GLSA Loge : Fidélité et Prudence - Orient de Genéve - Suisse 24/10/2002


Connais toi toi-même
Planche du Frère Orateur 

L’écrivain Marguerite Yourcenar, dans son ouvrage L'oeuvre au Noir, nous parle de Zénon, médecin-alchimiste du XVIe siècle. II se souvient avec reconnaissance du quartier de Péra à Istanbul et de Saint-Laurent à Gêne. Là-bas, dit-il, il a reçu “les outils de son art et parmi eux le plus rare et le plus précieux de tous, la licence de penser et d’agir à sa guise ?“ Quel hommage respectueux de l’univers génois et stamboulotte.

Ce soir, mon cher Frère G\, ton œuvre n’est pas L’Oeuvre au Noir de Yourcenar, mais une œuvre de lumière, une œuvre de la souveraine fraternité. Dans ta vie, cette fraternité tu la rencontres dans ta famille dès ton plus jeune âge puisque celle-ci cultive un dialogue tolérant, convivial et respectueux. L’Apprenant que tu es désormais, traverses la vie non plus pour la pourfendre mais pour aller à la rencontre de sa propre vérité

Ton père serait d’accord avec cette idée de Pic de la Mirandole (1463-1494), tous les deux italiens : - Je ne t’ai fait ni céleste ni terrestre, mortel ou immortel, afin que de toi-même, librement, à la façon d’un bon peintre, d’un sculpteur habile, d’un artisan talentueux, d’un horloger inventif, d’un compositeur inspiré ou d’ un retraité dynamique, tu achèves ta propre forme.

Mon cher G\, dans ta carrière professionnelle, chaque jour, les contrats que s’engage à respecter ton entreprise, te placent devant une multitude de décision à prendre et de conseils à dispenser. Maintenant, ta première initiation accomplie, désormais, ta vie personnelle s'ouvre à une démarche initiatique continuelle et le compas traditionnel que tu utilises pour tes plans, deviendra le compas fraternel, les pointes acérées, l’outil privilégié de ta quête de vérité.

A l’intérieur de ce nouvel espace du sens qui s’élargit s’installe l’universel et en même temps le singulier. Devant le travail de l’artisan d’art, ébéniste, doreur à la feuille, créateur de toiture, on observe rapidement, le plus souvent une particularité. Cette différence provient du fait que cette oeuvre risque d’adresser un message à l’humanité entière passant ainsi du particulier à l’universel. Par-là, elle accède à la singularité, comme en ennoblissement individuel qui se dégagerait de la tyrannie du banal, comme ce petit clin d’oeil de Léonard de Vinci qui promet de ne jamais tomber dans la servilité. Nietzsche nous donne-t-il pas le conseil suivant?

Ne subis pas ce que tu acceptes, ne dépens pas de ce que tu approuves. Au contraire, par ton approbation, tu deviens l’auteur.

Nietzsche ne fait que nous proposer pour chacun une éthique de la fidélité à soi consentir au réel pour ne pas renoncer à devenir ce qu’on est. Accepter intensément l’ordre des choses au lieu de le confondre avec son désir est la seule façon de ne jamais courber l’échine devant plus puissant que soi. (Le Point, 11 octobre 2002),

Mon cher G\, voici la formule que je t’offre dans notre Temple, le tiens désormais. Ici, dans cet endroit, le Temple de la Fraternité, le travail où l’assemblage est œuvre d’art. Cette architecture de la charpente humaine raconte l’histoire d’hommes qui se sont surpassés pour choisir de se perfectionner, pour assembler par engagement initiatique, les tenons de la fidélité et les mortaises de la prudence, pour rassembler les compétences des uns et les intuitions des autres, pour offrir un cheminement dans le domaine de l'amour du prochain et la jaillissement d’une existence transfigurée.

Mon cher G\, - deviens ce que tu es. Zénon, le héros de L'Oeuvre au Noir, en voyageant songe à son avenir. Il explique qu’il a voulu à sa manière découvrir le monde sur les routes du temps. Il voudrait combler le fossé entre la prédiction catégorique du calculateur d’éclipses et le pronostic déjà plus ondoyant du médecin. Il désire étayer l'une par l’autre la prémonition et la conjecture, il choisit de tracer sur des cartes imprécises, les espaces réservées aux océans, aux terres inconnues, aux terres habitées, aux terres déjà émergées. Ces courbes tracées à partir d’un plan commun, qui est l’humain divergent aussitôt pour se rapprocher ensuite, puis s’éloignent de nouveau les unes des autres, s’intersectant parfois dans leurs trajectoires ou se confondant au contraire sur un segment de celles-ci, mais dont nul ne sait si elles se rejoignent ou non en un point qui est au-delà de notre horizon.

Cette signature des tracés familiers de l’architecte inventif, de l’arpenteur audacieux, du géographe audacieux, de l’analyste des espaces inconscients, ne formule-t-elle pas constamment cette question: - deviens qui tu es !.

Michel Onfrey, examinant cette formule du philosophe grec Pindare (518-438), la transforme légèrement en la reformulant, il l’exprime ainsi : - deviens ce que tu es dans le sens de vouloir l’être et aimer le devenir. Ainsi, je révèle une liberté qui me permet une appropriation de moi. Michel Onfrey, nous fournit une petite clé pour nous guider sur cette magnifique voie. Dans un premier temps, il s’agit d’écouter ou de réécouter Socrate, dans le “Connais-toi toi même” afin de te familiariser avec ta subjectivité, hautement digne de considération.

De l’idée généreuse de notre subjectivité naîtra cette richesse de sens. Sachant que l’on existe, on peut envisager de devenir, de construire un avenir au sens qui nous anime. Instruit par ce savoir, fort de cette conviction, on peut envisager le vouloir puisque la connaissance soi inaugure la construction de soi. En découvrant qui je suis, je peux alors vouloir l’être, ce à quoi in fine, se réduit la liberté. De cette belle série d’exercices de consentement, d’adhésion puis d’amour du réel, s’engendre la sérénité pour les stoïciens, la joie pour Spinoza (1632-1677) et la grande santé pour Nietzsche.

L’œuvre à avenir, de lumière et de fraternité guide vers cette sérénité.

Puisses-tu, mon Frère G\, rencontrer tes Frères qui t’encourageront sans cesse, apporter ta noble pierre à l’œuvre maçonnique que nous portons tous ensembles et recevoir les bonheurs que tu attends pour grandir dans ta vérité.

Vénérable Maître et vous tous mes très chers Frères, j’ai dit.

Rémy  H\

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