Musique
et Art Royal
Qu’est-ce
que la musique ? La musique est une construction
liée à
l’organisation de sons.
Qu’est-ce
que le son ? On peut dire que le son est le fils de la
matière en ce sens
que la physique nous apprend qu’il est une onde, une
vibration qui se propage
telle les rides concentriques à la surface de
l’eau lorsque l’on vient d’y
jeter une pierre. Cette onde qui est le fruit d’une source
oscillante, s’étend
de proche en proche tant qu’elle rencontre de la
matière solide, liquide ou
gazeuse.
Dans
notre vocabulaire, nous avons plusieurs mots pour désigner
les sons. Deux se
détachent particulièrement et se rapportent au
sujet traité aujourd’hui :
il s’agit du « bruit »
et de la « musique ».
L’organisation
des sons est tout à fait différente lorsque
l’on parle de bruit ou bien de
musique. Le bruit est un chaos de sons, alors que
la musique, elle,
n’est qu’ordre. Nous retrouvons
donc la construction qui se doit de
respecter des lois qui régissent
l’équilibre et l’harmonie d’un
édifice, qui,
dans mon propos, est la composition musicale. Les sons du chaos mis en
ordre
créent la musique.
Nous
sommes en présence d’un symbole ternaire en ce
sens que c’est l’intellect qui
nous permet de faire la différence entre le chaos et
l’ordre. Le son et
l’intellect donnent un modèle ternaire :
la musique. De même, l’Équerre et
le Compas donnent naissance à l’harmonie.
Le son, la matière, l’Équerre,
alliés à l’intellect,
l’esprit, le Compas donnent la musique, l’harmonie.
J’y
reviendrai un peu plus tard.
Avant
de cerner la nature symbolique de la musique, il est
nécessaire de reprendre la
symbolique de ce qui la compose : le son.
« Au
commencement était le Verbe ».
Le « Verbe », le
« mot », le
« son »,
le « souffle ».
La
tradition Hindou donne le son comme principe créateur de
l’Univers, bien avant
la lumière. Le « souffle
créateur » du démiurge anima
tout l’Univers
lorsque fut prononcé la formule dont la traduction est
« Aum Terre !
Atmosphère ! Ciel ». Dans le mot
originel « Aum » est
contenue une énergie fantastique. Le son exprime
« Dieu » tout en
étant « Dieu »
lui-même. « Aum », le
son des origines, est
un symbole ternaire. Composé de trois lettres, il symbolise
les trois divinités
suprêmes du panthéon Hindou : Brahma,
Vishnu et Shiva. Le son est à la
base de la théologie Hindou, contrairement à la
théologie judéo-chrétienne qui
est basée sur la lumière. Le démiurge
Hindou appela la vie en offrant à
l’Univers un son primordial, alors que Yahvé
commença son œuvre par cet
ordre : « Que la lumière
soit ! ».
Existe-t-il
une symbolique de la musique ?
Dans
toutes les religions polythéistes d’orient ou
d’occident, la musique se
rattache à un dieu particulier. Chez les
Égyptiens, Thoth ou Osiris l’ont
inventée.
Chez les Grecs, c’est Apollon, pour les Hindous,
c’est Brahma. La musique prend
une autre dimension une fois passée par les mains des
mathématiciens grecs,
notamment Pythagore qui étudie les rapports entre les sons.
Mais c’est Lassus,
en 540 avant J. C., qui écrivit le premier sur la nature de
la musique. L’école
pythagoricienne rattache la musique à la perfection des
nombres et aux
mouvements de l’Univers, l’harmonie
étant le but final sur les deux plans
concernés. La tradition chrétienne
s’inspira fortement de Pythagore dans sa
conception de la musique, notamment par le biais de Saint Augustin
(354-430) et
de Boèce (480-524). « Le rythme ternaire
est nommé perfection, tandis que
le binaire est toujours considéré comme
imparfait ».
En
musique, tout comme en poésie, les rythmes et les sons sont
agencés de manière
à créer un espace envoûtant et riche en
signes évocateurs. On parlera de
musicalité d’un poème ou encore de la
poésie de certaines sonates ou nocturnes.
Écouter la musique ne consiste pas uniquement à
se laisser bercer par des
rythmes et des mélodies ou encore à fredonner
indifféremment des airs
entraînants. C’est bien au contraire,
l’occasion rêvée d’un
ressourcement, d’un
éveil au plus profond de soi. La présence de la
musique a toujours contribué à
alléger et à anoblir les servitudes terrestres.
Elle est une création du monde
sans cesse renouvelée dans ses rythmes et
tonalités, rappelant à l’Homme
qu’il
est, lui aussi, habité et gouverné par des
rythmes et des accents tout comme
l’Univers.
Je
voudrai maintenant m’attarder sur une des composantes
essentielles de la
musique : l’harmonie.
La
musique est une construction de sons, s’appuyant sur
l’amour de la beauté et
également sur l’amour de
l’équilibre. Cet équilibre,
c’est l’harmonie. L’harmonie
découle de la première sensation reçue
lors de l’écoute qui est la mélodie.
Elle peut être considérée comme le
résultat d’une recherche plus profonde de la
perfection. En ce sens, le symbolisme qui s’en
dégage est à mon avis le
suivant : la mélodie est une approche horizontale
qui se retrouve dans le
Niveau, alors que l’harmonie se retrouve dans le Fil
à Plomb. Le Niveau
représentant équilibre et
égalité et la Perpendiculaire exprimant recherche
de
la vérité et perfectionnement.
Le
rôle de la musique en Loge.
Quelle
définition peut-on donner de la Col\
d’Harm\ ? Elle a évolué au fil du
temps mais aussi en fonction des lieux. On peut dire qu’il
s’agit d’une
formation d’instruments, de chanteurs, ou bien même
des deux réunis, propre à
produire de la musique ou des chants lors des Ten\ Maç\. De
nos jours, la
Col\ d’Harm \ est l’ensemble des moyens propres
à reproduire la
musique. Je ne vais pas faire son historique dans les LL\, car
là n’est pas
le sujet de mon travail. Je préfère
développer ce qu’est son rôle en L\.
Le
point fondamental est que la musique en L\ accompagne
le Rituel. Le
Rituel étant le fil conducteur des Trav \, la musique ne
peut être qu’un
complément du Rituel. Le Rituel est
déjà en lui-même harmonie et
équilibre.
C’est certainement pour cela que la Col\ d’Harm\
semble ne pas tenir
une place importante dans les
rituels modernes. Certains auteurs reconnus ayant écrit sur
le Symbolisme
Maçonnique, ne mentionnent qu’avec parcimonie, le
rôle de la Col\ d’Harm\
dans les Ten\ Maç\ d’aujourd’hui. Bien
heureusement, les LL\ étant
souveraines, dans certaines d’entre elles la Col\
d’Harm\ prend une
importance particulière et nombreux sont les FF\ qui ne
comprendraient pas
son absence ou sa médiocrité.
Le
rôle de la Col\ d’Harm\ est pour moi essentiel, en
ce sens qu’elle établit
une relation forte avec le déroulement du Rituel. Lors de
l’initiation, c’est
la musique qui accueille le récipiendaire. Il subit les
épreuves les yeux
bandés, et le seul sens qui lui permet de se situer, est
l’ouïe. La musique en
L\ permet également à chaque F\
d’affiner sa sensibilité. L’art, dans sa
beauté, crée un lien entre les FF\. La musique
participe sans aucun doute à
l’élévation, elle n’est pas
là pour boucher les trous ou meubler les silences,
mais bien pour lier les différentes phases du Rituel, pour
maintenir les FF\
dans l’état sacré que
confère le Rituel, pour suivre cette progression qui nous
amène à cet état particulier
qu’est
l’Égrégore. La musique peut
être un
élément ordonnateur de l’esprit.
Des
musiciens et des écrivains ont été
frappés par la parenté entre la musique et
l'architecture. « L'architecture est une musique
pétrifiée », a
écrit
Goethe. « J'ignore pourquoi, »
disait Liszt, « mais la vue d'une
cathédrale m'émeut étrangement. Cela
vient-il de ce que la musique est une
architecture de sons, ou l'architecture est-elle de la musique
cristallisée ?
Je ne sais, mais certes il existe entre ces deux arts une
parenté
étroite ».
En
conclusion, la musique jouée en L\ peut être
apaisante, grave ou joyeuse,
mais de toute façon, elle doit imprégner chaque F
\ du Rituel, elle doit
accompagner celui-ci tout en le mettant en valeur, ne jamais prendre le
pas sur
lui et toujours être son complément. Elle doit
également favoriser la réflexion
et la méditation.
Je
voudrai terminer ce travail en ajoutant quelques
considérations personnelles.
Les trois années que j’ai passées
à la Col\ d’Harm\ m’ont
énormément
apporté et ont été pour moi une
expérience très enrichissante. J’ai
redécouvert
le Rituel, j’en suis devenu un acteur. Le travail que cela
m’a demandé fut pour
moi une révélation dans bien des domaines.
Au-delà des connaissances que j’ai
acquises sur les compositeurs et leurs œuvres, a
transpiré l’essai de la
compréhension du langage de la musique. Les musiciens sont
des poètes, les
poètes des musiciens : les mots sont des notes, les
chapitres des
mouvements, les livres des symphonies. Leur but se confond avec notre
démarche : atteindre la Perfection.
V\ M\ et vous tous mes
FF\ en vos Deg\ et Qualités, j’ai dit.
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