GLDF | Loge : NC | 08/03/2010 |
Voltaire avocat de la Tolérance contre l’Obscurantisme Pour les étymologistes, tolérance vient du latin tolerare : supporter. Ce verbe « supporter », dans son sens propre, signifie : soutenir par dessous et dans son sens figuré : résister à, endurer, voire même : souffrir avec patience. Ces définitions nous apportent une notion de contrainte, un peu de violence sur soi. L’esprit de tolérance est plus complexe. La tolérance est un concept de vie et de morale qui est un point d’orgue de la pensée subjective d’un individu. Elle dépend de son éducation familiale, civile, religieuse, de ses sentiments, de ses habitudes, de son environnement. Elle définit la capacité d’un individu à accepter une chose, avec laquelle il n’est pas en accord. Et par extension moderne, l’attitude d’un individu face à ce qui est différent de ses valeurs. Elle apporte une notion de respect de la liberté d’autrui, de ses manières, de ses pensées, de sa façon d’agir, de ses opinions politiques et religieuses. Mais cette liberté est limitée, elle est accordée à quelqu’un en certaines circonstances ; ce n’est pas un droit, c’est une tolérance. La tolérance est couplée avec la liberté individuelle. Elle s’arrête lorsqu’elle atteint où aliène la liberté de l’autre. La tolérance est un vaste sujet en lui-même, et vis-à-vis d’autres comportements humains, soit qu’on l’oppose : à l’intolérance, soit qu’on la juge par rapport : à l’indifférence, à la soumission , à l’indulgence, à la permissivité, au respect, voire même à la lâcheté. J’ai donc souhaité limiter mon étude à la tolérance politique et à la tolérance religieuse qui ont connu leurs lettres de noblesse en Europe, à partir du XVII ième et au XVIII ième siècles. Les philosophes de ces siècles, en particulier ceux du Siècle des Lumières, le XVIII ième, se sont mobilisés pour imposer ces deux tolérances, souvent indissociables (ex :le cas d’une République Islamique) . Leurs engagements en défense n’étaient pas faciles. Car les libertés de penser, d’écrire étaient étroites, et se heurtaient d’un côté à l’autorité sans concession de la monarchie absolue, avec la menace des « lettres de cachet », et de l’autre côté au fanatisme religieux qui trouvait son paroxysme dans l’inquisition. Pour le centenaire de la mort de Voltaire, le 30 mai 1878, Victor Hugo écrivait : « Avant la Révolution, la construction sociale était ceci : - En bas le peuple - Au-dessus du peuple, la religion représentée par le clergé - A côté de la religion, la justice représentée par la magistrature. Et, à ce moment de la société humaine, Qu’était-ce que le Peuple ? C’était l’ignorance. Qu’était-ce que la religion ? C’était l’intolérance. Qu’était-ce que la justice ? C’était l’injustice ». Dans ce climat oppressant, les philosophes, les écrivains, les scientifiques, vont apporter la connaissance qui va libérer l’homme. C’est le Siècle des Lumières dont l’aboutissement sera 1789, qui imposera l’Abolition des Privilèges et instaurera la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Pourquoi ce titre à « mon morceau d’architecture » ? Parce que Voltaire, avec ses écrits, est le philosophe qui a défendu ardemment des causes dans lesquelles des individus avaient été condamnés à tort, sur les bases des fanatismes religieux et qu’il a présenté des réquisitoires contre les superstitions associées aux religions. Voltaire 1694-1778, né et mort à Paris, de son vrai nom François Marie Arouet, écrivain et philosophe, occupe une place particulière dans la mémoire collective des français. Il inaugure, en effet, la figure de l’intellectuel engagé au service de la vérité, de la justice et de la liberté de penser. Symbole des lumières, chef de file du parti philosophique, son nom reste attaché à son combat contre « l’Infâme », nom qu’il donne au fanatisme religieux et à son combat pour le progrès et la tolérance. Il est déiste et son idéal reste celui d’une monarchie modérée et libérale, éclairée par les « philosophes ». Il agit auprès des élites éclairées de l’Europe des Lumières, en se servant de son immense notoriété et prend seul la défense des victimes de l’intolérance religieuse et de l’arbitraire dans les affaires qui l’ont rendu célèbre (Calas, Sirven, Chevalier de la Barre, Comte de Lally Tollendal). A la fin de sa vie en 1778, Voltaire est au sommet de sa gloire. La loge du Grand Orient de France : « Les Neuf Sœurs », ayant appris, à sa grande surprise, que Voltaire n’était pas Franc-Maçon, le contacte pour frapper un grand coup en faveur de son propre prestige. Elle l’initie et cette initiation a un grand retentissement qui devient pour certains le symbole de l’union des Lumières et de la Franc-Maçonnerie. Cette initiation précèdera sa mort de quelques mois. Il portera le tablier du philosophe Helvétius. Tout le long de sa vie, Voltaire fréquente les grands et courtise les monarques. Mais il aura deux mauvaises expériences : sa déception lors de son séjour à Berlin auprès de Frédéric II de Prusse, et sa querelle avec le Chevalier de Rohan. Ces expériences vont rendre sa plume acide, vis-à-vis des puissants et de leur pouvoir. Il nourrit son rejet du fanatisme religieux de son passage au lycée Louis le Grand , tenu par les Jésuites qu’il exécrera par la suite. Il trouvera son goût du libéralisme d’Etat lors de son exil anglais à l’âge de 32 ans. Il y fut impressionné par la liberté et le pluralisme politique et religieux de la Société Anglaise. Il estime que là où croît l’intensité des échanges marchands et intellectuels grandit l’aspiration des peuples à plus de liberté et de tolérance. Il s’installe à Londres en novembre 1726. Il rencontre des écrivains, des philosophes, des savants. Londres est une pépinière d’intellectuels et n’oublions pas que la Franc-Maçonnerie spéculative est née le 24 juin 1717 dans le Pub « L’Oie et le Grill » à côté de la Cathédrale Saint Paul ! En fait, comme toute la Société Anglaise de cette époque, il va être sous l’influence du grand philosophe anglais John Locke, instigateur du libéralisme et de la tolérance Voltaire tire de la doctrine de John Locke, la ligne directrice de sa morale : la tâche de l’homme est de prendre en main sa destinée, d’améliorer sa condition, d’assurer, d’embellir sa vie par la science, l’industrie, les arts et par une bonne police des sociétés. John Locke 1632-1704 est considéré comme l’un des premiers et des plus grands penseurs du Siècle des Lumières. Sur une base empirique, il va imposer deux richesses indissociables pour l’homme : la connaissance et la tolérance. Pour notre sujet, nous retiendrons de John Locke la « Lettre sur la Tolérance ». L’argument central de cette lettre est la distinction de l’Etat et de l’Eglise, de par leurs différences quant à leur fins temporelles ou spirituelles et les moyens employés (force ou persuasion). Pour John Locke, il est bien clair que seul le magistrat à la charge du pouvoir temporel, qui consiste à maintenir par la loi un ordre public, assurant le bien public et la paix civile. Le magistrat n’a aucun droit sur les intérêts spirituels des individus, car chacun est libre de choisir la manière de vivre dont il estime qu’elle lui assurera le salut. Chacun peut donc adhérer librement aux dogmes qui lui plaisent. Les sociétés religieuses doivent être libres et volontaires, mais n’ont aucune légitimité quant à l’usage de la force, pas plus qu’elles n’ont le droit d’influencer les décisions de l’action politique publique. La mission temporelle de l’Etat exige de lui qu’il protège les droits de tous les hommes quelles que soient leurs croyances et précisément afin que chaque homme puisse mener sa vie selon les croyances qu’il juge les meilleures et dont il est de droit le seul juge. Voltaire va aussi s’inspirer d’un contemporain italien : Cesare Beccaria Bonesana (1738-1794) qui fait autorité comme juriste, philosophe, économiste et homme de lettres. Celui-ci, comme Voltaire, subit d’abord, selon ses propres dires : « huit années d’éducation fanatique et servile » dans un collège Jésuite pour jeunes aristocrates à Parme. Il signe son chef d’œuvre à 26 ans « Des délits et des peines » qui nous pose les bases de la réflexion moderne en matière de droit pénal. Il y établit les bases et les limites du droit de punir et recommande de proportionner la peine au délit. Beccaria pose, ainsi en principe, la séparation des pouvoirs religieux et judiciaires. Il juge « barbare » la pratique de la torture et de la peine de mort. « Ce n’est pas le spectacle terrible, mais passager, de la mort du scélérat qui est le frein le plus fort contre les délits » Maître Badinter s’inspira de l’œuvre de Beccaria, lors de sa croisade contre la peine de mort. Il préconise la prévention par rapport à la répression et avance la notion de présomption d’innocence. En France dans ce XVIII ième siècle, Diderot, élève des Jésuites du collège d’Harcourt à Paris, fut aussi un trublion par sa fécondité de semeur d’idées, ce qui lui valut la prison pour un article dans l’Encyclopédie. Il secoua lui aussi le harnais de l’absolutisme et du fanatisme religieux. Diderot s’enthousiasma jusqu’aux larmes, jusqu’au délire pour le bien, pour le beau, pour les sentiments communs de l’humanité : l’amour, l’esprit de famille. Cet enthousiasme ne peut s’exprimer, pour lui, que dans un climat sans contrainte, dans la tolérance. Certes un froid glacial les a toujours séparés, mais dans la conquête de la liberté, de la tolérance Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) a une place prépondérante avec une œuvre qui est un monument de la littérature. Dans « L’Emile », bible de l’éducation pour certains, nous retiendrons l’éveil religieux dans le chapitre « Profession de foi du vicaire savoyard ». Rousseau y éduque Emile face à la nature en le portant vers la méditation, l’adoration, en exposant les principes de la religion naturelle. C’est un éveil de la conscience où Rousseau forme un homme riche d’une santé physique et morale à l’abri de toute contagion. Pour Rousseau l’homme naît foncièrement bon, c’est son environnement qui le rend méchant et intolérant. Bien sûr d’autres écrivains ont aidé à l’émancipation des esprits : Montesquieu (Les Lettres Persanes, L’Esprit des Lois), Malebranche (La recherche de la vérité, Les méditations chrétiennes et métaphysiques). L’Académie Française créée par Richelieu en 1634, l’Hôtel de Rambouillet, les salons mondains étaient des lieux ouverts vers de nouvelles influences de pensées et vers la conquête de la tolérance. Bien que vivant au XVII ième siècle, on ne peut pas passer sous silence en Angleterre Thomas Hobbes (1588-1679) qui publie une œuvre majeure le : « Leviathan », inspirateur d’un contrat social qui fonde les bases de la société civile, en définissant la légitimité du pouvoir des dirigeants, sur une autre base que la religion ou la tradition. De même en France, René Descartes (1596-1650) avec son œuvre maîtresse « Le discours de la méthode » va apporter le raisonnement reposant sur le bon sens, lequel va mettre en difficulté l’autoritarisme, c’est-à-dire vivre sur les thèmes imposés (monarchie absolue, religion cultivant le fanatisme). Il va libérer l’esprit avec son fameux « cogito, ergo sum » (je pense donc je suis). Concomitamment, les loges maçonniques se développent en France dans l’esprit qui a trouvé naissance au cours de la soirée du 24 juin 1717 dans le Pub : The Groose and Gridiron. Un prêtre presbytérien, James Anderson, a reçu de la Grande loge la mission d’écrire une histoire de la Franc-Maçonnerie et d’en définir les règles. Ceci aboutit au Livre des Constitutions dont voici un extrait : « Autrefois les maçons étaient obligés dans chaque pays d’être de la religion de ce pays ou de cette nation, quelle que soit cette religion, mais il est considéré maintenant comme approprié de ne les obliger qu’à la religion sur laquelle tous les hommes sont d’accord, et de leur laisser à eux-mêmes leurs propres opinions ; c’est-à-dire à être des hommes bons et véridiques ou des hommes d’honneur et d’honnêteté, quelles que soient les dénominations ou les croyances qui puissent les distinguer ». Il s’agissait là d’une doctrine d’avant-garde. Et, dans un article de la Déclaration de Principe du Convent de Lausanne (septembre 1875), la Franc- Maçonnerie affirme : « Celle-ci (La Franc-Maçonnerie) n’impose aucune limite à la recherche de la vérité et c’est pour garantir à tous cette liberté qu’elle exige de tous la Tolérance ». Dès l’origine la Franc-Maçonnerie spéculative accepte la pluralité légitime des confessions. L’essence même de la Franc-Maçonnerie est la quête de la vérité tout en pensant qu’elle n’atteindra jamais la vérité absolue. La Franc-Maçonnerie écossaise est fondée sur la foi en un Principe-Créateur et sur la raison. En communion avec John Locke, dans son essai « L’Entendement humain » , le Franc-Maçon doit pratiquer la tolérance. Il doit faire preuve d’humilité, en acceptant pour base l’ignorance mutuelle, et donc ne pas rejeter les autres comme des Etres obstinés, têtus, parce qu’ils ne veulent pas ou ne peuvent pas abandonner leurs opinions, pour embrasser les nôtres. La tolérance est le contraire du sectarisme et de l’intégrisme qui sont la négation de la liberté de conscience. Le Siècle des Lumières va illuminer la Franc- Maçonnerie avec son mouvement intellectuel, philosophique et politique. Ce siècle s’est caractérisé par la croyance dans la science et la raison plutôt que dans la foi et la superstition. La Franc-Maçonnerie a attiré à elle de nombreux philosophes, hommes de sciences et … membres de familles royales. C’est à partir de cette époque que la popularité de la Franc Maçonnerie a tout d’abord explosé, puis s’est étendue au monde entier. Dans ce XVIII ième siècle tous ces esprits cherchent une liberté pour l’homme dans laquelle la tolérance trouve sa place. Mais la société est sous tutelle, avec une monarchie absolue qui règne et une religion intransigeante. On situe le début de la monarchie absolue avec l’arrivée du Roi Henri IV. Les Bourbons Vendôme succèdent aux Valois. Le 13 avril 1598, l’Edit de Nantes est promulgué avec la liberté de culte pour les protestants. Cette monarchie absolue est une autocratie. Le roi concentre tous les pouvoirs. Louis XIV, très marqué par la Fronde, porte à son apogée cette gouvernance, « l’Etat c’est moi ». Dans la chrétienté, l’Edit de Nantes n’a pas solutionné le problème catholique – protestant. Si les guerres de religions sont terminées, la lutte est cependant larvée. Au XVII ième et au XVIII ième siècle, on voit s’affirmer de nouvelles croyances ou religions qui mettent en émoi le catholicisme et la papauté : le Piétisme cher à Kant, le Déisme cher à Voltaire, le Jansénisme de l’abbaye Port Royal cher à Racine, le Theisme cher à Auguste Comte et le concept de Grand Architecte de l’Univers que l’on trouve en particulier chez Liebniz, Wolff et Calvin, et que James Anderson empruntera. Contre ce qu’elle considère comme une hérésie, l’église s’est dotée, sous l’impulsion du Pape Innocent III, de tribunaux particuliers ou juridictions spécialisées : l’inquisition. Les Franciscains, les Dominicains y font souvent office d’inquisiteurs. On connaît les épisodes des Cathares, des Templiers, de Jan Hus, de Jérôme Savonarole, de Giordano Bruno etc… qui se terminent sur le bûcher. L’inquisition par la violence de son système de contrôle de la liberté de penser, de son système de terreur et en particulier par ses grands autodafés publics a durablement marqué l’imaginaire collectif. Ces tribunaux d’exception prononcent la sentence qui est exécutée par le bras séculier. Très rarement le Roi intervient pour modifier la sentence et on peut même dire que les monarques utilisent quelquefois l’inquisition pour se débarrasser de personnes encombrantes ! En 1685 Louis XIV révoque l’Edit de Nantes en promulguant l’Edit de Fontainebleau et persécute les communautés protestantes pour l’exercice de leur culte avec les fameuses dragonnades ou « missions bottées de Louvois ». On comprend qu’en cette fin de XVII ième siècle et en ce début de XVIIl ième siècle, la tolérance ne trouve pas sa place. Pourtant en 1260 Thomas d’Aquin, dominicain, écrivait : « Si un chrétien voit un conflit entre le dogme et sa conscience, il doit suivre sa conscience et non le dogme » et en 1100 Bernard de Clairvaux avait formulé : « La foi doit être persuadée, non imposée ». Certes tous ces beaux esprits se réunissaient, écrivaient, mais il fallait entrer dans « l’arène », contre ces deux pouvoirs autoritaires et solidaires : une monarchie absolue et une religion sans concession. A l’abri des puissants, sur sa frontière Franco- Suisse, Voltaire, « l’Ermite de Ferney », jouissait d’une liberté, agrémentée d’une grande notoriété européenne. Voltaire va devenir l’avocat des condamnés face à l’obscurantisme du pouvoir et de la religion. Il se passionne pour quatre affaires : · l’affaire Calas 1762 · l’affaire Sirven 1764 · l’affaire du Chevalier de la Barre 1766 · l’affaire du Comte Lally Tollendal 1768 Ses convictions, sa recherche de la tolérance sont contenues dans cette citation qu’on lui prête : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire ». C’est un préalable qui introduit chez Voltaire la notion de tolérance, laquelle trouve son origine et sa vigueur dans l’affaire Calas. Son œuvre le « Traité sur la Tolérance » fait suite au procès et à la condamnation à mort de Jean Calas à Toulouse, en 1763. Jean Calas appartient à une famille protestante à l’exception de sa servante catholique et de son fils converti au catholicisme. Suite au suicide de ce fils, la famille Calas se trouve faussement accusée d’homicide volontaire. Elle est mise aux fers et le père Jean Calas, à la demande du tristement célèbre Capitoul (nom des anciens magistrats municipaux de Toulouse) David de Beaudrigue, est condamné au supplice de la roue, puis étranglé et brûlé, ceci sans preuves avérées. Le contexte historique est alors encore fortement marqué par les guerres de religions françaises, des siècles précédents. La grâce de Jean Calas avait été demandée à Louis XV, sans succès. Grâce à Voltaire la famille Calas sera réhabilitée. De même il va plaider pour la réhabilitation du Chevalier François Jean Lefèvre de la Barre, exécuté sans preuve, à Abbeville, suite à une dégradation de la statut du Christ dans cette ville. En fait, c’est surtout la simple découverte chez ce Chevalier, du « Dictionnaire philosophique » de Voltaire qui l’amène au bûcher. Statufié à Abbeville, ainsi que devant la basilique du Sacré Cœur, puis dans le square Nadar, ce Chevalier va devenir l’icône des tenants de la laïcité. A la même époque à Castres, un couple de protestants, les Sirven, est accusé d’avoir assassiné leur fille, qui a fait un séjour dans un couvent catholique. Il est condamné à mort par contumace. Voltaire fait innocenter la famille. Enfin, dans une soi-disant affaire de trahison, sans preuves majeures, le général Comte Lally Tollendal fut condamné à mort et exécuté. Voltaire plaida sa réhabilitation, d’abord accordée puis retirée. Avec le « Traité sur la Tolérance », Voltaire engage un combat contre les superstitions et le fanatisme religieux. Le terme « Superstition » est pris dans son premier sens : déviation du sentiment religieux, fondée sur la crainte et l’ignorance et qui prête un caractère sacré à certaines pratiques. Voltaire plaide pour une tolérance au sein des religions et entre les religions. Il illustre ses écrits par divers exemples historiques, religieux et même comiques. Il souhaite l’éveil de l’homme par l’acquisition des connaissances qui éclairent son raisonnement et le sortent d’un abêtissement né de l’ignorance, dans laquelle l’Etat en place et la religion se complaisent à le laisser. Ces expressions littéraires sont très fortes : « Il faut hardiment chasser aux bêtes puantes, nous entendons par là l’Infâme, ce monstre que représente toute religion établie, et en particulier, la religion chrétienne dans ce qu’elle a de plus cruellement oppresseur. A la sévérité accrue du pouvoir doit maintenant répondre une véritable mobilisation contre toutes les formes du fanatisme, cette hydre à plusieurs têtes ». Dans son œuvre « L’ingénu » faisant allusion à l’affaire Calas il écrit : « Avec une indifférence inhumaine, un homme en place, signe la destruction d’une famille et avec quelle joie, plus barbare, des mercenaires l’exécutent ! ». Le 30 mai 1878 pour le centenaire de Voltaire, Victor Hugo louait les qualités de pourfendeurs des injustices et du fanatisme religieux, de cet apôtre de la tolérance. Voici un extrait de cet hommage : « Il y a cent ans aujourd’hui un homme mourait. Il mourait illustre. Il s’en est allé chargé d’années, chargé d’œuvres, chargé de la plus illustre et de la plus redoutable des responsabilités, la responsabilité de la conscience humaine avertie et rectifiée. Il s’en est allé maudit et béni, maudit par le passé, béni par l’avenir, et ce sont là, Messieurs les deux formes superbes de la gloire ». « En présence de cette société froide et lugubre, Voltaire, seul, ayant là sous les yeux toutes ces forces réunies, la cour, la noblesse, la finance, cette puissance inconsciente, cette effroyable magistrature, si lourde aux sujets, si docile au maître, ce clergé sinistrement mélange d’hypocrisie et de fanatisme, Voltaire, seul, déclara la guerre à cette coalition de toutes les iniquités sociales, à ce monde énorme et terrible et il accepte la bataille. Et quelle était son arme ? Celle qui a la légèreté du vent et la puissance de la foudre : une plume . Avec cette arme, il a combattu, avec cette arme il a vaincu ». A travers Voltaire on sent poindre les prémices de la future révolution. Il combat pour la tolérance, petite sœur de la liberté. Il combat l’obscurantisme, cet état d’esprit réfractaire à la raison et au progrès, le système de ceux qui ne veulent pas voir l’instruction pénétrer dans les masses populaires. Avec Voltaire un cycle nouveau commence. On sent que la puissance gouvernante du genre humain sera la pensée. Victor Hugo poursuit : « La civilisation obéissait à la force, elle obéira à un idéal. Plus d’autre souveraineté que la loi pour le peuple et la conscience pour l’individu. Pour chacun de nous les deux aspects du progrès se dégagent nettement et les voici : - exercer son droit, c’est-à-dire, être un homme, - exercer son devoir, c’est-à-dire, être un citoyen ». Homme du XVIII ième siècle, Voltaire : « chaos des idées » pour les uns, « démolisseur de l’ancien régime » pour les autres, incarne les préoccupations majeures de l’homme. Il dénonce les impostures de la religion, en dévoilant les mensonges qui servent d’assise à l’autorité politique et spirituelle. Il a donné ses fondements à un exercice de la raison. Il apparaît comme le symbole le + incisif de « l’esprit français ». Au Panthéon des grands philosophes, Voltaire serait-il fier de notre monde aujourd’hui ? J’ai dit Vénérable Maître. J\ M\ |
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