Obédience : NC Loge : NC Date : NC


Le Compagnonnage

Le travail manuel a de tout temps concouru à rapprocher les hommes qui avaient à cœur de toujours mieux faire. La réalisation de grands travaux à suscité une fraternité parmi ceux qui se retrouvaient dans l'esprit créateur.

Le compagnonnage est issu de cet état d'esprit, contemporain de religions depuis longtemps disparues, comme elles, il a son patron : Salomon son martyr Hiram, ses prophètes : Maître Jacques, le père Soubise, ses rites, ses mystères, sa théologie, sa hiérarchie : aspirant, compagnon, compagnon fini.

Il ne prétend pas à l'universalité et reste en marge des religions et des querelles politiques. Les formes de société lui sont indifférentes, dans la mesure où la liberté lui reste, et il sait la défendre quand ça devient nécessaire. Là où le travail, la connaissance du métier et la perfection
de l'ouvrage, les obligations envers ses frères, la solidarité dans les épreuves comme dans les réjouissances, telle est la loi des compagnons. Cette loi a un nom, elle se nomme Le Devoir.

Un compagnon vit dans le cadre d'obligations professionnelles, mais aussi d'obligations morales à l'égard des autres hommes et de lui-même. Il ne peut s'écarter de certaines règles d'honneur sans être par ses frères, dans les cas graves, réprimandé, puni ou exclu. Un compagnon honnête et fidèle n'est jamais abandonné par les siens. Après son apprentissage, le jeune compagnon va de ville en ville pour parfaire ses connaissances professionnelles. Vivant de son travail il trouve accueil et soutient chez la Mère, il sera présenté pour embauche chez un patron. Son travail terminé, il trouvera au sein de la Cayenne : esprit familial, conseils pratiques et perfectionnement moral. Il participera aux réunions, fêtes et banquets, se montrant respectueux et poli envers les anciens et ses frères, ne parlant qu'à bon escient, il écoutera les autres pour sa propre édification.

La Mère veillera sur sa conduite, le conseillera où le mettra en garde. Elle a le droit de réprimande et de rappel au Devoir. Il doit accepter ses conseils et reproches avec humilité et respect comme venant de sa propre mère. Si le malheur s'abat sur lui, il trouvera, dans la Cayenne et chez la Mère consolation, aide fraternelle. Il ne pourra quitter la ville sans être en règle envers tous, continuant ainsi son périple, s'étant perfectionnées dans son métier, ayant élargi le cercle de ses connaissances il tendra à devenir un homme complet estimé de tous, son Tour de France terminée, le compagnon restera en rapport avec son Devoir. S'il devient Singe à son tour il réservera bon accueille aux jeunes compagnons sur le tour, les embauchera de préférence et leur enseignera les secrets du métier.

Les historiens ont souvent mentionné les grands travaux accomplis au cours des siècles, par contre, l'histoire des bâtisseurs est restée longtemps négligée. Il ne reste des temps très anciens que la légende transmise oralement et souvent déformée. Pour cette étude je me suis référé à
l'ouvrage de Martin Saint Léon publié en 1901 pour les faits historiques, au travail du Pays Élie Leroux « Agenais la philosophie de l'union » pour la légende. Page 2. (Écrit à la main en rouge).

Les bâtisseurs porteurs de secrets professionnels liés entre eux par leurs métiers et par leurs élèves, devaient affronter les dangers et les risques du travail quotidien, une solidarité ou une rivalité les unissait dans les risques du travail quotidien et il est évident qu'ils avaient besoin de se reconnaître entre eux et de se défendre contre ceux qui n'avaient pas sur le travail le même désir de bien faire. (Écrit à la main en noir) Une image reproduite par Roger L’écôté montre une réception rituelle des compagnons par le Grand Maître des Templiers sur le chantier des fortifications de la ville de Rhodes menacée par les Turcs et datée de 1480.

Le plus ancien document retrouvé date de 1540. Il y est question de la mère des compagnons de Dijon. Mais l'histoire compagnonnique s'appuie davantage sur la tradition orale que sur les écrits. Au-delà des documents historiques et il n'est pas interdit de penser que l'organisation compagnonnique remonte loin dans les siècles, la tâche des bâtisseurs les conduisant à une solidarité quotidienne, à une obligation de se reconnaître, à une organisation pour se défendre.

L'art du travail nous vient de la Chine et l'Inde, les peuples occidentaux n'ont pris part à cette évolution que tardivement, subissant une poussée lente qui de l'Égypte est passée en Grèce, pour gagner l'empire romain la Gaule, la Grande-Bretagne d'un côté, la Germanie et les pays scandinaves de l'autre. Le commencement de la période constructive peut-être située vers 3500 avant J.C. Vers 1500 Ourouk de la 6ème dynastie égyptienne fait appel à une tribu indienne de constructeurs. Vers 1500 un maître d'œuvre signant Senmount bâtissait le temple de Deir-El-Bihari pour la reine des assyriens Hasphositou. Ces premiers constructeurs adossaient leurs édifices aux montagnes pour faciliter leur tâche. Vers l'an mil se situe la construction du Temple de Jérusalem. Le roi Salomon suivant la tradition, fait appel à son tour à une tribu de constructeurs venant de l'Inde. Cette tribu ayant reçu du roi la liberté de vivre suivant ses mœurs, son langage et sa religion, va s'installer autour de Jérusalem construisant une ville distincte. Cette société de constructeurs n'obéissait qu'aux ordres de son chef, cet élu qui avait traité d'égal à égal avec le roi Salomon s'appelait Hiram., sorte de grand prêtre que certains nommaient roi de Tyr.

Les travaux entrepris ne se bornaient pas à la construction du temple, un palais fut érigé à l'usage du roi ainsi que la citadelle, sa muraille d'enceinte et plusieurs villes fortes destinées à garantir Jérusalem contre l'incursion des peuples voisins. Une flotte de ravitaillement fut également construite avec l'aide d'Hiram. Ce peuple de constructeurs émerveillait par sa discipline, sa compréhension, par son amour pour le travail. Le premier office célébré dans le temple donna lieu à une grande fête. Tout le peuple devait y participer, mais il fut décidé de laisser la tribu des constructeurs indiens participer à la fête suivant ses mœurs coutume et aspirations. Le dernier jour de ces fêtes, les clés du temple furent remises à Hiram par ses ouvriers, afin qu'ils puissent livrer l'œuvre finie. Le grand maître Hiram d'un seul geste de la main, mis en mouvement dans la plaine, sa multitude d'artisans suivis des apprentis et des manœuvres, tous suivant leur ordre corporatif, aux cris d'allégresse de : « Houzaie » mille fois répété.

Le grand roi ne pu s'empêcher de demander au grand maître, par quel pouvoir il pouvait dominer et faire agir cette mer humaine. « Ce jour lui dit Hiram, va être le plus beau de ta vie. En nous donnant la liberté, avant de te quitter, nous nous sommes déclarés satisfaits de tes conseils et de tes lumières. Ainsi nous allons t'éclairer de nos mystères, et te donner la lumière qui nous vient du lointain Orient ». Le roi Salomon fut ainsi initié aux mystères des compagnons et déclaré leur souverain. Depuis ce jour, ils devaient travailler sous l'égide du Saint Devoir d'Israël du Dieu Salomon, qui il leur avait donné le titre de Compagnon, celui qui mange le même pain un, qui partage le même vin. Les compagnons se dispersent alors pour continuer par le monde leur rôle de bâtisseurs. Une partie devait parcourir l'Afrique, une autre passé d'Égypte en Grèce, la troisième ferait retour au pays d'origine, l'Asie et l'Inde. Un mode de reconnaissance devait, à travers l'espace et le temps, faire que ses membres puissent se retrouver et se reconnaître. Salomon réunit les vieux initiés qui, en raison de leur âge, devaient rester sur les lieux. Il les groupa en un ordre des Gardiens du Temple.

Leur tâche était de veiller à la conservation des lieux et des rites. Voici pour la période de fondation et d'organisation, voyons maintenant la phase d'extension. Les professions avaient des limites imprécises, déterminées moins par la nature du travail que par la matière que l'on devait traiter. Une évolution des corporations se fit à partir de la pierre, puis des bois de charpente et des pièces de forge. À mesure que l'art se développait, l'architecture devenait plus audacieuse. Les compagnons opérèrent en Grèce pendant plus de cinq siècles. Vers 700 ans avant J. C.; Tyrénus roi Lydien emmène une colonie de Lydie en Italie et fonde la ville de Tachina. Les Romains recherchaient un luxueux confort qui donna un ressort aux industries de l'art : argenterie, bronze, mosaïque.

C'est l'époque de la naissance du plein cintre. La secte voyageuse allait de l'Orient à la conquête de l'Occident, par son travail et sa sagesse. Vers 600 avant JC c'est la fondation de Marseille par une expédition hellène de négociants. Par cette filière, les constructeurs s'installent dans le midi de la France, nous voyons au fil des siècles qui suivirent, surgir les villes d'Aix, Nîmes, Avignon, Arles, Narbonne, Toulouse, se construire monuments, arènes, palais, apportant l'art nouveau. Les armées romaines entraînaient avec elle leur horde de constructeurs qu'elles avaient enrôlés en Macédoine. Avec l'ère chrétienne, la religion commence à prendre de la puissance. Elle fait appel aux compagnons pour ériger ses monuments dédiés au nouveau culte, de la vallée du Rhône à celle de la Garonne : Saint Honorat aux îles de Lérins, Luxeuil, Saint-Jean. De Poitiers au premier siècle, Saint Potin à Lyon au deuxième. Saint-Martin de tour au troisième Saint Colomban en Angleterre au cinquième sont des étapes. Beaucoup d'autres qu'il faudrait mentionner, dont l'abbaye du Mont-Saint-Michel, datent de cette époque. On trouvera la trace des travaux des compagnons sous Clovis, Dagobert où son ministre Éloi fut initié à l'Ordre. Nous atteignions l'an mil, période des châteaux forts et surtout de l'érection des cathédrales. Une folie mystique s'était emparée des grands de ce monde devant les prédictions de la fin de la Terre.

Les gens abandonnaient leurs biens en offrande au Seigneur dans l'espoir d'être sauvés. Nous voyons surgir dans les deux siècles qui suivirent : Saint-Germain-des-Prés, Saint Rémi de Reims, Bayeux, Pont Aude mer, Saint-germain l'Auxerrois, Clairvaux, Lisieux, Reims, Laon qui marque le début de l'ogival en 1155, le Louvre, Amiens, Rouen, la Sorbonne. Notre-Dame de Paris commencée en 1163, on y officie en 1185, mais il faut trois siècles pour la terminer. L'histoire à ignoré les noms de ces maîtres d'œuvre, il est symptomatique de constater qu'ils ne sont connus
que par leur prénom associé au lieu de naissance : Jean de Châles construit à Paris, Robert de Luzarches à Amiens Robert de Coucy à Reims etc. Comment l'organisation compagnonnique était-elle construite ? Pour cela nous devons revenir aux gardiens du Temple.

Chassés à diverses reprises mais revenant toujours à leur lieu assumé, les gardiens continuaient à perpétuer l'ordre des compagnons du Saint Devoir. Un moine nommé Bernard fonda un hôpital vers 870 lequel était destiné à recevoir les pèlerins venus d'Occident visiter les lieux saints. Le développement de cette œuvre donna naissance à l'ordre des hospitaliers de Saint-Jean, étroitement liée avec les gardiens du Temple. Se rendant utiles pendant les croisades, ils gagnèrent à leur cause croisés et gentilshommes qui s'enrôlèrent dans cet ordre. Un deuxième ordre fut créé par d'autres, qui prirent le nom des chevaliers du temple. Ceux-ci furent initiés aux mystères de l'ordre par les gardiens. Une évolution se fit parmi les chevaliers du temple, le sentiment militaire reprenant le dessus, vers la spéculation et l'exploitation des pèlerins.

Ce nouvel ordre des Templiers grandit rapidement en nombre et en puissance. Les hospitaliers de Saint-Jean et l'Ordre des Templiers ne purent vivre en bonne harmonie. Ceux-ci se retirèrent en Acre et prirent le nom de Chevaliers de Saint-Jean. L'Ordre des Gardiens du Temple ayant abandonné tous ses pouvoirs aux Chevaliers du Temple, disparu. À la déroute de la septième croisade, les Chevaliers du Temple rentrèrent en France. Les Hospitaliers de Saint-Jean d'Acre passèrent à l'île de Rhodes puis sur l'île de Malte ou un groupe se fixa et prit le nom de
chevaliers de Malte. Ce fut l'ordre des Templiers qui patronna et fit travail les compagnons. Ceux-ci gardant leurs vieux dialectes indiens et leur religion, ne vivaient que pour eux, en nomades, sans amasser aucun bien. Tout deux mécontentaient l'église et le roi. L'un ne voulant pas se courber à la religion chrétienne, l'autre en s'enrichissant au point de disposer de la
nation.

Le rituel n'avait pas changé chez les compagnons, par contre les chevaliers abandonnant le rituel de leur fondateur avaient une initiation toute différente : après une nuit de contrition et d'abandon, jurant de travailler au bien particulier de l'ordre, rêvait ensuite d'aventures, recherchant l'autorité de et la renommée. Installés depuis 1268 ils devinrent les maîtres du royaume jusqu'au règne de Philippe le Bel qui a bout de ressources les extermina avec l'aide du pape Bernard de Cotte. Les survivants trouvèrent refuge chez leurs frères d'origine, les hospitaliers de Saint-Jean, qui par politique et à dessein, avaient été ménagés, reçurent même quelques biens en immeubles. Ceux-ci purent donc prendre le relais des Templiers et reçurent les compagnons sous leur tutelle. Ceci fut l'époque où nous assistons à une transformation de l'Art.

L'ogival primitif fait place au rayonnant et à l'ornementation, la rosace apparaît, les grandes fenêtres. Le recueillement fait place à la fête et au culte. L'art est accaparé par celui qui paye et commende. On travaillera pour la somme offerte et non pour l'amour du travail que l'on
fait et du plaisir qu'on en ressent. Certains édifices s'en ressentent. La cathédrale de Laon, commencée par Barthélemy de Vié et terminé par Gautier de Montagne, est faite de roman à la base puis d'ogival et de Renaissance. Le caractère collectif du compagnonnage se dissout avec la règle du profit. L'église omnipotente profite de la situation. Un siècle après la destruction des Templiers, les constructeurs ayant rompu le chantier de la cathédrale de Paris se trouvent sous les murs d'Orléans. Les travaux de la cathédrale étaient dirigés par le maître d'œuvre Soubise, moine de valeur, et le grand maître de l'ordre Jacques de Molène, argentier administrateur, tous deux gagnés à la religion chrétienne. Une grande confusion en résultat. Les fanatiques de la nouvelle religion n'hésitèrent pas à semer la discorde dans cette organisation qui, de puis vingt siècles parcourait le monde avec un seul but celui de faire de l'Art et du Beau.

La cathédrale Sainte-Croix garde encore la trace de ces discordes. Elle était inachevée alors, puis rebâtie au XVII et XVIII siècle. Un premier schisme était déjà survenu en 450 avant JC ayant pour base l'organisation séparée des corporations. Celle-ci était due à l'évolution de l'art, rendant obligatoire une spécialisation. Ces corporations sont restées cependant sous la direction des tailleurs de pierre. Mais en 1450 de l'ère chrétienne, la vieille formule diviser pour régner obtenait un résultat positif. Le Saint Devoir de Dieu était coupé en trois tronçons : le Devoir de Liberté travaillant sous l'égide de Salomon conserve la tradition. Les deux autres étant le Devoir de Maître Jacques et le Devoir de maître Soubise.

Il en fut de même chez les hospitaliers. Devant cette débâcle ils reprirent leur indépendance. Une partie de cet ordre, avec des éléments compagnons, constitua un nouvel ordre qui prit pour ambition de diriger les constructeurs divisés et prirent le nom de corps francs, maçons
constructeurs ou logeurs du bon Dieu. Ils furent considérés comme maçons spéculatifs, faisant travailler ou prenant à leur service des constructeurs, dirigeant, commandant, profitant de la débâcle et des luttes intestines que cette situation avait créé, prenant pour prétexte l'idéal religieux provoquant des abus entre les corporations, donnant suite à des situations de préséance. Cette situation se perpétuera quelque temps, mais craignant de subir le sort des Templiers l'ordre des maçons francs disparu officiellement et se constitua en société secrète.

En conséquence à ce schisme, le compagnonnage va subir une transformation de principe. La collectivité disparaît ou au moins s'amoindrit pour faire place à l'esprit de corps, chaque métier va former une filiale compagnonnique. Ceci se fait graduellement et par étapes, sur trois siècles. Cette période qu'il fallut pour reconnaître ces filiations (une corporation ne pourrait être reconnue que par un plus ancien possédant l'initiation) cette période a donné lieu à différences nuisibles à la bonne harmonie de la vie compagnonnique. Surgissent des controverses, chicanes et préséances de rang. Les compagnons luttent entre eux et sont persécutés par des organisations telles que Jurandes et Maîtrises. L'influence des Jésuites se fait sentir. Le nouveau régime change de religion. Le nouveau rituel est à base catholique. Tout ce qui ne suit pas la religion est mis à l'index, c'est la période des décrets de la Sorbonne, le règne de l'Inquisition bat son plein. Les Hospitaliers de Saint-Jean ayant disparu, on voit apparaître l'œuvre des Mères qui va loger et héberger les compagnons. Cette période trouble d'essais et de réorganisation sous les persécutions va de 1500 jusqu'à la révolution.

En 1501 le parlement de Paris suspend maçons et charpentiers 1524 le concile de Sens prétend favoriser les monopoles 1539 l'ordonnance de Villers Cotteret dit « seront abattues, interdites défendues toutes confréries de gens de métier et artisans 1553 les coordonner seront interdits avec confiscation des biens et l'argent remis à l'église de la Trinité 1560 à Orléans et en 1779 à Blois, fermeture des lieux de réunions L'ordonnance de la Sorbonne de 1655 interdisant divers regroupements comme ayant leur pratique remplie d'impuretés sacrilèges et blasphématoires contre la religion, ordonnait la dissolution de toutes les organisations compagnonniques ». C'est d'ailleurs la plus sérieuse documentation sur la vie et les moeurs des compagnons de cette époque. La vie maçonnique va continuer cependant, elle est devenue clandestine.

L'histoire des compagnons est restée écrite dans la pierre. Pour la lireil faut parcourir l'évolution de l'architecture. Depuis l'âge des Doriens, construisant au ras du sol en lignes parallèles, jusqu'au gothique flamboyant, lançant vers le ciel ses tourelles, frises, dentelles et clochetons, nous voyons l'art s'épurer et prendre des forme verticales, dans la grâce des colonnes de l'art oriental, qui évolue vers le Corinthien et le Toscan, puis le Composite Romain et L'Ogival. Tout comme les sociétés ont connu leur décadence après être montées au faîte de leur gloire, tel les Grecs après l'apogée d'Alexandre, les Romain après les Césars, les Francs après Charlemagne, les Compagnons du Saint Devoir de Dieu, après avoir peuplé l'Europe de cathédrales aux aspects multiples ont connu la discorde et la dislocation.

Nous en étions restés à la période cruciale, où sous les Tours d'Orléans, les maîtres d'œuvre Jacques et Soubise en voulant faire admettre la religion catholique à des ouvriers qui, depuis des siècles n'obéissaient qu'à la tradition rituelle venue d'Orient, provoquèrent une division et une transformation des principes qui cimentaient les corporations sous le même idéal.

La collectivité s'amoindrit pour faire place à un esprit de corps, chaque métier dans la discorde qui régnait alors, va former sa propre filiale compagnonnique. Avec Maître Jaques se groupent les travailleurs intérieurs et d'ateliers. Avec Maître Soubise, une partie des travailleurs du bâtiment. L'ordre de Salomon subsistera en perpétuant l'ancien rituel dans d'autres corporations du bâtiment.

L'Art va être marquée par cette désorganisation. On travaille pour le plaisir, la satisfaction de bien faire. Conduit par un seul, l'esprit de création est un sentiment égoïste, personnel. Tandis que l'œuvre d'une corporation d'individus ou tous s'effacent, tout le monde est heureux sans la crainte de personnes, donne des résultats complets. L'originalité disparaît quelque soit l'édifice que l'on ait à construire, avec toujours les mêmes éléments, et l'on arrive à la monotonie et l'uniformité, au flamboyant a succédé le Renaissance. Pour lutter contre les exigences des patrons et se révolter contre l'omnipotence des chefs qui voulaient leur appliquer de nouvelles règles de vie, les travailleurs ont recours à la grève. Afin de donner plus d'autorité et une apostille officielle, le duc d'Orléans fut reçu compagnon chapelier, le 25 juillet 1407, sous le nom de « Guépin l'intrépide » il donne aux compagnons chapeliers le droit de porter l'épée et de tenir premier rang dans les cortèges officiels. Jusque-là, on considérait que seule la corporation qui couronnait l'édifice avait droit au premier rang, ce qui déjà suscitait des accrochages entre les tailleurs de pierre et les charpentiers. Mais avec une apostille comme celle du duc on passait outre ce qui n'allait pas sans conflits et discordes.

Ces préséances de rang se traduisaient par des mesquineries qui prirent une grande importance car des travailleurs qui animaient leur corporation et leur métier, voulaient que celui-ci soit honoré au maximum et de quelque façon que ce soit. Ainsi le port des couleurs : les tailleurs de
pierre portaient ruban au chapeau, ainsi que les charpentiers, d'autres n'ont le droit de porter leurs couleurs qu'à la hauteur de la première boutonnière, certains ne peuvent la porter qu'à la seconde... Toute corporation qui a conféré le Devoir à une autre porte les couleurs de l'enfant à la seconde boutonnière. Parfois l'enfant dépasse l'initiateur en nombre et influence, et réclame d'être honoré en conséquence. D'où naissance de haines sans fin. Durant toute cette période difficile tout un folklore est né, dans des désaccords et sous les persécutions. Le compagnon qui fait son Tour de France trouve dans les diverses villes un siège nommais Cayenne, où fonctionne la Société, l'étymologie de ce mot « Cayenne » est d'ailleurs assez obscure. Les Indiens d'Amérique du Sud l'emploi sous le vocable de « Ca-é-na » (d'après notre F\ Eugène Létard).

Le siège en est une auberge qui est généralement tenue par une femme que l'on nomme « La Mère » les compagnons y trouve la table, le gîte, le travail et les soins en cas de maladie ou d'accident. Le sentiment de mutualité se développe dans cette société. Les jeunes y y trouvent les cours appropriés à leur métier. Le président est nommé « Premier en ville ». Un compagnon appelé « Rouleur » ou « Rôlleur » indique au passant les patrons qui sont susceptibles d'avoir de l'embauche et donne toutes les indications dont celui-ci peut avoir besoin. Il arrive que le plus ancien donne sa place au nouvel arrivant et va dans une autre ville perfectionner son métier, par de nouvelles façons de faire, propres à cette région. À la Cayenne, on fait la réception de l'Aspirant, il reçoit les mots de passe et de reconnaissance ce qui lui permet de s'identifier au vu et à l'égard de tous les compagnons. Ils sont tous munis d'une canne plus ou moins longue. Le haut de cette canne à un pommeau plus ou moins important, noir pour les charpentiers, blanc pour les tailleurs de pierre, couleur bis pour les Maîtres Jacques. L'embase est de cuivre gravée de symboles. Cette canne est enrubannée les jours de fête. Elle est le soutient aussi bien que l'arme. Pour se différencier et s'y reconnaître sur les chantiers, les compagnons ont pris des noms divers selon leur obédience et leur métier.

Les Salomon et les Soubise s'appellent « Coteries » les Maîtres Jacques « Mon Pays ». Les tailleurs de pierre de Salomon sont compagnons étrangers et surnommés « Loups ». Le compagnon porte des couleurs parsemées de fleurs multicolores, il a son nom de compagnons suivi de la ville de naissance. On dira : « La Sagesse de Poitiers ». Leur aspirant est appelé « Jeune homme ». Il porte couleur vert et blanc au côté droit. Les menuisiers et serruriers de Salons sont dits « Gavots », ils portent couleur blanc et bleu à la boutonnière, flottant du coter gauche, ils mettent leur nom de provinces en premier « Languedoc le soutien des couleurs » et se disent vous. Les charpentiers dits « Indiens » ont couleurs blanches, vert et rouge, du coter gauche. Les Soubise sont « Devoirant » ou « Passant ». Le Maître est surnommé « le Singe », le compagnon « le Chien » l'Aspirant « le Renard » l'apprenti « le Lapin », longue canne, ruban autour du chapeau, ramené sur l'épaule gauche devant. Leur surnom est celui du pays natal suivi du nom de guerre on dit « Dijonnais l'inflexible », ils se faisaient la guerre avec les Salomon, leur contestant le mot Devoir en l’appelant « compagnon de Liberté », ils ont donné le jour aux compagnons couvreur et plâtrier dont les surinons diffèrent, on dira « Bordelais la rose » dit beau garçon.

Couleurs au chapeau mais pendant dans le dos. L’Aspirant plâtrier se nomme « Bouquin », l'aspirant couvreur se nomme « l'Aspirant ». Les maîtres Jacques sont « Dévoirant compagnon passant ». Leurs tailleurs de pierre se sont « Loups Garou » Couleurs rouge et blanc accroché à la première boutonnière et flottant. Ils ont au chapeau un petit ruban rouge liseré jaune et ruban à fleurs multicolores tombant au dessous de l'oreille droite. Leur surnom est suivi du lieu de naissance. Les autres compagnons de ce rite portent un nom à leur choix, leurs rubans sont couleurs reçues chacune en passant dans une Cayenne différente. Une coutume, pour les décès, et de faire « la Guilbrette » et hurler ou pour mieux dire se lamenter autour de la tombe, en termes déformés, incompréhensibles au profane. La Guilbrette se fait aussi dans d'autres circonstances. C'est une sorte de danse brève aux gestes rituels qui se pratique entre deux compagnons. Sur son Tour de France, le compagnon était muni d'une gourde qu'il portait au côté gauche, tenue par un cordon rouge. Souvent remplie de cordial, à chaque rencontre sur la route, les deux voyageurs échangeaient le contenu bien souvent aussi mettaient en commun celui de leur bourse.

Au départ d'un compagnon quittant une ville, on lui faisait la levée d'acquit. Le Rouleur s'informait si le partant était en règle à l'égard de la Société, de la Mère, et du patron. On lui remettait « sa chose » ou feuille d'acquit, que certains appelaient aussi « lettre de chambre, carré ou cheval ». La corporation convoquée lui faisait la conduite jusque hors de la ville et des faubourgs. À la séparation on buvait, puis le partant prenait la route, son baluchon sur l'épaule, gourde au côté et canne en main. Certains historiens rapportent qu'à l'origine, cette coutume était dictée par le fait qu'il était souvent difficile à un jeune ouvrier de se détacher des liens sentimentaux ou autres qu'il avait contractés lors de son séjour. Mais il existait aussi de mauvais drôles qui devaient être exclus de la société pour mauvaise conduite. Cette sanction était publique est faite dans des termes très durs. Le malfaisant était traité de dernier des derniers, considéré comme l'injure suprême. Il devait remettre canne et couleurs au premier en ville, et abandonner toutes pièces manuscrites concernant le compagnonnage. Ce genre de cérémonie était appelé « la conduite de Grenoble ».

Au congrès de Lyon, en 1807, 28 corporations figurent au tableau, plus cinq qui furent reconnus après. Beaucoup avaient déjà disparu telles : fendeurs de croix, potiers d'étain, charbonnier, blancheurs chamoiseurs, épinglistes, cloutiers, tondeur de drap, boursier, brideurs, etc. Sur le thème folklorique je mentionnerai les noms dont certaines corporations désignaient leurs membres : des sobriquets tels que pour les boulangers : « Seigneur de la raclette » les tondeurs de drap : « les Planquets », les chapeliers « les Drogins » les maréchaux « les gamins ». À ces noms s'ajoutaient des sobriquets désobligeants. Les sédentaires qui n'ont pas fait leur tour de France sont « les Armagnots », les compagnons marié deviennent « des Agrichons », les ouvriers indépendants sur le Tour sont « des Espoontons », chaque corporation a adopté un saint patron : les charpentiers ont la Saint-Joseph, les menuisiers la Sainte-Anne, les poêliers, bourreliers, couteliers, maréchaux, ferblantiers, orfèvres ont la saint Éloi, les couvreurs l'Ascension etc. Des légendes racontent comment certaines corporations ont eu accès au compagnonnage, l'histoire a retenu celle des boulangers et des cordonniers.

Un compagnon doleur dit « Bavarois bon désir » fut longuement malade. Son organisation l'abandonnant, ses amis boulangers lui vinrent en aide. Comme remerciements il les initia au Devoir des boulangers le 16 février 1818. À la suite de cet incident, bavarois dû parti en Amérique le lendemain 17 février. Mais les boulangers ne furent reconnus par l'ensemble des corps réunis que le 9 décembre 1860. À Angoulême, en 1807 mourait un vieux compagnon qui laissait un vieux manuscrit comme héritage. Ce manuscrit fut remis à Martinet, compagnon tanneurs, celui-ci apprit ainsi que les cordonniers avaient connu le devoir en 1655. Il prit sur lui d'initier deux compagnons cordonniers, mais il dut quitter Angoulême par crainte de représailles. Les cordonniers furent reconnus le 10 novembre 1850. Le compagnonnage possède lui aussi son panthéon de chansonnier, poètes, peut-être pas d'une érudition de grande classe, mais tous empreints de simplicité et de droiture humaine. Citons quelques noms d'auteurs : Perdiguier dit Avignonnais la Vertu ; Sciendre dit La Sagesse de Bordeaux ; Escoolle dit Jolicoeur de Salerne ; Piron dit Vendôme la clé des cœurs ; Surnoms que l'on retrouve dans les vers de nombreuses chansons compagnonnique et bien d'autres que je ne citerais pour ne point vous
lasser.

Daniel Halevy l'auteur de la juive, nous dit que Vendôme la clé des cœurs fut considérée comme le Bélanger du compagnonnage. Sur Perdiguier, je le cite : « Avignonnais la Vertu représentant du peuple en 1848, raconte Victor Hugo dans l'histoire d'un crime, à ceint le tablier de cuir et est menuisier en Suisse ».

Ainsi continue la vie compagnonnique. Nous sommes à présent dans la période de construction des musées, châteaux théâtres, hôtels de ville, et hôtels particuliers. C'est une nouvelle orientation qui donnera suite au style Renaissance. 1800 est l'époque du regroupement du compagnonnage. Si tout a changé depuis la révolution, il est encore debout, gardant une grande activité dans son organisation corporative. L'heure des grands travaux est passée, le machinisme créé de nouveaux besoins en ouvriers qualifiés, l'ingénieur recherche l'homme capable de mettre en route l'idée qu'il a couchée sur ses plans, un auxiliaire pour arriver au résultat
qu'il cherche.

En 1948 une grande manifestation a eu lieu place des Vosges où les compagnons réunis au nombre de 10 000 (jaquette et haut de forme), juraient d'être frères, d'oublier leurs querelles, de vivre en paix entre eux, d'initier le compagnonnage dans ses divers rites, les promoteurs de ce mouvement étaient Perdiguier, Sciendre, Escolle et divers autres. Mais la Concorde ne durera pas longtemps et ces apôtres de l'union disparurent sans avoir pu réaliser leur rêve. Une nouvelle tentative eu lieu en 1874. À l'appel fait, les corporations réunies en congrès à Lyon constituèrent l'Union de tous les Devoirs réunis. Malgré toutes ces tentatives quelques corporations restèrent réfractaires à cette entente mais l'Union Compagnonnique n'en continue pas moins sa marche d'unification et d'émancipation. Au centenaire de la mère Jacob a Tour en 1964 plus de 150 compagnons réunissaient tous les Devoirs.

J'ai dit,

C\ H\ C\

La planche de notre TCF Charles HORT\ a été très instructive et précieuse au niveau de l’historique du Compagnonnage et des valeurs qu’il défend. L’intervention que je fais est assez longue, veuillez m’en excuser, mais j’ai déjà traité ce sujet et je voulais vous en faire part, car je pense qu’elle sera complémentaire. La légende côtoie en effet la tradition et les rites et rituels du Compagnonnage ont sans doute influencé la maçonnerie spéculative. Pour ma part je crois que la maçonnerie opérative est sans aucun doute le point de départ de la F\ M\ et cela ouvrira certainement le débat.


LE COMPAGNONNAGE MAITRE JACQUES.

Maître Jacques, l’un des premiers Maîtres artisans de Salomon, serait né à « CARTE » (qui serait devenu « SAINT-ROMILI » mais dont la localité est impossible à identifier) et aurait appris dès son enfance à tailler la pierre. Il aurait voyagé dès l’âge de 15 ans, visitant successivement la Grèce, l’Egypte, la Palestine, puis serait arrivé à Jérusalem à l’âge de 36 ans, après avoir voyagé 21 ans de sa vie. Il y travailla, dit-on, à la construction du Temple de Salomon sous les ordres d’Hiram Abiff (l’architecte du roi). Il fut nommé Maître des tailleurs de pierre, des maçons et des menuisiers. Le temple achevé, et après la mort d’Hiram Abiff, Maître Jacques quitta la Judée en compagnie d’un autre Maître, SOUBISE, avec lequel il se brouilla bientôt et dont il se sépara. Le navire qui portait Soubise accosta à Bordeaux, tandis que Maître Jacques fit voile avec 13 compagnons et ses 40 disciples vers MARSEILLE (la légende semble là fort anachronique sur ce point, car Marseille n’a été fondée que 600 ans avant Jésus-Christ et Bordeaux 300 ans avant Jésus-Christ, donc postérieurement au siècle du Roi Salomon). Maître Jacques voyagea encore 3 années durant lesquelles il eut à se défendre contre les embûches des disciples de Soubise, qui un jour l’assaillirent et le jetèrent dans un marais. Il parvint cependant à se cacher derrière des joncs avant que ses propres disciples ne le trouvent et le secourent.

Après cette déconvenue, Maître Jacques se retira en Provence dans l’ermitage de la Sainte-Baume, dans la caverne où 900 ans plus tard la tradition de Marie-Madeleine prit naissance. L’histoire de sa fin paraît avoir été calquée sur le récit de la passion du Christ. Un de ses disciples, l’infâme  Jéron (que d’autres ne nomment « Jamais ») le trahit. Un matin, dans la 47ème année de sa vie, alors qu’il était en prière dans un lieu écarté (tel Jésus à Gethsémani), Jéron vint le trouver et lui donna le baiser de paix. C’était le signal convenu et 5 assassins se jetèrent sur lui en le perçant de 5 coups de poignard. Il vécut cependant encore quelques heures et put, avant d’expirer, faire ses adieux aux compagnons tardivement accourus. « Je meurs (dit-il), Dieu l’a voulu. Je pardonne à mes ennemis et je vous défends de les poursuivre, ils sont assez malheureux. Je donne mon âme à Dieu mon créateur, et à vous, mes amis, je ne puis rien donner, mais recevez mon baiser de paix. Lorsque j’aurai rejoint l’Etre suprême, je veillerai sur vous. Je veux que le baiser que je vous donne, vous le donniez toujours aux compagnons que vous ferez, comme venant de votre père. Ils le transmettront de même à ceux qu’ils feront. Je veillerai sur eux comme sur vous tous, pourvu qu’ils soient fidèles à Dieu et à leur Devoir et qu’ils ne m’oublient jamais ».

Lorsque Maître Jacques fut mort, ses disciples lui ôtèrent sa robe et trouvèrent un petit jonc qu’il portait toujours en souvenir des joncs qui l’avaient sauvé alors qu’il était tombé dans le marais. Les compagnons placèrent le corps sur un lit qui fut transporté dans la grotte de la Sainte-Baume, où il resta exposé pendant 2 jours. La dépouille mortelle de Maître Jacques fut ensuite portée processionnellement par les compagnons jusqu’à un lieu proche de SAINT-MAXIMIN, où il fut enseveli. La garde-robe de Maître Jacques fut ensuite partagée. On donna son chapeau aux chapeliers, sa tunique aux tailleurs de pierre, ses sandales aux serruriers, son manteau aux menuisiers, sa ceinture aux charpentiers et son bourdon aux charrons.

Le traître Jéron eut la même fin que Judas. Dévoré de remords et désespérant de la miséricorde divine, il alla se jeter dans un puits qui fut ensuite comblé. Soubise fut accusé d’avoir été l’instigateur du meurtre de Maître Jacques, mais cette accusation, qui entretint longtemps la désunion entre les compagnons des deux rites, fut jugée injuste par nombre d’enfants de Maître Jacques eux-mêmes. Soubise, d’après cet autre récit, versa des larmes amères sur la tombe de son ancien ami et flétrit énergiquement son assassinat. Maître Jacques, personnage mythique et symbolique devint ainsi le saint patron des guildes de tailleurs de pierre Français au moyen âge, puis des compagnons du devoir qui vont encore en pèlerinage sur le site de la grotte de la Sainte-Baume le 22 Juillet, jour de la Sainte Marie-Madeleine. Une seconde version veut que Maître Jacques, loin d’avoir été un simple artisan contemporain de Salomon, soit tout unanimement le même personnage que « Jacques de Molay », le dernier grand Maître des Templiers, brûlé sur ordre de Philippe Le Bel. Les Templiers, fait-on observer, étaient de grands constructeurs d’églises. Ils avaient été initiés en Orient à maintes pratiques secrètes qui furent révélées au cours de leur procès.

Jacques de Molay a donc pu donner une règle aux ouvriers maçons, tailleurs de pierre, charpentiers, etc. qui travaillaient pour l’Ordre du Temple et les grouper en sociétés de compagnons. Cette version, à première vue moins invraisemblable que la précédente, ne repose sur aucun fondement sérieux. L’existence de relations entre les Templiers et les confréries ouvrières d’où est sorti le compagnonnage n’est pas en soi, impossible, mais demeure purement conjecturale, aucun fait, aucun indice même, ne permettent d’apporter une quelconque affirmation à cet égard.

MAITRE SOUBISE. Sa légende est intimement liée à celle de Maître Jacques, dans le sens du reflet de la désunion et de la jalousie. Ayant été amis et architectes à la construction du Temple de Salomon, transcendés par l’élévation d’un temple à la gloire de Dieu, dédié au culte de l’éternel, ils devinrent ennemis à la mort d’Hiram Abiff.

D’après un autre récit, Soubise aurait été moine bénédictin, et aurait vécu à la fin du 13ème siècle. C’est, en effet, sous le costume des religieux de Saint-benoît que ce fondateur est ordinairement représenté sur les images. Soubise aurait participé en même temps que Jacques de Molay à l’œuvre de la construction de la cathédrale d’Orléans « Eglise Sainte-Croix ». Le Compagnonnage aurait été fondé à cette époque et Soubise aurait survécu quelques années au grand Maître des Templiers.  Les 3 fondateurs légendaires du compagnonnage, Salomon, Maître Jacques et Maître Soubise restent aujourd’hui le symbole de la fondation, de la pierre qui supporte l’édifice. Cette tradition est bien comparable à d’autres légendes dont les marques, églises ou reliques jalonnent les routes des pèlerins. Cependant le compagnonnage utilise les mêmes emblèmes et les mêmes symboles que la maçonnerie spéculative, car on peut penser que la dimension spirituelle est une démarche personnelle que nul n’impose mais qui s’impose à chacun pour peu qu’il livre un effort. Cet effort se trouve être le dénominateur commun dans la recherche du travail parfait, celui qui est pratiqué en commun par l’apport des règles, des rites et des coutumes.

LE COMPAGNON. On pourrait donner cette définition du Compagnon qui est celui qui partage le pain avec un autre. Un vieil adage dit : 100 fois sur ton ouvrage, remets-toi au travail. Certes le travail appelle la réflexion et la réflexion amène à l’organisation. Mais qu’en est-il de la Franc-maçonnerie qui fait appel à des méthodes de construction pour élever la pensée afin de mieux l’organiser, et du Compagnonnage qui fait appel à la pensée pour élever des constructions dans les règles de l’art. De tous temps le secret du métier a été gardé, préservé, voire même amélioré comme si, jalousement, on eut peur de perdre son âme ou son travail.

Le travail ne dépend pas d’autrui, il dépend surtout de la valeur que l’on veut bien lui attribuer. Car en fait si l’on travaille c’est bien pour soi-même, pour nourrir sa famille ou pour éveiller son esprit et parfaire ses connaissances. Son résultat ne vaut que par son mérite dit-on, celui du Compagnon est de mettre en pratique les règles qu’on lui a appris, ainsi que les vertus dont on lui a promis de donner l’exemple. Cet exemple a un modèle, et il existe une éthique du Compagnonnage qui n’est pas seulement un mythe mais une déontologie destinée à découvrir une manière de se conduire.

Ce qui est empreint dans le cœur n’est point retracé, car aucun code ne pourrait en déterminer une exacte dimension. De même, celui qui resterait sourd aux malheurs des autres ne pourrait concevoir de travailler en réelle communauté. A chaque époque des êtres se sont rassemblés par affinité ou tout simplement par intérêt commun, comme les Templiers ou les tailleurs de pierres. Mais quelle est la différence entre un chevalier et un constructeur de cathédrale ? Peut-être existe-t-il un lien aussi subtil qu’évident comme la Foi, mais que dire de la dignité et de l’honnêteté ? Comment concevoir qu’un homme armé d’une épée puisse avoir le même but qu’un ouvrier muni d’un maillet, si ce n’est le cheminement qui l’amène à vouloir découvrir et défendre ce qui a de plus noble sur Terre. L’un répand et défend les bienfaits de la religion, tandis que l’autre en édifie son symbole.

En Franc Maçonnerie l’homme s’instruit par la religion mais construit aussi son symbole en lui-même. Le Compagnon opératif (artisan issu du Compagnonnage traditionnel, comme les Compagnons du Devoir et du Tour de France) avait pour habitude d’élever un édifice stable et visible destiné à défier le temps. Alors que le Compagnon spéculatif (2ème grade des Loges de Saint-Jean en Franc Maçonnerie, après celui d’Apprenti et avant celui de Maître) aménage un édifice invisible qui ne serait révélé que par sa lumière rayonnant à l’extérieur. Le matériau est éphémère puisqu’il s’agit de lui-même, mais ses outils ont défié le temps depuis toujours. C’est la bonne humeur et l’entrain qui le motivent, l’humour et l’humilité qui l’animent ou encore la solidarité et la multiplicité qui l’entraînent. Le dénominateur commun est la dynamique de groupe, sans laquelle aucune tradition ne serait perpétrée, comme un écho qui se transmettrait de vallée en vallée.

Car en fait ne faut-il pas respecter et honorer celui qui transmet la parole comme celui qui apportait tant de réconfort par l’usage des paraboles. Un secret comme un tour de main ne peut être dévoilé à quiconque ne saurait en être digne. Imaginons la Justice dans une main corrompue, quelle aubaine pour une dictature. L’esprit de corps a souvent fait obstacle à l’obscurantisme peut-être par idéal mais aussi par courage. Car comment croire au don du sacrifice de ces Compagnons qui ont lutté pour la liberté. Comment envisager ces gigantesques constructions si parfaites et si nobles, que seul un Dieu aurait pu concevoir. C’est que l’homme se rapproche de Dieu en lui construisant une demeure humaine, et c’est ce qu’il a fait en construisant le Temple de Salomon et qu’il a poursuivi en bâtissant des Cathédrales.

Là débute le chemin, celui qui démarre avec la peine et qui se poursuit avec la joie. L’égalité commence par l’acceptation des différences. En quelque sorte l’élévation ne serait possible que dans l’optique du respect de la différence. Sinon comment accepter l’intégrisme qu’utilisent certaines religions, que même un Pape « URBAIN II », prôna en levant des Croisades au cri de « Dieu le veut ». Accepter un guide est aussi important que de se conformer à la règle, sinon on ne pourrait entrevoir le respect sans degré. Un bon ouvrier doit d’abord savoir écouter, puis mettre en pratique ce qu’il a appris, sinon comment pourrait-il enseigner à son tour. De même, ne peut-on devenir architecte sans avoir réalisé soi-même les différentes phases d’un ouvrage. Ainsi un bon Compagnon se doit de connaître tous les corps de métiers afin de parfaire sa formation. Il peut travailler les métaux, la pierre ou le bois tout en sachant s’en défier, car pour rendre un matériau parfait, il faut savoir le débarrasser de ses impuretés. Le chemin est sans retour, car un bon apprentissage ne ramène jamais au point initial. Un adulte d’ailleurs ne pourra jamais retrouver sa jeunesse, il grandira en regardant devant lui. C’est Paul Emile VICTOR qui disait : « plus on regarde derrière, plus on se rapproche de la mort ».

Apprendre un métier, c’est aussi se conformer à l’usage, travailler avec amour et raisonner avec sagesse. Ne faut-il pas calmer tant d’ardeur pour maîtriser son art, car ne faut-il pas calculer au plus juste pour éviter toute destruction ou toute désillusion. De même ne doit-on pas rechercher l’harmonie d’un édifice de l’intérieur comme de l’extérieur, et non pas s’attacher seulement à la beauté illusoire d’une belle façade. Comment faire comprendre à un Compagnon que crédible ne se conjugue pas avec artifice. N’a-t-on jamais vu élaborer un beau bateau qui ne puisse naviguer ou une belle voiture qui ne puisse rouler ? L’art du semblant excite le don du superficiel alors que l’amour de la vérité attise le don du naturel. Lorsque j’étais étudiant en bâtiment, j’avais comme professeurs d’anciens Compagnons du Devoir que j’aimais à prendre en exemple. Leur attitude et leur générosité étaient à ce point exemplaire, que leur enseignement en était empreint de perfection et de justes raisonnements.

Dans la tradition opérative, le Compagnon du Devoir était surtout considéré comme un manuel aimant à penser, peut-être était-il avant tout un libre penseur aimant à travailler de ses mains. Il s’unissait à d’autres pour former des cagnes afin de finir son instruction. L’apprentissage lui avait offert les bases du métier et par son sens du devoir, son travail devenait un idéal. Défendre un idéal, c’est aussi défendre sa pensée. Le Compagnon cherchait à l’améliorer en confrontant ses idées avec celles de ses camarades, il utilisait son esprit comme un outil capable de l’aider à ajuster sa technique. Lorsqu’il partait faire le tour de France, il voyageait pour augmenter son
horizon et ses connaissances, mais aussi pour assimiler son élévation.

Chaque étape l’initiait d’une nouvelle expérience pour le ramener finalement à son point de départ afin d’y réaliser son chef d’œuvre. Une projection de l’esprit que son art acquis laborieusement le long du chemin, permettait enfin de concrétiser. L’aboutissement d’une maturation, c’était ce que le Compagnon recherchait alors. Dans sa quête du travail parfait le Compagnon qui partait faire le tour des cagnes et des tours de mains, était courageux pour s’abandonner à tant d’épreuves. Ce voyage était une pratique qui lui permettait aussi de faire le tour de lui-même, comme de la vie qui mène un absurde périple vers son destin. Devant le jugement de ses pairs, le Compagnon, opératif ou spéculatif, a bien souvent vu son courage vaciller, et cet homme à son tour a entamé son chef d’œuvre, celui que l’on n’impose pas car il s’impose de lui-même pour devenir l’œuvre de toute une vie. Celui qui croit savoir ne sait pas qu’il ne saura jamais. Le Compagnon Maçon a entrevu son modèle et il sait maintenant qu’il ne pourra jamais l’atteindre ni l’étreindre, tandis que le Compagnon du Devoir ou du Tour de France a entamé une longue maturation qui devra l’amener vers la perfection sans jamais l’atteindre.

100 fois, 1000 fois, ce Compagnon a voulu renoncer, peut-être par peur des autres ou simplement par pudeur, cherchant l’humanisme et trouvant un chemin il s’est cru fraternel alors qu’il était seul, peut-être par trop égoïste. Plutôt que renoncer il a préféré s’attarder et souvent dans son labeur il s’est posé cette question : « qu’est-ce que je fais là ? N’aurais-je pas lieu de regretter ? » Faut-il souffrir autant pour trouver sa voie ? Et succomber au regard des autres, ce Compagnon qui rêvait ne pensait qu’à se sublimer alors qu’un bon ouvrier commence par substantifier avant de se reposer. Partageons d’abord la peine et nous pourrons mieux partager la joie, disaient-ils et pour se transcender il n’est point nécessaire de se glorifier, il suffit sans doute de savoir travailler avec les outils que les Maîtres ont laissé.

MARC-AURELLE avait vu juste en disant : « voilà bien une chose ridicule : tu ne songes pas à corriger tes vices, ce qui est pourtant facile, et tu veux corriger ceux des autres, entreprise impossible ». N’a-t-on jamais vu un ouvrier vouloir donner la leçon à son chef ? N’a-t-on jamais vu une grenouille vouloir devenir aussi grosse qu’un bœuf ? Le monde est ainsi fait qu’un apprenti sorcier ne sera jamais Maître des éléments, car ceux-ci tôt ou tard auront raison de sa déraison. Point n’en faut et plutôt que disparaître assez tôt, cherchons à faire de son mieux, à faire acte d’intelligence, de sociabilité et de soumission aux mêmes lois que Dieu, telle était la devise du Compagnon. Point de fierté mal placée ou d’honneur trop acerbe, le Compagnon a appris à rester digne et patient par son travail qui ne mérite que son approbation, car enfin son guide n’est-il pas d’abord en lui-même, qui seul peut juger de ses actes. Cherchons à comprendre, disaient les Maîtres Bâtisseurs, car la matière n’est pas si facile à façonner, c’est elle en fait qui nous domine. Du respect d’un rien amène à l’amour des autres, de l’impudence d’une cigale est née la prudence d’une fourmi. Voyons ce que la Nature nous montre et tirons-en une leçon disait un sage, car d’elle est née toutes choses et vers elle nous retournerons. Voilà bien une morale qui mérite attention.

Si le Compagnon travaille pour augmenter son salaire, c’est par sa sueur qu’il le méritera, sur son métier il réalisera peut-être son rêve : « devenir meilleur, honnête et fraternel », comme au temps des joutes où les ouvriers s’affrontaient pacifiquement pour faire gagner leurs couleurs, afin que les plus jeunes soient fiers de leurs aînés. On n’abandonnait pas alors un Compagnon dans la détresse, on l’aidait pour qu’il reste dans l’équipe et chacun lui donnait une part d’encouragement, une main tendue pour partager l’effort. La Fraternité, c’est peut-être cette aide du plus fort au plus faible, cette cohésion dans la difficulté et cette émulation dans l’adversité. Dans certaines vieilles familles de certains vieux pays de par notre terre, il arrive de trouver cette même longueur d’onde qui unit le plus grand au plus petit et le plus ancien au plus jeune. Il y avait toujours un grand frère pour transmettre un secret et un grand-père pour garder le livre des traditions.

Il en est de même en Franc-Maçonnerie ou dans le Compagnonnage, ou en Loge de Compagnons, qui forment depuis la nuit des temps des équipes aussi soudées qu’efficaces, sans murmures ni complaintes, comme ces familles millénaires qui traversent les âges sans heurts ni malheurs, à la recherche du bonheur. Celui qui réveille sa conscience ne peut perdre la vie disait-on, mais quels sont ses vrais repères et ses guides authentiques ? Lorsqu’au milieu d’une foule ou dans un moment de répit solitaire, une question qui nous hante nous renvoie notre image et nous dit : « est-ce la vraie vie ? Qui suis-je vraiment ? Où est-ce que je cours ainsi comme un fou ? »

J’ai entendu un jour parler de l’Hymne à la Perle, cette histoire d’un Prince envoyé en Egypte à la recherche d’une perle fabuleuse et qui oublia sa mission en chemin pour succomber aux attraits de la matérialité. Un jour sa conscience qu’il prit pour un Ange, lui dit : « réveilles-toi, prends conscience de ton esclavage et souviens-toi de la perle que tu es venu chercher ».Cet appel n’est-il pas cette part de divin qui éveille nos sens et nous incite à rêver, car en fait cette étoile n’est-elle pas cette parcelle de lumière que nous suivons dans notre obscurité intérieure. Cette épreuve qu’est la vie nous apporte une récompense destinée à calmer une sensibilité exacerbée par l’exercice de la modération, et c’est sans doute cela le fruit de l’expérience. Nos anciens nous ont ouvert la voie, à nous de savoir l’utiliser pour qu’enfin nous trouvions l’harmonie du corps et de l’esprit, tel un enfant qui découvrirait un autre monde au seuil de son adolescence.

Cette voie n’est-elle pas tracée dans nos cœurs, que tant de convenances et d’approximations nous en avaient éloignés. Ce Compagnon n’a pu s’édifier que par la compréhension des symboles et par la juste mesure de sa conduite. N’a-t-on jamais vu assembler une bâtisse à l’aide de matériaux informes ? Quelque beauté qu’une pierre brute puisse avoir, une construction ne peut s’accommoder de tant d’impétuosité. C’est une pierre taillée qui servira de fondation et l’une sur l’autre constituera son élévation. C’est un bois équarri qui l’habillera, une fois délesté de ses couches grossières. De même un toit ne peut accepter d’être perméable, sinon le temps ou la pluie en laisseraient passer le vent et le froid. Ce n’est pas une maison de paille que bâtit le Compagnon, mais un temple stable et durable. C’est de cette stabilité qu’il a besoin pour se reposer une fois son œuvre accomplie, pour réfléchir en toute quiétude à son avenir et pour qu’à son tour il puisse aider les nouveaux ouvriers à ériger leur demeure.

Dans l’ordre des choses, il y eut un numéro 1, puis un numéro 2, et ainsi de suite. Comment pourrait-on atteindre le chiffre le plus élevé sans respecter la chronologie. L’Ordre établi ne sert-il pas à organiser le monde comme sa propre vie, sinon les pôles ne serviraient à rien et le centre encore moins. Le Compagnon apprend à discerner le bon grain de l’ivraie par une meilleure compréhension de sa nature. En restant à l’écoute du pauvre, il s’enrichit de l’exemple qu’il montre. Un seul mot bien choisi ne vaut-il pas mieux que tant de discours. Ce qui compte, ce n’est sans doute pas la quantité du savoir, mais la qualité de son utilisation. Comme la nature se transforme, l’homme en fait autant, et du progrès en a-t-il trouvé raison ou déraison. Du métier il s’est éloigné pour mieux manier le verbe et orienter sa pensée. De l’instinct vers le sensible il est allé, comme pour repousser les frontières du réel. Le Temple qui l’abrite n’en est pas plus instable pour autant, car de pierre il en est devenu chair. Et de génération en génération le Compagnon s’est dirigé vers une nouvelle voie, certainement moins prosaïque mais tellement plus poétique. De cette mutation en est résulté le subtil et par son évolution peut-être en deviendra-t-il le Maître.

MAITRE JACQUES est ainsi devenu le Saint Patron des Compagnons du Devoir, qui doivent impérativement passer par la Sainte Baume afin de valider leur Tour de France, et chaque 22 Juillet ils participent au pèlerinage de la grotte de la Sainte Baume, qui fête la Sainte Marie Madeleine. Tous les chemins mènent à ce lieu mythique dont l’origine se trouve à JERUSALEM, aussi bien pour MAITRE JACQUES, MAITRE SOUBISE, SALOMON et MARIE MADELEINE. Il en est de même pour les Francs Maçons qui se retrouvent dans ce lieu à la même date avec une même ferveur. N’est-ce pas curieux ? Le Compagnonnage a existé dès que l’homme est devenu un constructeur, et qu’il ait eu à défendre tant ses procédés de construction que sa vie sociale c’est en ces termes que les Compagnons ont su s’unir.

Association Ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France, Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment, Union Compagnonnique des Devoirs Unis… Confréries, syndicats, chevaleries ou Franc Maçonnerie, le Compagnon est un peu tout à la fois, enfant de Salomon, enfant de Maître Jacques et enfant de Maître Soubise, aux ascendances légendaires. Ces coteries farcies de rites, de jargons et d’us et coutumes, étaient dirigées par des Capitaines ou des Premiers qui détenaient les secrets les plus experts des professions. Elles
avaient toutes un logeur, que l’on appelait aussi une Mère, dépositaire de l’hébergement et des tours de mains, aptes à réussir le chef d’œuvre du bâtiment, de menuiserie, de ferronnerie, d’orfèvrerie, etc. Le Compagnonnage a été victime lui aussi de luttes intestines, comme celles
qui opposaient les Compagnons du Devoir, appelés Dévorants, et les Compagnons du Devoir de Liberté, appelés Gavots. Les habitudes guerrières confrontées à la concurrence féroce des contrats d’adjudication ont suscité chez certains l’utilisation de manières fortes, allant même jusqu’à faire couler le sang. Ces artisans qui portaient beau, avec galurins, écharpes, insignes professionnels, cannes de voyages et gilets de cérémonies, savaient manier les poings ou le couteau et constituaient une caste noble tout autant que dangereuse. Ces hardis Compagnons étaient tout à la fois gens du peuple et petits bourgeois, leurs organisations s’opposèrent à l’industrialisation naissante et aux puissantes corporations, ainsi qu’aux structures syndicales de prolétaires qui virent le jour au 19ème siècle. Certains allant même jusqu’à prendre la plume pour tenter d’unifier les corporatismes et les groupes ouvriers socialisants, tel ce menuisier provençal « Agricol PERDIGUIER » dit « Avignonnais la Vertu » (Auteur, entre autre, de Mémoires d’un Compagnon’ en 1854), malheureusement sans succès.

Les Compagnons engagés dans l’amour du métier, étaient avant tout des hommes jeunes au cœur chaud, à l’esprit généreux et courageux, qui se perdirent quelques fois en combats fratricides, comme dans la Plaine de la Crau, Lunel, Ners près d’Alès ou encore à Nîmes, dans le sud de la France.  Cependant ces Compagnons étaient de véritables orfèvres, formés par les meilleurs Maîtres que l’on puisse avoir, ils devaient faire un Tour de France complet avant de pouvoir exercer. Tout Compagnon en stage à SAINT-MAXIMIN, devait gravir le chemin de la Sainte Baume avant de quitter sa « Mère », ils ont choisi ce lieu terrifiant et grandiose comme halte de pèlerins, car c’est un havre de repos en même temps qu’un endroit mythique, comme tout ce qui a trait à l’idéologie Compagnonnique. Ils vénéraient ce lieu de pénitence en invoquant leur sainte Patronne, puis le vicaire des lieux apposait le sceau de la Chapelle sur leur livret personnel avant de reprendre la route, baluchon au dos, bâton entortillé de rubans.
3 familles issues des anciennes traditions compagnonniques se rencontrent à la Sainte Baume : l’Association Ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France, fondée en 1941 par la réunion de tous les métiers des anciens devoirs. La Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment (Compagnons des Devoirs), fondée en 1952 de la fusion de 2 rites de charpentiers auxquels se sont joints d’autres corps.

L’Union Compagnonnique (Compagnons du Tour de France des Devoirs Unis) fondée en 1889 par des Compagnons issus des 3 rites (Salomon, Maître Jacques et Maître Soubise), dont l’un des leurs « Pierre PETIT » dit « Tourangeau le Disciple de la Lumière », Compagnon Vitrier, est l’auteur des vitraux qui ornent les 7 ouvertures de la Grotte de MARIE MADELEINE à la Sainte Baume. L’aspirant Compagnon porte sur sa couleur (la couleur du ruban distingue les métiers : bleue pour les métiers du bois, rouge pour les métiers du fer, verte pour les métiers du cuir, jaune pour les boulangers et pâtissiers et beige pour les tailleurs de pierre, maçons, couvreurs, plombiers et plâtriers) le blason de son métier et l’emblème de MARIE MADELEINE reconnaissant le Christ ressuscité. Cet emblème représente une femme, genou à terre, qui tend les mains vers un homme tenant une bêche dans sa main gauche, au-devant d’une caverne de pierres portant au fronton l’inscription latine « Noli me Tangere ». Il s’agit là de MARIE MADELEINE s’adressant à celui qu’elle prend pour un jardinier dans le Saint Sépulcre, et qui lui dit « ne me touche pas, sous-entendu je m’élève vers Dieu ».

Le Compagnon va voyager du métier à l’esprit, du visible à l’invisible, et la couleur de son écharpe va le suivre pas à pas lors de sa formation, ouvrant ainsi son esprit aux symboles frappés à chaque étape. Lors de son Tour de France, il va rencontrer une structure, des maisons, des cours professionnels, des chefs-d’œuvre et d’autres repères visibles qui vont l’aider à créer par son esprit des choses qui n’auraient jamais existées sans cela. Ce long perfectionnement va donner une dimension spirituelle au Compagnon du Devoir, dont l’image de MARIE MADELEINE avec le Christ ressuscité représente la lointaine flamme où brille l’esprit. Cet esprit correspond à l’amour du métier et au respect de la matière qui doit être façonnée grâce à la transmission d’un savoir, ainsi formulé par la Grande Règle, élément de méditation, de réflexion et d’approfondissement. Les symboles Compagnonniques sont souvent représentés à l’intérieur d’un Temple où l’on voit en arrière plan MARIE MADELEINE à la Sainte Baume, ainsi que le meurtre de Maître JACQUES. Ce Temple est soutenu par deux colonnes l’une à l’initiale « J », sur la colonne de gauche, et l’autre à l’initiale  « », sur la colonne de droite (comme en Franc Maçonnerie avec Jackin et Boaz). Sur le sommet du Temple on peut voir une houppe dentelée et un peu plus bas une étoile à 5 branches avec en son centre la lettre « G », puis juste en dessous le symbole égyptien du triangle contenant l’œil qui voit tout, entouré du soleil et de la lune. Les outils représentés sont l’équerre et le compas entrelacés sur un livre ouvert aux initiales S\ C\. Soutenu par deux branches (qui seraient, semble-t-il, une branche d’olivier et une branche d’acacia), le fil à plomb, la truelle, le maillet et la règle On peut aussi distinguer sur le devant un pavé mosaïque formé de carreaux blanc et noir, ainsi que 3 marches qui donnent accès au fronton, sur certaines représentations on trouvera aussi une colonne tronquée avec l’initiale « » : « et 2 flambeaux (qui représente une certaine similitude avec la colonne tronquée » Ad Huc Stat « du Rite Ecossais Rectifié pratiqué en Franc Maçonnerie » ou encore un chandelier à 7 branches...

Ce Temple de Salomon du Compagnonnage opératif ressemble fort au Temple des Francs Maçons spéculatifs, ce qui porte à croire que leurs origines se confondent dans la nuit des temps. Leurs rituels et leurs symboles, leurs tenues (ou réunions), leurs gestes, signes et paroles sont pratiquement identiques, et les Maçons spéculatifs ont pu passer sans problème d’une forme opérative à une forme chevaleresque, perpétuant ainsi une antique tradition des rapports entre artisans et chevaliers. L’origine réelle du Compagnonnage remonterait donc à la construction du
Temple de Salomon sous la direction d’Adon HIRAM, et de Maîtres JACQUES et SOUBISE, mais d’une façon plus ordonnée au début du 12ème siècle par des artisans accourus en nombre dans les villes où se construisaient les grands édifices religieux par lesquels s’épanouissait l’art Gothique.

Les Templiers utilisèrent aussi ces castes pour construire leurs édifices et Eglises 1 siècle plus tôt, mais les historiens ont parlé plutôt de pré-compagnonnage à ce sujet et non de Compagnonnage établi. Selon MARTIN SAINT-LEON il ne faudrait pas rechercher cette origine dans les corporations de métiers et la Confrérie des Frères Pontifes qui ont entretenu des rapports avec les Templiers, mais plus certainement avec la Franc Maçonnerie, qui en aurait découlé. Toutefois le document le plus ancien relatif au Compagnonnage remonte à une Ordonnance royale de CHARLES VI LE FOU, datée de 1420, qui fait état de la pratique du Tour de France entre cordonniers.

Mais Selon Emile COORNAERT, un « deverium » (un devoir) aurait été signé par les Comtes de Champagne et par les Forgerons de la Forêt d’Othe dans le Baillage de TROYES en 1276, date plus vraisemblable des débuts avérés du Compagnonnage traditionnel. Une autre tradition fait état de l’attribution de la fondation du plus vieux des Devoirs, celui de Salomon, à Jacques LE MINEUR, artisan Juif débarqué en Provence avec les Saintes MARIE. Les légendes ont converti ce Jacques avec Jacques DE MOLER, constructeur de la flèche de la Cathédrale d’Orléans, tué par des ouvriers jaloux (tiens, cela nous rappelle la légende de Maître Hiram lors de la construction du Temple de Salomon) ou avec Jacques DE MOLAY, qui était aussi un martyr pour les enfants de Salomon, rite Compagnonnique réputé introduit en France le premier aux environs de l’ère Chrétienne. Cette vénération de Maître Jacques est spécifique au Compagnonnage, et il semble bien qu’il y en eut plusieurs, dont un certain Maître Yakoub, oriental, devenu Maître Jacques plus tard. Si tous les Compagnons sont des « Compagnons du Devoir », il existait de 1804 à 1940 trois Devoirs : Le Rite de Salomon, ce Devoir de Liberté comprenait à l’origine les tailleurs de pierre et les menuisiers, les serruriers et les charpentiers, ils se nommaient « Indiens-Loups Compagnons Etrangers du Devoir de Liberté » et étaient recrutés surtout parmi les Protestants. Le Rite de Soubise, qui ne comprenait que des charpentiers à l’origine, initièrent par la suite des couvreurs et des plâtriers, ses membres se nommaient « Compagnons Passants Bons Drilles du Devoir » et auraient accepté le patronage de l’Eglise Catholique sous l’égide du Père Soubise. Le Rite de Maître Jacques, dit Saint-Devoir de Dieu des Honnêtes Compagnons de Devoir, ou encore Saint-Devoir. On les surnommait les Dévorants et on les appelait « Compagnons Bons Enfants de Maître Jacques ». Ce Rite regroupait à l’origine des tailleurs de pierre et des menuisiers, puis accepta toutes les corporations qui n’étaient pas spécifiquement celles des bâtisseurs, recrutant surtout parmi les Catholiques Romains… Ces 3 Devoirs puisent leurs origines dans la légende de la construction du Temple que Salomon veut consacrer à l’Eternel, cependant on ne peut certifier que tous les Compagnons d’un Rite aient épousé la même préoccupation religieuse.

La lutte entre protestants et catholiques explique en partie la rivalité des 3 Devoirs, confirmée aussi par la pratique des Rites aussi différents qu’antagonistes. Une chose est certaine, ces Devoirs défendent leur indépendance, préférant la compétition des élites, facteur de progrès, plutôt que l’égalité prônée par les syndicats. Leurs initiations, leurs Rites secrets, leurs serments, leurs signes de reconnaissance, l’emploi de mots symboliques et leur fraternité puisée au sein des gestes sacrés de la profession éveillèrent la méfiance à leur encontre, dont la puissance représentait une force obscure. Le but du Compagnon est d’accéder à la Maîtrise après avoir effectué un chef d’œuvre, travail justifiant la maîtrise par la résolution de problèmes techniques inhabituels. L’un des symboles des Compagnons du Devoir est « l’Orme légendaire », arbre sous lequel on concluait les contrats et l’embauchage dans le bâtiment.

Les rituels et les symboles proviennent des rites du métier de constructeur, et les épreuves physiques que doivent passer les jeunes ouvriers débouchent sur le symbolisme du métier en invoquant le Grand Architecte de l’Univers (comme en Franc Maçonnerie). Le Compagnonnage s’apparente à une école professionnelle suivant des rites initiatiques, propres à élever l’homme au-dessus de sa valeur initiale en créant un courant d’esprit, une unité entre ses membres qui se doivent une mutuelle assistance. L’homme se réalise ainsi grâce à l’amour de son métier, il s’élève spirituellement en prenant conscience de son pouvoir sur la matière tout en cherchant à se perfectionner et à améliorer sa technique. C’est en cultivant le respect, l’honneur et la fraternité qu’il peut y arriver. La devise des Compagnons du Devoir est formé de 7 maîtres-mots qui sont : « Fidélité, Honnêteté, Fraternité, Courage, Générosité, Discipline et Patience », mais si on ne devait en garder qu’un pour identifier le travail du Compagnon, c’est certainement le mot « Géométrie » qui serait le plus approprié pour ces bâtisseurs hors pairs, qui ont su élever des Temples à la gloire de DIEU.

Il y a peu, la devise « Fraternité » a pris toute sa mesure en voyant se réconcilier les 3 sociétés des Compagnons du Tour de France, lors du bicentenaire de la naissance de PERDIGUIER qui s’est déroulé à MORIERES-LES-AVIGNON, dans le département du Vaucluse. Cette réunification est symbolique, car elle intervient dans la patrie du pionnier de l’union et c’est la première fois depuis les années d’après-guerre que les plus hauts dirigeants des 3 sociétés apparaissent publiquement côte à côte. Le monde a changé et le Compagnonnage a perdu du terrain avec l’évolution des techniques, il était temps que ces travailleurs de l’art et du bel œuvre
trouvent enfin le lien qui les unissent, en espérant qu’ils ne le perdent plus.

L'étymologie la plus communément admise pour le mot Compagnon vient du latin « cum panis » : avec le pain, qui partage le même pain. Compagnonnage et Franc Maçonnerie semblent issus d'un même tronc et à mesure que la Franc Maçonnerie se développe, le compagnonnage s'amenuise. Certains font naître le compagnonnage autour de la construction du temple de
Jérusalem, au temps du célèbre roi Salomon, d'autres dans l'Egypte des pharaons, ou encore du temps des cathédrales et des templiers.

L'art de bâtir, prôné dans nos civilisations occidentales, provient d'une éthique de vie. On a recherché ainsi, à divers degrés, des procédés pour se perfectionner dans l'art exercé. L'art de construire respecte les lois régissant l'équilibre, l'harmonie d'un édifice. Dès que l'homme est devenu « constructeur », il a eu à défendre tant ses procédés de construction que sa vie sociale.

Beaucoup de travaux donnent avec certitude l'existence de collèges romains : les « collegia ». En effet, à chacune des légions romaines se trouvaient annexé un collège ou corporation d'artisans, qui la suivait dans ses expéditions et dont la mission consistait à implanter en terre étrangère le germe de la civilisation romaine et à y enseigner les principes de l'art romain. L'existence des guildes de métiers n'est pas signalée avant la conquête romaine, mais comme elles apparaissent très rapidement après cet événement, il semble peu raisonnable de leur dénier la possibilité d'une existence antérieure.

Ces associations constituaient quelquefois des corps religieux ou officiels, groupes dont les membres exerçaient une même profession, et des sociétés rappelant de près nos clubs modernes. Chaque collège avait ses officiers lui appartenant en propre, un Maître, un Secrétaire et un Trésorier. Ils possédaient un trésor commun et un lieu de réunion où ils tenaient assemblées et repas. Avant leur admission, un engagement solennel était exigé des candidats et les membres venaient en aide à leurs frères malheureux.

Les collèges tenaient des réunions secrètes, dont l'ouvre consistait en initiation de néophytes mais aussi en instruction mystique et ésotérique donnée à leurs apprentis et à leurs ouvriers.

En Angleterre, sous le règne de Henri 1er, puis sensiblement à la même époque en Allemagne entre 900 et 1050, les premières guildes de divers métiers apparaissent : guilde des bâtisseurs, des marchands, des artisans spécialisés tanneurs, orfèvres, armuriers. Ces associations s'institutionnalisent progressivement et acquièrent des doits et des privilèges commerciaux qui assuraient à leurs membres le monopole des affaires dans une ville.

Elles auraient regroupé des Apprentis et des Compagnons, le Compagnon qui dirige les travaux prend alors le titre de Maître. L'apprentissage dure 7 ans. Selon une guilde de Cambridge, les confrères doivent se réunir 3 fois par an pour adorer Dieu, prendre un repas en commun et tous les membres doivent s'assister.

Les ordres conventuels ont été les refuges de « manuels qualifiés ». Bénédictins, Chartreux, et bien d'autres encore regroupèrent les confréries de bâtisseurs autour de leurs monastères. Il est avéré qu'au XIIe siècle, les tailleurs de pierre furent réunis à une fraternité distincte et leur origine n'est pas exclusivement civile ou religieuse, mais il est plus probable qu'elle émane à la fois des deux sources. Certains documents rapportent que les confréries de Maçons avaient appris des constructeurs monastiques une doctrine secrète d'architecture et la science occulte des nombres, dont ils se servirent dans l'exercice de leur art et auxquelles ils donnèrent ensuite une plus grande extension. Il a été établi qu'ils attribuaient une signification morale à leurs symbolesparticuliers les plus expressifs tels que le compas, l'équerre, le marteau de maçon et la règle.

Mais revenons à l'origine mythologique revendiquée par les Compagnons. Elle comprenait trois figures emblématiques : Salomon, Maître Jacques et le père Soubise, et deux moments : la construction du temple de Jérusalem dont Jacques aurait été maître d'œuvre avec son ami Soubise et la fin de l'ordre des templiers, maître Jacques devenant Jacques de Molay.

Sur cette matrice, chaque époque et chaque métier brodait sa propre variante. Les gens du bâtiment furent réellement les créateurs du compagnonnage. Le compagnonnage est en fait une dénomination générale qui désigne les trois confraternités établies en France par les ouvriers Apprentis dans le but de se procureur une assistance mutuelle au cours de leur voyage de perfectionnement qui portait le nom de « tour de France ».

Les Compagnons reconnaissent donc trois fondateurs principaux et chacun de ses trois patrons légendaires passe pour avoir légué un devoir, c'est-à-dire un code et des bases constitutionnelles d'un rite ou d'une confrérie. Ces devoirs comportaient des règles particulières que le Compagnon jurait d'observer, qui devaient rester secrètes, et qui n'étaient dévoilées qu'aux initiés. Les enfants de Salomon et de maître Jacques englobaient les tailleurs de pierre, ceux de Soubise les charpentiers. Plus tard, ils admirent dans leur fraternité les menuisiers et les serruriers puis leurs rangs s'ouvrirent aux membres de presque tous les métiers. Les ouvriers appartenant à toutes les religions étaient libres d'entrer dans le système de Salomon, mais une profession de foi catholique romaine était exigée des candidats de Jacques ou de Soubise.

Les tailleurs de pierre du système Salomon prétendent que le sage monarque leur a prescrit un devoir et les a réunis fraternellement dans les limites du temple, ouvre de leurs mains. Ceux de Jacques affirment également leur descendance du Temple et prétendent que leur fondateur, maître Jacques, était un surveillant sous les ordres de Salomon. Ceux de Soubise invoquent un rapport semblable ajoutant que leur maître était le charpentier le plus célèbre du royaume d'où sa présence pour la construction du temple.

Sur maître Jacques, une histoire détaillée existe dans un ouvrage écrit en 1888 et dans lequel on peut lire que Jacques avait quitté le midi de la France pour parcourir la Grèce où il devint célèbre en qualité de sculpteur et architecte. Il dirigea ensuite ses pas vers l'Egypte, puis vers Jérusalem où il se fit une place parmi les maîtres supérieurs du roi Salomon, en devenant un collègue d'Hiram. Après l'achèvement du Temple, Soubise et Jacques rentrèrent en France séparés : Jacques débarqua à Marseille et Soubise à Bordeaux. Jacques fut assassiné à Sainte Baume.

Chaque métier de ces trois groupes constituait donc une fraternité distincte et indépendante, qui se trouvait souvent en désaccord avéré avec une ou plusieurs autres corporations dépendant de la même bannière, mais elles s'unissaient pour faire face à un adversaire commun. Chacun des trois groupes avait son appellation distincte. Ainsi celle de « Compagnons du devoir de liberté » était spéciale aux enfants de Salomon, au sein duquel les tailleurs de pierre prennent le nom de « Compagnons étrangers » sous prétexte qu'ils étaient étrangers en Judée, tandis que ceux de maître Jacques sont les « Compagnons du devoir » tout court et les charpentiers de Soubise ceux du « saint devoir ». Ils prennent également le nom de « Compagnons passants » car ils étaient toujours regardés comme passagers lorsqu'ils étaient à Jérusalem.

Dans ces même corps de métiers, les tailleurs de pierre de Salomon se désignaient entre eux sous le nom de « loups », ceux de maître Jacques étaient des «loups-garous » et les charpentiers de Soubise les « bons drilles ». Les querelles entre confréries étaient innombrables et dégénéraient souvent en combat se clôturant par la mort d'un des combattants. Cependant, il était rare que des membres de devoirs rivaux s'établissent dans les villes où l'influence d'un des trois systèmes était fortement enracinée. Le droit à ce monopole pouvait cependant s'acquérir à la suite de concours
d'habileté entre les champions des deux groupes opposés. L'examen des deux chefs-d’œuvre exécutés décidait de la victoire et le parti vainqueur obtenait le droit exclusif de travailler dans la ville.

Les plus anciens manuscrits portant l'expression de « Maître Maçon » dateraient de 1244. A cette époque, l'art de la taille des pierres était tenu secret et les possesseurs de ces secrets portaient le nom de « coterie ». Au cours de l'année 1258, Etienne Boileau, prévôt de Paris, avait réuni les ordonnances et les règlements concernant les différents métiers de la ville. Il les classa dans un manuscrit intitulé « règlements sur les arts et métiers de Paris » et une ordonnance royale fit le recueil du code destiné à régir, à partir de ce moment, les guildes de métier et les travaux des artisans.

Les coutumes d'une centaine de confréries étaient coordonnées dans ce livre. L'exercice d'un métier ou d'un commerce quelconque était strictement réservé à ceux qui, ayant servi comme Apprenti, avaient reçu la maîtrise. Anciennement, dans certains métiers, l'Apprenti pouvait acquérir la qualité de Maître par une simple dénomination dûment obtenue. Le « livre des métiers » stipule expressément que le Maître qui peut employer autant d'assistants qu'il le désire ne peut pas leur communiquer les secrets du métier. De plus, il dit que l'Apprenti qui a régulièrement accompli son temps devra jurer sur les saintes écritures qu'il ne révélera pas ces secrets.

A la longue, la nécessité d'un grade intermédiaire entre ceux de patron et d'Apprenti se fit sentir et celui de Compagnon fut établi. Le voyage d'instruction n'était pas imposé mais le Compagnon devait généralement voyageur et accomplissait son itinéraire faisant ainsi son tour de France
C'est cette coutume qui aurait donné naissance au compagnonnage. Les Compagnons obtinrent des franchises, c'est à dire le droit de circuler librement de chantier en chantier.

Un chapitre du code Boileau (livre des métiers) renferme les lois relatives aux Maçons tailleurs de pierre, plâtriers et gâcheurs de mortier. Ce serait le plus ancien recueil d'écrits concernant les Maçons opératifs et les tailleurs de pierre du moyen âge.

L'article XII du dit code est pour le moins curieux. Il précise que : « tous les corps de métiers devront participer au service de la garde de nuit mais que les faiseurs de mortier et tous les tailleurs de pierre en seront exempts, depuis le temps de Charles Martel ».

Il découle évidemment de ce qui précède qu'il existait une croyance traditionnelle, remontant au XIIIe siècle, que certains privilèges avaient été octroyés aux tailleurs de pierre par ce souverain.

Une autre tradition existe selon laquelle le compagnonnage du « devoir » prit naissance à Orléans et celui du « devoir de Liberté » à Chartres. C'est une inimitié qui s'établit parmi les ouvriers engagés dans les travaux des cathédrales des deux villes et qu'il en résulta la fondation de deux sociétés, dirigées par des maîtres rivaux.

Les dissidents de la formation originelle furent pris sous la protection de Jacques de Molay, Grand-Maître de l' « Ordre du Temple ». Cet ordre de moines combattants « les Templiers » fut fondé en 1119 par des chevaliers croisés en terre sainte. Ces mêmes templiers introduisirent en France des doctrines secrètes et que Salomon ainsi que son temple, figuraient dans leurs cérémonies.

Ces Compagnons apprirent de l' « Ordre du Temple » la connaissance de la géométrie descriptive et de la décomposition graphique des forces, ce qui leur permit de construire des édifices calculés. Cette science se transmettait de bouche à oreille, de Maître à élève, car elle était une initiation de métier, à ne dévoiler qu'à ceux qui en étaient dignes et qui pouvaient eux-mêmes l'appliquer. Cela explique la qualité extraordinaire des constructions de l'époque qui restent les joyaux de notre capital architectural.

L' « Ordre du Temple » et ses Templiers s’étaient repliés en France. Ainsi en 1257, il gérait une véritable fortune amassée lors des activités et conquêtes militaires. Les possessions de l'ordre s'élevaient à 3468 châteaux, forteresses et maisons dépendantes, réparties dans 19 provinces.
En France, on dénombrait une trentaine de commanderies, une vingtaine de maisons du temple et une centaine de biens fonciers divers.

Ces croisés constructeurs se réunirent en fraternités d'architectes. L'usage de signes anciens et de mots symboliques s'expliquent par la nécessité pour eux de se distinguer des sarrasins. L' « Ordre Maçonnique » se serait ensuite uni avec les « Chevaliers de St jean » de Jérusalem
Ainsi, la chevalerie et l'architecture étaient reliées.

La Palestine doit avoir été aussi complètement couverte d'églises que l'Angleterre de nos jours, tant était puissante la force vitale du monde occidental. L'énergie déployée a permis la construction de grandes forteresses, des hôtelleries, bâties comme si elles devaient durer
éternellement.

En 1311, Philippe le Bel, s'était vu refoulé à l'entrée de l' « Ordre du Temple » qui était devenu puissant. En manque de numéraire, il fit emprisonner les Templiers, les fit torturer par l'inquisition après avoir fait main basse sur une partie de leurs richesses. La suppression de l' « Ordre » fut définitive en 1312 par le pape Clément V\, et le Grand Maître Jacques de Molay fut brûlé vif en 1314.

Mais revenons rapidement sur les croisés. La Palestine avait été conquise en 1099 et les croisades donnèrent aux chrétiens qui y participèrent une idée des travaux des sarrasins, travaux qui furent par la suite, imités par eux. Jérusalem demeura sous le pouvoir des croisés pendant près de 70 ans et pendant ce laps de temps, ils accomplirent une énorme quantité de travaux dans toute la Palestine, et l'influence exercée sur leurs ouvres par la civilisation orientale fut
profonde et durable.

En 1187, Jérusalem tombait au pouvoir de Saladin et les chrétiens furent chassés de la Palestine. C'est ainsi que des milliers d'hommes adroits, bâtisseurs accoutumés à travailler sous la direction des ordres monastiques et sous la puissance des vox et de serments stricts, furent refoulés vers l'Ecosse, l'Allemagne, la France et l'Angleterre. A leur retour, ils erraient d'une contrée à l'autre selon qu'ils trouvaient des églises à construire car il s'en construisait beaucoup, par piété ou par émulation.

Les Compagnons bâtisseurs se firent de plus en plus nombreux. Vers 1450, on comptait près de 100 corporations de métiers à paris. Leur rôle était devenu surtout économique. Dans la plupart des villes de France, il fallait être membre de la corporation pour pouvoir exercer un métier déterminé. Présents dans tout le royaume, les Compagnons rédigèrent leurs règles et ils eurent à la fin du XVIIIe siècle, le pouvoir de damner une ville en la privant de la quasi-totalité de ses ouvriers.

S'attribuant le monopole du commerce dans chaque secteur d'activité, ils furent, de ce fait, l'une des principales cibles des différents décrets interdisant les coalitions et les corporations ouvrières. Jusque sous l'Empire, les Compagnons furent étroitement surveillés par la police. Caractérisés par une mission de secours mutuel, un objectif de défendre des droits du travail et l'existence d'un fort contrôle sur leurs membres, les compagnonnages sont souvent considérés comme les précurseurs des syndicats modernes.

Issues du compagnonnage et regroupées dans une même confrérie d'artisans itinérants, les « guildes maçonniques médiévales » étaient réservées aux tailleurs de pierre qui jouissaient d'un statut privilégié que leur garantissaient l'église et la monarchie en Angleterre. Les Maçons se réunissaient alors dans des locaux installés près des chantiers appelés « Loges » et où se transmettaient, sous la férule d'un Maître Maçon, les secrets du métier.

En 1275 se tint à Strasbourg une assemblée des seuls tailleurs de pierre qui se répartirent en 5 Loges à Strasbourg, Cologne, Vienne, Zurich et Magdebourg. Peu à peu, les Loges commencèrent à admettre dans leurs rangs des hommes fortunés, des hommes de loi et progressivement, ces guildes devinrent des sociétés de pensée consacrées à la formation des consciences et à la défense de nouveaux principes tels que la fraternité, l'égalité et la paix.

Le pouvoir royal s'inquiétait de la puissance de ces travailleurs qui ligués, représentaient une force obscure. Leur initiation, leurs rites secrets, leur serment, leurs signes de reconnaissance, l'emploi de symboles, éveillaient la méfiance des souverains. Déjà au concile de Rouen en 1189 et d'Avignon en 1326, le pouvoir absolu (celui de l'église), avait interdit les confréries de bâtisseurs car selon elle, les membres de ces guildes avaient un langage et une écriture spéciale pour se reconnaître.

De plus, ayant été en contact avec des constructeurs musulmans, l'Eglise craignait que ces confréries en aient rapporté des idées allant contre le Vatican. Un arrêt du parlement en 1501, suspend les confréries des Compagnons Maçons et en 1506, il est interdit aux tailleurs de pierre de s'assembler. En 1649, on oblige les Compagnons à s'inscrire sur les registres de la police.

Malgré tout cela, le compagnonnage prospère. Il lutte pour la liberté en maintenant l'esprit corporatif. Les loges de maçons sont localement actives. Elles ont peu de rapports entre elles. Les connaissances du métier se sont atomisées et plus personne n'a le loisir de se déplacer. Toute l'activité est utilisée à la survie dans un climat de guerre perpétuelle. Les compagnonnages inquiétèrent de façon croissante les autorités civiles.

De nombreux procès furent intentés aux compagnons des 1660, mais en 1666, L'incendie de Londres donne une nouvelle impulsion aux confréries de bâtisseurs. Il faut reconstruire et pour attirer les Maçons, on leur donne de nouvelles franchises et naturellement, de nouvelles Loges voient le jour.

En Angleterre, en 1717, plusieurs guildes fusionnèrent en vue de former une « Grande Loge » pour Londres et une « Grande Loge » pour Westminster. Ils se donnèrent des statuts et élirent leur 1er Grand Maître. Celui-ci, comprit qu'en noyautant les Loges de Londres et en attirant les princes et les nobles, Il pouvait faire pièce aux Bourbons et se venger des catholiques qui avaient persécutés sa famille lors de la révocation de l'Edit de Nantes. Les Franc Maçons anglais étaient donc axés fortement contre la papauté et les Bourbons. En France, la situation était différente. La monarchie régnait d'une manière souveraine. Des régiments écossais, formés de catholiques
fervents, avaient suivi Henriette de France, veuve de Charles 1er. Ils créèrent des Loges militaires en y acceptant des nobles et officiers français.

Au cours d'une assemblée en 1721 il fut demandé à James Anderson de moderniser les vieux textes. Une commission se mit au travail et élabora un projet qui fut approuvé en janvier 1723. En France, une Loge est créée en 1721 à Dunkerque sous l'appellation « amitié et fraternité ». La « Grande Loge Unie d'Angleterre » rassemblant celles de Londres et de Westminster fut constituée en 1725 à York, la « Grande Loge d'Irlande » la même année et la « Grande Loge d'Ecosse » en 1736.

Depuis sa fondation, l'ordre maçonnique fut l'objet de nombreuses critiques ainsi que de condamnations politiques et ecclésiastiques. En 1737, en France, un collège de juges décida d'interdire la Franc Maçonnerie. Le pouvoir politique ne pouvait rester indifférent à l'égard des hommes qui se réunissaient dans des lieux tenus secrets.

Mais toutes ces menaces et condamnations n'ont pu empêcher en 1738 que la première obédience vit le jour en France. Dans les Loges, les penseurs rentrent en force et dans les villes universitaires, un nouveau courant de pensée voit le jour : le courant « scientiste » ou esprit « rosicrucien ».

En avril 1738, le pape Clément XII, âgé de 87 ans et aveugle, excommunia les Franc Maçons pour hérésie. Le Vatican craignait surtout que la fréquentation des protestants dans les Loges anglaises n'éloignât les catholiques des Loges françaises de la « vraie religion ». Il ne pouvait également accepter qu'un fidèle refuse de dévoiler les secrets de la Franc Maçonnerie en confession sous prétexte qu'il avait prêté serment. Le pape Benoît XIV confirma cette condamnation en 1751.

Et que devient le compagnonnage au milieu de tout cela. En 1776, Turgot, alors contrôleur général des finances de Louis XVI, abolit les corporations au nom de la liberté du commerce et du travail. Après la révolution, le compagnonnage des métiers constructeurs de cathédrales (tailleurs de pierre, maçons, charpentiers, serruriers, menuisiers, plâtriers et couvreurs) fut un catalyseur des espoirs du monde professionnel.

Le tour de France des cathédrales fut remplacé par le tour de France de l'emploi, où chacun put augmenter la somme de ses connaissances professionnelles par l'apprentissage de techniques et savoir-faire multiples. Ce fut l'apogée du compagnonnage, mais le machinisme qui engendra la concentration industrielle faillit lui être fatal.

Sociétés secrètes, sociétés de défense des ouvriers, sociétés nostalgiques de l'ordre ancien, les compagnonnages furent le symbole d'une remarquable continuité de structures associatives du monde ouvrier. Le compagnonnage est une institution de formation désormais reconnue dans
le monde du bâtiment même si les compagnonnages d'aujourd'hui ont perdu beaucoup de leur importance au sein du monde ouvrier et artisanal.

L'hypothèse est ainsi établie que par leur forme, leur organisation, leur symbolisme, leur méthode de gouvernement et leurs coutumes, les collèges romains et plus tard le compagnonnage présentaient avec les Loges Maçonniques modernes une ressemblance qui est à l'évidence, plus que fortuite.

Aujourd'hui, c'est une Franc Maçonnerie « évolutionnaire » qui a pris la relève. Eprises de justice sociale, les Loges ont fortement marqué la constitution fédérale de 1848 (réduction des heures de travail, suppression du travail des enfants, extension de l'enseignement gratuit, etc.).

Vénérable Maître et vous tous mes Frères, les Maçons du monde moderne ont désormais la tâche de promouvoir la liberté de conscience pour tous les hommes, mais aussi de chercher l'harmonie avec les autres pour promouvoir l'épanouissement de l'humanité. Mais cela n'est possible que par l'amélioration de l'individu, et en premier lieu de chaque Maçon.

J'ai dit,

A\ L\


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