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Les Douze points de l’Initiation


Il y a dans la Franc-Maçonnerie douze points originels qui en forment la base, et qui constituent tout le rituel de l'initiation. Sans ces douze points, personne n'a jamais pu et ne peut être régulièrement reçu Maçon. Tout homme qui entre dans l'Ordre doit passer par ces douze " cérémonies " et cela non seulement au premier degré mais encore dans chaque grade subséquent. Ces affirmations sont extraites d'une ancienne Lecture, elles font partie des Instructions qui, dans la Maçonnerie de langue anglaise, étaient rédigées par demandes et réponses.

Précisons d'emblée que le mot point, en Maçonnerie, a une signification particulière, un sens technique. Ce sens est voisin de celui de pointe, d'angle, de coin et par suite aussi de celui d'arcane qui dérive de l'arabe El Arkân et signifie " l'angle par excellence ", autrement dit la pierre d'angle, donc la première pointe ou l'origine de l'édifice sacré, la "pierre fondamentale" du Temple. Il s'en suit que les normes de l'Initiation sont assimilées à des pierres d'angle. Cette comparaison, croyons-nous, contient de précieux enseignements pour tout Maçon réellement soucieux de pénétrer dans les secrets de son Art.

Les douze points dont il s'agit sont douze phases de l'initiation, au cours desquelles se manifeste particulièrement le pouvoir des pointes dont on sait le rôle dans la manifestation de la foudre. Rappelons, à ce propos, qu'au cours de l'Initiation au degré, le Vénérable brandit, sur la tête du néophyte, l'épée flamboyante et le Maillet, et qu'en frappant sur la première les trois coups rituels, il renouvelle le geste créateur de Jupiter, du Jupiter Tonnant, du dieu qui déchire les ténèbres et le silence de la nuit - nuit de la Terre et de l'ignorance - pour que la pluie tombe et fertilise les germes enfouis dans le sol, pour que, dirons-nous, l'étincelle pénètre dans la pierre brute et vivante du nouveau Maçon !

Voici les douze points dans l'ordre même où ils s'intègrent aux rituels de la Maçonnerie française :

- la préparation du récipiendaire,
- l'alarme,
- l'invocation au Grand Architecte,
- les voyages,
- le serment,
- la restauration de la Lumière,
- les premiers pas dans l'angle d'un carré long ",
- l'investiture,
- la communication des modes de reconnaissance,
- la tradition des outils,
- la prise de possession de l'Angle nord-est,
- l'instruction.

Certains de nos Frères seront peut-être surpris d'apprendre que cette liste est proprement limitative. C'est ainsi que des rites auxquels nous accordons généralement une place remarquable dans nos rituels, apparaissent, dès lors, comme autant de rites adventices. L'altération, voire même la suppression de l'un quelconque de ces derniers n'entache donc pas la validité de l'Initiation.

Il convient de ranger parmi les solennités accessoires de l'Initiation au Grade d'Apprenti :

- le séjour dans le Cabinet de réflexion,
- la participation à la coupe d'amertume,
- la méditation sur la pierre brute,
- la purification par les éléments,
- la consécration initiatique, [à ne pas confondre avec l'investiture]
- la proclamation rituelle,
- l'incinération du testament philosophique.

Des Maçons canadiens qui se sont penchés, en 1951, sur la question, ont soutenu que les douze points correspondaient aux douze fils de Jacob. On peut se demander dans quel ordre il importe de ranger les patriarches pour établir ou plutôt désocculter et expliciter ces correspondances. Faut-il les ranger suivant leur ordre de naissance, suivant l'ordre dont furent dispensées, selon la Genèse et le Deutéronome, les bénédictions ou encore suivant l'ordre de campement des tribus dans le désert. Ce dernier ordre a permis de faire correspondre les fils de Jacob avec les Signes du Zodiaque. Cependant, c'est à partir de l'ordre des naissances que furent établies les correspondances entre les patriarches et les douze points ordonnés rituellement.

Existe-t-il donc deux ou même trois systèmes de correspondances se référant, chacun, à un aspect particulier d'une réalité unique ? On peut le supposer, et il serait intéressant de les reconstituer et de les rapprocher. Une synthèse s'en dégagerait peut-être, ainsi qu'un enseignement, mais c'est là une tâche que nous ne pouvons que signaler à l'attention de nos Frères encore hésitants dans le choix des matériaux de leur prochain morceau d'architecture.

Si l'on veut bien suivre l'ordre des naissances et respecter l'ordre des douze points tel qu'il vient d'être indiqué : La préparation du récipiendaire sera rapportée à Ruben : l'alarme à Siméon, "instrument de carnage" ; l'invocation à Lévi, père de la tribu sacerdotale ; les voyages à Juda ; le serment sacré et redoutable " à Dan, " serpent dans le chemin et vipère sur le sentier " ; la communication des signes de reconnaissance, qui, dans certains rites, se termine par le " baiser fraternel ", se rapporte à Issachar, à la tribu duquel appartenait Judas Iscariote, dont il est écrit : " Il leur avait donné ce signe : Celui à qui je donnerai un baiser, c'est lui, arrêtez-le " (Marc. XIV, 44). La prise de possession de l'angle nord-est, d'où doit " s'élever un édifice de beauté parfaite dans toutes ses parties " correspond à Joseph, dont le nom signifie " croissant ", et qui était célèbre par sa beauté. Enfin, à Benjamin correspond l'instruction, qui se termine par un avis débutant par ces mots : " Et comme l'avenir dépend du travail pendant la jeunesse ... "

Mais revenons aux douze points réglementaires dont le nombre nous pose une première énigme. Pourquoi douze points ? Est-ce parce que le nombre douze exprime l'universalité dont les douze Signes du Zodiaque constituent, du point de vue géocentrique, le symbole traditionnel ? Cela ne semble pas douteux. car l'initié, en passant par les douze points ", accomplit rituellement et boucle par suite intemporellement le cycle - ou la roue " de ses existences antérieures et se trouve, après le douzième " point ", ramené de la circonférence au Centre, où il recouvre, certes de façon encore toute virtuelle mais déjà potentielle, l'état Primordial.

Nous avons déjà fait allusion aux correspondances zodiacales. Un exemple suffira peut-être à montrer que ce système de références est complémentaire du précédent et que l'enseignement contenu dans le premier trouve, dans le second, sa confirmation.

C'est ainsi que Dan, qui correspond d'une part au " serment sacré et redoutable " a, d'autre part, pour emblème le Scorpion, animal qui a donné son nom au huitième signe du Zodiaque, celui dont l'influence est parfois qualifiée de serpentine. Ceci dit, n'oublions pas que nous sommes en présence d'un signe d'eau dont la nature humide se rapporte à une influence dont le Scorpion est aussi le véhicule et le symbole. Cette opposition est d'ailleurs toute relative, car il s'agit, en réalité, d'une même influence dont les effets peuvent être ressentis différemment par ceux qui entrent dans la sphère de son action.

Les moeurs du scorpion et ceux de la vipère ne sont pas sans rapport avec le caractère ambivalent des symboles correspondant à ces animaux. L'une et l'autre vivent dans les lieux humides; cependant la piqûre de ces deux animaux est ressentie comme un brûlure et l'effet de leur venin - son feu " est souvent mortel. Or, le Serpent n'en est pas moins considéré comme un symbole de la Vie et le Scorpion, quant à lui, représente, en astrologie, la puissance physique, celle que le disciple s'applique à transmuer, au cours de son ascèse, en une énergie plus subtile qui rendra son corps brûlant " et fera de lui un " Sauvé des Eaux ".

Cette ambiguïté est précisément celle des Eaux, de l'humidité radicale dont dissertent énigmatiquement les Philosophes hermétiques, celle de la substance universelle - la materia prima des scolastiques de la Prakriti hindoue. Les anciens Maîtres d'Occident ont appelé cette substance l'Eau de l'Abîme, l'Océan, Mare Nostrum Philosophorurn, mais aussi la " Nuit " et les " Ténèbres ". Ayant reconnu en cette Eau " le principe de toute dissolution et de toute mort, ils l'ont appelée leur " Vinaigre Philosophale " et leur " Solvant Universel ".

Les mêmes Philosophes ont qualifié cette Eau de divine et de céleste. Elle est, en effet, pour le Sage, la " Fontaine d'Eau Vive ", la véritable " Eau de Vie ", car elle est le principe de toute génération, de toute vie nouvelle ; c'est, comme l'a dit Bernard Trévisan, la Fontaine Terrible qui confère la victoire au " Roi " qui sait s'y baigner, à celui par qui les Eaux peuvent être " congelées ".

Source de vie et gouffre de mort tout à la fois, c'est aussi une " Eau forte " au pouvoir redoutable. Les Philosophes du Feu ont nommé leur Eau Mercurielle " : le " Dragon ", le " Serpent " et la " Vipère ". Symboles qui traduisent, de façon saisissante autant que mystérieuse l'ambivalence du Principe auxquels ils se rapportent.

Il serait hors de propos de s'occuper ici de la valence ignée du Scorpion. Nous nous contenterons de rappeler que Mars, gouverneur du Signe, est un principe d'action ; qu'il symbolise, en astrologie, la force virile et le feu, qu'il gouverne " les mêmes parties du corps que le Scorpion, enfin que Mars préside à tout ce qui touche à la guerre et à ses institutions. Ajoutons à cela que la materia prima revêt la qualité ignée lorsqu'elle se manifeste en tant que puissance et que l'ignification de cette " Eau " est un des secrets du Magistère.

Cette puissance, les Maîtres Maçons l'ont certainement connue lorsqu'ils devaient accéder, par un escalier en vis ", à la Chambre du Milieu, séjour de la plénitude de la " Force ", de cette force " à laquelle il est constamment fait appel en Maçonnerie ". Cet escalier en spirale était le symbole de la Virilité et de la Victoire de celui qui s'engageait rituellement dans ce que les hindous nomment la Virâ-marga, la Voie du Héros.

Nous nous bornerons donc à signaler la relation existant entre le huitième Signe du Zodiaque, " Signe d'Eau ", et - à travers Dan qui occupe le huitième rang dans l'ordre de campement - le " Serment " ou, plutôt, ce qu'on pourrait appeler son côté négatif et " redoutable ". C'est, en effet, à ce dernier aspect que correspondent les pénalités énoncées dans les anciennes Instructions de la Maçonnerie anglo-saxonne. Or, il est une pénalité du Serment de Maître qui se rapporte précisément à l'aspect dissolvant de la " puissance " mise en oeuvre dans la Maîtrise.

Les pénalités comportent, d'une manière générale, des châtiments qui vont au rebours du but recherché dans l'initiation. A vrai dire, il ne s'agit pas de châtiments, au sens propre du terme, mais plutôt d'avertissements indiquant ce qu'il adviendrait, en vertu de la loi des actions et réactions concordantes, au parjure, à celui qui s'écarterait de la Voie où il s'est engagé et où les rites maçonniques l'avaient, jusque là, aidé à se maintenir.

Emile F.L.NG.

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