GLDF | Loge : NC | 2007 |
Schibboleth
- Tubalcaïn
Le grade de compagnon peut donner lieu à de nombreux commentaires inspirés par la connaissance que nous pouvons avoir de la tradition d’Hermès. Ce grade a pour but de compléter l’enseignement et la préparation de celui qui aspire à recevoir l’initiation de la maîtrise. Le rituel ne manque pas de le proclamer : « Soyez donc attentif, le temple de la franc-maçonnerie va s’éclairer ; vous allez connaître de nouveaux symboles et découvrir le monde extérieur. Dans les épreuves de votre réception au grade d’apprenti, vous avez été purifié par les éléments. Dans celui du grade de compagnon, vous allez être mis en possession des moyens et des objets de la connaissance pour vous réaliser en employant les outils symboliques et vous exprimer en utilisant les moyens représentés par les arts libéraux » Le deuxième grade du rite enseigne que les moyens de la connaissance sont le travail, le devoir ainsi que le savoir et que le premier objet de la connaissance pour chaque franc-maçon est lui-même : « Connais-toi, toi-même » est la devise du grade que chaque novice doit faire sienne et mettre en action. Le travail du compagnon consolide celui de l’apprenti et doit lui permettre de prendre en main, d’une manière ferme et assurée, les outils avec lesquels il va tailler la pierre, faire mûrir le métal. Après le temps de Schibboleth vient le temps de Tubalcaïn. Schibboleth est le mot de passe au grade de compagnon. Ce nom est donné à l’apprenti pour lui permettre d’accéder au grade de compagnon. Nous pouvons lire dans le rituel cette déclamation : « Je vais vous donner maintenant une preuve de confiance. Elle est constituée par la communication d’un mot de passe qui conduit au grade auquel vous aspirez d’être admis. Ce mot de passe est ‘ schibboleth’. Schibboleth signifie épi et il est représenté sur le tableau du 2ème degré par un épi à coté d’un cours d’eau, allusion à un passage relaté par la Bible au livre des Juges (12, 5-6). » Il apparaît à la lecture de ce texte que l’apprenti ne peut franchir la porte de la chambre des compagnons que parce qu’il possède le mot ‘schibboleth’, qui figure un épi. Le symbole de l’épi indique que la semence reçue par le profane lors de son passage de l’état de pierre brute à celui de pierre taillée, a germé en lui. L’association de l’épi à un cours d’eau, représentée sur le tableau du grade, accentue l’idée du passage d’un état de nature, celui de la terre confuse, à un autre, celui de la terre spiritualisée. Le symbolisme du cours d’eau évoque l’écoulement des eaux, lesquelles comme la vie terrestre, ne repassent jamais deux fois au même endroit. Selon l’évènement biblique auquel il est fait référence, il ne s’agit pas ici de descendre, ni de remonter le courant, mais de traverser le cours d’eau, c’est-à-dire de franchir un passage pas nécessairement sans difficultés, celui conduisant l’apprenti au statut de compagnon. Le symbole de la traversée d’un cours d’eau est très ancien. Nous le trouvons dans le taoïsme. Les novices doivent franchir un fleuve lors de l’équinoxe du printemps. Cette épreuve marque le passage du yin au yang. Les statuts des philosophes inconnus auquel le baron de Tschoudy accorde une grande importance, car, dit-il, « ils sont trop relatifs à ceux des Maçons qui semblent calqués sur ceux-ci »ffff, enseignent que les quatre éléments contiennent la semence avec laquelle le philosophe peut accomplir son œuvre. (1). La semence, schibboleth, évoque l’agriculture céleste, nom que les Anciens donnaient à l’alchimie, parce que, nous rappelle Fulcanelli : « elle offre dans ses lois, ses circonstances et ses conditions le plus étroit rapport avec l’agriculture terrestre… ..l’analogie hermétique apparaît aussi fondée sur l’art du cultivateur. De même qu’il faut une graine pour obtenir un épi – nisi granum frumenti – de même il est indispensable d’avoir la semence métallique afin de multiplier le métal ». (2) L’apprenti reçoit la semence de l’esprit et par son travail la multiplie, la fortifie et parvient à un état de maturité qui permet de prétendre de devenir compagnon. Tubalcaïn est le mot de passe du grade de maître. Selon un cérémonial comparable à celui que nous venons d’évoquer au sujet de l’admission de l’apprenti au grade de compagnon, le compagnon qui aspire à devenir maître et auquel toutes les qualités et les compétences nécessaires ont été reconnues, reçoit le mot de passe. Tubalcaïn, indique le rituel, « a été le premier artisan mythique qui a travaillé les métaux. Son nom suggère la possession du monde ». Le nom est emprunté à la tradition monothéiste judéo-chrétienne. Selon le livre de la Genèse, Tubalcaïn, fils de Lemech et de Trilla’ « forgeait tous les instruments d’airain et de fer ». Nous pourrions être surpris que la tradition maçonnique qui fonde son corps symbolique sur le travail de la pierre, l’art de bâtir, prenne le nom d’un artisan travaillant le métal pour symboliser le compagnon demandant son entrée dans la chambre des maîtres. En fait, nous sommes en présence du témoignage de la correspondance traditionnelle entre le travail de la pierre et celui du métal ainsi que de l’influence de la pensée alchimique au sein de la tradition maçonnique. Tubalcaïn est, suivant l’indication biblique, un descendant de Caïn, dont le nom signifie forgeron, selon l’araméen et l’arabe. Il a reçu les enseignements permettant de devenir maître des forges, maître du feu et maître de l’art du feu. La maîtrise de l’art du feu permet de mettre en œuvre le travail de purification du métal, dans ses étapes successives et d’abord la première, celle de l’œuvre au noir qui s’effectue, au plan physique, par calcination et dissolution, séparation et coagulation. Tubalcaïn, le maître du feu, est le nom de l’artisan mythique qui sait faire mûrir le métal, le façonner et le transformer. Le novice, parvenu au terme de l’enseignement des deux premiers grades est lui-même Tubalcaïn. Il a acquis la maîtrise du feu, de l’énergie qui est en lui. Il peut construire, grâce aux outils et aux connaissances qu’il sait utiliser, son temple intime et séparer, ainsi que l’enseigne Hermès, dans la table d’Emeraude, la terre du feu, afin d’être habité par la vraie lumière, celle de l’esprit. Guy PIAU Extrait de son livre « Tradition Alchimique et Tradition maçonnique » - chez Detrad aVs - Paris 2OO7 (1) - Baron de Tschoudy : L’Etoile flamboyante - 1766 - réédition Gutenberg reprints - Paris 1979. (2) - Fulcanelli : les Demeures Philosophales - chez Jean Jacques Pauvert - Paris 1977 |
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