GLND | Loge : Johary - Orient d'Antananarivo | Date : NC |
Les Ordres d’Architecture A l’issue du deuxième des cinq voyages du rituel de réception au deuxième degré que le futur Compagnon effectue avec la règle et le levier, le frère Expert lui fait lire un cartouche sur lequel est inscrit : « Dorique, Ionique, Corinthien, Toscan, Composite » Ces termes font référence aux ordres d’architecture grec et romain. Le sujet de méditation qui est ainsi proposé au récipiendaire est donc l’architecture, l'art de bâtir des édifices. Comme la musique est l’art d’assembler harmonieusement les sons dans le respect de la vibration naturelle des corps sonores, l’architecture est l’art d’assembler les matériaux dans le respect des lois physiques, au moyen d’outils, pour en faire des édifices harmonieux. Les deux arts sont fondés sur l’harmonie de rapports, de proportions qui se laissent ramener à des nombres. Architecture vient du grec archè, le commencement, le commandement, le principe et de tektonikos, le charpentier ou le bâtisseur, littéralement le bâtisseur des origines. L’architecture serait ainsi un ordre soumis, tout comme l’Univers, à l’archè, au principe du nombre. L’un des traits qui demeureront ceux de la philosophie grecque est en effet l’idée selon laquelle le monde est tout à la fois un et multiple, un monde où la pluralité des éléments et des puissances est dominée et compensée par une loi abstraite d’équilibre et d’harmonie régie par le nombre. Les hommes ont connu le nombre en se référant à la nature. Ce sont les ancêtres qui ont su lire dans la nature ce qui y fait force de loi : c’est-à-dire le langage des chiffres, de la géométrie, des proportions. De fait la référence à nos prédécesseurs est constante dans le rituel du second voyage du Compagnon. Il est ainsi dit : « Ce sont les matériaux, les outils, les chefs-d’œuvre de cet art (l’architecture) que vous voyez figurés dans nos ateliers et sur les tableaux de nos loges… Tout cela concourt à la construction du temple que nous élevons en continuant la tâche de nos prédécesseurs. Il n’importe que le temps ait respecté leurs œuvres ou qu’il les ait recouvertes de la poussière de l’oubli. Le Grand Art de la maçonnerie demeure pour attester l’élévation de leur pensée, l’étendue de leurs connaissances et la splendeur de leur génie ». Le second voyage a, à mon sens pour objectif, d’amener le Compagnon à rendre hommage aux grands anciens opératifs, aux savants, aux chercheurs, aux bâtisseurs, aux explorateurs qui ont modelé le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui et qui nous l’ont légué en héritage. DORIQUE, IONIQUE, CORINTHIEN, TOSCAN, COMPOSITE Les ordres ou styles architecturaux sont à la fois système de formes, de proportion et langage décoratif. Au sein de ces ordres, la colonne qui définit les proportions générales et son chapiteau qui détermine le style sont les éléments les plus importants. Il y a deux ordres fondamentaux crées par les grecs, le Dorique (qui vient du continent, de la péninsule du Péloponnèse) et l'Ionique (qui vient des îles et de la côte orientale de la mer Égée). Ces deux ordres ne se résument pas au style des colonnes et des chapiteaux. Ils régissent également l'agencement des lieux et les proportions des éléments constituant le monument auxquels ils s'appliquent. L'ordre Corinthien n'est pas un style en lui-même, c'est l'ordre Ionique avec un chapiteau à feuilles d'acanthe. A ces trois ordres grecs, les romains ont ajouté 2 variantes : le Toscan et le Composite pour constituer les chapiteaux des cinq ordres d’architecture du rituel d’initiation du Compagnon. Le premier texte qui définit les cinq ordres classiques est le traité d’architecture en dix volumes « De Architectura »dédié à l’Empereur Auguste par l’architecte romain Vitruve vers 25 avant J.-C . L’homme, créature la plus parfaite parce que formée à l’image de Dieu, microcosme reflétant le macrocosme, apparaît selon Vitruve comme le modèle à suivre dans une architecture en quête de perfection. Le rituel de la cérémonie de réception au second degré est dans la lignée de cette approche anthropomorphique quand il dit : « A l’image harmonieuse des colonnes qui s’élevaient à l’entrée du temple de Salomon, soyez vous-même une colonne vivante qui s’élève vers les hauteurs, tout en vous appuyant sur la terre qui vous a donné naissance. Vous deviendrez ainsi l’un des piliers inébranlables de notre temple ». Comment ne pas penser en lisant ce passage du rituel à ces vers de Baudelaire dans les correspondances : La nature est un temple où de vivants piliers Laissent parfois sortir de confuses paroles; L'homme y passe à travers des forêts de symboles Qui l'observent avec des regards familiers DORIQUE L’ordre Dorique, le plus simple, le plus « masculin », a vu le jour vers -630 dans le Péloponnèse. La colonne massive n'a pas de base, le chapiteau est lisse et simple. Vitruve rapporte dans son traité d’architecture l’origine mythique de la colonne Dorique : « Ils cherchèrent un moyen de faire des piliers à la fois assez forts pour soutenir le poids de l’édifice et agréables à la vue. Pour cela ils prirent la mesure du pied d’un homme qui est la sixième partie de sa hauteur, ils se réglèrent sur cette proportion de sorte qu’en donnant une grosseur quelconque à la tige de leurs colonnes ils la firent six fois aussi haute et c’est ainsi que la colonne Dorique fut employée dans les édifices avec la proportion, la force et la beauté du corps d’un homme ». Le Parthénon à Athènes et le temple d’Héra sont sans doute les temples grecs les plus représentatifs du style Dorique. Ce style était répandu en Grèce et dans les colonies grecques qu’étaient alors le sud de l’Italie et la Sicile. IONIQUE L’ordre Ionique est apparu une centaine d’années après l’ordre Dorique dans les îles de la mer Egée et en Ionie, une région qui se situait sur la côte ouest de l’actuelle Turquie. La colonne Ionique est plus élancée. L‘élévation du fût est de huit à douze fois sa base. Le chapiteau est décoré de volutes en forme de cornes de bélier qui évoquent des cheveux féminins. La légende, toujours véhiculée par Vitruve, veut que des populations de l'Asie mineure sous la conduite d'Ion, un de leurs chefs, voulurent élever un Temple magnifique à Ephèse en l'honneur de Diane. Ils cherchèrent, pour décorer ce monument, un nouvel ordre d'architecture d’une beauté plus délicate que le Dorique et susceptible de recevoir plus d'ornements. Comme l'ordre Dorique avait été déterminé sur le corps de l'homme, ils imaginèrent de régler les proportions du nouvel ordre sur la taille des femmes grecques. Poussant encore plus loin l'imitation, ils ont donné au chapiteau la forme des boucles de leurs cheveux et ils cannelèrent les colonnes pour imiter les plis de leurs vêtements. Le flacon du parfum Organza de Givenchy emprunte à l’évidence à la symbolique de la colonne Ionique. Le temple d’Athéna Niké[1], déesse de la victoire et protectrice d'Athènes, construit en -423 dans cette ville est emblématique du style ionique, lequel poussé à son extrême logique, aboutit au portique[2] des Caryatides de l'Érechthéion. Ce temple de style ionique fut construit entre -421 et -406 en l'honneur d'Athéna et de Poséidon sur l’acropole d’Athènes. Il comprend trois portiques, dont celui des Caryatides à l'arrière. Les colonnes de ce portique sont constituées des statues de six jeunes filles revêtues de grandes robes commémorant la défaite des habitants de Carya, dans le Péloponnèse, coupables de s’être alliés aux Perses. La fonction de support exprime visuellement l’asservissement de ces femmes. CORINTHIEN L’ordre Corinthien tire son nom de la cité de Corinthe. Il ne s’agit pas d’un ordre à proprement parler mais d’une colonne Ionique avec un chapiteau à feuilles d’acanthe. Vitruve, rapporte ainsi la légende de sa création : Une jeune fille de Corinthe, étant morte, sa nourrice posa sur son tombeau un panier contenant ses objets familiers. Pour protéger son contenu, elle mit une tuile sur le dessus. Le panier ayant été placé sur une racine d'acanthe[3], les feuilles et les tiges l'enveloppèrent bientôt et contraintes par la tuile, se recourbèrent, formant ainsi des volutes. Le sculpteur athénien Callimaque passant auprès de ce tombeau, séduit par cette disposition inattendue des feuilles autour de la corbeille, décida de l'imiter et de l'adapter aux colonnes qu'il réalisait en réglant sur ce modèle les proportions et le style de l’ordre Corinthien. Selon Vitruve si la colonne Dorique symbolise le corps de l’homme, l’Ionique celui de la femme, l’ordre Corinthien symbolise le corps de la jeune fille. La référence à un végétal permet également d’en faire le symbole de la nature. Le chapiteau Corinthien est élégant et son décor est touffu. Il donne un sentiment de luxe et de richesse. S’il a été rarement utilisé dans la Grèce antique, ce style se retrouve fréquemment dans le Rome antique. Le Panthéon à Rome en est un exemple. Dans sa pièce Les Amours de Psyché et de Cupidon Jean de La Fontaine prête les paroles suivantes à Psyché quand elle découvre le palais de l’amour : « Ces ordres dont les Grecs nous ont fait présent, Le dorique sans fard, l’élégant ionique, Et le corinthien superbe et magnifique, L’un sur l’autre placés, élèvent jusqu’aux cieux Ce pompeux édifice où tout charme les yeux ». L’ORDRE TOSCAN est transposé du Dorique. La colonne Toscane comprend une base et son chapiteau est souligné par une astragale[4]. L’ORDRE COMPOSITE se distingue par un chapiteau qui réunit les volutes du chapiteau Ionique et les feuilles d'acanthe du chapiteau Corinthien. UNIVERSALITE DES ORDRES ANTIQUES D’ARCHITECTURE Il n’est guère d’autre domaine de l’art occidental où l’héritage grec se soit pérennisé autant qu’en architecture : les ordres progressivement mis au point par les grecs se sont transmis – tour à tour enrichis, mêlés, simplifiés, abâtardis, puis apurés et combinés de nouveau – jusqu’au seuil du XXe siècle, en sorte que toute l’architecture monumentale de pierre de l’Occident a, pendant vingt-cinq siècles, parlé peu ou prou ce langage clairement articulé, auquel elle a su faire dire des choses bien différentes. Les ordres grecs sont basés sur les proportions humaines, ce qui est l’un des moyens les plus remarquables de relier l’homme à son habitat et aux bâtiments publics. L’usage des ordres classiques est la manière de refléter les idéaux démocratiques qui guident la plupart des nations du monde. En effet la démocratie ou pouvoir du peuple est née à Athènes, en Grèce, il y a environ 2.500 ans, en même temps donc que se sont développés les ordres classiques d’architecture. Nombre de bâtiments publics, dans le monde entier et à commencer à Madagascar intègrent dans leur conception des éléments de ordres classiques. Il en est ainsi du palais du pierre, aujourd’hui bien solitaire, qui enserrait Manjakamiadana, du Palais du Premier Ministre, du palais de justice de Ranavalona II à Andohalo, construit dans le plus pur style Ionique, de l’école de médecine, des belles maisons de la ville haute. Faut-il s’en étonner lorsque l’on sait que c’est un franc-maçon, le missionnaire-architecte écossais James Cameron qui, à la demande de la Reine Ranavalona II, en 1869, a recouvert le Palais de Manjakamiadana, d'une ossature en pierre qui est devenue l’archétype de la maison traditionnelle malgache avec ses éléments caractéristiques : colonnes de pierre ou de brique à chapiteau soutenant une varangue, avec dans certains cas une tour d’angle. Trois ordres d’architecture se superposent au palais de pierre de Manjakamiadana, au premier niveau, de solides piliers carrés qui rappelent le style Dorique, au second niveau des demi-colonnes cannelées à chapiteau Corinthien et au troisième niveau des demi-colonnes cannelées à chapiteau Composite. HOMMAGE A LA GRECE ANTIQUE Les symboles maçonniques ont quatre origines principales : cosmique, biblique, « compagnonnique » et Pythagoricienne. Phytagore est né à Samos vers -57O sur les rives de la mer Egée, là où s’est développé, à la même époque, l’ordre Ionique. La référence aux ordres d’architecture dans notre rituel me paraît donc un hommage rendu à l’école Pythagoricienne et plus largement à la civilisation Grecque antique à laquelle nous devons tant. Vers le VI° siècle av. J.‑C., le long de la côte de l'Asie Mineure, en Ionie, survint le plus invraisemblable des développements : le « miracle grec », qui dura près de huit siècles. En plein milieu de l'univers mythique, une poignée d'hommes exceptionnels parvinrent à renverser la vapeur et à semer les germes d'un nouvel univers qui allait sonner le glas de l'ancien. Les Grecs introduisirent l'univers scientifique, qui est encore le nôtre aujourd'hui. Au lieu de s'abandonner aveuglément aux Dieux et de se contenter d'observer les événements naturels sans les comprendre, les Grecs eurent l'intuition révolutionnaire que le monde pouvait être disséqué en ses différentes composantes et que la raison humaine était capable d'appréhender les lois qui régissent le comportement de ces composantes et leurs interactions entre elles. La nature pouvait être sujet de réflexion et de spéculation. La compréhension des lois naturelles qui était réservée exclusivement aux Dieux dans l'univers mythique était partagée par l'homme dans l'univers scientifique. Munis de cette inébranlable confiance en la capacité de la raison humaine, les Grecs se mirent au travail. La structure de la matière, la nature du temps, les phénomènes biologiques, géologiques et météorologiques, rien n'échappa à leur regard curieux et inquisiteur. Leucippe et Démocrite morcelèrent la matière en atomes indivisibles, une vision qui demeure d'actualité. Pythagore, en élaborant ses théorèmes, fonda les mathématiques et Euclide bâtit sa géométrie. De cette intense fébrilité intellectuelle émergea un nouvel univers qui prit ses distances avec l'univers mythique. LE SYMBOLISME DES TROIS ORDRES ET DES TROIS PILIERS Il y a dans les ateliers travaillant au Rite Ecossais Ancien et Accepté (R\E\A\A\)[5] trois petites lumières placées sur trois colonnes/chandeliers représentatifs des trois principaux ordres d’architecture. Ces colonnes sont appelées dans le catéchisme de l’apprenti les trois grands piliers qui soutiennent la loge et président à la construction des francs-maçons. La première marche de l’Orient et l’entrée du Temple déterminent un rectangle de largeur 3 et de longueur 4 au centre duquel se trouve le pavé mosaïque, sur lequel est tracé le tableau de loge entouré des trois piliers/chandeliers. Cet endroit délimité par les trois petites colonnes me paraît être le Saint des Saints, la véritable représentation symbolique du Temple, ce qui peut expliquer l’utilisation de colonnes grecques. Un Temple bancal en apparence puisqu’il ne compte que trois colonnes, ce qui ne permet pas d’assurer un équilibre satisfaisant, bancal en apparence seulement puisque si les trois piliers visibles sont la représentation au sein du cosmos de l’homme (ordres Dorique et Ionique) et de la nature (ordre Corinthien), le quatrième pilier est bien là mais invisible, indicible. Il représente ce que l’on pressent mais que nul homme ne peut voir : Le Grand Architecte de l’Univers, le G\A\D\L\U\, le principe créateur, la vérité, la lumière, que nous recherchons tous consciemment ou inconsciemment, en doutant un peu tout en caressant le secret espoir de trouver un sens à notre existence. Cet état d’esprit est celui de Voltaire lorsqu’il dit : L'Univers m'embarrasse et je ne puis songer que cette horloge existe et n'ait point d'horloger. De toute façon les francs-maçons en bons disciples des chevaliers du Graal, savent que ce qui importe c’est la quête et non le Graal. Ce qui se trouve autour de cet endroit saint que nul ne foule des pieds, le reste de l’atelier, représente à mon sens le cosmos avec la voûte étoilée, la lune, le soleil, l’étoile flamboyante, l’étoile polaire, l’axe du Monde, le nadir, le midi, l’Orient l’Occident, autant de références géographiques qui me donnent l’impression d’être au dehors, d’ailleurs les deux grandes Colonnes J\et B\ne sont t-elle pas à l’extérieur du Temple puisqu’elles font référence aux colonnes qui étaient placées à l’extérieur du Temple de Salomon, à gauche et à droite de la porte d’entrée. Si je peux les voir cela ne signifie t-il pas que je suis moi aussi à l’extérieur et que le véritable Temple, symbolisé par les trois piliers, est le monde profane ? Les trois petites lumières occupent une place importante dans notre rituel puisque nos travaux débutent par leur allumage placé sous trois invocations : A la colonne Ionique « Sagesse » dédiée au V\M\ et plus largement aux MM\de la loge correspond l’invocation : « Que la Sagesse préside à la construction de notre édifice » Notre rituel fait correspondre à la colonne Ionique, symbole féminin, la sagesse. Il est de fait que la sagesse au sens d’un comportement juste et raisonnable est le plus souvent l’apanage de la femme que de l’homme, elle qui conçoit, qui porte puis élève les enfants apparaît comme plus mesurée, plus réfléchie, moins aventureuse que l’homme. Dans la mythologie romaine la, sagesse est personnifiée par un dieu femelle, la déesse Minerve, fille de Jupiter équivalente d'Athéna dans la mythologie grecque. Fière et belliqueuse, elle était la déesse des guerriers, la protectrice de la maison et de l'État, l'incarnation de la sagesse, de la pureté et de la raison. Minerve était aussi la protectrice des arts, de l'artisanat et des métiers. La Sagesse au sens religieux de la connaissance inspirée des choses divines et humaines, apanage de Salomon, bâtisseur du Temple de Jérusalem, est logiquement une vertu associée au Vénérable Maître qui dirige nos travaux. Dieu dit à Salomon : Puisque c'est là ce qui est dans ton coeur, puisque tu ne demandes ni des richesses, ni des biens, ni de la gloire, ni la mort de tes ennemis, ni même une longue vie, et que tu demandes pour toi de la sagesse et de l'intelligence afin de juger mon peuple sur lequel je t'ai fait régner, la sagesse et l'intelligence te sont accordées. (Chroniques 1- 11 et 12). La sagesse dans la perspective des âges de la vie est l’apanage de la vieillesse car on ne reçoit pas la sagesse, elle résulte d’une longue expérience. Il faut la découvrir soi-même tout au long de sa vie en polissant sa pierre au contact des autres pierres du Temple car elle est un point de vue sur les êtres et le monde. A la colonne Dorique « Force » dédiée au 1ér S\donc aux CC\correspond l’invocation : « Que la Force le soutienne » L’ordre Dorique est le plus masculin des trois ordres grecs, il donne aux édifices construits dans ce style la proportion, la force et la beauté du corps d’un homme nous dit Vitruve. Il est donc logique de lui faire correspondre la Force, le premier surveillant et par extension les Compagnons qui n’ont qu’une religion le Travail. A ce titre ils sont les ouvriers à qui l’on a confié un instrument inconnu de l’apprenti, le levier qui en multipliant nos forces nous permet de placer aux endroits utiles les pierres destinées à l’érection du Temple nous dit le rituel de réception du Compagnon. Dans la perspective des âges de la vie la Force est l’apanage de l’âge mûr où l'homme a atteint son plein développement. D’ailleurs ne dit-on pas d’un homme en pleine possession de ses moyens qu’il est « dans la force de l’âge ». A la colonne Corinthienne « Beauté » dédiée au 2éme S\donc aux jeunes frères AA\correspond l’invocation : « Que la Beauté l’orne » Le chapiteau Corinthien est le plus élégant, il donne un sentiment de luxe et de richesse, il paraît donc logique de lui faire correspondre la Beauté et les jeunes apprentis qui, muets et de ce fait quelque peu passifs, sont réduits à orner la colonne du Nord. Dans la perspective des âges de la vie la Beauté est l’apanage de la jeunesse qu’on appelle encore le bel âge. Les trois invocations se rapportent ainsi aux trois âges de la vie de l’homme et aux qualités qui s’y rapportent. Chaque âge a ses plaisirs, son esprit et ses mœurs » disait Boileau. Il est un parallèle intéressant à ce stade à faire avec l’architecture puisque Vitruve, encore lui, insistait déjà dans son recueil d’architecture sur la nécessité de savoir conjuguer la recherche de la solidité avec celles de la commodité et de la beauté. Solidité/Force, commodité/Sagesse, beauté : la triade vitruvienne hante aujourd’hui encore l’esprit des architectes. Elle correspond au principal défi qu’il leur faut relever dans l’exercice de leur métier. Pour un édifice donné, les aspects et les choix relatifs à son usage interagissent en effet avec les préoccupations esthétiques et cette interaction, loin d’être constamment harmonieuse, se présente souvent sous la forme de conflits qu’il faut arbitrer. Nos travaux s’achèvent par l’extinction des trois petites lumières. A la colonne Ionique « Sagesse » correspond l’invocation : «Que la paix règne sur la terre !» Référence à la matière inerte qui ne se reproduit pas, au monde minéral qui est le support inanimé du monde vivant : du virus, qui est à la frontière du minéral et du vivant, en passant par les bactéries, les algues, les orchidées, les vers de terre, les sauterelles, les poissons, les mammifères, l’homme donc. Sagesse et Paix sont deux concepts parfaitement concordants. A la colonne Dorique « Force » correspond l’invocation : «Que l’amour règne parmi les hommes !» Référence à l’amour, à la procréation, à la reproduction, l’apanage du règne du vivant. Telle est la volonté de Dieu exprimée dans la Genèse 1-22 : "Soyez féconds, multipliez, emplissez l'eau des mers et que les oiseaux multiplient sur la terre" Par analogie avec l’architecture il est possible d’avancer que l’amour est le moyen de bâtir l’homme quoi de plus logique dés lors de lui faire correspondre la colonne Dorique Force qui est le symbole du Compagnon, du travail, de l’acte de construire proprement dit. Paix – Amour ce n’est rien d’autre, traduit en anglais, que le « Peace and Love » ou le « faites l’amour pas la guerre » du mouvement hippie. Les francs maçons en précurseurs et en inspirateurs du mouvement hippie ! C’est aussi cela l’universalité des valeurs. A la colonne Corinthienne, « Beauté » correspond l’invocation : «Que la joie soit dans les cœurs !» Référence au bonheur, par extension et au plan biologique, au plaisir. De surcroît la perception de la beauté provoque tout naturellement chez l’homme des sentiments de joie et de plaisir provenant non pas du cœur mais plutôt du cerveau. Il me paraît possible de résumer ainsi les trois invocations : faites l’amour, pas la guerre ainsi vous vivrez heureux et vous vous multiplierez. N’est-ce pas là une définition de l’humanisme[6] ? Toute la philosophie, tout l’humanisme pourrait se résumer à ce seul mot «bonheur», soyez heureux, rayonnez le bonheur autour de vous, dans le coeur de vos frères profanes, de votre prochain. N’est-ce pas là le but ultime de nos travaux. Toutes les actions de tous les hommes pour peu que l’on se donne la peine d’éliminer toutes les scories, tous les habillages, tous les faux-fuyants qui sont le lot de notre vie en société et de notre rapport aux autres, nous ramènent à deux fonctions fondamentales qui sont communes, non seulement à l’homme, mais plus largement au règne animal et au règne végétal. La première fonction des êtres vivants est justement de rester vivants, de maintenir leur structure biologique, en agissant sur le monde extérieur pour se nourrir (travailler, chasser) et se protéger des agressions. La seconde fonction est celle qui nous pousse à procréer afin de répliquer le plan de notre structure contenu dans nos gènes, ce support biologique d’information écrit dans un alphabet de 4 lettres. Pourquoi un mammifère procrée ? Pourquoi une plante ou un virus se reproduit ? Seul le G\A\D\L\U\ détient sans doute la réponse à cette question. Pour maintenir ma structure biologique j’ai besoin que « la Paix règne sur la Terre ». Si je dois me battre je risque de perdre la vie et de ne pas pouvoir arriver à l’âge de la maturité sexuelle où je pourrais semer ma graine d’éternité, faire des enfants qui porteront puis reproduiront mes propres gènes. Ces enfants pour se reproduire devront eux même atteindre l’age de la maturité sexuelle et ont besoin pendant leur croissance particulièrement longue d’un environnement sécurisé, donc de paix. « Que l’amour règne parmi les hommes », cette invocation fait référence à la seconde fonction fondamentale, la procréation. Mais qu’est l’amour de son prochain sans le bonheur, sans le plaisir, sans que « la Joie soit dans les cœurs » ? Ferait-on l’amour à sa compagne sans plaisir biologique ? En effet pour procréer encore faut-il que les individus aient envie de copuler, processus qui, du froid point de vue d’un extra-terrestre doit apparaît non hygiénique et, ma foi, plutôt répugnant. Le sexe est dans la mémoire morte, au sens informatique du terme, de tout cerveau normalement constitué, nous sommes génétiquement programmés pour craquer devant les formes féminines, le satiné d’une peau de femme. Ulysse a dû ordonner qu'on l'attache au mât de son navire pour ne pas succomber au chant des sirènes: Se lancerait-on dans des travaux de table si le fait de manger pour maintenir notre structure biologique ne nous procurait pas un plaisir certain. L’adage dit il faut manger pour vivre, reste que nombre d’entre nous, dont je fais partie, vivons entre autre pour le plaisir de manger. J’ai dit Vénérable Maître. J\ L\ [1] Pour la petite histoire, le mot grec Niké veut dire victoire, d’où le nom de la célèbre compagnie de vêtements de sport NIKE.
[2] Entrée
d'un temple constitué de colonnes.
[3] Une plante
à feuilles très découpées
originaire du Sud de la méditerranée.
[6] humanisme
[ymanism] n. m. • 1765
« philanthropie »; de
humaniste, d'apr. all. Humanismus
1¨ (1845) Philos. Théorie, doctrine qui prend pour fin la personne humaine et son épanouissement. « Le pur humanisme, c'est-à-dire le culte de tout ce qui est de l'homme » (Renan). « L'existentialisme est un humanisme », œuvre de Sartre. 2¨ (1877) Hist. Mouvement intellectuel européen de la Renaissance, caractérisé par un effort pour relever la dignité de l'esprit humain et le mettre en valeur, et un retour aux sources gréco-latines. L'humanisme italien, français. 3¨ Formation de l'esprit humain par la culture littéraire classique ou scientifique (Þ humanité, 4o). |
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