Obédience : NC | Loge : NC | 27/04/2015 |
L’action
du Franc-maçon a-t-elle un sens dans le monde
d’aujourd’hui ? Quelles sont ces valeurs qui
sont primées dans le monde
profane, aujourd’hui ? L’étude des
principes,
chartes et codes de conduite des organisations et des entreprises donne
un
éclairage significatif sur le contenu de ces valeurs et sur leur
évolution dans
le temps : en 2004, l’humanisme et la solidarité prenaient le
pas sur
toute autre considération. Dix ans plus tard, le leadership,
l’innovation, la
qualité et l’intégrité font autorité. Le respect arrache péniblement la
9ème
place, alors que l’humanisme et la solidarité sont renvoyés aux
oubliettes. Pourquoi
y a-t-il un tel décalage entre le référentiel des valeurs du monde
profane et
celui du monde maçonnique ? Il serait assez tautologique de
répondre que
c’est parce qu’il s’agit de deux mondes différents. Nous devons aller
plus
loin, en nous interrogeant sur « l’en-dehors du
temple », la nature
de ce monde profane dans lequel, bien qu’initiés, nous sommes immergés. Par suite,
intéressons-nous à notre
réel sociétal. Dans le
cadre de l’« Évolution »,
l’homme est passé progressivement de l’outil à l’ustensile, du moyen à
la
méthode et de la technique à la technologie. Nos sociétés ont évolué
rapidement. Trop peut-être. En à peine un siècle, les sciences et la
technologie ont fait plus de progrès qu’elles n’en avaient fait au
cours des
millénaires passés. Dans ces conditions, comment voulez-vous que
l’homme,
pourtant responsable de ces bouleversements, puisse s’adapter à cette
fulgurante évolution qu’il a lui-même créée, alors qu’il lui a fallu
des
millions et des millions d’années pour devenir l’« homo
sapiens » qu’il est aujourd’hui ? En
tant qu’« homo sapiens »,
il appartient à la famille des primates : c’est un hominidé,
autrement dit
un animal qui pense – mais qui reste un animal, malgré sa pensée qui
voudrait
le lui faire oublier. Il suffirait de dresser l’inventaire à la Prévert
de
quelques-uns de ses méfaits pour montrer que, parmi les bêtes, il est
la pire
de toutes et qu’en matière de prédation, il n’a pas son
pareil : pollution,
déforestation, désertification,
famine, violence, crimes, terrorisme, conflits, guerres. Même sans
aller
jusqu’à ces extrémités, les pays les plus épargnés n’échappent pas aux
zones de
non droit, aux atteintes aux droits de l’homme, à l’irrespect, au rejet
des
valeurs et au manque d’éducation ; si bien que l’on pourrait
avancer sans
risque de se tromper que l’ignorance, le fanatisme et l’ambition
règnent en
mauvais compagnons partout dans ce monde où, nous autres Francs-maçons,
nous
voudrions mettre bon ordre pour le plus grand bonheur de l’humanité. Eh
bien,
moi je vous le dis, il y a du boulot, et pour longtemps ! Je viens
d’évoquer la « Déclaration
universelle des Droits de
l’Homme », à
laquelle nous
sommes si attachés. À bien y regarder, elle ne concerne qu’une minorité
d’hommes
et de femmes. La plupart des peuples l’ignore, et son universalité… se
réduit
surtout au petit univers des Occidentaux ! Nombre de
traditions et de
cultures, à défaut d’outrager nos droits, s’en tiennent au mieux à les
exclure. Mais,
avec l’intégration économique, la libéralisation des échanges et
l’internationalisation des transactions qui accompagnent la
globalisation des
biens, des personnes et des savoirs, ne serait-il pas envisageable que
nos
valeurs d’hommes civilisés prévalent à terme sur les pratiques
archaïques des
autres peuples – vous savez, ceux qui occupent les pays que nous
appelons, par
euphémisme, les pays « en voie de
développement » ? Certes pas.
La mondialisation n’est pas une universalisation. De grands
explorateurs comme
Malaurie condamnent cette approche : « Je
suis convaincu » écrit-il, « que la mondialisation,
l’internationalisation des peuples est un malheur, une punition des
dieux. Je
suis convaincu que le pluralisme culturel est la condition sine qua non du progrès de
l’humanité. » Et en
effet, en réaction à l’uniformisation politique voulue par les États,
les
ethnies répondent par le pluralisme sociétal des replis identitaires.
Le
nationalisme et le communautarisme sont les deux faces opposées d’une
même
forme de retrait clanique. L’individu revendique sa différence dans son
identification au groupe : qui se ressemble s’assemble. La « mimesis » de Girard règne partout et
en tout : les
stéréotypes imitent les archétypes, les slogans les pensées, et les
vies des
modèles les modes de vie : être jeune, beau, sportif et
intelligent, voilà
les normes que standardisent les canons véhiculés par les médias.
Alors, que
devient l’universalité du Franc-maçon dans un monde où les stéréotypes,
les
slogans et les vies des modèles chassent ses archétypes, ses pensées et
son
mode de vie ?[1]
[1] Voir la suite de l’article dans « L’action du Franc-maçon a-t-elle un sens
dans le monde
d’aujourd’hui ? »
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