DH | Loge : NC | 12/10/2007 |
Le CompagnonnageS’imaginer réaliser en quelques minutes un tableau comparatif complet entre les compagnons opératifs et nous – mêmes francs – maçons élevés au 2nd degré dits spéculatifs est une véritable gageure. Toutefois, il y a presque 15 ans, élevée au grade de compagnon, dans un moment de fraternité, j’ai partagé avec les compagnons déjà présents sur la colonne du Sud le pain et le vin donnant ainsi à ce mot compagnon tout son sens ; l’étymologie de ce mot étant pour le moins significative puisque com : :avec et panis : le pain (donnant ensuite le mot copain ). Le nouveau compagnon reçoit aussi un bâton orné de 5 cinq rubans de couleurs différentes et dans certains orients une besace, ce que les compagnons opératifs appellent la malle à 4 nœuds. Autant dire que cela est de bonne augure pour le voyage et donc le pas vers l’extérieur proposé au maçon ainsi paré. Goethe ne nous dit-il pas : « un gai compagnon dans un voyage à pied vaut un carrosse ». L’invitation au voyage et cette dimension de l’espace est sont symbolisés par la présence de 2 sphères, l’une terrestre , l’autre cosmique, représentations de l’enseignement ésotérique et initiatique dans le temps et dans l’espace : la matière ayant servi de support à l’esprit, le travail produit sur nous-mêmes nous permet de nous projeter à l’extérieur, dans un souhait d’harmonie. Pour nous francs- maçons spéculatifs quelles valeurs ont donc ces symboles tandis que par le monde voyagent des ouvriers membres d’une même profession regroupés dans un but d’instruction professionnelle et d’assistance mutuelle et qui portent ce même nom compagnons : compagnons du Tour de France. ? Ont-ils, avons – nous même but , même idéal et qui sont-ils ? Il est vrai que nous avons en commun des symboles tels la canne, l‘équerre, le compas par exemple mais aussi des rites communs. Si l’origine du compagnonnage se situe vers le 13ème siècle , la franc – maçonnerie date de 1723 avec les constitutions d’Anderson et cependant les 3 mouvements du compagnonnage comme nous francs- maçons puisent leurs sources dans la construction du temple de Salomon. Et si la transmission initiatique se fait pour chacun par le biais de légendes et de mythes, ceci se fait dans le respect du secret, ce que j’appelle le vécu, l’indicible mais aussi dans le respect de cette transmission. Fruits des connaissances initiatiques et de métiers, acquises et transmises au cours des âges ( voir les étoiles de Compostelle), la preuve de cette transmission est omniprésente dans ces livres de pierre que sont les cathédrales où l’on peut y voir les nombres sacrés ; le nombre d’or( leur loge est nommée carré long), les mesures mystérieuses dont tout particulièrement l’art du Trait, méthode graphique permettant d’étudier et de tracer des volumes en pénétration. Selon le compagnon Raoul Vergez, le Trait, c’est le nombre d’or des compagnons, le Trait c’est la géométrie descriptive des chefs d’œuvre mystiques. C’est ce qu’indique le carnet de Villard de Honnecourt à la fin du 13siècle : « ici commence la méthode du trait pour dessiner la figure ainsi que l’art de géométrie l’enseigne pour facilement travailler ». C’est pourquoi ; bien avant l’époque carolingienne, ces tracés ont permis la construction de monuments dont certains ont survécu et toutes ces cathédrales qui semblent défier le temps. Quant à la Bible , elle spécifie par ailleurs que lors de la construction du temple de Salomon, il n’y avait nul bruit de marteau, ni de hache ni d’aucun instrument de fer car les pierres étaient taillées avant d’être apportées autant dire si tout avait été minutieusement prévu. En fait, l’architecture traditionnelle répond aux notions d’harmonie en intègrant la pensée spirituelle aux valeurs matérielles, en utilisant la loi des nombres, les formes géométriques basées sur le point, le cercle , le triangle , le carré , le carré long et bien sur le nombre d’or encore appelée divine proportion. Il faut observer que les marques laissées par les compagnons bâtisseurs sont très souvent à l’intérieur de la construction et sont non visibles ; ceci afin de permettre l’identification d’un travail afin d’en payer l’auteur selon son mérite ou leur provenance par exemple la carrière ou encore de repère de pose dans le plan. Les ouvriers concepteurs de toutes ces cathédrales et autres ouvrages, agissent en unissant leur dextérité, leur habileté leur savoir, mais aussi leur pensée et leur raisonnement, tout cela probablement avec un dépassement d’eux- mêmes, dépassement qui les conduit vers le sacré, vers le spirituel. En effet, Les 3 devoirs que sont ceux de maître Salomon, maître Soubise et maître Jacques sont issus d’un métier celui de l’art de bâtir, c e que nous appellerons l’Art royal. La maçonnerie pour sa part, comme nous le dit Bédarride ne peut se passer du symbole car elle est un art et tous les arts recourent au symbole. Le symbolisme est d’ailleurs la langue propre à la maçonnerie ; une langue spécifique que comprennent tous les frères et sœurs en tous lieux. Si l’Art est un état d’esprit ; l’Artiste est celui qui a conscience que, par chacun de ses gestes il peut créer quelque chose d’unique et d’original et qu’il se doit pour cela de développer ses capacités en corrélation avec une analyse de lui-même. Rodin l’exprime ainsi : l’Art est la plus sublime pensée puisque c’est la pensée de l'homme qui cherche à comprendre le monde et à le faire comprendre L’artisan, a contrario se définit comme le travailleur exerçant à titre personnel un métier manuel souvent à caractère traditionnel et il est capable de réaliser en plusieurs exemplaires la même œuvre. Le franc- maçon qui est homme ou femme désirant produire du sens et non en reproduire est artiste et non artisan ; lui aussi il pratique l’art royal . Il est un être libre qui agit et ne se contente pas de réagir car libéré de ses entraves par un travail sur lui- même et une réflexion personnelle. Devenu être parlé et non parlant capable de réunir ce qui est épars ,il peut donc prétendre construire. Pour construire , les compagnons utilisent un symbole commun qu’est celui de la géométrie. Inventée par Euclide, 5ème des arts libéraux(talents en latin) la géométrie( geo = terre; metron= mesure) se définit dans les manuscrits Régius et Cooke, comme l’art de mesurer toutes choses sur la terre et dans le ciel ; laquelle science est nommée maçonnerie ? Il est précisé que toutes les sciences sont contenues dans la géométrie c’est peut-être ce qui fait dire à Platon ce fameux : « nul ne peut entrer ici s’il n’est géomètre ». Si la géométrie, a pour base l’architecture, elle est révélée aux compagnons, tailleurs de pierre comme le devoir du maçon d’unir en un faisceau harmonieux, obéissant aux lois de la sagesse, les lignes confuses de l’esprit humain. Cela conduit à l’art du trait dont la science est transcrite par le compas et l’équerre. Instruments indispensables aux grands bâtisseurs depuis l’Antiquité et symboles de leur savoir, compas et équerre ont tous 2 participé à la construction de merveilles tels que les pyramides, les temples, les cathédrales etc. Simples outils des géomètres, dessinateurs, architectes, menuisiers, charpentiers ou maçons ils servent à tracer pour l’équerre( du latin quadra ; carré) qui est fixe des angles droits et autres formes géométriques : carrés, rectangles, losanges…et donc élaborer des perpendiculaires ; .pour le second qui est mobile, le compas( du latin compasserer : qui partage le même pas, la même mesure ; même préfixe com que dans compagnon signifiant: avec) constitué de 2 branches mobiles et d’une tête fixe permet de dessiner des cercles, spirales, rosaces, arcs et de rapporter des mesures Il est emblème de précision. Actif ses 2 branches peuvent s’écarter jusqu’à se transformer en une ligne droite tendant vers l’infini, évoquant la vie de l’esprit Il permet aussi de marquer les limites de l’édifice et de chacune de ses parties, d’en fixer les proportions. C’est sans doute pour cela que les 5 points de la méthode du Compagnon nous rappellent qu’il faut donner une limite à nos raisonnements et ceci afin de ne pas nous égarer en de fallacieuses contingences , rappel aux limites que le maçon doit s’imposer lui- même dans ses désirs et sa conduite. L’équerre, bijou du vénérable est symbole de rectitude, alliance de l’horizontale et de la verticale. Il représente la droiture, l’équité. En effet l’équerre renseigne chaque partie de l’édifice prise séparément et vérifie si elle est propre à s’intégrer dans l’ensemble. L’’équerre est là pour de nous permettre de donner aux mots leur sens propre. Pour Wirth : sans équerre pas de taille correcte. et c’est ainsi qu’en entrant dans le temple, les pieds à l’équerre, le franc- maçon s’engage à agir selon le droit et le devoir. Appartenant aux 3 grandes lumières de la FM, la position du compas sur l’autel des serments est variable. Au grade de compagnon, ses branches sont entrelacées avec celles de l’équerre indiquant ainsi que l’esprit commence à dominer la matière Ils sont indissociables car complémentaires, réunions de 2 contraires : actif et passif, action et réflexion, ils nous indiquent qu’action sans réflexion ni raison ne sont que chaos et anarchie. Cette image du compas et de l’équerre entrecroisés est l’image représentative de toutes les institutions compagnonniques signifiant qu’il n’y a pas prééminence du faire sur le savoir ni du savoir sur le faire. L’esprit conçoit et la main réalise. Le compagnon possède aussi une canne. Celle-ci est faite d’une tige de jonc ou rotin. Jadis, le mot rotin signifiait argent et donc pour le compagnon avoir une canne, c’était avoir un rotin et donc de l’argent. A l’opposé, l’expression populaire ne pas avoir un rotin signifiant : ne pas avoir d’argent. La canne est de hauteur variable ; le bras tenant la canne par le pommeau doit être en équerre avec le corps. Le pommeau comporte quelques inscriptions telles que le nom compagonnique, la société ou la date de réception…les diverses positions de son port forment un langage ésotérique selon que le compagnon est en devoir , entre en chambre, adopte une position de mépris , de provocation ou défense, de confiance , ou encore de demande la paix ou le salut Outil de mesure pour les maîtres d’œuvre médiévaux et depuis la plus haute Antiquité, les 5 segments qui la composent sont la paume, l’empan la palme, le pied et la coudée. La canne ou bâton du latin bastrum, bastare : porter est un morceau de bois rond, allongé, servant à l’équilibre, à l’appui, preuve d’aisance, ne dit-on pas « une conversation à bâtons rompus ou à l’inverse preuve de difficultés : « le bâton dans les roues », Utilisé pour punir, contrairement à l’inoffensif bourdon du pèlerin, le bâton du compagnon du Devoir ne servait pas uniquement pour la marche ainsi que nous l’indique Agricol Perdiguier : Dans chaque compagnonnage, on apprenait à manier la canne, le bâton, à assommer promptement son homme. La canne de notre maître des cérémonies lui sert de guide, elle rythme son pas au cours de ses déplacements dans la loge. Elle n’a aucune valeur d’arme et s’il est un point sensible c’est celui de la fraternité qui n’est pas celle que nous pourrions imaginer et qui n’existait pas du moins pas entre les compagnons des différents devoirs. Les rencontres étaient source de querelles, de bagarres, de bastonnades très fréquentes. Fort heureusement et du moins, je l’espère les francs- maçons ont un idéal de fraternité ; c’est d’ailleurs à l’établissement d’une réelle fraternité qu’a longuement travaillé Agricol Perdiguier. Parmi les autres points communs, je voudrai vous citer brièvement grâce à Toussaint Guillaumou dit Carcassonne le bien aimé du tour de France, le rituel d’entrée chez les compagnons. Tout d’abord l’isolement dans une cave ou un grenier selon les circonstances, analogie avec notre cabinet de réflexion. L’aspirant vient faite le saut, c’est à dire va être initié. Il se dépouille de tout ce qu’il a sur lui donc ses métaux, est amené à voyager en tous sens dans l’endroit où il est : la Cayenne ; pour nous le temple, il est muni d’un bandeau ; C’est par 3 coups à la porte qu’est introduit l’aspirant et il est dit ; quel est l’audacieux qui ose frapper à cette porte et il est répondu : c’est un brave aspirant qui désire se faire recevoir. Il est aussi indique que pour pallier aux frais occasionnés par les procès, mauvaises affaires et autres calamités, les compagnons s’engageraient à battre la fausse monnaie ( en bref le tronc de la veuve), il prête serment et est menacé de mort s’il le trahit. Lorsque enfin il a prêté serment que demande t-on pour lui : la lumière. les analogies sont donc nombreuses. N’oublions pas non plus les grades : aspirant, compagnon reçu puis compagnon fini avec à chaque étape une cérémonie et un chef d’œuvre à réaliser à la fin du périple ainsi que les 3 points qui suivaient la signature ou les initiales d’un compagnon. Je citerai aussi la chaîne d’alliance en analogie avec notre chaîne d’union. Car au final, compagnons du tour de France ou compagnons francs – maçons tous deux sont issues de la Tradition, cette Tradition dont Henri Tort Nogues indique qu’elle consiste comme toute culture authentique à puiser dans tout le passé humain les matériaux indispensables à toute édification humaine, c’est à dire à transmettre à la jeunesse l’essentiel du passé culturel et cela dans sa diversité ; ses contradictions, dans sa pluralité et toute sa richesse, cette transmission qui est l ’un de nos devoirs essentiels ! A\
B\
|
6016-4 | L'EDIFICE - contact@ledifice.net | \ |