Les
Mains Libres
Les mains
libres :
c’est le cinquième voyage qu’effectue
l’Impétrant au cours de son Initiation au
second degré, et ce voyage est consacré
à la Glorification du Travail.
Le symbolisme du
voyage,
particulièrement riche, se résume toutefois dans
la quête de la Vérité, de la
paix, de l’immortalité, dans la recherche et la
découverte d’un centre
spirituel (Dictionnaire des symboles).
Je
pense à ce sujet, qu’il
est utile de faire un rapide retour sur les quatre voyages
précédents, afin de
bien s’imprégner de la signification symbolique.
A
l’Orient sont placées les deux sphères
Terrestre et Céleste invitant
au voyage…
Les
outils :
-
Le
maillet et le ciseau.
- Le fil à plomb, le
niveau et l’équerre.
- La règle et le levier.
Les
cinq cartouches :
- Les cinq sens : vue,
ouïe, toucher, goût et
odorat.
- Les cinq ordres
d’architecture : Dorique,
Ionique, Corinthien, Toscan et Composite.
- Les sept arts
libéraux : Grammaire, Rhétorique
et Logique d’une
part (Trivium), et
d’autre part, Arithmétique,
Géométrie, Astronomie et Logique (Quadrivium).
- Les Grands
Initiés : Moïse, Pytagore, Socrate,
Jésus et Confucius (Kong-Fou-Tseu).
- La Glorification du Travail.
Premier
voyage : les cinq sens.
Cette
énumération
physiologique laisse à entendre au Compagnon qu’il
doit acquérir la Lumière
tant sur le monde intérieur que sur le monde
extérieur.
Deuxième
voyage : les cinq ordres
d’architecture.
Puisque les cinq sens
nous permettent de passer de la sensation au sentiment, de
l’émotion brute au
choix dirigé, ils aboutissent ainsi à
l’esthétique ou manière de sentir.
Troisième
voyage : les sept arts libéraux.
Sur le chemin de la
connaissance, le troisième voyage est consacré
aux arts dits libéraux par
opposition aux arts serviles.
Quatrième
voyage : les Grands Initiés.
Cinq noms
d’homme
célèbres nous sont
présentés comme modèles
d’humanité, maillons de la chaîne
symbolique formée par les Initiés de tous les
temps.
Cinquième
voyage : la Glorification du
travail.
C’est ce
cinquième voyage
que le Compagnon accomplit précisément les mains
libres : il est consacré
à la Glorification du Travail.
Mais
qu’est-ce que le Travail ?
Le
dictionnaire, au mot travail, indique plusieurs sens ( Robert, etc )
1) Etymologiquement,
travail vient du Latin, tripaliare, c’est-à-dire
tourmenter avec un
tripalium ; on retrouve également, trabaculare,
issu de trabacula et
trabes signifiant une poutre.
2) En
philosophie, le terme Travail désigne une
activité de transformation de la
nature propre aux hommes, qui les met en relation, qui est productrice
de
valeur
3) Machine
à laquelle on assujettit les grands animaux, soit pour les
opérer, soit pour
les ferrer. Résultat de cette opération :
- Gêne, fatigue, soins et
soucis de l’ambition,
inquiétude, peine que l’on prend à
faire quelque chose, enfantement.
- Enfin : tâche
à accomplir.
C’est dans
ce dernier
sens qu’il faut entendre le mot Travail,
tel que l’emploie la Maçonnerie et son Rituel.
Pour certains, ce n’est ni un
labeur, ni une peine, ni une tâche, mais le libre exercice
d’un pouvoir
d’action avec un dessein déterminé
d’achèvement et de perfection :
c’est
donc un devoir.
Nous disons que telle
doit être la pensée du
Franc-Maçon ; mais pourquoi ne serait-elle pas
aussi celle d’un autre homme ?
Parce que pour
comprendre
le Travail, il faut avoir
quitté ce
troupeau borné qui, peinant sous le joug , a
décrété que
c’était un châtiment.
Le Travail, contrainte vitale,
peut être une souffrance ; mais s’il
n’y avait pas de souffrance, comment
y aurait-il de la joie ? S’il n’y avait de
fatigue, comment y aurait-il du
repos ?
C’est la
souffrance du travail
abêtissant qui donne à l’homme,
d’abord le désir, ensuite le courage de
s’affranchir de sa primitive bestialité et de
s’accomplir.
Nous en sommes
à l’étape
de passage du travail manuel (taille et polissage de la pierre brute)
au
travail intellectuel (réflexion). La mise en œuvre
d’une action nécessite
d’abord de la réflexion. Si c’est donc
avec les mains que l’on agit, c’est
d’abord avec la tête que l’on
réfléchit et le Compagnon ne
réfléchit que pour
la tâche qu’il doit accomplir.
Le Rituel du second
degré
nous dit, à propos du cinquième voyage :
(je cite : )
« …. Mon F\Récipiendaire,
c’est avec les mains libres que
vous avez accompli ce dernier voyage, après vous
êtes servi des divers outils
du Compagnon au cours des voyages précédents. Ces
outils, et d’abord la main
qui fut le premier outil de travail, ont servi à nos
devanciers les Compagnons
opératifs dans la construction des temples et autres
édifices. Comme nos
ancêtres, nous aussi nous avant tout des travailleurs. Le
Travail est la grande
vocation de l’Homme, il lui est enseigné comme un
devoir impératif . …
Pour nous, F.M. travail constitue une véritable
mission….
Quelle
que
soit la place que nous occupions sur le chantier, même la
plus humble, nous
savons que notre effort concourt à la réalisation
de l’ordre cosmique ;
nous savons qu’en travaillant, nous coopérons
à l’exécution du Grand Œuvre
selon le plan du Grand Architecte de l’Univers. La F\M\ est une
véritable religion du Travail …. (fin de
citation). »
Donc,
l’homme dont les sens sont justes et
bien exercés, celui qui a su meubler son esprit des
connaissances nécessaires
et auquel on a suggéré des modèles
soit de construction, soit d’imitation, ne
peut rester inactif. Ce Compagnon parfait, s’il
médite, c’est pour agir. C’est
pourquoi le cinquième voyage de l’initiation
à ce degré est consacré à
l’exaltation du travail humain.
Ainsi
dégagé des outils qui demeurent
néanmoins au tréfonds de mon être, la
Pierre
étant façonnée, j’ai donc
gagné de la liberté spirituelle. Les mains libres
me permettent
une plus grande tolérance, la liberté acquise par
le travail m’a permis de
tailler et de polir la Pierre pour mieux m’insérer
dans le Temple Universel,
qui est d’abord l’Atelier, au milieu de mes
Frères, et qui me permet de mieux
considérer l’Universalité.
Pour
l’homme libre, seule l’action compte, et,
s’il est comme convenu de bonnes
mœurs, le travail devient une
nécessité aussi impérieuse pour lui
que l’air qu’il respire et la lumière
qu’il
perçoit.
L’achèvement
de la Pierre rend l’ouvrier disponible pour un travail ne
s’appliquant plus à
sa propre formation ; reconnu formé selon
l’équerre, il lui est loisible
de déposer les précieux outils dont il
s’est servi au cours des quatre voyages
imposés à l’Apprenti jugé
digne de devenir Compagnon.
C’est
en effet les mains libres que voyage l’adepte affranchi des
soucis de son
adaptation à la tâche qui lui incombe ;
le Compagnon est donc en droit de
se diriger librement, en n’écoutant que sa
conscience éclairée.
A
ce propos (les mains libres), j’ouvre une
parenthèse au sujet d’un autre
symbole qui m’est cher : la Truelle. Si le rite
Ecossais Ancien et Accepté
et le Rite Français ont tous deux placé au
cinquième voyage l’exaltation au
Travail, le second y ajoute le symbolisme de la Truelle :
instrument de
perfection et de tolérance, symbole d’union
puisque c’est elle qui
permet au maçon de mêler le mortier à
la
pierre.
Edouard
Plantagenet
prétend que :
« la
Truelle est le symbole de l ‘amour fraternel qui
doit unir tous les Maçons
et qui est le seul ciment que les ouvriers peuvent employer pour
l’édification
du Temple … »
J’ajouterai
que l’expression « passer la
truelle » signifie oublier les injures
et les injustices.
Si
le cinquième voyage s’accomplit les mains libres,
c’est qu’il convie à la contemplation
des choses
extérieurs : je peux
donc m’en tenir à mes vues personnelles sans
éprouver le besoin de m’enquérir
des solutions auxquelles d’autres ont pu arriver ?
… C’est l’écueil des
présomptueux qui refusent de voyager alors que la Voie
Illuminatrice s’ouvre
définitivement devant eux !
En
fait, on peut surtout se poser la question suivante :
Qu’est-ce
que la Liberté ?
En
effet, si l’imagination créatrice de
l’homme, servie par la main, merveilleux
instrument d’information et d’exécution,
explique ses réalisations étonnantes
dans de nombreux domaines, la question de la Liberté de
s’en servir, pose
l’éternel problème du libre
arbitre
individuel.
Au
premier plan, l’adjectif libre
caractérise certaines actions humaines présentant
une intention, un motif, une
raison d’agir…
A
un second niveau, celui de la réflexion morale, la liberté
n’est plus
seulement un caractère qui désigne une
tâche,
une exigence, une valeur. C’est
réfléchir sur les conditions de sa
réalisation…
Enfin,
en dernier lieu , le discours sur la liberté
procède d’une question d’ordre
ontologique posant les problèmes fondamentaux de causalité,
nécessité, déterminisme,
contingence, possibilité …
De
façon plus pragmatique, je dirais que
dans la vie de tous les jours, il faut avoir à la fois la
philosophie de
l’araignée et celle de la fourmi :
L’araignée
tisse sa toile et attend sa proie, la fourmi travaille à se
construire des
réserves.
Alors,
il faut apprendre à tisser sa toile et à se faire
des réserves. Toute idée crée
dans mon esprit prendra naissance. Il faut donc faire en sorte de ne
créer que
des idées positives et les garder en moi-même,
dans mon silence intérieur,
jusqu’au moment où j’aurai
l’énergie nécessaire pour les prononcer.
Il
se dégage, de l’examen auquel nous venons de nous
livrer, que les Voyages de
l’Initiation au second degré du Rite Ecossais
Ancien et Accepté ont, quelque
soit leur nombre ou la forme dont le Rituel les a revêtu, un
but unique qui est
de donner au Compagnon le moyen de progresser dans son Art en lui
livrant
l’enseignement d’une méthode de travail
qui lui permettra de ne pas perdre son
temps, tel que le définissait de quatre manières
notre Frère Voltaire :
- La première consistant
à ne
rien faire.
- La deuxième à
faire des
choses inutiles.
- La troisième
à mal faire des
choses utiles.
- La quatrième
à faire des
choses utiles en temps inopportun.
Je conclurai en
empruntant à Oswald Wirth cette
phrase :
Je
cite : « …
Ouvriers du perfectionnement général, nous devons
savoir construire, avec notre
intelligence, notre âme et notre volonté, un
édifice moral qui sera le Temple
unique d’une humanité de plus en plus
éclairée.
Déployant
partout une activité harmonieuse par le seul fait
qu’elle sera
préservée de tous les maux entretenus par
l’ignorance, par le défaut
d’intelligence
et de compréhension ; autrement dit par cet ennemi
de tout progrès,
vulgairement appelé bêtise
humaine.
Cette bêtise, cette inintelligence coupable de toutes les
souffrances que les
hommes s’infligent entre eux, représente pour
l’initié le grand ennemi,
l’adversaire par excellence qui doit être combattu
sans relâche, d’abord en
nous-mêmes puis autour de nous.
S’éclairer
soi-même afin de pouvoir ensuite éclairer autrui,
tel est le
véritable objet du travail Maçonnique. Nous
travaillons, nous luttons, en vue
de conquérir la Lumière puis de la
répandre… Nous sommes ouvriers de
lumière et
nous collaborons comme tels au Grand
Œuvre du Grand Architecte de l’Univers … »
J\ T\
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