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Les Arts libéraux

Le futur compagnon exécute son troisième voyage, règle et levier en main ; parvenu à la colonnette Sagesse il découvre sur le cartouche que retourne le Frère Expert les « Sept Arts Libéraux »: Grammaire, Rhétorique, Logique  Arithmétique, Géométrie, Musique, Astronomie; le Vénérable Maître lui explique que depuis l’antiquité, ils sont considérés comme « les sept piliers de la Sagesse ».

Le Trivium, regroupe les trois premiers,  les artes « voces », le Quadrivium, regroupe les 4 derniers, les arts des choses précurseurs de nos sciences. « Ainsi les sept arts libéraux résultent de la conjonction du nombre 3 (nombre du ciel, exprimant le trivium ensemble des sciences de l’âme) et du nombre 4, (nombre de la terre exprimant le quadrivium ensemble des sciences pratiques) cette union suggère nous dit le rituel  l’image de la Parole ordonnant le Chaos, l’action du Ciel sur la Terre. « Leur évocation au cours de ce voyage invite le Compagnon à considérer les « sciences » comme le moyen traditionnel de rechercher les principes supérieurs d’autre part elle rappelle que dans l’initiation de métier, le travail sacralisé revêt une noblesse particulière :  il est le chemin qui mène à Dieu. » J’aborderais successivement plusieurs sujets relatifs aux arts libéraux :
  • Le choix des outils associés à  ce voyage
  • La notion d’Art, au pluriel ou au singulier et celle des « Beaux Arts »
  • Le qualificatif de « libéral » et le rapport de l’art ou des arts avec la liberté,
  • Le choix de ces  sept arts parmi bien et leur présentation succincte

Les outils associés

C’est règle et levier en main, que le futur compagnon découvre les sept arts libéraux :  les arts libéraux nous aideraient ils à nous conformer aux « règles » édictées par notre conscience, aux lois de la morale et à nous écarter de tout fanatisme et de toute foi aveugle, les arts libéraux seraient ils  le point d’appui de ce levier qui nous permettra de nous extirper du quotidien et de nos certitudes, de trouver la Foi (celle qui soulève les pierres et les montagnes) pour construire notre temple intérieur. Agir avec la règle et le levier c’est donc agir avec Loi et Foi; les arts libéraux étant le terreau dans lequel l’une et l’autre se développent.

L’Art, les Arts, les Beaux Arts

Le  sens esthétique du mot Art est d'origine très récente ; ars en latin et tekhnê en grec, des termes que nous traduisons régulièrement par « art », signifient « talent, savoir faire à mi chemin entre empirisme et science chez les grecs, l'artiste l'artisan et l'homme de l'art, ne se distinguent pas l’un de l’autre.
 Les arts plastiques, s’ils relèvent bien de l’ars ou de la tekhnê ne sont pas considérés comme des arts libéraux ;  « la noblesse » des arts libéraux réside dans ce qu’ils visent la connaissance du vrai, quand les beaux-arts ne visent que la contemplation du beau. . Ils renvoient aux activités manuelles et ont en commun la transformation d'une matière tangible quand les arts libéraux premiers désignent les activités intellectuelles qui ont comme finalité la culture de l'esprit C’est Martianus Capella (Ve siècle), Cassiodore et son contemporain Boèce au VIe siècle qui définissent les premiers les arts libéraux, les structurent  en trivium, et quadrivium, et montrent que pour parvenir à la sagesse il fallait parcourir ces deux  cycles d’enseignement.

Les sept arts libéraux devinrent et restèrent la base de l'enseignement animés par des maîtres réputés de Canterbury à Tolède, de Laon à Bourges de Chartres à Reims. Ils accueillaient des « compagnons » qui devaient voyager et faire leur tour de France ou d’Europe, à la manière des compagnons opératifs, pour acquérir un savoir plus philosophique destinés à des maîtres d’œuvre de haut niveau et non à d’humbles ouvriers de chantier.
L'Eglise, conservera les arts libéraux comme socle de ses enseignements au service de la théologie. Le trivium est alors utilisé pour comprendre les Ecritures.

Enfin dans tous les anciens devoirs ou « old charges » de la maçonnerie britannique, le manuscrit « Regius » le « Cooke » les arts libéraux revêtaient une importance considérable pour les constructeurs de l’époque même si on peut penser qu’ils n’en n’avaient pour beaucoup d’entre eux qu’une connaissance superficielle et qu’elles représentaient un inaccessible idéal.
Aujourd’hui la classification des arts libéraux nous semble périmée mais revisitons chacun des arts et voyons ce qu’un franc maçon, libre et de bonnes mœurs, peut en tirer.

Le qualificatif « Libéral », l’art et la liberté

Le terme "libéral" est issu du latin liber (libre) : la connaissance était le domaine des hommes « libres » ; par opposition aux arts mécaniques ou manuels destinés aux esclaves ou à ceux contraints d’exercer « leur art » mercantile ou servile aux fins d’une production marchande.
L’art libéral permet d’entrevoir, de comprendre le monde tel que le créateur l’a voulu et conçu et libère l’homme de sa condition, lui ouvre les yeux au fur et à mesure qu’il progresse. Le maçon, libre et de bonnes mœurs ne peut dans sa quête que s’intéresser  aux arts libéraux !

Toutefois, qui dit libération par la recherche de la vérité de la connaissance ne dit aucunement liberté dans l’art : Il importe note E Kant « que dans tous les arts libéraux soit en tout cas requise une certaine dimension de contrainte » ; Gide confirme des années plus tard : « l’Art naît de luttes, vit de contraintes et meurt de liberté ».

Le Trivium comprend  Grammaire, rhétorique, logique : Ces arts de la parole sont à mettre en lien avec le Verbe initialement créateur et ordonnateur du Chaos décrit dans la genèse 
 
La grammaire :en latin l’art de lire les lettres ; Il semble qu’au moyen âge, la grammaire se définissait comme l’intelligence poétique et l’interprétation des récits et des fables ; de façon plus actuelle, la grammaire, art de parler et d’écrire correctement, s’articule en trois parties :
  • La morphologie ou étude de la forme des mots donc du vocabulaire
  • La syntaxe où règle d’accord des mots entre eux
  • Le Style facteur d’harmonie
En maçonnerie, l’acquisition progressive du langage et de sa symbolique est primordiale il faut savoir épeler, lire, écrire les mots de passe mots sacrés et  alphabet secret.

La Rhétorique : est l’art de s’exprimer de façon construite, argumentée, convaincante et éloquente et  résulte d’une discipline et de l’emploi de règles définies par Aristote :
  • Invention       La recherche et développement des idées, des arguments
  • Disposition    La construction du discours,
  • Élocution       Le style oral, rythmes, emphase.
  • Action            La gestuelle, la prononciation
  • Mémoire        La mémorisation
Ceux qui ont rédigés nos rituels ont intégrés la rhétorique qui donne la richesse et la puissance des textes le rythme, l’emphase nécessaire, la « mise en scène » un de nos frères n’évoquait il pas  l’Opéra à propos de nos tenues ?
Enfin la rhétorique est inséparable de la morale et est à pratiquer avec discernement et éthique, la forme ne doit pas se mettre au service d’une mauvaise cause.
La rhétorique se heurte aussi à la loi du silence et les beaux parleurs ont beau assembler les mots selon le nombre et l’harmonie, ils ne peuvent que remplir l’air de phrase sonores et vides si le coeur n’y est pas ; il y a une éloquence du silence qui pénètre plus que la langue ne saurait le faire, sans oublier que « la vraie éloquence » se moque de l’éloquence ».

La Logique : (du grec logos, raison, discours) est dans une première approche l'étude des règles formelles que doit respecter toute déduction correcte. La logique concerne la raison ; il convient de distinguer de la dialectique : a logique raisonne, la dialectique argumente ; l’une s’applique à discerner le vrai du faux, l’autre s’attache à présenter une proposition de façon à ce qu’elle apparaisse vraie.
Le maçon, dans sa recherche constante de la vérité est bien plus concerné par la logique qui convient parfaitement à la méthode maçonnique  plus que par la dialectique qui pourrait l’entraîner sur le chemin de l’erreur.

Le quadrivium : le quadrivium est le précurseur de nos sciences ; la franc-maçonnerie se rapporte plus particulièrement au quadrivium et en particulier à la géométrie à l’arithmétique qui sous tendent très largement l’astronomie et la musique.

L’Astronomie enseigne « le mouvement et la disposition des astres, leurs grandeurs, distances et éclipses » (Furetière dictionnaire) ; elle cherche à définir les lois qui  déterminent le mouvement des astres dans cette harmonie sublime que nous attribuons au Grand Architecte De L’Univers. Souvenons nous seulement que des hommes sont morts ou ont du renoncer à leur convictions acquises du raisonnement et de l’observation quant à la place centrale de la Terre dans l’Univers.

Inventeur des instruments les plus puissants pour sonder les profondeurs du firmament, étudier les mouvements des étoiles, mesurer les dimensions, évaluer les masses  l’Homme s’élève dans un suprême effort aux plus abstraites spéculations : il arrive à relier la Terre au Ciel et à définir la nature de la force universelle qui équilibre les mondes. Mais il sait aussi désormais qu’il est cet atome perdu  sur le grain de sable que nous appelons  la Terre,  et ceci relativise bien des choses surtout quand son Ego prend une tendance à l’enflure ; bien qu’ayant admis leur modeste place dans l’univers les hommes restent encore trop préoccupés par leur « Moi » ; pourtant l’un d’entre eux, en contemplant la voûte étoilée un soir d’été,  se sent brusquement humble, admiratif, émerveillé, plein de questions et vient frapper à la porte de nos temples…

La Musique : Il peut paraître surprenant de retrouver la musique classée parmi les arts libéraux ; pour autant Sa corrélation avec les artes voces est évidente, Langage elle-même, destinée à s’adresser à Dieu, elle permettait aux moines ou aux compagnons après le travail de communier dans la joie et l’harmonie du chant.

La musique est nombre, fréquence de vibration, durée et force. Elle est proportion par le partage très codifié depuis Pythagore jusqu’au moyen âge de la gamme en tons ; elle est liée à l’astronomie, car considérée comme participant à l’harmonie des astres.

Boèce  divisait la musique en trois parties : La « musica mundana », résulte de l’harmonie des sons produits par le mouvement des planètes ; il faut voir dans cette  « musique des sphères »  qui préside à la course des astres, à la succession des saisons, une relation entre  l’audible et l’inaudible entre le monde d’en haut et le monde d’en bas. La « musica humana » se situe en l’homme et résulte de l’accord entre le corps et l’âme, entre la raison et la sensibilité. La «  musica instrumentalis », enfin, est plus matérielle et s’occupe d’instruments d’accords de rythmes de mesures ;

La musique au XI siècle est considérée comme une des voies de connaissance les plus sûres.  Elle permet à la fois d’apprendre les textes sacrés, de réfléchir sur les mots, sur leurs sens, leurs sons leurs ordonnancement, enfin sur l’Univers ; elle permet de percevoir la perfection de la Création et du Créateur, elle mobilise toujours l’Homme dans sa totalité corps, âme et esprit et le chœur des hommes dans cette plénitude rejoint le chœur des anges.

La Géométrie : attribuée à Euclide, elle est l’art de mesurer la terre et plus précisément la sciences des lignes des surfaces et des volumes ; science d’abord utilisée pour ses applications pratiques, l’arpentage des terres, construction des lieux sacrés etc.  Elle entretient des rapports étroits avec l’astronomie et l’arithmétique ; la géométrie, est aussi le support d’une réflexion symbolique très importante -souvenons du « nul n’entre ici, s’il n’est géomètre » de Platon.

La géométrie support de l’art du trait  inclut une dimension sacrée ainsi qu’en témoigne depuis des siècles les constructions des hommes : pyramides, temples, obélisques, cathédrales….
La géométrie sacrée permet au compagnon de lire le plan du G\A\D\L\U : de percevoir l’harmonie née des  rapports qui  unissent les éléments entre eux, qui sous tendent le monde crée, et qui président à son organisation.

Par la pratique du trait, fondée sur les principes de la géométrie sacrée, il est possible de participer à la formulation du Verbe créateur; l’art de bâtir, mais aussi toutes les formes d’art sacré se sont appuyées sur la géométrie sacrée, sorte de grammaire de la langue des dieux ; toutes les civilisations traditionnelles l’ont pratiquées et chercher à exprimer dans la pierre, matériau d’éternité, les lois et les principes universels de la création tels qu’ils les avaient perçus.
La pratique de la géométrie sacrée unit dans un même effort la main et l’esprit mis au service de l’Oeuvre ; le Trait est l’expression ordonnée de l’intuition qui jaillit au cœur de l’être lorsque la Règle est vécue en fraternité ; par le cœur le compagnon est relié à la puissance créatrice afin de la transcrire dans une forme juste qui révèle l’esprit caché au fond de la matière.

Les constructeurs ont rendu perceptible le Mystère par le Trait, par l’architecture sublime qu’ils ont mis en œuvre, par l’harmonie divine qu’ils ont reflétée, fondée sur des nombres et des proportions  que le Grand Architecte a utilisé et observé dans de nombreuses créations.

L’arithmétique : associée à Pythagore ou à Boèce, enseigne « la vertu des nombres » ; certes, elle permet de calculer, mais aussi d’évaluer des rapports et des proportions. Elle se sert bien sur de la valeur réelle de ces nombres mais elle approche leur qualité, autant que leur quantité, s’intéresse à leur valeur symbolique, à leur caractère secret.

« Tout est arrangé par le nombre » disait Pythagore. Le Nombre, dans cette acception la plus noble, dépasse la simple arithmétique, il est une entité abstraite qui ordonne les formes du monde manifesté ; inscrire les Nombres dans une forme comme le faisait les Maîtres d’œuvre et artisans de l’Antiquité ou du Moyen Age c’est rendre visible le mystère créateur ; c’est être en communion avec le Principe Créateur qui à chaque instant façonne l’univers, chaque nombre apparaît en quelque sorte comme un mode d’expression de la puissance principielle, un canal par lequel s’écoule le Verbe, une fonction de création réductible à nulle autre, enfin leur mise en rapport engendre l’infinie diversité des formes,  toutes issues de la source unique.
Prenons l’exemple Cinq nombre du compagnon,  ce nombre apparaît en abondance dans la vie organique, depuis les premiers organismes marins jusque dans les doigts de nos mains, dans le monde végétal où nombreuses sont les familles de plantes avec des fleurs présentant leurs 5 pétales et leurs étamines rayonnant en une figure régulière Le Cinq est intimement lié aux phénomènes de développement de la vie. Combinaison du Trois premier nombre impair appelé « mâle » et du Deux premier  nombre pair appelé « matrice » le Cinq est le nombre « nuptial » des Pythagoriciens qui le considérait comme le nombre de l’amour fécondateur et de l’harmonie réalisée dans la matière.

Le pentagramme ou étoiles à 5 branches est la figure symbolique qui représente le mieux le nombre Cinq. Très répandue comme symbole, elle se retrouve bien sur dans nos temples comme l’Etoile Flamboyante guide du compagnon.

Elle s’inscrit dans un pentagone, que l’on obtient en joignant ces 5 branches, mais à l’intersection des traits, qui définissent l’étoile nous obtenons un nouveau pentagone dans lequel nous pourrions à nouveau fabriquer une nouvelle étoile flamboyante et ainsi de suite. Par bourgeonnement on pourrait aller ainsi de l’infiniment petit à l’infiniment grand : la géométrie du Cinq nous invite ainsi à méditer sur la vie et son développement quand le 4 symbolisait la stabilité de la terre.

L’Etoile Flamboyante révèle la quintessence des alchimistes, l’union des Quatre éléments à travers un cinquième qui les rassemble pour en faire une unité, l’incarnation du divin dans la matière ; le cinq apparaît comme le principe caché que la forme manifeste. Le Cinq est l’outil du compagnon nécessaire à l’ouverture de sa sensibilité, synthèse des 5 sens, qui sont, pour lui, autant de portes de perception de l’abstrait. L’Etoile c’est aussi comme un renvoi à la naissance ou à la connaissance d’un frère dans qui découvre le chemin initiatique et guide le compagnon.

J’ai dit Vénérable Maître.  

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