GLSA Loge : Fidélité et Prudence - Orient de Genéve - Suisse 11/11/2004


L’Arbre et le Fruit
Planche du Frère Orateur 

L’étymologie du mot arbre est intéressante. En effet, ce mot apparu au Xle siècle (du latin arbor, arboris) fut d’abord du genre féminin, il devint masculin en langue romane. Dès le latin, il a le sens d’axe. Il peut ainsi désigner aussi bien un mât qu’une pièce de pressoir.

Traditionnellement l’arbre primordial est placé au centre du jardin mythique de l’Eden. En effet, l’Ancien testament rapporte que « Yavé Elohim fit germer du sol tout arbre agréable à voir et bon à manger, ainsi que l’Arbre de Vie au milieu du jardin et l’Arbre de la Science »(Genèse Il, verset 9).

La situation du deuxième arbre n’est pas précisée. Etait-il proche du centre ou bien nettement à l’écart? La seule certitude donnée par le texte est qu’il était frappé d’interdit. « De tout arbre du jardin tu pourras manger, mais de l’Arbre de la Science du Bien et du Mal tu ne mangeras pas, car du jour où tu en mangerais, tu mourrais » (Genèse Il, verset 17).

Au grand dam de la divinité, l’homme viole l’interdit. Alors Yavhé déclare: « Voici que l'homme est devenu comme l’un de nous, grâce à la Science du Bien et du Mal! Maintenant il faut éviter qui! étende sa main, prenne aussi de l’Arbre de Vie, en mange et vive à jamais » (Genèse III, verset 22).

On remarquera l’expression « Voici que l’homme est devenu comme l’un de nous ». Dès lors, l’homme est devenu non pas comme un dieu mais comme l’un des membres de la pluralité divine. Ce qui confirme la nécessité d’écrire Elohims, parce que, par le texte même, la divinité est à la fois Une et multiple.

La relation biblique pose problème. Ou Yahvé Elohims a menti, ou bien il a partiellement raté son oeuvre de jardinier créateur (premier paysagiste), puisque le fruit n’a pas eu la vertu mortelle supposée. Si l’homme était mort, comme il le lui avait dit, Yavhé Elohims ne craindrait pas qu’il étende sa main, c’est-à-dire qu’il accroisse son pouvoir personnel. Aussi, doutant de son emprise, il préfère chasser l’homme du jardin d’Eden.

Selon une autre tradition, l’arbre primordial, l’arbre essentiel, aurait été pourvu de fruits d’or. Fruits porteurs de la connaissance principielle et de la vie en vérité. Les deux notions étant inséparables. Cette conception présente plus d’intérêt que la vision manichéenne du fruit de la connaissance du bien et du mal

Lorsqu’il est dit dans la Bible : « de l’Arbre de la Science du Bien et du Mal, tu ne mangeras pas » - et l’interdit est encore plus précis en ce qui concerne l’Arbre de Vie cela suppose que l’on est en présence d’arbres fruitiers. Mais la nature du fruit demeure imprécise.

L’identification de l’arbre fruitier, la plus fréquemment proposée par l’iconographie, est celle du pommier. Certains imagiers, beaucoup plus rares, optent pour le figuier. Ce second choix semble motivé par un souci de vraisemblance géographique. Car, bien que cette Bible veuille nous livrer le message d’un concept universel, elle n’échappe pas à la particularité ethnique de ses rédacteurs et à leurs concepts religieux. La pomme était inconnue en Orient. Si bien que son choix en tant que représentation symbolique du fruit est plus récent que le texte de base. A moins qu’il ne s’agisse d’une influence de la religion, celle pour laquelle la pomme était symbole du savoir universel. Elle était en outre un aliment de l’au-delà, et comme telle assurait l’immortalité à tous ceux qui s’en nourrissaient. Ici l’interdit n’était donc pas de mise. Le pommier se substituait à l’Arbre de Vie de l’Eden.

C’est peut-être également en raison de sa structure interne que la pomme a retenu l’attention. En effet, si l’on sépare une pomme par moitiés (selon son axe horizontal), les alvéoles contenant les pépins forment une étoile à cinq branches.

Ainsi le fruit légendaire de la connaissance serait celui qui confère la puissance de l’harmonie universelle, de l’équilibre, de la justesse. De la justesse de ce qui est conforme à la loi de la Vie, à sa cohérence. Dès lors, qui se nourrit d’un tel fruit rejoint la divine connaissance et vit selon la magie du Nombre d’Or, du Nombre de l’harmonie principielle. Cela paraît symboliquement plus précieux que la vision biblique manichéenne du second Arbre du Jardin

Peu importe la nature précise de ce fruit. Ce qui prime, c’est l’idée de nourriture. De nourriture privilégiée parce que issue d’un Arbre primordial, d’un Arbre central, d’un Arbre axial

La nourriture que donne un tel fruit est essentielle. C’est le fruit d’une communion avec les forces/énergies universelles.

L’interdit dont il est éventuellement frappé ne peut être, pour le « quêteur », qu’un interdit incitatif. C’est une épreuve opposée à la couardise de l’homme. Seul le timide renoncera. L'aventureux passera outre parce qu’il doit le faire s’il accepte la démarche de faire face ai secret de la Création.

En fait le fruit ne peut être raisonnablement doté de manichéisme, car « au commencement » il n’y a ni bien ni mal. Une divinité ne peut s’exprimer ainsi. L’interdit est une invention humaine liée au goût du pouvoir.

« En réalité », il n’est qu’un arbre et qu’un fruit, le fruit de l’Arbre de Vie auquel l’homme qui veut vivre en communion avec l’univers est obligé de goûter.

Lorsqu’elle évoque les pommes d’or, la tradition rejoint la démarche alchimique. Conquérir la possession de ces pommes, ce n’est pas accumuler un trésor métallique, fût-il du métal le plus précieux, c’est vouloir atteindre à l’incorruptibilité, à l’imputrescibilité.

Si l’on voulait donner une importance à la nature spécifique du fruit de l’Arbre, peut-être faudrait-il opter pour le grenadier. Par sa structure interne, la grenade représente en effet l'étroite union des composantes d’une homogénéité, d’une unité. De cette unité dont on aurait, semble-t-il, jamais eu l’idée, si elle n’avait été précédée du concept de la multiplicité qui lui confère sa véritable signification.

Dans la cosmogonie sumérienne, la première plante créée dans le jardin primordial est « la plante-arbre ». Et ce n’est pas un homme qui la mange mais un dieu (Enki). Lui aussi subit un châtiment. Une déesse l’abandonne en disant que plus jamais elle ne le regardera de l’oeil de la vie. Cependant les choses s’arrangeront après que la maladie aura suffisamment tourmenté le dieu coupable.

Cette vision a le mérite de préciser qu’en fait l’idée fondamentale est que: manger le fruit, c'est manger l’arbre. Car sa puissance de vie, puissance de régénération n’est en son fruit que parce qu’il contient la potentialité d’un autre arbre. Le fruit est l’offrande du caractère sacré de la vie à la Vie.

V\M\, j’ai dit.

Jean-Claude von L\

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