Le
Compagnonnage
Le travail
manuel a de tout temps concouru à rapprocher les hommes qui
avaient à cœur de toujours mieux faire. La
réalisation de grands travaux à
suscité une fraternité parmi ceux qui se
retrouvaient dans l'esprit créateur.
Le compagnonnage est issu de cet état d'esprit, contemporain
de religions depuis longtemps disparues, comme elles, il a son patron :
Salomon son martyr Hiram, ses prophètes : Maître
Jacques, le père Soubise, ses rites, ses
mystères, sa théologie, sa hiérarchie
: aspirant, compagnon, compagnon fini.
Il ne prétend pas à l'universalité et
reste en marge des religions et des querelles politiques. Les formes de
société lui sont indifférentes, dans
la mesure où la liberté lui reste, et il sait la
défendre quand ça devient nécessaire.
Là où le travail, la connaissance du
métier et la perfection
de l'ouvrage, les obligations envers ses frères, la
solidarité dans les épreuves comme dans les
réjouissances, telle est la loi des compagnons. Cette loi a
un nom, elle se nomme Le Devoir.
Un compagnon vit dans le cadre d'obligations professionnelles, mais
aussi d'obligations morales à l'égard des autres
hommes et de lui-même. Il ne peut s'écarter de
certaines règles d'honneur sans être par ses
frères, dans les cas graves,
réprimandé, puni ou exclu. Un compagnon
honnête et fidèle n'est jamais
abandonné par les siens. Après son apprentissage,
le jeune compagnon va de ville en ville pour parfaire ses connaissances
professionnelles. Vivant de son travail il trouve accueil et soutient
chez la Mère, il sera présenté pour
embauche chez un patron. Son travail terminé, il trouvera au
sein de la Cayenne : esprit familial, conseils pratiques et
perfectionnement moral. Il participera aux réunions,
fêtes et banquets, se montrant respectueux et poli envers les
anciens et ses frères, ne parlant qu'à bon
escient, il écoutera les autres pour sa propre
édification.
La
Mère veillera sur sa conduite, le conseillera où
le mettra en garde. Elle a le droit de réprimande et de
rappel au Devoir. Il doit accepter ses conseils et reproches avec
humilité et respect comme venant de sa propre
mère. Si le malheur s'abat sur lui, il trouvera, dans la
Cayenne et chez la Mère consolation, aide fraternelle. Il ne
pourra quitter la ville sans être en règle envers
tous, continuant ainsi son périple, s'étant
perfectionnées dans son métier, ayant
élargi le cercle de ses connaissances il tendra à
devenir un homme complet estimé de tous, son Tour de France
terminée, le compagnon restera en rapport avec son Devoir.
S'il devient Singe à son tour il réservera bon
accueille aux jeunes compagnons sur le tour, les embauchera de
préférence et leur enseignera les secrets du
métier.
Les historiens ont souvent mentionné les grands travaux
accomplis au cours des siècles, par contre, l'histoire des
bâtisseurs est restée longtemps
négligée. Il ne reste des temps très
anciens que la légende transmise oralement et souvent
déformée. Pour cette étude je me suis
référé à
l'ouvrage de Martin Saint Léon publié en 1901
pour les faits historiques, au travail du Pays Élie Leroux
« Agenais la philosophie de l'union
» pour la légende. Page 2. (Écrit
à la main en rouge).
Les
bâtisseurs porteurs de secrets professionnels liés
entre eux par leurs métiers et par leurs
élèves, devaient affronter les dangers et les
risques du travail quotidien, une solidarité ou une
rivalité les unissait dans les risques du travail quotidien
et il est évident qu'ils avaient besoin de se
reconnaître entre eux et de se défendre contre
ceux qui n'avaient pas sur le travail le même
désir de bien faire. (Écrit à la main
en noir) Une image reproduite par Roger
L’écôté montre une
réception rituelle des compagnons par le Grand
Maître des Templiers sur le chantier des fortifications de la
ville de Rhodes menacée par les Turcs et datée de
1480.
Le plus ancien document retrouvé date de 1540. Il y est
question de la mère des compagnons de Dijon. Mais l'histoire
compagnonnique s'appuie davantage sur la tradition orale que sur les
écrits. Au-delà des documents historiques et il
n'est pas interdit de penser que l'organisation compagnonnique remonte
loin dans les siècles, la tâche des
bâtisseurs les conduisant à une
solidarité quotidienne, à une obligation de se
reconnaître, à une organisation pour se
défendre.
L'art du travail nous vient de la Chine et l'Inde, les peuples
occidentaux n'ont pris part à cette évolution que
tardivement, subissant une poussée lente qui de
l'Égypte est passée en Grèce, pour
gagner l'empire romain la Gaule, la Grande-Bretagne d'un
côté, la Germanie et les pays scandinaves de
l'autre. Le commencement de la période constructive
peut-être située vers 3500 avant J.C. Vers 1500
Ourouk de la 6ème dynastie égyptienne fait appel
à une tribu indienne de constructeurs. Vers 1500 un
maître d'œuvre signant Senmount bâtissait
le temple de Deir-El-Bihari pour la reine des assyriens Hasphositou.
Ces premiers constructeurs adossaient leurs édifices aux
montagnes pour faciliter leur tâche. Vers l'an mil se situe
la construction du Temple de Jérusalem. Le roi Salomon
suivant la tradition, fait appel à son tour à une
tribu de constructeurs venant de l'Inde. Cette tribu ayant
reçu du roi la liberté de vivre suivant ses
mœurs, son langage et sa religion, va s'installer autour de
Jérusalem construisant une ville distincte. Cette
société de constructeurs n'obéissait
qu'aux ordres de son chef, cet élu qui avait
traité d'égal à égal avec
le roi Salomon s'appelait Hiram., sorte de grand prêtre que
certains nommaient roi de Tyr.
Les travaux entrepris ne se bornaient pas à la construction
du temple, un palais fut érigé à
l'usage du roi ainsi que la citadelle, sa muraille d'enceinte et
plusieurs villes fortes destinées à garantir
Jérusalem contre l'incursion des peuples voisins. Une flotte
de ravitaillement fut également construite avec l'aide
d'Hiram. Ce peuple de constructeurs émerveillait par sa
discipline, sa compréhension, par son amour pour le travail.
Le premier office célébré dans le
temple donna lieu à une grande fête. Tout le
peuple devait y participer, mais il fut décidé de
laisser la tribu des constructeurs indiens participer à la
fête suivant ses mœurs coutume et aspirations. Le
dernier jour de ces fêtes, les clés du temple
furent remises à Hiram par ses ouvriers, afin qu'ils
puissent livrer l'œuvre finie. Le grand maître
Hiram d'un seul geste de la main, mis en mouvement dans la plaine, sa
multitude d'artisans suivis des apprentis et des manœuvres,
tous suivant leur ordre corporatif, aux cris d'allégresse de
: « Houzaie » mille fois
répété.
Le grand roi ne pu s'empêcher de demander au grand
maître, par quel pouvoir il pouvait dominer et faire agir
cette mer humaine. « Ce jour lui dit Hiram, va
être le plus beau de ta vie. En nous donnant la
liberté, avant de te quitter, nous nous sommes
déclarés satisfaits de tes conseils et de tes
lumières. Ainsi nous allons t'éclairer de nos
mystères, et te donner la lumière qui nous vient
du lointain Orient ». Le roi Salomon fut ainsi
initié aux mystères des compagnons et
déclaré leur souverain. Depuis ce jour, ils
devaient travailler sous l'égide du Saint Devoir
d'Israël du Dieu Salomon, qui il leur avait donné
le titre de Compagnon, celui qui mange le même pain un, qui
partage le même vin. Les compagnons se dispersent alors pour
continuer par le monde leur rôle de bâtisseurs. Une
partie devait parcourir l'Afrique, une autre passé
d'Égypte en Grèce, la troisième ferait
retour au pays d'origine, l'Asie et l'Inde. Un mode de reconnaissance
devait, à travers l'espace et le temps, faire que ses
membres puissent se retrouver et se reconnaître. Salomon
réunit les vieux initiés qui, en raison de leur
âge, devaient rester sur les lieux. Il les groupa en un ordre
des Gardiens du Temple.
Leur
tâche était de veiller à la
conservation des lieux et des rites. Voici pour la période
de fondation et d'organisation, voyons maintenant la phase d'extension.
Les professions avaient des limites imprécises,
déterminées moins par la nature du travail que
par la matière que l'on devait traiter. Une
évolution des corporations se fit à partir de la
pierre, puis des bois de charpente et des pièces de forge.
À mesure que l'art se développait, l'architecture
devenait plus audacieuse. Les compagnons
opérèrent en Grèce pendant plus de
cinq siècles. Vers 700 ans avant J. C.; Tyrénus
roi Lydien emmène une colonie de Lydie en Italie et fonde la
ville de Tachina. Les Romains recherchaient un luxueux confort qui
donna un ressort aux industries de l'art : argenterie, bronze,
mosaïque.
C'est
l'époque de la naissance du plein cintre. La secte voyageuse
allait de l'Orient à la conquête de l'Occident,
par son travail et sa sagesse. Vers 600 avant JC c'est la fondation de
Marseille par une expédition hellène de
négociants. Par cette filière, les constructeurs
s'installent dans le midi de la France, nous voyons au fil des
siècles qui suivirent, surgir les villes d'Aix,
Nîmes, Avignon, Arles, Narbonne, Toulouse, se construire
monuments, arènes, palais, apportant l'art nouveau. Les
armées romaines entraînaient avec elle leur horde
de constructeurs qu'elles avaient enrôlés en
Macédoine. Avec l'ère chrétienne, la
religion commence à prendre de la puissance. Elle fait appel
aux compagnons pour ériger ses monuments
dédiés au nouveau culte, de la vallée
du Rhône à celle de la Garonne : Saint Honorat aux
îles de Lérins, Luxeuil, Saint-Jean. De Poitiers
au premier siècle, Saint Potin à Lyon au
deuxième. Saint-Martin de tour au troisième Saint
Colomban en Angleterre au cinquième sont des
étapes. Beaucoup d'autres qu'il faudrait mentionner, dont
l'abbaye du Mont-Saint-Michel, datent de cette époque. On
trouvera la trace des travaux des compagnons sous Clovis, Dagobert
où son ministre Éloi fut initié
à l'Ordre. Nous atteignions l'an mil, période des
châteaux forts et surtout de l'érection des
cathédrales. Une folie mystique s'était
emparée des grands de ce monde devant les
prédictions de la fin de la Terre.
Les gens
abandonnaient leurs biens en offrande au Seigneur dans l'espoir
d'être sauvés. Nous voyons surgir dans les deux
siècles qui suivirent : Saint-Germain-des-Prés,
Saint Rémi de Reims, Bayeux, Pont Aude mer, Saint-germain
l'Auxerrois, Clairvaux, Lisieux, Reims, Laon qui marque le
début de l'ogival en 1155, le Louvre, Amiens, Rouen, la
Sorbonne. Notre-Dame de Paris commencée en 1163, on y
officie en 1185, mais il faut trois siècles pour la
terminer. L'histoire à ignoré les noms de ces
maîtres d'œuvre, il est symptomatique de constater
qu'ils ne sont connus
que par leur prénom associé au lieu de naissance
: Jean de Châles construit à Paris, Robert de
Luzarches à Amiens Robert de Coucy à Reims etc.
Comment l'organisation compagnonnique était-elle construite
? Pour cela nous devons revenir aux gardiens du Temple.
Chassés à diverses reprises mais revenant
toujours à leur lieu assumé, les gardiens
continuaient à perpétuer l'ordre des compagnons
du Saint Devoir. Un moine nommé Bernard fonda un
hôpital vers 870 lequel était destiné
à recevoir les pèlerins venus d'Occident visiter
les lieux saints. Le développement de cette œuvre
donna naissance à l'ordre des hospitaliers de Saint-Jean,
étroitement liée avec les gardiens du Temple. Se
rendant utiles pendant les croisades, ils gagnèrent
à leur cause croisés et gentilshommes qui
s'enrôlèrent dans cet ordre. Un
deuxième ordre fut créé par d'autres,
qui prirent le nom des chevaliers du temple. Ceux-ci furent
initiés aux mystères de l'ordre par les gardiens.
Une évolution se fit parmi les chevaliers du temple, le
sentiment militaire reprenant le dessus, vers la spéculation
et l'exploitation des pèlerins.
Ce nouvel
ordre des Templiers grandit rapidement en nombre et en puissance. Les
hospitaliers de Saint-Jean et l'Ordre des Templiers ne purent vivre en
bonne harmonie. Ceux-ci se retirèrent en Acre et prirent le
nom de Chevaliers de Saint-Jean. L'Ordre des Gardiens du Temple ayant
abandonné tous ses pouvoirs aux Chevaliers du Temple,
disparu. À la déroute de la septième
croisade, les Chevaliers du Temple rentrèrent en France. Les
Hospitaliers de Saint-Jean d'Acre passèrent à
l'île de Rhodes puis sur l'île de Malte ou un
groupe se fixa et prit le nom de
chevaliers de Malte. Ce fut l'ordre des Templiers qui patronna et fit
travail les compagnons. Ceux-ci gardant leurs vieux dialectes indiens
et leur religion, ne vivaient que pour eux, en nomades, sans amasser
aucun bien. Tout deux mécontentaient l'église et
le roi. L'un ne voulant pas se courber à la religion
chrétienne, l'autre en s'enrichissant au point de disposer
de la
nation.
Le rituel
n'avait pas changé chez les compagnons, par contre les
chevaliers abandonnant le rituel de leur fondateur avaient une
initiation toute différente : après une nuit de
contrition et d'abandon, jurant de travailler au bien particulier de
l'ordre, rêvait ensuite d'aventures, recherchant
l'autorité de et la renommée.
Installés depuis 1268 ils devinrent les maîtres du
royaume jusqu'au règne de Philippe le Bel qui a bout de
ressources les extermina avec l'aide du pape Bernard de Cotte. Les
survivants trouvèrent refuge chez leurs frères
d'origine, les hospitaliers de Saint-Jean, qui par politique et
à dessein, avaient été
ménagés, reçurent même
quelques biens en immeubles. Ceux-ci purent donc prendre le relais des
Templiers et reçurent les compagnons sous leur tutelle. Ceci
fut l'époque où nous assistons à une
transformation de l'Art.
L'ogival
primitif fait place au rayonnant et à l'ornementation, la
rosace apparaît, les grandes fenêtres. Le
recueillement fait place à la fête et au culte.
L'art est accaparé par celui qui paye et commende. On
travaillera pour la somme offerte et non pour l'amour du travail que
l'on
fait et du plaisir qu'on en ressent. Certains édifices s'en
ressentent. La cathédrale de Laon, commencée par
Barthélemy de Vié et terminé par
Gautier de Montagne, est faite de roman à la base puis
d'ogival et de Renaissance. Le caractère collectif du
compagnonnage se dissout avec la règle du profit.
L'église omnipotente profite de la situation. Un
siècle après la destruction des Templiers, les
constructeurs ayant rompu le chantier de la cathédrale de
Paris se trouvent sous les murs d'Orléans. Les travaux de la
cathédrale étaient dirigés par le
maître d'œuvre Soubise, moine de valeur, et le
grand maître de l'ordre Jacques de Molène,
argentier administrateur, tous deux gagnés à la
religion chrétienne. Une grande confusion en
résultat. Les fanatiques de la nouvelle religion
n'hésitèrent pas à semer la discorde
dans cette organisation qui, de puis vingt siècles
parcourait le monde avec un seul but celui de faire de l'Art et du Beau.
La cathédrale Sainte-Croix garde encore la trace de ces
discordes. Elle était inachevée alors, puis
rebâtie au XVII et XVIII siècle. Un premier
schisme était déjà survenu en 450
avant JC ayant pour base l'organisation séparée
des corporations. Celle-ci était due à
l'évolution de l'art, rendant obligatoire une
spécialisation. Ces corporations sont restées
cependant sous la direction des tailleurs de pierre. Mais en 1450 de
l'ère chrétienne, la vieille formule diviser pour
régner obtenait un résultat positif. Le Saint
Devoir de Dieu était coupé en trois
tronçons : le Devoir de Liberté travaillant sous
l'égide de Salomon conserve la tradition. Les deux autres
étant le Devoir de Maître Jacques et le Devoir de
maître Soubise.
Il en fut de même chez les hospitaliers. Devant cette
débâcle ils reprirent leur
indépendance. Une partie de cet ordre, avec des
éléments compagnons, constitua un nouvel ordre
qui prit pour ambition de diriger les constructeurs divisés
et prirent le nom de corps francs, maçons
constructeurs ou logeurs du bon Dieu. Ils furent
considérés comme maçons
spéculatifs, faisant travailler ou prenant à leur
service des constructeurs, dirigeant, commandant, profitant de la
débâcle et des luttes intestines que cette
situation avait créé, prenant pour
prétexte l'idéal religieux provoquant des abus
entre les corporations, donnant suite à des situations de
préséance. Cette situation se
perpétuera quelque temps, mais craignant de subir le sort
des Templiers l'ordre des maçons francs disparu
officiellement et se constitua en société
secrète.
En
conséquence à ce schisme, le compagnonnage va
subir une transformation de principe. La collectivité
disparaît ou au moins s'amoindrit pour faire place
à l'esprit de corps, chaque métier va former une
filiale compagnonnique. Ceci se fait graduellement et par
étapes, sur trois siècles. Cette
période qu'il fallut pour reconnaître ces
filiations (une corporation ne pourrait être reconnue que par
un plus ancien possédant l'initiation) cette
période a donné lieu à
différences nuisibles à la bonne harmonie de la
vie compagnonnique. Surgissent des controverses, chicanes et
préséances de rang. Les compagnons luttent entre
eux et sont persécutés par des organisations
telles que Jurandes et Maîtrises. L'influence des
Jésuites se fait sentir. Le nouveau régime change
de religion. Le nouveau rituel est à base catholique. Tout
ce qui ne suit pas la religion est mis à l'index, c'est la
période des décrets de la Sorbonne, le
règne de l'Inquisition bat son plein. Les Hospitaliers de
Saint-Jean ayant disparu, on voit apparaître
l'œuvre des Mères qui va loger et
héberger les compagnons. Cette période trouble
d'essais et de réorganisation sous les
persécutions va de 1500 jusqu'à la
révolution.
En 1501 le parlement de Paris suspend maçons et charpentiers
1524 le concile de Sens prétend favoriser les monopoles 1539
l'ordonnance de Villers Cotteret dit « seront
abattues, interdites défendues toutes confréries
de gens de métier et artisans 1553 les coordonner seront
interdits avec confiscation des biens et l'argent remis à
l'église de la Trinité 1560 à
Orléans et en 1779 à Blois, fermeture des lieux
de réunions L'ordonnance de la Sorbonne de 1655 interdisant
divers regroupements comme ayant leur pratique remplie
d'impuretés sacrilèges et
blasphématoires contre la religion, ordonnait la dissolution
de toutes les organisations compagnonniques ».
C'est d'ailleurs la plus sérieuse documentation sur la vie
et les moeurs des compagnons de cette époque. La vie
maçonnique va continuer cependant, elle est devenue
clandestine.
L'histoire des compagnons est restée écrite dans
la pierre. Pour la lireil faut parcourir l'évolution de
l'architecture. Depuis l'âge des Doriens, construisant au ras
du sol en lignes parallèles, jusqu'au gothique flamboyant,
lançant vers le ciel ses tourelles, frises, dentelles et
clochetons, nous voyons l'art s'épurer et prendre des forme
verticales, dans la grâce des colonnes de l'art oriental, qui
évolue vers le Corinthien et le Toscan, puis le Composite
Romain et L'Ogival. Tout comme les sociétés ont
connu leur décadence après être
montées au faîte de leur gloire, tel les Grecs
après l'apogée d'Alexandre, les Romain
après les Césars, les Francs après
Charlemagne, les Compagnons du Saint Devoir de Dieu, après
avoir peuplé l'Europe de cathédrales aux aspects
multiples ont connu la discorde et la dislocation.
Nous en étions restés à la
période cruciale, où sous les Tours
d'Orléans, les maîtres d'œuvre Jacques
et Soubise en voulant faire admettre la religion catholique
à des ouvriers qui, depuis des siècles
n'obéissaient qu'à la tradition rituelle venue
d'Orient, provoquèrent une division et une transformation
des principes qui cimentaient les corporations sous le même
idéal.
La collectivité s'amoindrit pour faire place à un
esprit de corps, chaque métier dans la discorde qui
régnait alors, va former sa propre filiale compagnonnique.
Avec Maître Jaques se groupent les travailleurs
intérieurs et d'ateliers. Avec Maître Soubise, une
partie des travailleurs du bâtiment. L'ordre de Salomon
subsistera en perpétuant l'ancien rituel dans d'autres
corporations du bâtiment.
L'Art va être marquée par cette
désorganisation. On travaille pour le plaisir, la
satisfaction de bien faire. Conduit par un seul, l'esprit de
création est un sentiment égoïste,
personnel. Tandis que l'œuvre d'une corporation d'individus
ou tous s'effacent, tout le monde est heureux sans la crainte de
personnes, donne des résultats complets.
L'originalité disparaît quelque soit
l'édifice que l'on ait à construire, avec
toujours les mêmes éléments, et l'on
arrive à la monotonie et l'uniformité, au
flamboyant a succédé le Renaissance. Pour lutter
contre les exigences des patrons et se révolter contre
l'omnipotence des chefs qui voulaient leur appliquer de nouvelles
règles de vie, les travailleurs ont recours à la
grève. Afin de donner plus d'autorité et une
apostille officielle, le duc d'Orléans fut reçu
compagnon chapelier, le 25 juillet 1407, sous le nom de « Guépin
l'intrépide » il donne aux compagnons
chapeliers le droit de porter l'épée et de tenir
premier rang dans les cortèges officiels.
Jusque-là, on considérait que seule la
corporation qui couronnait l'édifice avait droit au premier
rang, ce qui déjà suscitait des accrochages entre
les tailleurs de pierre et les charpentiers. Mais avec une apostille
comme celle du duc on passait outre ce qui n'allait pas sans conflits
et discordes.
Ces préséances de rang se traduisaient par des
mesquineries qui prirent une grande importance car des travailleurs qui
animaient leur corporation et leur métier, voulaient que
celui-ci soit honoré au maximum et de quelque
façon que ce soit. Ainsi le port des couleurs : les
tailleurs de
pierre portaient ruban au chapeau, ainsi que les charpentiers, d'autres
n'ont le droit de porter leurs couleurs qu'à la hauteur de
la première boutonnière, certains ne peuvent la
porter qu'à la seconde... Toute corporation qui a
conféré le Devoir à une autre porte
les couleurs de l'enfant à la seconde
boutonnière. Parfois l'enfant dépasse
l'initiateur en nombre et influence, et réclame
d'être honoré en conséquence.
D'où naissance de haines sans fin. Durant toute cette
période difficile tout un folklore est né, dans
des désaccords et sous les persécutions. Le
compagnon qui fait son Tour de France trouve dans les diverses villes
un siège nommais Cayenne, où fonctionne la
Société, l'étymologie de ce mot
« Cayenne » est d'ailleurs
assez obscure. Les Indiens d'Amérique du Sud l'emploi sous
le vocable de « Ca-é-na
» (d'après notre F\ Eugène
Létard).
Le
siège en est une auberge qui est
généralement tenue par une femme que l'on nomme
« La Mère » les
compagnons y trouve la table, le gîte, le travail et les
soins en cas de maladie ou d'accident. Le sentiment de
mutualité se développe dans cette
société. Les jeunes y y trouvent les cours
appropriés à leur métier. Le
président est nommé « Premier
en ville ». Un compagnon appelé
« Rouleur » ou « Rôlleur
» indique au passant les patrons qui sont susceptibles
d'avoir de l'embauche et donne toutes les indications dont celui-ci
peut avoir besoin. Il arrive que le plus ancien donne sa place au
nouvel arrivant et va dans une autre ville perfectionner son
métier, par de nouvelles façons de faire, propres
à cette région. À la Cayenne, on fait
la réception de l'Aspirant, il reçoit les mots de
passe et de reconnaissance ce qui lui permet de s'identifier au vu et
à l'égard de tous les compagnons. Ils sont tous
munis d'une canne plus ou moins longue. Le haut de cette canne
à un pommeau plus ou moins important, noir pour les
charpentiers, blanc pour les tailleurs de pierre, couleur bis pour les
Maîtres Jacques. L'embase est de cuivre gravée de
symboles. Cette canne est enrubannée les jours de
fête. Elle est le soutient aussi bien que l'arme. Pour se
différencier et s'y reconnaître sur les chantiers,
les compagnons ont pris des noms divers selon leur obédience
et leur métier.
Les Salomon et les Soubise s'appellent « Coteries
» les Maîtres Jacques « Mon
Pays ». Les tailleurs de pierre de Salomon sont
compagnons étrangers et surnommés « Loups
». Le compagnon porte des couleurs parsemées de
fleurs multicolores, il a son nom de compagnons suivi de la ville de
naissance. On dira : « La Sagesse de Poitiers
». Leur aspirant est appelé « Jeune
homme ». Il porte couleur vert et blanc au
côté droit. Les menuisiers et serruriers de Salons
sont dits « Gavots », ils
portent couleur blanc et bleu à la boutonnière,
flottant du coter gauche, ils mettent leur nom de provinces en premier
« Languedoc le soutien des couleurs
» et se disent vous. Les charpentiers dits « Indiens
» ont couleurs blanches, vert et rouge, du
coter gauche. Les Soubise sont « Devoirant
» ou « Passant ».
Le Maître est surnommé « le
Singe », le compagnon « le
Chien » l'Aspirant « le Renard
» l'apprenti « le Lapin
», longue canne, ruban autour du chapeau, ramené
sur l'épaule gauche devant. Leur surnom est celui du pays
natal suivi du nom de guerre on dit « Dijonnais
l'inflexible », ils se faisaient la guerre avec
les Salomon, leur contestant le mot Devoir en l’appelant
« compagnon de Liberté
», ils ont donné le jour aux compagnons couvreur
et plâtrier dont les surinons diffèrent, on dira
« Bordelais la rose » dit beau garçon.
Couleurs au chapeau mais pendant dans le dos. L’Aspirant
plâtrier se nomme « Bouquin
», l'aspirant couvreur se nomme « l'Aspirant
». Les maîtres Jacques sont
« Dévoirant compagnon passant
». Leurs tailleurs de pierre se sont « Loups
Garou » Couleurs rouge et blanc
accroché à la première
boutonnière et flottant. Ils ont au chapeau un petit ruban
rouge liseré jaune et ruban à fleurs multicolores
tombant au dessous de l'oreille droite. Leur surnom est suivi du lieu
de naissance. Les autres compagnons de ce rite portent un nom
à leur choix, leurs rubans sont couleurs reçues
chacune en passant dans une Cayenne différente. Une coutume,
pour les décès, et de faire « la
Guilbrette » et hurler ou pour mieux dire se
lamenter autour de la tombe, en termes déformés,
incompréhensibles au profane. La Guilbrette se fait aussi
dans d'autres circonstances. C'est une sorte de danse brève
aux gestes rituels qui se pratique entre deux compagnons. Sur son Tour
de France, le compagnon était muni d'une gourde qu'il
portait au côté gauche, tenue par un cordon rouge.
Souvent remplie de cordial, à chaque rencontre sur la route,
les deux voyageurs échangeaient le contenu bien souvent
aussi mettaient en commun celui de leur bourse.
Au
départ d'un compagnon quittant une ville, on lui faisait la
levée d'acquit. Le Rouleur s'informait si le partant
était en règle à l'égard de
la Société, de la Mère, et du patron.
On lui remettait « sa chose »
ou feuille d'acquit, que certains appelaient aussi « lettre
de chambre, carré ou cheval ». La
corporation convoquée lui faisait la conduite jusque hors de
la ville et des faubourgs. À la séparation on
buvait, puis le partant prenait la route, son baluchon sur
l'épaule, gourde au côté et canne en
main. Certains historiens rapportent qu'à l'origine, cette
coutume était dictée par le fait qu'il
était souvent difficile à un jeune ouvrier de se
détacher des liens sentimentaux ou autres qu'il avait
contractés lors de son séjour. Mais il existait
aussi de mauvais drôles qui devaient être exclus de
la société pour mauvaise conduite. Cette sanction
était publique est faite dans des termes très
durs. Le malfaisant était traité de dernier des
derniers, considéré comme l'injure
suprême. Il devait remettre canne et couleurs au premier en
ville, et abandonner toutes pièces manuscrites concernant le
compagnonnage. Ce genre de cérémonie
était appelé « la conduite
de Grenoble ».
Au congrès de Lyon, en 1807, 28 corporations figurent au
tableau, plus cinq qui furent reconnus après. Beaucoup
avaient déjà disparu telles : fendeurs de croix,
potiers d'étain, charbonnier, blancheurs chamoiseurs,
épinglistes, cloutiers, tondeur de drap, boursier, brideurs,
etc. Sur le thème folklorique je mentionnerai les noms dont
certaines corporations désignaient leurs membres : des
sobriquets tels que pour les boulangers : « Seigneur
de la raclette » les tondeurs de drap :
« les Planquets », les
chapeliers « les Drogins »
les maréchaux « les gamins
». À ces noms s'ajoutaient des sobriquets
désobligeants. Les sédentaires qui n'ont pas fait
leur tour de France sont « les Armagnots
», les compagnons marié deviennent « des
Agrichons », les ouvriers indépendants sur le Tour
sont « des Espoontons »,
chaque corporation a adopté un saint patron : les
charpentiers ont la Saint-Joseph, les menuisiers la Sainte-Anne, les
poêliers, bourreliers, couteliers, maréchaux,
ferblantiers, orfèvres ont la saint Éloi, les
couvreurs l'Ascension etc. Des légendes racontent comment
certaines corporations ont eu accès au compagnonnage,
l'histoire a retenu celle des boulangers et des cordonniers.
Un compagnon doleur dit « Bavarois bon
désir » fut longuement malade. Son
organisation l'abandonnant, ses amis boulangers lui vinrent en aide.
Comme remerciements il les initia au Devoir des boulangers le 16
février 1818. À la suite de cet incident,
bavarois dû parti en Amérique le lendemain 17
février. Mais les boulangers ne furent reconnus par
l'ensemble des corps réunis que le 9 décembre
1860. À Angoulême, en 1807 mourait un vieux
compagnon qui laissait un vieux manuscrit comme héritage. Ce
manuscrit fut remis à Martinet, compagnon tanneurs, celui-ci
apprit ainsi que les cordonniers avaient connu le devoir en 1655. Il
prit sur lui d'initier deux compagnons cordonniers, mais il dut quitter
Angoulême par crainte de représailles. Les
cordonniers furent reconnus le 10 novembre 1850. Le compagnonnage
possède lui aussi son panthéon de chansonnier,
poètes, peut-être pas d'une érudition
de grande classe, mais tous empreints de simplicité et de
droiture humaine. Citons quelques noms d'auteurs : Perdiguier dit
Avignonnais la Vertu ; Sciendre dit La Sagesse de
Bordeaux ; Escoolle dit Jolicoeur de Salerne ; Piron
dit Vendôme la clé des cœurs ;
Surnoms que l'on retrouve dans les vers de nombreuses chansons
compagnonnique et bien d'autres que je ne citerais pour ne point vous
lasser.
Daniel Halevy l'auteur de la juive, nous dit que Vendôme la
clé des cœurs fut considérée
comme le Bélanger du compagnonnage. Sur Perdiguier, je le
cite : « Avignonnais la Vertu
représentant du peuple en 1848, raconte Victor Hugo dans
l'histoire d'un crime, à ceint le tablier de cuir et est
menuisier en Suisse ».
Ainsi continue la vie compagnonnique. Nous sommes à
présent dans la période de construction des
musées, châteaux théâtres,
hôtels de ville, et hôtels particuliers. C'est une
nouvelle orientation qui donnera suite au style Renaissance. 1800 est
l'époque du regroupement du compagnonnage. Si tout a
changé depuis la révolution, il est encore
debout, gardant une grande activité dans son organisation
corporative. L'heure des grands travaux est passée, le
machinisme créé de nouveaux besoins en ouvriers
qualifiés, l'ingénieur recherche l'homme capable
de mettre en route l'idée qu'il a couchée sur ses
plans, un auxiliaire pour arriver au résultat
qu'il cherche.
En 1948 une grande manifestation a eu lieu place des Vosges
où les compagnons réunis au nombre de 10 000
(jaquette et haut de forme), juraient d'être
frères, d'oublier leurs querelles, de vivre en paix entre
eux, d'initier le compagnonnage dans ses divers rites, les promoteurs
de ce mouvement étaient Perdiguier, Sciendre, Escolle et
divers autres. Mais la Concorde ne durera pas longtemps et ces
apôtres de l'union disparurent sans avoir pu
réaliser leur rêve. Une nouvelle tentative eu lieu
en 1874. À l'appel fait, les corporations réunies
en congrès à Lyon constituèrent
l'Union de tous les Devoirs réunis. Malgré toutes
ces tentatives quelques corporations restèrent
réfractaires à cette entente mais l'Union
Compagnonnique n'en continue pas moins sa marche d'unification et
d'émancipation. Au centenaire de la mère Jacob a
Tour en 1964 plus de 150 compagnons réunissaient tous les
Devoirs.
J'ai dit,
C\ H\ C\
La planche de notre TCF Charles HORT\ a été
très instructive et précieuse au niveau de
l’historique du Compagnonnage et des valeurs qu’il
défend. L’intervention que je fais est assez
longue, veuillez m’en excuser, mais j’ai
déjà traité ce sujet et je voulais
vous en faire part, car je pense qu’elle sera
complémentaire. La légende côtoie en
effet la tradition et les rites et rituels du Compagnonnage ont sans
doute influencé la maçonnerie
spéculative. Pour ma part je crois que la
maçonnerie opérative est sans aucun doute le
point de départ de la F\ M\ et cela ouvrira certainement le
débat.
LE COMPAGNONNAGE MAITRE JACQUES.
Maître Jacques, l’un des premiers Maîtres
artisans de Salomon, serait né à
« CARTE »
(qui serait devenu « SAINT-ROMILI »
mais dont la localité est impossible à
identifier) et aurait appris dès son enfance à
tailler la pierre. Il aurait voyagé dès
l’âge de 15 ans, visitant successivement la
Grèce, l’Egypte, la Palestine, puis serait
arrivé à Jérusalem à
l’âge de 36 ans, après avoir
voyagé 21 ans de sa vie. Il y travailla, dit-on,
à la construction du Temple de Salomon sous les ordres
d’Hiram Abiff (l’architecte du roi). Il fut
nommé Maître des tailleurs de pierre, des
maçons et des menuisiers. Le temple achevé, et
après la mort d’Hiram Abiff, Maître
Jacques quitta la Judée en compagnie d’un autre
Maître, SOUBISE, avec lequel il se brouilla bientôt
et dont il se sépara. Le navire qui portait Soubise accosta
à Bordeaux, tandis que Maître Jacques fit voile
avec 13 compagnons et ses 40 disciples vers MARSEILLE (la
légende semble là fort anachronique sur ce point,
car Marseille n’a été fondée
que 600 ans avant Jésus-Christ et Bordeaux 300 ans avant
Jésus-Christ, donc postérieurement au
siècle du Roi Salomon). Maître Jacques voyagea
encore 3 années durant lesquelles il eut à se
défendre contre les embûches des disciples de
Soubise, qui un jour l’assaillirent et le jetèrent
dans un marais. Il parvint cependant à se cacher
derrière des joncs avant que ses propres disciples ne le
trouvent et le secourent.
Après cette déconvenue, Maître Jacques
se retira en Provence dans l’ermitage de la Sainte-Baume,
dans la caverne où 900 ans plus tard la tradition de
Marie-Madeleine prit naissance. L’histoire de sa fin
paraît avoir été calquée sur
le récit de la passion du Christ. Un de ses disciples,
l’infâme Jéron (que
d’autres ne nomment « Jamais »)
le trahit. Un matin, dans la 47ème année de sa
vie, alors qu’il était en prière dans
un lieu écarté (tel Jésus à
Gethsémani), Jéron vint le trouver et lui donna
le baiser de paix. C’était le signal convenu et 5
assassins se jetèrent sur lui en le perçant de 5
coups de poignard. Il vécut cependant encore quelques heures
et put, avant d’expirer, faire ses adieux aux compagnons
tardivement accourus. « Je meurs (dit-il),
Dieu l’a voulu. Je pardonne à mes ennemis et je
vous défends de les poursuivre, ils sont assez malheureux.
Je donne mon âme à Dieu mon créateur,
et à vous, mes amis, je ne puis rien donner, mais recevez
mon baiser de paix. Lorsque j’aurai rejoint l’Etre
suprême, je veillerai sur vous. Je veux que le baiser que je
vous donne, vous le donniez toujours aux compagnons que vous ferez,
comme venant de votre père. Ils le transmettront de
même à ceux qu’ils feront. Je veillerai
sur eux comme sur vous tous, pourvu qu’ils soient
fidèles à Dieu et à leur Devoir et
qu’ils ne m’oublient jamais ».
Lorsque Maître Jacques fut mort, ses disciples lui
ôtèrent sa robe et trouvèrent un petit
jonc qu’il portait toujours en souvenir des joncs qui
l’avaient sauvé alors qu’il
était tombé dans le marais. Les compagnons
placèrent le corps sur un lit qui fut transporté
dans la grotte de la Sainte-Baume, où il resta
exposé pendant 2 jours. La dépouille mortelle de
Maître Jacques fut ensuite portée
processionnellement par les compagnons jusqu’à un
lieu proche de SAINT-MAXIMIN, où il fut enseveli. La
garde-robe de Maître Jacques fut ensuite partagée.
On donna son chapeau aux chapeliers, sa tunique aux tailleurs de
pierre, ses sandales aux serruriers, son manteau aux menuisiers, sa
ceinture aux charpentiers et son bourdon aux charrons.
Le traître Jéron eut la même fin que
Judas. Dévoré de remords et
désespérant de la miséricorde divine,
il alla se jeter dans un puits qui fut ensuite comblé.
Soubise fut accusé d’avoir
été l’instigateur du meurtre de
Maître Jacques, mais cette accusation, qui entretint
longtemps la désunion entre les compagnons des deux rites,
fut jugée injuste par nombre d’enfants de
Maître Jacques eux-mêmes. Soubise,
d’après cet autre récit, versa des
larmes amères sur la tombe de son ancien ami et
flétrit énergiquement son assassinat.
Maître Jacques, personnage mythique et symbolique devint
ainsi le saint patron des guildes de tailleurs de pierre
Français au moyen âge, puis des compagnons du
devoir qui vont encore en pèlerinage sur le site de la
grotte de la Sainte-Baume le 22 Juillet, jour de la Sainte
Marie-Madeleine. Une seconde version veut que Maître Jacques,
loin d’avoir été un simple artisan
contemporain de Salomon, soit tout unanimement le même
personnage que « Jacques de Molay »,
le dernier grand Maître des Templiers,
brûlé sur ordre de Philippe Le Bel. Les Templiers,
fait-on observer, étaient de grands constructeurs
d’églises. Ils avaient été
initiés en Orient à maintes pratiques
secrètes qui furent
révélées au cours de leur
procès.
Jacques de Molay a donc pu donner une règle aux ouvriers
maçons, tailleurs de pierre, charpentiers, etc. qui
travaillaient pour l’Ordre du Temple et les grouper en
sociétés de compagnons. Cette version,
à première vue moins invraisemblable que la
précédente, ne repose sur aucun fondement
sérieux. L’existence de relations entre les
Templiers et les confréries ouvrières
d’où est sorti le compagnonnage n’est
pas en soi, impossible, mais demeure purement conjecturale, aucun fait,
aucun indice même, ne permettent d’apporter une
quelconque affirmation à cet égard.
MAITRE SOUBISE. Sa légende est intimement liée
à celle de Maître Jacques, dans le sens du reflet
de la désunion et de la jalousie. Ayant
été amis et architectes à la
construction du Temple de Salomon, transcendés par
l’élévation d’un temple
à la gloire de Dieu, dédié au culte de
l’éternel, ils devinrent ennemis à la
mort d’Hiram Abiff.
D’après un autre récit, Soubise aurait
été moine bénédictin, et
aurait vécu à la fin du 13ème
siècle. C’est, en effet, sous le costume des
religieux de Saint-benoît que ce fondateur est ordinairement
représenté sur les images. Soubise aurait
participé en même temps que Jacques de Molay
à l’œuvre de la construction de la
cathédrale d’Orléans
« Eglise Sainte-Croix ».
Le Compagnonnage aurait été fondé
à cette époque et Soubise aurait
survécu quelques années au grand Maître
des Templiers. Les 3 fondateurs légendaires du
compagnonnage, Salomon, Maître Jacques et Maître
Soubise restent aujourd’hui le symbole de la fondation, de la
pierre qui supporte l’édifice. Cette tradition est
bien comparable à d’autres légendes
dont les marques, églises ou reliques jalonnent les routes
des pèlerins. Cependant le compagnonnage utilise les
mêmes emblèmes et les mêmes symboles que
la maçonnerie spéculative, car on peut penser que
la dimension spirituelle est une démarche personnelle que
nul n’impose mais qui s’impose à chacun
pour peu qu’il livre un effort. Cet effort se trouve
être le dénominateur commun dans la recherche du
travail parfait, celui qui est pratiqué en commun par
l’apport des règles, des rites et des coutumes.
LE COMPAGNON. On pourrait donner cette définition du
Compagnon qui est celui qui partage le pain avec un autre. Un vieil
adage dit : 100 fois sur ton ouvrage, remets-toi au travail. Certes le
travail appelle la réflexion et la réflexion
amène à l’organisation. Mais
qu’en est-il de la Franc-maçonnerie qui fait appel
à des méthodes de construction pour
élever la pensée afin de mieux
l’organiser, et du Compagnonnage qui fait appel à
la pensée pour élever des constructions dans les
règles de l’art. De tous temps le secret du
métier a été gardé,
préservé, voire même
amélioré comme si, jalousement, on eut peur de
perdre son âme ou son travail.
Le travail ne dépend pas d’autrui, il
dépend surtout de la valeur que l’on veut bien lui
attribuer. Car en fait si l’on travaille c’est bien
pour soi-même, pour nourrir sa famille ou pour
éveiller son esprit et parfaire ses connaissances. Son
résultat ne vaut que par son mérite dit-on, celui
du Compagnon est de mettre en pratique les règles
qu’on lui a appris, ainsi que les vertus dont on lui a promis
de donner l’exemple. Cet exemple a un modèle, et
il existe une éthique du Compagnonnage qui n’est
pas seulement un mythe mais une déontologie
destinée à découvrir une
manière de se conduire.
Ce qui est empreint dans le cœur n’est point
retracé, car aucun code ne pourrait en déterminer
une exacte dimension. De même, celui qui resterait sourd aux
malheurs des autres ne pourrait concevoir de travailler en
réelle communauté. A chaque époque des
êtres se sont rassemblés par affinité
ou tout simplement par intérêt commun, comme les
Templiers ou les tailleurs de pierres. Mais quelle est la
différence entre un chevalier et un constructeur de
cathédrale ? Peut-être existe-t-il un lien aussi
subtil qu’évident comme la Foi, mais que dire de
la dignité et de l’honnêteté
? Comment concevoir qu’un homme armé
d’une épée puisse avoir le
même but qu’un ouvrier muni d’un maillet,
si ce n’est le cheminement qui l’amène
à vouloir découvrir et défendre ce qui
a de plus noble sur Terre. L’un répand et
défend les bienfaits de la religion, tandis que
l’autre en édifie son symbole.
En Franc Maçonnerie l’homme s’instruit
par la religion mais construit aussi son symbole en lui-même.
Le Compagnon opératif (artisan issu du Compagnonnage
traditionnel, comme les Compagnons du Devoir et du Tour de France)
avait pour habitude d’élever un édifice
stable et visible destiné à défier le
temps. Alors que le Compagnon spéculatif (2ème
grade des Loges de Saint-Jean en Franc Maçonnerie,
après celui d’Apprenti et avant celui de
Maître) aménage un édifice invisible
qui ne serait révélé que par sa
lumière rayonnant à
l’extérieur. Le matériau est
éphémère puisqu’il
s’agit de lui-même, mais ses outils ont
défié le temps depuis toujours. C’est
la bonne humeur et l’entrain qui le motivent,
l’humour et l’humilité qui
l’animent ou encore la solidarité et la
multiplicité qui l’entraînent. Le
dénominateur commun est la dynamique de groupe, sans
laquelle aucune tradition ne serait perpétrée,
comme un écho qui se transmettrait de vallée en
vallée.
Car en fait ne faut-il pas respecter et honorer celui qui transmet la
parole comme celui qui apportait tant de réconfort par
l’usage des paraboles. Un secret comme un tour de main ne
peut être dévoilé à
quiconque ne saurait en être digne. Imaginons la Justice dans
une main corrompue, quelle aubaine pour une dictature.
L’esprit de corps a souvent fait obstacle à
l’obscurantisme peut-être par idéal mais
aussi par courage. Car comment croire au don du sacrifice de ces
Compagnons qui ont lutté pour la liberté. Comment
envisager ces gigantesques constructions si parfaites et si nobles, que
seul un Dieu aurait pu concevoir. C’est que l’homme
se rapproche de Dieu en lui construisant une demeure humaine, et
c’est ce qu’il a fait en construisant le Temple de
Salomon et qu’il a poursuivi en bâtissant des
Cathédrales.
Là débute le chemin, celui qui démarre
avec la peine et qui se poursuit avec la joie.
L’égalité commence par
l’acceptation des différences. En quelque sorte
l’élévation ne serait possible que dans
l’optique du respect de la différence. Sinon
comment accepter l’intégrisme
qu’utilisent certaines religions, que même un Pape
« URBAIN II »,
prôna en levant des Croisades au cri de « Dieu
le veut ». Accepter un guide est aussi
important que de se conformer à la règle, sinon
on ne pourrait entrevoir le respect sans degré. Un bon
ouvrier doit d’abord savoir écouter, puis mettre
en pratique ce qu’il a appris, sinon comment pourrait-il
enseigner à son tour. De même, ne peut-on devenir
architecte sans avoir réalisé soi-même
les différentes phases d’un ouvrage. Ainsi un bon
Compagnon se doit de connaître tous les corps de
métiers afin de parfaire sa formation. Il peut travailler
les métaux, la pierre ou le bois tout en sachant
s’en défier, car pour rendre un
matériau parfait, il faut savoir le débarrasser
de ses impuretés. Le chemin est sans retour, car un bon
apprentissage ne ramène jamais au point initial. Un adulte
d’ailleurs ne pourra jamais retrouver sa jeunesse, il
grandira en regardant devant lui. C’est Paul Emile VICTOR qui
disait : « plus on regarde
derrière, plus on se rapproche de la mort ».
Apprendre un métier, c’est aussi se conformer
à l’usage, travailler avec amour et raisonner avec
sagesse. Ne faut-il pas calmer tant d’ardeur pour
maîtriser son art, car ne faut-il pas calculer au plus juste
pour éviter toute destruction ou toute
désillusion. De même ne doit-on pas rechercher
l’harmonie d’un édifice de
l’intérieur comme de
l’extérieur, et non pas s’attacher
seulement à la beauté illusoire d’une
belle façade. Comment faire comprendre à un
Compagnon que crédible ne se conjugue pas avec artifice.
N’a-t-on jamais vu élaborer un beau bateau qui ne
puisse naviguer ou une belle voiture qui ne puisse rouler ?
L’art du semblant excite le don du superficiel alors que
l’amour de la vérité attise le don du
naturel. Lorsque j’étais étudiant en
bâtiment, j’avais comme professeurs
d’anciens Compagnons du Devoir que j’aimais
à prendre en exemple. Leur attitude et leur
générosité étaient
à ce point exemplaire, que leur enseignement en
était empreint de perfection et de justes raisonnements.
Dans la tradition opérative, le Compagnon du Devoir
était surtout considéré comme un
manuel aimant à penser, peut-être
était-il avant tout un libre penseur aimant à
travailler de ses mains. Il s’unissait à
d’autres pour former des cagnes afin de finir son
instruction. L’apprentissage lui avait offert les bases du
métier et par son sens du devoir, son travail devenait un
idéal. Défendre un idéal,
c’est aussi défendre sa pensée. Le
Compagnon cherchait à l’améliorer en
confrontant ses idées avec celles de ses camarades, il
utilisait son esprit comme un outil capable de l’aider
à ajuster sa technique. Lorsqu’il partait faire le
tour de France, il voyageait pour augmenter son
horizon et ses connaissances, mais aussi pour assimiler son
élévation.
Chaque étape l’initiait d’une nouvelle
expérience pour le ramener finalement à son point
de départ afin d’y réaliser son chef
d’œuvre. Une projection de l’esprit que
son art acquis laborieusement le long du chemin, permettait enfin de
concrétiser. L’aboutissement d’une
maturation, c’était ce que le Compagnon
recherchait alors. Dans sa quête du travail parfait le
Compagnon qui partait faire le tour des cagnes et des tours de mains,
était courageux pour s’abandonner à
tant d’épreuves. Ce voyage était une
pratique qui lui permettait aussi de faire le tour de
lui-même, comme de la vie qui mène un absurde
périple vers son destin. Devant le jugement de ses pairs, le
Compagnon, opératif ou spéculatif, a bien souvent
vu son courage vaciller, et cet homme à son tour a
entamé son chef d’œuvre, celui que
l’on n’impose pas car il s’impose de
lui-même pour devenir l’œuvre de toute
une vie. Celui qui croit savoir ne sait pas qu’il ne saura
jamais. Le Compagnon Maçon a entrevu son modèle
et il sait maintenant qu’il ne pourra jamais
l’atteindre ni l’étreindre, tandis que
le Compagnon du Devoir ou du Tour de France a entamé une
longue maturation qui devra l’amener vers la perfection sans
jamais l’atteindre.
100 fois, 1000 fois, ce Compagnon a voulu renoncer, peut-être
par peur des autres ou simplement par pudeur, cherchant
l’humanisme et trouvant un chemin il s’est cru
fraternel alors qu’il était seul,
peut-être par trop égoïste.
Plutôt que renoncer il a
préféré s’attarder et
souvent dans son labeur il s’est posé cette
question : « qu’est-ce que je
fais là ? N’aurais-je pas lieu de regretter ? »
Faut-il souffrir autant pour trouver sa voie ? Et succomber au regard
des autres, ce Compagnon qui rêvait ne pensait
qu’à se sublimer alors qu’un bon ouvrier
commence par substantifier avant de se reposer. Partageons
d’abord la peine et nous pourrons mieux partager la joie,
disaient-ils et pour se transcender il n’est point
nécessaire de se glorifier, il suffit sans doute de savoir
travailler avec les outils que les Maîtres ont
laissé.
MARC-AURELLE avait vu juste en disant : « voilà
bien une chose ridicule : tu ne songes pas à corriger tes
vices, ce qui est pourtant facile, et tu veux corriger ceux des autres,
entreprise impossible ».
N’a-t-on jamais vu un ouvrier vouloir donner la
leçon à son chef ? N’a-t-on jamais vu
une grenouille vouloir devenir aussi grosse qu’un
bœuf ? Le monde est ainsi fait qu’un apprenti
sorcier ne sera jamais Maître des
éléments, car ceux-ci tôt ou tard
auront raison de sa déraison. Point n’en faut et
plutôt que disparaître assez tôt,
cherchons à faire de son mieux, à faire acte
d’intelligence, de sociabilité et de soumission
aux mêmes lois que Dieu, telle était la devise du
Compagnon. Point de fierté mal placée ou
d’honneur trop acerbe, le Compagnon a appris à
rester digne et patient par son travail qui ne mérite que
son approbation, car enfin son guide n’est-il pas
d’abord en lui-même, qui seul peut juger de ses
actes. Cherchons à comprendre, disaient les
Maîtres Bâtisseurs, car la matière
n’est pas si facile à façonner,
c’est elle en fait qui nous domine. Du respect d’un
rien amène à l’amour des autres, de
l’impudence d’une cigale est née la
prudence d’une fourmi. Voyons ce que la Nature nous montre et
tirons-en une leçon disait un sage, car d’elle est
née toutes choses et vers elle nous retournerons.
Voilà bien une morale qui mérite attention.
Si le Compagnon travaille pour augmenter son salaire, c’est
par sa sueur qu’il le méritera, sur son
métier il réalisera peut-être son
rêve : « devenir meilleur,
honnête et fraternel », comme
au temps des joutes où les ouvriers s’affrontaient
pacifiquement pour faire gagner leurs couleurs, afin que les plus
jeunes soient fiers de leurs aînés. On
n’abandonnait pas alors un Compagnon dans la
détresse, on l’aidait pour qu’il reste
dans l’équipe et chacun lui donnait une part
d’encouragement, une main tendue pour partager
l’effort. La Fraternité, c’est
peut-être cette aide du plus fort au plus faible, cette
cohésion dans la difficulté et cette
émulation dans l’adversité. Dans
certaines vieilles familles de certains vieux pays de par notre terre,
il arrive de trouver cette même longueur d’onde qui
unit le plus grand au plus petit et le plus ancien au plus jeune. Il y
avait toujours un grand frère pour transmettre un secret et
un grand-père pour garder le livre des traditions.
Il en est de même en Franc-Maçonnerie ou dans le
Compagnonnage, ou en Loge de Compagnons, qui forment depuis la nuit des
temps des équipes aussi soudées
qu’efficaces, sans murmures ni complaintes, comme ces
familles millénaires qui traversent les âges sans
heurts ni malheurs, à la recherche du bonheur. Celui qui
réveille sa conscience ne peut perdre la vie disait-on, mais
quels sont ses vrais repères et ses guides authentiques ?
Lorsqu’au milieu d’une foule ou dans un moment de
répit solitaire, une question qui nous hante nous renvoie
notre image et nous dit : « est-ce la
vraie vie ? Qui suis-je vraiment ? Où est-ce que je cours
ainsi comme un fou ? »
J’ai entendu un jour parler de l’Hymne à
la Perle, cette histoire d’un Prince envoyé en
Egypte à la recherche d’une perle fabuleuse et qui
oublia sa mission en chemin pour succomber aux attraits de la
matérialité. Un jour sa conscience
qu’il prit pour un Ange, lui dit : « réveilles-toi,
prends conscience de ton esclavage et souviens-toi de la perle que tu
es venu chercher ».Cet appel
n’est-il pas cette part de divin qui éveille nos
sens et nous incite à rêver, car en fait cette
étoile n’est-elle pas cette parcelle de
lumière que nous suivons dans notre obscurité
intérieure. Cette épreuve qu’est la vie
nous apporte une récompense destinée à
calmer une sensibilité exacerbée par
l’exercice de la modération, et c’est
sans doute cela le fruit de l’expérience. Nos
anciens nous ont ouvert la voie, à nous de savoir
l’utiliser pour qu’enfin nous trouvions
l’harmonie du corps et de l’esprit, tel un enfant
qui découvrirait un autre monde au seuil de son adolescence.
Cette voie n’est-elle pas tracée dans nos
cœurs, que tant de convenances et d’approximations
nous en avaient éloignés. Ce Compagnon
n’a pu s’édifier que par la
compréhension des symboles et par la juste mesure de sa
conduite. N’a-t-on jamais vu assembler une bâtisse
à l’aide de matériaux informes ?
Quelque beauté qu’une pierre brute puisse avoir,
une construction ne peut s’accommoder de tant
d’impétuosité. C’est une
pierre taillée qui servira de fondation et l’une
sur l’autre constituera son élévation.
C’est un bois équarri qui l’habillera,
une fois délesté de ses couches
grossières. De même un toit ne peut accepter
d’être perméable, sinon le temps ou la
pluie en laisseraient passer le vent et le froid. Ce n’est
pas une maison de paille que bâtit le Compagnon, mais un
temple stable et durable. C’est de cette stabilité
qu’il a besoin pour se reposer une fois son œuvre
accomplie, pour réfléchir en toute
quiétude à son avenir et pour
qu’à son tour il puisse aider les nouveaux
ouvriers à ériger leur demeure.
Dans l’ordre des choses, il y eut un numéro 1,
puis un numéro 2, et ainsi de suite. Comment pourrait-on
atteindre le chiffre le plus élevé sans respecter
la chronologie. L’Ordre établi ne sert-il pas
à organiser le monde comme sa propre vie, sinon les
pôles ne serviraient à rien et le centre encore
moins. Le Compagnon apprend à discerner le bon grain de
l’ivraie par une meilleure compréhension de sa
nature. En restant à l’écoute du
pauvre, il s’enrichit de l’exemple qu’il
montre. Un seul mot bien choisi ne vaut-il pas mieux que tant de
discours. Ce qui compte, ce n’est sans doute pas la
quantité du savoir, mais la qualité de son
utilisation. Comme la nature se transforme, l’homme en fait
autant, et du progrès en a-t-il trouvé raison ou
déraison. Du métier il s’est
éloigné pour mieux manier le verbe et orienter sa
pensée. De l’instinct vers le sensible il est
allé, comme pour repousser les frontières du
réel. Le Temple qui l’abrite n’en est
pas plus instable pour autant, car de pierre il en est devenu chair. Et
de génération en génération
le Compagnon s’est dirigé vers une nouvelle voie,
certainement moins prosaïque mais tellement plus
poétique. De cette mutation en est
résulté le subtil et par son évolution
peut-être en deviendra-t-il le Maître.
MAITRE JACQUES est ainsi devenu le Saint Patron des Compagnons du
Devoir, qui doivent impérativement passer par la Sainte
Baume afin de valider leur Tour de France, et chaque 22 Juillet ils
participent au pèlerinage de la grotte de la Sainte Baume,
qui fête la Sainte Marie Madeleine. Tous les chemins
mènent à ce lieu mythique dont
l’origine se trouve à JERUSALEM, aussi bien pour
MAITRE JACQUES, MAITRE SOUBISE, SALOMON et MARIE MADELEINE. Il en est
de même pour les Francs Maçons qui se retrouvent
dans ce lieu à la même date avec une
même ferveur. N’est-ce pas curieux ? Le
Compagnonnage a existé dès que l’homme
est devenu un constructeur, et qu’il ait eu à
défendre tant ses procédés de
construction que sa vie sociale c’est en ces termes que les
Compagnons ont su s’unir.
Association
Ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France,
Fédération Compagnonnique des Métiers
du Bâtiment, Union Compagnonnique des Devoirs
Unis… Confréries, syndicats, chevaleries ou Franc
Maçonnerie, le Compagnon est un peu tout à la
fois, enfant de Salomon, enfant de Maître Jacques et enfant
de Maître Soubise, aux ascendances légendaires.
Ces coteries farcies de rites, de jargons et d’us et
coutumes, étaient dirigées par des Capitaines ou
des Premiers qui détenaient les secrets les plus experts des
professions. Elles
avaient toutes un logeur, que l’on appelait aussi une
Mère, dépositaire de
l’hébergement et des tours de mains, aptes
à réussir le chef d’œuvre du
bâtiment, de menuiserie, de ferronnerie,
d’orfèvrerie, etc. Le Compagnonnage a
été victime lui aussi de luttes intestines, comme
celles
qui opposaient les Compagnons du Devoir, appelés
Dévorants, et les Compagnons du Devoir de
Liberté, appelés Gavots. Les habitudes
guerrières confrontées à la
concurrence féroce des contrats d’adjudication ont
suscité chez certains l’utilisation de
manières fortes, allant même
jusqu’à faire couler le sang. Ces artisans qui
portaient beau, avec galurins, écharpes, insignes
professionnels, cannes de voyages et gilets de
cérémonies, savaient manier les poings ou le
couteau et constituaient une caste noble tout autant que dangereuse.
Ces hardis Compagnons étaient tout à la fois gens
du peuple et petits bourgeois, leurs organisations
s’opposèrent à
l’industrialisation naissante et aux puissantes corporations,
ainsi qu’aux structures syndicales de prolétaires
qui virent le jour au 19ème siècle. Certains
allant même jusqu’à prendre la plume
pour tenter d’unifier les corporatismes et les groupes
ouvriers socialisants, tel ce menuisier provençal
« Agricol PERDIGUIER »
dit « Avignonnais la Vertu »
(Auteur, entre autre, de Mémoires d’un
Compagnon’ en 1854), malheureusement sans succès.
Les Compagnons
engagés dans l’amour du métier,
étaient avant tout des hommes jeunes au cœur
chaud, à l’esprit généreux
et courageux, qui se perdirent quelques fois en combats fratricides,
comme dans la Plaine de la Crau, Lunel, Ners près
d’Alès ou encore à Nîmes,
dans le sud de la France. Cependant ces Compagnons
étaient de véritables orfèvres,
formés par les meilleurs Maîtres que
l’on puisse avoir, ils devaient faire un Tour de France
complet avant de pouvoir exercer. Tout Compagnon en stage à
SAINT-MAXIMIN, devait gravir le chemin de la Sainte Baume avant de
quitter sa « Mère »,
ils ont choisi ce lieu terrifiant et grandiose comme halte de
pèlerins, car c’est un havre de repos en
même temps qu’un endroit mythique, comme tout ce
qui a trait à l’idéologie
Compagnonnique. Ils vénéraient ce lieu de
pénitence en invoquant leur sainte Patronne, puis le vicaire
des lieux apposait le sceau de la Chapelle sur leur livret personnel
avant de reprendre la route, baluchon au dos, bâton
entortillé de rubans.
3 familles issues des anciennes traditions compagnonniques se
rencontrent à la Sainte Baume : l’Association
Ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France,
fondée en 1941 par la réunion de tous les
métiers des anciens devoirs. La
Fédération Compagnonnique des Métiers
du Bâtiment (Compagnons des Devoirs), fondée en
1952 de la fusion de 2 rites de charpentiers auxquels se sont joints
d’autres corps.
L’Union
Compagnonnique (Compagnons du Tour de France des Devoirs Unis)
fondée en 1889 par des Compagnons issus des 3 rites
(Salomon, Maître Jacques et Maître Soubise), dont
l’un des leurs « Pierre PETIT »
dit « Tourangeau le Disciple de la
Lumière », Compagnon Vitrier,
est l’auteur des vitraux qui ornent les 7 ouvertures de la
Grotte de MARIE MADELEINE à la Sainte Baume.
L’aspirant Compagnon porte sur sa couleur (la couleur du
ruban distingue les métiers : bleue pour les
métiers du bois, rouge pour les métiers du fer,
verte pour les métiers du cuir, jaune pour les boulangers et
pâtissiers et beige pour les tailleurs de pierre,
maçons, couvreurs, plombiers et plâtriers) le
blason de son métier et l’emblème de
MARIE MADELEINE reconnaissant le Christ ressuscité. Cet
emblème représente une femme, genou à
terre, qui tend les mains vers un homme tenant une bêche dans
sa main gauche, au-devant d’une caverne de pierres portant au
fronton l’inscription latine « Noli
me Tangere ». Il s’agit
là de MARIE MADELEINE s’adressant à
celui qu’elle prend pour un jardinier dans le Saint
Sépulcre, et qui lui dit « ne
me touche pas, sous-entendu je m’élève
vers Dieu ».
Le Compagnon
va voyager du métier à l’esprit, du
visible à l’invisible, et la couleur de son
écharpe va le suivre pas à pas lors de sa
formation, ouvrant ainsi son esprit aux symboles frappés
à chaque étape. Lors de son Tour de France, il va
rencontrer une structure, des maisons, des cours professionnels, des
chefs-d’œuvre et d’autres
repères visibles qui vont l’aider à
créer par son esprit des choses qui n’auraient
jamais existées sans cela. Ce long perfectionnement va
donner une dimension spirituelle au Compagnon du Devoir, dont
l’image de MARIE MADELEINE avec le Christ
ressuscité représente la lointaine flamme
où brille l’esprit. Cet esprit correspond
à l’amour du métier et au respect de la
matière qui doit être
façonnée grâce à la
transmission d’un savoir, ainsi formulé par la
Grande Règle, élément de
méditation, de réflexion et
d’approfondissement. Les symboles Compagnonniques sont
souvent représentés à
l’intérieur d’un Temple où
l’on voit en arrière plan MARIE MADELEINE
à la Sainte Baume, ainsi que le meurtre de Maître
JACQUES. Ce Temple est soutenu par deux colonnes l’une
à l’initiale « J »,
sur la colonne de gauche, et l’autre à
l’initiale « B »,
sur la colonne de droite (comme en Franc Maçonnerie avec
Jackin et Boaz). Sur le sommet du Temple on peut voir une houppe
dentelée et un peu plus bas une étoile
à 5 branches avec en son centre la lettre
« G », puis
juste en dessous le symbole égyptien du triangle contenant
l’œil qui voit tout, entouré du soleil
et de la lune. Les outils représentés sont
l’équerre et le compas entrelacés sur
un livre ouvert aux initiales S\ C\. Soutenu par deux branches (qui
seraient, semble-t-il, une branche d’olivier et une branche
d’acacia), le fil à plomb, la truelle, le maillet
et la règle On peut aussi distinguer sur le devant un
pavé mosaïque formé de carreaux blanc et
noir, ainsi que 3 marches qui donnent accès au fronton, sur
certaines représentations on trouvera aussi une colonne
tronquée avec l’initiale « G »
: « et 2 flambeaux (qui
représente une certaine similitude avec la colonne
tronquée » Ad Huc Stat
« du Rite Ecossais Rectifié
pratiqué en Franc Maçonnerie »
ou encore un chandelier à 7 branches...
Ce Temple de
Salomon du Compagnonnage opératif ressemble fort au Temple
des Francs Maçons spéculatifs, ce qui porte
à croire que leurs origines se confondent dans la nuit des
temps. Leurs rituels et leurs symboles, leurs tenues (ou
réunions), leurs gestes, signes et paroles sont pratiquement
identiques, et les Maçons spéculatifs ont pu
passer sans problème d’une forme
opérative à une forme chevaleresque,
perpétuant ainsi une antique tradition des rapports entre
artisans et chevaliers. L’origine réelle du
Compagnonnage remonterait donc à la construction du
Temple de Salomon sous la direction d’Adon HIRAM, et de
Maîtres JACQUES et SOUBISE, mais d’une
façon plus ordonnée au début du
12ème siècle par des artisans accourus en nombre
dans les villes où se construisaient les grands
édifices religieux par lesquels
s’épanouissait l’art Gothique.
Les Templiers
utilisèrent aussi ces castes pour construire leurs
édifices et Eglises 1 siècle plus tôt,
mais les historiens ont parlé plutôt de
pré-compagnonnage à ce sujet et non de
Compagnonnage établi. Selon MARTIN SAINT-LEON il ne faudrait
pas rechercher cette origine dans les corporations de
métiers et la Confrérie des Frères
Pontifes qui ont entretenu des rapports avec les Templiers, mais plus
certainement avec la Franc Maçonnerie, qui en aurait
découlé. Toutefois le document le plus ancien
relatif au Compagnonnage remonte à une Ordonnance royale de
CHARLES VI LE FOU, datée de 1420, qui fait état
de la pratique du Tour de France entre cordonniers.
Mais Selon
Emile COORNAERT, un « deverium »
(un devoir) aurait été signé par les
Comtes de Champagne et par les Forgerons de la Forêt
d’Othe dans le Baillage de TROYES en 1276, date plus
vraisemblable des débuts avérés du
Compagnonnage traditionnel. Une autre tradition fait état de
l’attribution de la fondation du plus vieux des Devoirs,
celui de Salomon, à Jacques LE MINEUR, artisan Juif
débarqué en Provence avec les Saintes MARIE. Les
légendes ont converti ce Jacques avec Jacques DE MOLER,
constructeur de la flèche de la Cathédrale
d’Orléans, tué par des ouvriers jaloux
(tiens, cela nous rappelle la légende de Maître
Hiram lors de la construction du Temple de Salomon) ou avec Jacques DE
MOLAY, qui était aussi un martyr pour les enfants de
Salomon, rite Compagnonnique réputé introduit en
France le premier aux environs de l’ère
Chrétienne. Cette vénération de
Maître Jacques est spécifique au Compagnonnage, et
il semble bien qu’il y en eut plusieurs, dont un certain
Maître Yakoub, oriental, devenu Maître Jacques plus
tard. Si tous les Compagnons sont des « Compagnons
du Devoir », il existait de 1804
à 1940 trois Devoirs : Le Rite de Salomon, ce Devoir de
Liberté comprenait à l’origine les
tailleurs de pierre et les menuisiers, les serruriers et les
charpentiers, ils se nommaient « Indiens-Loups
Compagnons Etrangers du Devoir de Liberté »
et étaient recrutés surtout parmi les
Protestants. Le Rite de Soubise, qui ne comprenait que des charpentiers
à l’origine, initièrent par la suite
des couvreurs et des plâtriers, ses membres se nommaient
« Compagnons Passants Bons Drilles du
Devoir » et auraient accepté
le patronage de l’Eglise Catholique sous
l’égide du Père Soubise. Le Rite de
Maître Jacques, dit Saint-Devoir de Dieu des
Honnêtes Compagnons de Devoir, ou encore Saint-Devoir. On les
surnommait les Dévorants et on les
appelait « Compagnons Bons
Enfants de Maître Jacques ». Ce
Rite regroupait à l’origine des tailleurs de
pierre et des menuisiers, puis accepta toutes les corporations qui
n’étaient pas spécifiquement celles des
bâtisseurs, recrutant surtout parmi les Catholiques
Romains… Ces 3 Devoirs puisent leurs origines dans la
légende de la construction du Temple que Salomon veut
consacrer à l’Eternel, cependant on ne peut
certifier que tous les Compagnons d’un Rite aient
épousé la même préoccupation
religieuse.
La lutte entre
protestants et catholiques explique en partie la rivalité
des 3 Devoirs, confirmée aussi par la pratique des Rites
aussi différents qu’antagonistes. Une chose est
certaine, ces Devoirs défendent leur
indépendance, préférant la
compétition des élites, facteur de
progrès, plutôt que
l’égalité prônée
par les syndicats. Leurs initiations, leurs Rites secrets, leurs
serments, leurs signes de reconnaissance, l’emploi de mots
symboliques et leur fraternité puisée au sein des
gestes sacrés de la profession
éveillèrent la méfiance à
leur encontre, dont la puissance représentait une force
obscure. Le but du Compagnon est d’accéder
à la Maîtrise après avoir
effectué un chef d’œuvre, travail
justifiant la maîtrise par la résolution de
problèmes techniques inhabituels. L’un des
symboles des Compagnons du Devoir est « l’Orme
légendaire », arbre sous
lequel on concluait les contrats et l’embauchage dans le
bâtiment.
Les rituels et
les symboles proviennent des rites du métier de
constructeur, et les épreuves physiques que doivent passer
les jeunes ouvriers débouchent sur le symbolisme du
métier en invoquant le Grand Architecte de
l’Univers (comme en Franc Maçonnerie). Le
Compagnonnage s’apparente à une école
professionnelle suivant des rites initiatiques, propres à
élever l’homme au-dessus de sa valeur initiale en
créant un courant d’esprit, une unité
entre ses membres qui se doivent une mutuelle assistance.
L’homme se réalise ainsi grâce
à l’amour de son métier, il
s’élève spirituellement en prenant
conscience de son pouvoir sur la matière tout en cherchant
à se perfectionner et à améliorer sa
technique. C’est en cultivant le respect, l’honneur
et la fraternité qu’il peut y arriver. La devise
des Compagnons du Devoir est formé de 7
maîtres-mots qui sont : « Fidélité,
Honnêteté, Fraternité, Courage,
Générosité, Discipline et Patience »,
mais si on ne devait en garder qu’un pour identifier le
travail du Compagnon, c’est certainement le mot
« Géométrie »
qui serait le plus approprié pour ces bâtisseurs
hors pairs, qui ont su élever des Temples à la
gloire de DIEU.
Il y a peu, la devise « Fraternité »
a pris toute sa mesure en voyant se réconcilier les 3
sociétés des Compagnons du Tour de France, lors
du bicentenaire de la naissance de PERDIGUIER qui s’est
déroulé à MORIERES-LES-AVIGNON, dans
le département du Vaucluse. Cette réunification
est symbolique, car elle intervient dans la patrie du pionnier de
l’union et c’est la première fois depuis
les années d’après-guerre que les plus
hauts dirigeants des 3 sociétés apparaissent
publiquement côte à côte. Le monde a
changé et le Compagnonnage a perdu du terrain avec
l’évolution des techniques, il était
temps que ces travailleurs de l’art et du bel œuvre
trouvent enfin le lien qui les unissent, en espérant
qu’ils ne le perdent plus.
L'étymologie la plus communément admise pour le
mot Compagnon vient du latin « cum panis
» : avec le pain, qui partage le même pain.
Compagnonnage et Franc Maçonnerie semblent issus d'un
même tronc et à mesure que la Franc
Maçonnerie se développe, le compagnonnage
s'amenuise. Certains font naître le compagnonnage autour de
la construction du temple de
Jérusalem, au temps du célèbre roi
Salomon, d'autres dans l'Egypte des pharaons, ou encore du temps des
cathédrales et des templiers.
L'art de bâtir, prôné dans nos
civilisations occidentales, provient d'une éthique de vie.
On a recherché ainsi, à divers degrés,
des procédés pour se perfectionner dans l'art
exercé. L'art de construire respecte les lois
régissant l'équilibre, l'harmonie d'un
édifice. Dès que l'homme est devenu « constructeur
», il a eu à défendre
tant ses procédés de construction que sa vie
sociale.
Beaucoup de travaux donnent avec certitude l'existence de
collèges romains : les « collegia
». En effet, à chacune des légions
romaines se trouvaient annexé un collège ou
corporation d'artisans, qui la suivait dans ses expéditions
et dont la mission consistait à implanter en terre
étrangère le germe de la civilisation romaine et
à y enseigner les principes de l'art romain. L'existence des
guildes de métiers n'est pas signalée avant la
conquête romaine, mais comme elles apparaissent
très rapidement après cet
événement, il semble peu raisonnable de leur
dénier la possibilité d'une existence
antérieure.
Ces associations constituaient quelquefois des corps religieux ou
officiels, groupes dont les membres exerçaient une
même profession, et des sociétés
rappelant de près nos clubs modernes. Chaque
collège avait ses officiers lui appartenant en propre, un
Maître, un Secrétaire et un Trésorier.
Ils possédaient un trésor commun et un lieu de
réunion où ils tenaient assemblées et
repas. Avant leur admission, un engagement solennel était
exigé des candidats et les membres venaient en aide
à leurs frères malheureux.
Les collèges tenaient des réunions
secrètes, dont l'ouvre consistait en initiation de
néophytes mais aussi en instruction mystique et
ésotérique donnée à leurs
apprentis et à leurs ouvriers.
En Angleterre, sous le règne de Henri 1er, puis sensiblement
à la même époque en Allemagne entre 900
et 1050, les premières guildes de divers métiers
apparaissent : guilde des bâtisseurs, des marchands, des
artisans spécialisés tanneurs,
orfèvres, armuriers. Ces associations s'institutionnalisent
progressivement et acquièrent des doits et des
privilèges commerciaux qui assuraient à leurs
membres le monopole des affaires dans une ville.
Elles auraient regroupé des Apprentis et des Compagnons, le
Compagnon qui dirige les travaux prend alors le titre de
Maître. L'apprentissage dure 7 ans. Selon une guilde de
Cambridge, les confrères doivent se réunir 3 fois
par an pour adorer Dieu, prendre un repas en commun et tous les membres
doivent s'assister.
Les ordres conventuels ont été les refuges de
« manuels qualifiés
». Bénédictins, Chartreux, et bien
d'autres encore regroupèrent les confréries de
bâtisseurs autour de leurs monastères. Il est
avéré qu'au XIIe siècle, les tailleurs
de pierre furent réunis à une
fraternité distincte et leur origine n'est pas exclusivement
civile ou religieuse, mais il est plus probable qu'elle
émane à la fois des deux sources. Certains
documents rapportent que les confréries de Maçons
avaient appris des constructeurs monastiques une doctrine
secrète d'architecture et la science occulte des nombres,
dont ils se servirent dans l'exercice de leur art et auxquelles ils
donnèrent ensuite une plus grande extension. Il a
été établi qu'ils attribuaient une
signification morale à leurs symbolesparticuliers les plus
expressifs tels que le compas, l'équerre, le marteau de
maçon et la règle.
Mais revenons à l'origine mythologique
revendiquée par les Compagnons. Elle comprenait trois
figures emblématiques : Salomon, Maître Jacques et
le père Soubise, et deux moments : la construction du temple
de Jérusalem dont Jacques aurait été
maître d'œuvre avec son ami Soubise et la fin de
l'ordre des templiers, maître Jacques devenant Jacques de
Molay.
Sur cette matrice, chaque époque et chaque métier
brodait sa propre variante. Les gens du bâtiment furent
réellement les créateurs du compagnonnage. Le
compagnonnage est en fait une dénomination
générale qui désigne les trois
confraternités établies en France par les
ouvriers Apprentis dans le but de se procureur une assistance mutuelle
au cours de leur voyage de perfectionnement qui portait le nom de
« tour de France ».
Les Compagnons reconnaissent donc trois fondateurs principaux et chacun
de ses trois patrons légendaires passe pour avoir
légué un devoir, c'est-à-dire un code
et des bases constitutionnelles d'un rite ou d'une
confrérie. Ces devoirs comportaient des règles
particulières que le Compagnon jurait d'observer, qui
devaient rester secrètes, et qui n'étaient
dévoilées qu'aux initiés. Les enfants
de Salomon et de maître Jacques englobaient les tailleurs de
pierre, ceux de Soubise les charpentiers. Plus tard, ils admirent dans
leur fraternité les menuisiers et les serruriers puis leurs
rangs s'ouvrirent aux membres de presque tous les métiers.
Les ouvriers appartenant à toutes les religions
étaient libres d'entrer dans le système de
Salomon, mais une profession de foi catholique romaine était
exigée des candidats de Jacques ou de Soubise.
Les tailleurs de pierre du système Salomon
prétendent que le sage monarque leur a prescrit un devoir et
les a réunis fraternellement dans les limites du temple,
ouvre de leurs mains. Ceux de Jacques affirment également
leur descendance du Temple et prétendent que leur fondateur,
maître Jacques, était un surveillant sous les
ordres de Salomon. Ceux de Soubise invoquent un rapport semblable
ajoutant que leur maître était le charpentier le
plus célèbre du royaume d'où sa
présence pour la construction du temple.
Sur maître Jacques, une histoire
détaillée existe dans un ouvrage écrit
en 1888 et dans lequel on peut lire que Jacques avait quitté
le midi de la France pour parcourir la Grèce où
il devint célèbre en qualité de
sculpteur et architecte. Il dirigea ensuite ses pas vers l'Egypte, puis
vers Jérusalem où il se fit une place parmi les
maîtres supérieurs du roi Salomon, en devenant un
collègue d'Hiram. Après l'achèvement
du Temple, Soubise et Jacques rentrèrent en France
séparés : Jacques débarqua
à Marseille et Soubise à Bordeaux. Jacques fut
assassiné à Sainte Baume.
Chaque métier de ces trois groupes constituait donc une
fraternité distincte et indépendante, qui se
trouvait souvent en désaccord avéré
avec une ou plusieurs autres corporations dépendant de la
même bannière, mais elles s'unissaient pour faire
face à un adversaire commun. Chacun des trois groupes avait
son appellation distincte. Ainsi celle de « Compagnons
du devoir de liberté » était
spéciale aux enfants de Salomon, au sein duquel les
tailleurs de pierre prennent le nom de « Compagnons
étrangers » sous prétexte
qu'ils étaient étrangers en Judée,
tandis que ceux de maître Jacques sont les « Compagnons
du devoir » tout court et les charpentiers de
Soubise ceux du « saint devoir
». Ils prennent également le nom de « Compagnons
passants » car ils étaient toujours
regardés comme passagers lorsqu'ils étaient
à Jérusalem.
Dans ces même corps de métiers, les tailleurs de
pierre de Salomon se désignaient entre eux sous le nom de
« loups », ceux de
maître Jacques étaient des «loups-garous
» et les charpentiers de Soubise les « bons
drilles ». Les querelles entre
confréries étaient innombrables et
dégénéraient souvent en combat se
clôturant par la mort d'un des combattants. Cependant, il
était rare que des membres de devoirs rivaux
s'établissent dans les villes où l'influence d'un
des trois systèmes était fortement
enracinée. Le droit à ce monopole pouvait
cependant s'acquérir à la suite de concours
d'habileté entre les champions des deux groupes
opposés. L'examen des deux chefs-d’œuvre
exécutés décidait de la victoire et le
parti vainqueur obtenait le droit exclusif de travailler dans la ville.
Les plus anciens manuscrits portant l'expression de « Maître
Maçon » dateraient de 1244. A cette
époque, l'art de la taille des pierres était tenu
secret et les possesseurs de ces secrets portaient le nom de
« coterie ». Au cours de
l'année 1258, Etienne Boileau, prévôt
de Paris, avait réuni les ordonnances et les
règlements concernant les différents
métiers de la ville. Il les classa dans un manuscrit
intitulé « règlements sur
les arts et métiers de Paris » et une
ordonnance royale fit le recueil du code destiné
à régir, à partir de ce moment, les
guildes de métier et les travaux des artisans.
Les coutumes d'une centaine de confréries étaient
coordonnées dans ce livre. L'exercice d'un métier
ou d'un commerce quelconque était strictement
réservé à ceux qui, ayant servi comme
Apprenti, avaient reçu la maîtrise. Anciennement,
dans certains métiers, l'Apprenti pouvait
acquérir la qualité de Maître par une
simple dénomination dûment obtenue. Le «
livre des métiers »
stipule expressément que le Maître qui peut
employer autant d'assistants qu'il le désire ne peut pas
leur communiquer les secrets du métier. De plus, il dit que
l'Apprenti qui a régulièrement accompli son temps
devra jurer sur les saintes écritures qu'il ne
révélera pas ces secrets.
A la longue, la nécessité d'un grade
intermédiaire entre ceux de patron et d'Apprenti se fit
sentir et celui de Compagnon fut établi. Le voyage
d'instruction n'était pas imposé mais le
Compagnon devait généralement voyageur et
accomplissait son itinéraire faisant ainsi son tour de France
C'est cette coutume qui aurait donné naissance au
compagnonnage. Les Compagnons obtinrent des franchises, c'est
à dire le droit de circuler librement de chantier en
chantier.
Un chapitre du code Boileau (livre des métiers) renferme les
lois relatives aux Maçons tailleurs de pierre,
plâtriers et gâcheurs de mortier. Ce serait le plus
ancien recueil d'écrits concernant les Maçons
opératifs et les tailleurs de pierre du moyen âge.
L'article XII du dit code est pour le moins curieux. Il
précise que : « tous les corps de
métiers devront participer au service de la garde de nuit
mais que les faiseurs de mortier et tous les tailleurs de pierre en
seront exempts, depuis le temps de Charles Martel
».
Il découle évidemment de ce qui
précède qu'il existait une croyance
traditionnelle, remontant au XIIIe siècle, que certains
privilèges avaient été
octroyés aux tailleurs de pierre par ce souverain.
Une autre tradition existe selon laquelle le compagnonnage du
« devoir » prit naissance
à Orléans et celui du « devoir
de Liberté » à Chartres.
C'est une inimitié qui s'établit parmi les
ouvriers engagés dans les travaux des cathédrales
des deux villes et qu'il en résulta la fondation de deux
sociétés, dirigées par des
maîtres rivaux.
Les dissidents de la formation originelle furent pris sous la
protection de Jacques de Molay, Grand-Maître de l'
« Ordre du Temple ». Cet
ordre de moines combattants « les Templiers
» fut fondé en 1119 par des chevaliers
croisés en terre sainte. Ces mêmes templiers
introduisirent en France des doctrines secrètes et que
Salomon ainsi que son temple, figuraient dans leurs
cérémonies.
Ces Compagnons apprirent de l' « Ordre du Temple »
la connaissance de la géométrie descriptive et de
la décomposition graphique des forces, ce qui leur permit de
construire des édifices calculés. Cette science
se transmettait de bouche à oreille, de Maître
à élève, car elle était une
initiation de métier, à ne dévoiler
qu'à ceux qui en étaient dignes et qui pouvaient
eux-mêmes l'appliquer. Cela explique la qualité
extraordinaire des constructions de l'époque qui restent les
joyaux de notre capital architectural.
L' « Ordre du Temple » et ses
Templiers s’étaient repliés en France.
Ainsi en 1257, il gérait une véritable fortune
amassée lors des activités et conquêtes
militaires. Les possessions de l'ordre s'élevaient
à 3468 châteaux, forteresses et maisons
dépendantes, réparties dans 19 provinces.
En France, on dénombrait une trentaine de commanderies, une
vingtaine de maisons du temple et une centaine de biens fonciers divers.
Ces croisés constructeurs se réunirent en
fraternités d'architectes. L'usage de signes anciens et de
mots symboliques s'expliquent par la nécessité
pour eux de se distinguer des sarrasins. L' « Ordre
Maçonnique » se serait ensuite uni
avec les « Chevaliers de St jean
» de Jérusalem
Ainsi, la chevalerie et l'architecture étaient
reliées.
La Palestine doit avoir été aussi
complètement couverte d'églises que l'Angleterre
de nos jours, tant était puissante la force vitale du monde
occidental. L'énergie déployée a
permis la construction de grandes forteresses, des
hôtelleries, bâties comme si elles devaient durer
éternellement.
En 1311, Philippe le Bel, s'était vu refoulé
à l'entrée de l' « Ordre du
Temple » qui était devenu puissant. En
manque de numéraire, il fit emprisonner les Templiers, les
fit torturer par l'inquisition après avoir fait main basse
sur une partie de leurs richesses. La suppression de l' « Ordre
» fut définitive en 1312 par le pape
Clément V\, et le Grand Maître Jacques de Molay
fut brûlé vif en 1314.
Mais revenons rapidement sur les croisés. La Palestine avait
été conquise en 1099 et les croisades
donnèrent aux chrétiens qui y
participèrent une idée des travaux des sarrasins,
travaux qui furent par la suite, imités par eux.
Jérusalem demeura sous le pouvoir des croisés
pendant près de 70 ans et pendant ce laps de temps, ils
accomplirent une énorme quantité de travaux dans
toute la Palestine, et l'influence exercée sur leurs ouvres
par la civilisation orientale fut
profonde et durable.
En 1187, Jérusalem tombait au pouvoir de Saladin et les
chrétiens furent chassés de la Palestine. C'est
ainsi que des milliers d'hommes adroits, bâtisseurs
accoutumés à travailler sous la direction des
ordres monastiques et sous la puissance des vox et de serments stricts,
furent refoulés vers l'Ecosse, l'Allemagne, la France et
l'Angleterre. A leur retour, ils erraient d'une contrée
à l'autre selon qu'ils trouvaient des églises
à construire car il s'en construisait beaucoup, par
piété ou par émulation.
Les Compagnons bâtisseurs se firent de plus en plus nombreux.
Vers 1450, on comptait près de 100 corporations de
métiers à paris. Leur rôle
était devenu surtout économique. Dans la plupart
des villes de France, il fallait être membre de la
corporation pour pouvoir exercer un métier
déterminé. Présents dans tout le
royaume, les Compagnons rédigèrent leurs
règles et ils eurent à la fin du XVIIIe
siècle, le pouvoir de damner une ville en la privant de la
quasi-totalité de ses ouvriers.
S'attribuant le monopole du commerce dans chaque secteur
d'activité, ils furent, de ce fait, l'une des principales
cibles des différents décrets interdisant les
coalitions et les corporations ouvrières. Jusque sous
l'Empire, les Compagnons furent étroitement
surveillés par la police. Caractérisés
par une mission de secours mutuel, un objectif de défendre
des droits du travail et l'existence d'un fort contrôle sur
leurs membres, les compagnonnages sont souvent
considérés comme les précurseurs des
syndicats modernes.
Issues du compagnonnage et regroupées dans une
même confrérie d'artisans itinérants,
les « guildes maçonniques
médiévales »
étaient réservées aux tailleurs de
pierre qui jouissaient d'un statut privilégié que
leur garantissaient l'église et la monarchie en Angleterre.
Les Maçons se réunissaient alors dans des locaux
installés près des chantiers appelés
« Loges » et où se
transmettaient, sous la férule d'un Maître
Maçon, les secrets du métier.
En 1275 se tint à Strasbourg une assemblée des
seuls tailleurs de pierre qui se répartirent en 5 Loges
à Strasbourg, Cologne, Vienne, Zurich et Magdebourg. Peu
à peu, les Loges commencèrent à
admettre dans leurs rangs des hommes fortunés, des hommes de
loi et progressivement, ces guildes devinrent des
sociétés de pensée
consacrées à la formation des consciences et
à la défense de nouveaux principes tels que la
fraternité, l'égalité et la paix.
Le pouvoir royal s'inquiétait de la puissance de ces
travailleurs qui ligués, représentaient une force
obscure. Leur initiation, leurs rites secrets, leur serment, leurs
signes de reconnaissance, l'emploi de symboles, éveillaient
la méfiance des souverains. Déjà au
concile de Rouen en 1189 et d'Avignon en 1326, le pouvoir absolu (celui
de l'église), avait interdit les confréries de
bâtisseurs car selon elle, les membres de ces guildes avaient
un langage et une écriture spéciale pour se
reconnaître.
De plus, ayant été en contact avec des
constructeurs musulmans, l'Eglise craignait que ces
confréries en aient rapporté des idées
allant contre le Vatican. Un arrêt du parlement en 1501,
suspend les confréries des Compagnons Maçons et
en 1506, il est interdit aux tailleurs de pierre de s'assembler. En
1649, on oblige les Compagnons à s'inscrire sur les
registres de la police.
Malgré tout cela, le compagnonnage prospère. Il
lutte pour la liberté en maintenant l'esprit corporatif. Les
loges de maçons sont localement actives. Elles ont peu de
rapports entre elles. Les connaissances du métier se sont
atomisées et plus personne n'a le loisir de se
déplacer. Toute l'activité est
utilisée à la survie dans un climat de guerre
perpétuelle. Les compagnonnages
inquiétèrent de façon croissante les
autorités civiles.
De nombreux procès furent intentés aux compagnons
des 1660, mais en 1666, L'incendie de Londres donne une nouvelle
impulsion aux confréries de bâtisseurs. Il faut
reconstruire et pour attirer les Maçons, on leur donne de
nouvelles franchises et naturellement, de nouvelles Loges voient le
jour.
En Angleterre, en 1717, plusieurs guildes fusionnèrent en
vue de former une « Grande Loge
» pour Londres et une « Grande Loge
» pour Westminster. Ils se donnèrent des statuts
et élirent leur 1er Grand Maître. Celui-ci,
comprit qu'en noyautant les Loges de Londres et en attirant les princes
et les nobles, Il pouvait faire pièce aux Bourbons et se
venger des catholiques qui avaient persécutés sa
famille lors de la révocation de l'Edit de Nantes. Les Franc
Maçons anglais étaient donc axés
fortement contre la papauté et les Bourbons. En France, la
situation était différente. La monarchie
régnait d'une manière souveraine. Des
régiments écossais, formés de
catholiques
fervents, avaient suivi Henriette de France, veuve de Charles 1er. Ils
créèrent des Loges militaires en y acceptant des
nobles et officiers français.
Au cours d'une assemblée en 1721 il fut demandé
à James Anderson de moderniser les vieux textes. Une
commission se mit au travail et élabora un projet qui fut
approuvé en janvier 1723. En France, une Loge est
créée en 1721 à Dunkerque sous
l'appellation « amitié et
fraternité ». La « Grande
Loge Unie d'Angleterre » rassemblant celles de
Londres et de Westminster fut constituée en 1725
à York, la « Grande Loge d'Irlande
» la même année et la « Grande
Loge d'Ecosse » en 1736.
Depuis sa fondation, l'ordre maçonnique fut l'objet de
nombreuses critiques ainsi que de condamnations politiques et
ecclésiastiques. En 1737, en France, un collège
de juges décida d'interdire la Franc Maçonnerie.
Le pouvoir politique ne pouvait rester indifférent
à l'égard des hommes qui se
réunissaient dans des lieux tenus secrets.
Mais toutes ces menaces et condamnations n'ont pu empêcher en
1738 que la première obédience vit le jour en
France. Dans les Loges, les penseurs rentrent en force et dans les
villes universitaires, un nouveau courant de pensée voit le
jour : le courant « scientiste
» ou esprit « rosicrucien
».
En avril 1738, le pape Clément XII, âgé
de 87 ans et aveugle, excommunia les Franc Maçons pour
hérésie. Le Vatican craignait surtout que la
fréquentation des protestants dans les Loges anglaises
n'éloignât les catholiques des Loges
françaises de la « vraie religion
». Il ne pouvait également accepter qu'un
fidèle refuse de dévoiler les secrets de la Franc
Maçonnerie en confession sous prétexte qu'il
avait prêté serment. Le pape Benoît XIV
confirma cette condamnation en 1751.
Et que devient le compagnonnage au milieu de tout cela. En 1776,
Turgot, alors contrôleur général des
finances de Louis XVI, abolit les corporations au nom de la
liberté du commerce et du travail. Après la
révolution, le compagnonnage des métiers
constructeurs de cathédrales (tailleurs de pierre,
maçons, charpentiers, serruriers, menuisiers,
plâtriers et couvreurs) fut un catalyseur des espoirs du
monde professionnel.
Le tour de France des cathédrales fut remplacé
par le tour de France de l'emploi, où chacun put augmenter
la somme de ses connaissances professionnelles par l'apprentissage de
techniques et savoir-faire multiples. Ce fut l'apogée du
compagnonnage, mais le machinisme qui engendra la concentration
industrielle faillit lui être fatal.
Sociétés secrètes,
sociétés de défense des ouvriers,
sociétés nostalgiques de l'ordre ancien, les
compagnonnages furent le symbole d'une remarquable
continuité de structures associatives du monde ouvrier. Le
compagnonnage est une institution de formation désormais
reconnue dans
le monde du bâtiment même si les compagnonnages
d'aujourd'hui ont perdu beaucoup de leur importance au sein du monde
ouvrier et artisanal.
L'hypothèse est ainsi établie que par leur forme,
leur organisation, leur symbolisme, leur méthode de
gouvernement et leurs coutumes, les collèges romains et plus
tard le compagnonnage présentaient avec les Loges
Maçonniques modernes une ressemblance qui est à
l'évidence, plus que fortuite.
Aujourd'hui, c'est une Franc Maçonnerie « évolutionnaire
» qui a pris la relève. Eprises de justice
sociale, les Loges ont fortement marqué la constitution
fédérale de 1848 (réduction des heures
de travail, suppression du travail des enfants, extension de
l'enseignement gratuit, etc.).
Vénérable Maître et vous tous mes
Frères, les Maçons du monde moderne ont
désormais la tâche de promouvoir la
liberté de conscience pour tous les hommes, mais aussi de
chercher l'harmonie avec les autres pour promouvoir
l'épanouissement de l'humanité. Mais cela n'est
possible que par l'amélioration de l'individu, et en premier
lieu de chaque Maçon.
J'ai dit,
A\ L\
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