon est libre de voyager pour chercher du travail à sa convenance. Cette liberté est symbolisée par le cinquième voyage qui s'effectue les mains libres. Lors de son intervention la marche du compagnon lui signifie qu'il peut aller à sa guise. Les deux pas ajoutés aux pas de l'apprenti indiquent qu'il n'est pas tenu de suivre immuablement la même direction.

A nous donc, Compagnons, d'explorer les sentiers de la vie, de nous abreuver aux techniques, aux sciences, à la connaissance des choses et des êtres. Ayons la passion du curieux et du dehors. Alors que la loge d'apprenti ne reçoit aucune lumière du dehors, la loge de compagnon est en communication avec le monde extérieur par trois fenêtres ouvertes.

La première fenêtre donne à l'Orient. En référence à la lumière du matin qui dissipe les ténèbres, elle invite à la découverte qui repousse erreurs et préjugés.

La seconde est au midi, là où pénètre la pleine lumière du jour. Elle signifie, qu'à la différence de l'apprenti qui risquait l'aveuglement, le compagnon doit voir les choses telles qu'elles sont, et ne pas craindre la vérité nue.

La troisième fenêtre est ouverte sur l'occident là où le jour décline dans la beauté rougeoyante du soleil couchant. Elle annonce le chant des adieux et la chaîne d'union, le lien entre le présent et le passé, la nécessité du devoir de mémoire.

Alors que les voyages de l'apprenti sont des épreuves à l'intérieur du temple, ceux du compagnon, dont la curiosité est éveillée par la lecture des cartouches, se déroulait à l'extérieur (symboliquement du moins). Les cartouches ne sont ni le simple rappel de ce que hier nous apprenions au cours élémentaire, ni l'annonce du savoir encyclopédique à acquérir pour accéder au grade suivant.

Les cinq sens sont les portes qui font communiquer le dehors et le dedans. Les ordres d'architecture évoquent l'évolution dans l'art de bâtir, le progrès, le pilier qu'il nous reste à construire sera notre œuvre et non une copie. Les sept arts libéraux résument la connaissance du monde, du moins telle qu'on la concevait au siècle des lumières. Le quatrième voyage propose quelques grands hommes, grands initiés, qu'il est recommandé d'avoir pour modèle. Le dernier cartouche « Gloire au travail » annonce l'action ésotérique développée dans la déclaration du V\ M\ qui suit.

Au delà de son aspect contemporain désuet voire pompier, c'est la dimension missionnaire du travail qui est exaltée. Comprenons nous bien. Le vulgaire travaille pour vivre alors que le sage vit pour travailler. L'initié refuse le mythe du paradis terrestre, lieu de félicité, où l'humanité n'aurait qu'à se laisser vivre à la façon des animaux de compagnie. L'initié suit l'exemple du serpent séducteur. Il cherche à mordre aux fruits de l'arbre de la connaissance avec l'ambition de comprendre le monde pour aller toujours plus loin, toujours plus haut. Cet en avant, qui est notre vocation, nous oblige à nous investir dans la découverte des réalités d'aujourd'hui, biotechnologies, modifications génétiques, Internet…toutes aussi importantes dans notre vie quotidienne que pour l'avenir de l'humanité. Sinon ce monde, notre monde, demeurerait ou deviendrait pour nous, incompréhensible, insignifiant et vain.

Il convient donc, cette modernité et cette mondialisation de les maîtriser, de les transcender par des valeurs d'éthique, de générosité et d'altruisme. Ces valeurs, nos valeurs se retrouvent partout dans notre enseignement traditionnel et bien sûr dans les voyages du compagnon.
Elles sont rappelées dans les commentaires qui commencent et terminent chaque voyage.

1er Voyage : rappel du connais-toi toi-même, contrôle de la recherche.
2ème Voyage : ne jamais dévier, s'élever sur les hauteurs de façon désintéressée en gardant les pieds sur la terre.
3ème Voyage : recherche de la Vérité, modestie, égalité entre les hommes.
4ème Voyage : rectitude, loi morale façonnée par les grands initiés de tous les temps.
5ème Voyage : le travail devoir impérial pour coopérer à l'exécution du grand œuvre.

Voici mes FF\ compagnons le rappel de ce que le second degré nous enseigne. Parfois d'aucuns oublient que la F\ M\ est tout autant un ordre séculier qu'un ordre régulier. Le pavé mosaïque nous invite à synthétiser ces deux concepts. N'oubliez pas en effet, compagnons, que nous sommes et restons aussi d'éternels apprentis. Avant d'agir individuellement dans la cité ou sur le forum il convient que nous méditions collectivement dans l'égrégore de la loge là où l'on apprend que le regard est plus important que la chose regardée. La loge en effet est et doit demeurer l'espace sacré où s'élabore la pensée illuminée de nos principes transcendants.

Cette pensée, cette éthique, à nous compagnons de la faire fructifier dans le monde visible, tout comme les grains de blé enfouis dans la terre pour germer donneront au soleil et à l'air libre de beaux épis.

J’ai dit, V\M\

P\ S\