GLDF Loge : Le Delta Quercy Rouerge - Orient de Villefranche de Rouergue 01/03/2004


Le Niveau
          
A l’origine était la verticale, axe du monde, il nous fallait une seconde référence : l’horizontale. Il est courant d’entendre dire que, dans la vie, il faut être droit ou d’équerre, mais il n’est jamais évoqué, dans ce contexte, la position horizontale. Ne s’agit-il pourtant pas là d’une position de rectitude dans notre mode d’existence ? Cette horizontale n’est-elle pas la base de notre équilibre sur terre ? Cherchons à savoir d’où nous vient cette horizontale et nous découvrons le « NIVEAU ». Ce synonyme d’un certain degré d’élévation, de position dans la société tel que : de quel niveau scolaire êtes-vous ? À quel niveau social appartenez-vous ? Instrument à deux figures, l’une que l’on peut qualifier « d’opérative » et la seconde, plus proche de nous, de « spéculative ». C’est sous ces deux aspects que je tracerai cette planche.

*
*     *

 La partie « opérative », plus matérielle, nous rapproche de l’instrument vrai : l’outil. Historiquement, il serait antérieur à la civilisation égyptienne. Son nom serait tiré du latin « libella » de la racine « libra » qui signifie balance. Composé de deux jambages et d’une traverse graduée, il est surmonté d’un fil à plomb oscillant. Stabilisé à la verticale, à équidistance de son piétement, il nous indique la rectitude de l’horizontale.  Cette précision de rectitude n’est pas fortuite. Elle trouve tout son sens dans le fait qu’elle apporte l’indication que seul le niveau est la base réelle d’une ligne horizontale et droite sans aucune analogie avec cette ligne imaginaire des mers et des océans baptisée « horizon » racine du mot horizontal. Or, chacun sait que cet horizon n’a rien de rectiligne si ce n’est  que l’infime partie visuelle captée par le champ de la vision humaine. En effet, notre terre étant une sphère, son horizon ne saurait être la base d’une ligne droite de niveau. En revanche, il est incontestable qu’une ligne tracée sur la base du niveau conserve dans son infini une droiture constante. C’est à partir de cette base droite et plate, par la rencontre du fil à plomb, que l’on construit l’angle droit. Cette union de l’horizontale vraie et de la perpendiculaire, qui elle n’a pas à être démontrée dans son exactitude droiture, base de la géométrie moderne, a permis à nos architectes d’élaborer des plans des plus précis et d’ériger dans le monde entier temples et autres édifices des plus somptueux et des plus solides.
                                                                                 
Le niveau est l’outil de base sans lequel aucune construction ne saurait être bâtie au risque de ne s’effondrer. Par ailleurs, sur le plan de l’esthétisme, nos regards n’éprouvent aucun plaisir à contempler une œuvre non placée de niveau. J’en veux pour preuve que, tout individu quel qu’il soit, se présentant dans une pièce où un tableau sur un mur sera incliné, aura pour réflexe premier d’aller le remettre de niveau. Ceci étant, il n’en est pas moins vrai qu’une certaine curiosité peut susciter l’intéressement pour ce qui n’est ni de niveau, ni vertical et il en est ainsi pour la fameuse tour de Pise………
A ce stade, l’horizontale du niveau semble bien être un équilibre naturel inné ancré en chacun de nous sans lequel nous ne saurions pas nous positionner à l’intérieur de notre monde.
                                                                                             
*
*     *
                                                                     
A présent, abordons le niveau sur un plan plus ésotérique. Oublions le niveau moderne dit « à bulle » pour revenir au niveau plus ancestral dit « à fil ». Sa forme triangulaire nous ramène au chiffre trois et, comme son nom l’indique, on y remarque la présence du fil à plomb suspendu à l’angle supérieur de l’outil. Ce n’est donc pas sans raison que nous sommes plus proche de celui-ci que de son contemporain. Par essence, il nous démontre que l’horizontalité du chevalet qui le compose ne peut être obtenue que grâce à la verticalité du fil passant par le milieu juste de la traverse. L’horizontale et la verticale sont donc interdépendantes.
Même s’il devait être matériellement irréel, il est référence pour tous les F\M\ et omniprésent au sein de chacune de nos loges, voire même au plus profond de nos âmes de F\M\. Si la verticale nous invite à descendre en nous-même, à nous rechercher intimement, la verticale du niveau nous permet de trouver un juste milieu des choses, un équilibre jusqu’à arriver à l’union parfaite de l’horizontale et de la verticale, d’où une libération intérieure et une abstraction de notre ego.
Afin d’en disserter plus longuement, en dehors de mon ressenti intime, je me suis appuyé sur certains ouvrages tels que le dictionnaire des symboles de Jean CHEVALIER et Alain GHEERBRAND ainsi que de la Symbolique Maçonnique de Jules BOUCHER.
 
Sans entrer dans des détails complexes et des énumérations longues et fastidieuses qui risqueraient de vous lasser et de vous faire perdre votre attention, je trouve cependant nécessaire de vous présenter une base de ma réflexion.

*
*     *

Dés sa première tenue, le jeune apprenti se trouve dans le temple face à un outil : le fil à plomb. Symbole de la perpendiculaire, ligne de Foi, attaché à la profondeur de la connaissance et à sa rectitude attribut du second S\. Accroché à la voûte céleste du temple, il est l’appel à l’apprentissage des connaissances du monde terrestre de la part du jeune apprenti. Plus tard, lorsque ce dernier dominera cette connaissance, et qu’il passera Compagnon, on dira qu’il est passé de la perpendiculaire au niveau. Lui aussi devra être de niveau, stable et sans équivoque par rapport à ses frères et au reste du monde. Rappelons que, par son dessin, il est l’association du triangle (feu-lumière-homme) et de la croix (horizon et verticale). L’homme est donc forme matérielle terrestre et son esprit cherche à s’élever. C’est alors qu’il devra aborder une autre dimension plus spirituelle et pénétrer dans les arcanes du Cosmos. Cette démarche initiatique nécessite une position extra temporelle où le Maçon n’est plus l’homme « Terre » mais devient l’être détaché du monde afin de mieux le contempler, mieux le capter et le maîtriser. C’est de cette position qu’il pourra par la suite revenir sur notre mère Gaïa, s’y stabiliser et y asseoir ses connaissances. En équilibre parfait, sur sa traverse horizontale, il pourra poursuivre son élévation spirituelle.

Il est l’un des trois outils remis au F\C\ lors de son élévation, c’est au troisième voyage qu’il apparaît. Après avoir dégrossi sa pierre à l’aide du ciseau et du maillet, le F\ C\ va à présent positionner son travail dans les trois dimensions de notre réalité. Le niveau prend là une place importante dans ce positionnement. Emblème de la régularité, il est attribué au F\ premier S\ qui en est décoré en tant qu’inspecteur des travaux que font les FF\ dans le temple qu’ils élèvent à la vertu. Le niveau est donc garant de la vertu du temple. Il est également l’emblème de la justice : Isaïe 28.17 « Je prendrai le droit pour règle et la justice pour niveau ».
                                                                                                                                            
Le niveau est le signe indiquant que tous les frères sont égaux dans le travail en Loge, mais également à l’extérieur du Temple. Que chacun de nous qui croisons par la vue cet instrument dans sa vie profane, sache se souvenir de la valeur qu’il représente, sans oublier que le respect de l’autre commence par la construction du soi-même. Quant à l’égalité reconnue en Loge, dans ce monde moderne d’intolérance, elle me paraît bien difficile à appliquer face à des individus de plus en plus égoïstes et soucieux de leur égo.                                                                                                   

Sans pour autant l’ignorer, mais ne pouvant l’étayer par des arguments probants, je me contenterai de citer WIRTH, qui voit dans la forme du niveau le rappel du signe alchimique du souffre, substance dont la combustion entretien le feu central de tout foyer d’activité. J’en tire la traduction que le niveau serait l’essence qui lie les frères au sein du temple.

*
*     *

En conclusion, le niveau est l’élément essentiel de l’équilibre de l’homme tant sur le plan matériel que sur le plan spirituel. Il est la base solide sur laquelle chacun doit s’appuyer s’il veut évoluer. C’est également sur cette assise que l’on pourra transmettre équilibre et référence à nos pairs et aux profanes qui nous entourent. Aucun Maçon ne saurait être digne de porter ce titre s’il oubliait les notions élémentaires édictées par le niveau.
N’oublions pas non plus, avant de nous quitter, qu’il est un des symboles de notre devise « Liberté, Egalité, Fraternité ». En effet, le niveau n’est-il pas la représentation de l’égalité ?

J’ai dit.

P\ S\

6018-4 L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \