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Connais-toi
toi même " On disait à Socrate
que quelqu'un ne
s'était aucunement amendé en son voyage. Je crois
bien, dit-il, il s'était
emporté avec soi " Michel de
Montaigne Mille
idées m'envahirent l'esprit lorsque je reçu par
téléphone ce sujet de
réflexion, et d'autres encore lorsque, outils en main, je me
replongeais
joyeusement dans mon vieux " Lagarde et Michard - XVIème
siècle " où
je retrouvais avec plaisir Rabelais, Du Bellay, Ronsard et…
Montaigne. Comme
nous l'apprend le Rituel, ce à quoi nous travaillons au
second degré c'est
d'abord à nous connaître nous-mêmes " et
à corriger nos défauts avec le
ciseau de la morale ". Le
" connais toi toi-même " n'est pas seulement l'appel
à une
introspection personnelle d'ordre psychologique, mais aussi une
injonction à la
prise de conscience de la réalité humaine. La
Sagesse est définie par Socrate
comme la conscience de ce qu'on ignore. La sagesse ce n'est pas de tout
connaître, l'omniscience étant impossible
à un homme. Etre sage c'est avoir
justement conscience que l'on est toujours plus ignorant qu'on ne le
croit. La
sagesse c'est accepter de rester toujours ouvert à la
connaissance, pour être
toujours en position d'accueillir du savoir. C'est en cela que je
comprends la
phrase : " on reste toujours apprenti " si souvent prononcé
par nos
Maîtres Maçons. La
connaissance peut devenir un poison et ne mener nulle part si elle se
contente
d'être une bibliothèque, même bien
rangée. " Il y a une différence entre
connaître le chemin et arpenter le chemin ". Le seul vrai
joyau qui vaille
la peine d'être poli, c'est la connaissance de
soi-même à travers un voyage
intérieur sans artifice. " Apprends à te
connaître, et descends en
toi-même " nous dit Pierre Corneille. Le lieu de la
quête n'est qu'en
soi-même, ainsi que l'exprime notamment la
spiritualité tibétaine. Cette
recherche réside en l'acceptation et la connaissance de soi
telles que l'entendaient
Socrate, Montaigne, Bouddha, et d'autres penseurs de la même
lignée, d'Orient
et d'Occident. Difficile est ce voyage car nombreuses seront les
tentations de
prendre un raccourci ou de succomber à la
facilité. Mais, l'épreuve du "
Miroir " que tout Maçon a subi, est là, au point
d'orgue de la cérémonie
d'Initiation, pour nous permettre d'ouvrir les yeux et, ainsi, prendre
conscience de la plus difficile épreuve qu'il nous faut
surpasser avant de
pouvoir prétendre avancer sur le chemin de la transcendance.
" Ce n'est
pas toujours devant soi qu'on rencontre des ennemis. Les plus
à craindre se
trouvent souvent derrière soi…" nous
révèle le Rituel. On ne se rend pas
vraiment compte du poids et de l'importance de cette épreuve
sur le moment,
mais le Maçon en prend peu à peu conscience tout
au long du chemin initiatique…
L'Homme
passe sur cette Terre et doit parvenir au but de sa quête au
travers d
'épreuves qui le révèleront
à lui même. D'où l'usage universel des
pèlerinages
et des voyages initiatiques. Dans son " Carnet de voyage ", Montaigne
illustre pleinement ses réflexions sur le plaisir et le
fruit qu'il y a à
voyager, à confronter sa pensée à
celle des autres, et à découvrir la
relativité par la diversité : il faut " frotter
et limer notre cervelle
contre celle d'autrui ", et par le voyage " il n'est rien si beau et
si légitime que de faire l'homme et dûment ". A
travers toute la littérature, le voyage symbolise une
aventure et une
recherche, qu'il s'agisse d'un trésor, d'une simple
connaissance, concrète ou
spirituelle. La magnifique parabole de Du Bellay sur Ulysse revenant,
après
vingt années de luttes et de souffrances, dans son petit
village d'Ithaque
symbolise le long et difficile voyage intérieur qui conduit
vers soi même.
" Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage. Ou comme
cestui-là qui
conquit la toison, Et puis est retourné plein d'usage et
raison, Vivre entre
ses parents le reste de son âge… " . Face
au voyage " divertissement ", le voyage que fait l'homme à
l'intérieur de lui-même paraît bien plus
profitable. Il est à noter que le
voyage symbolique s'effectue fréquemment post mortem; Les
cas les plus connus
sont ceux des Livres des Morts Egyptien et Tibétain. Il
s'agit d'une
progression de l'âme en des états qui prolongent
ceux de la manifestation
humaine, le but du supra-humain n'étant pas encore atteint.
De même, dans notre
rituel, avant chaque série de voyages, nous passons par le
cabinet de
réflexion, tombeau symbolique. Je développerai ce
point un peu plus loin, pour
ceux qui seront encore réveillés … Les
voyages que nous accomplissons lors de l'Initiation ainsi que lors de
la
cérémonie de passage au grade de Compagnon
trouvent leur origine dans une
longue et ancienne tradition humaine. Après le Premier
Voyage du futur Compagnon
Maçon, l'allocution du Vénérable
Maître nous éclaire sur la finalité de
celui-ci : " Avant tout, le Maçon qui veut approcher de la
perfection doit
chercher à se connaître lui-même.
Connaissance des organes qui, rapportant
leurs perceptions à l'intelligence, lui font discerner
toutes les impressions
qui agissent sur notre être et lui transmettent par
là même, la perfection de
ce qui est au dehors, comme au dedans de nous. " C'est
par l'étude des facultés intellectuelles et des
secrets de la nature que la
Franc-Maçonnerie nous propose de
pénétrer la connaissance nous explique le
Rituel. Par la perfection de son travail, le compagnon va tendre peu
à peu à
réaliser ce que j'appelle " l'état
d'étoile flamboyante ", c'est à
dire qu'en intériorisant le rituel, en travaillant
à la compréhension et à la
maîtrise des sens, des arts et de la
géométrie symbolique, l'homme peut "
continuer l'œuvre du Créateur et aspirer
à la véritable initiation, c'est à
dire à la connaissance de Dieu ". Le
chemin est long, et ne peut s'effectuer qu'aux prix d'efforts
personnels. C'est
une ascension à pieds de montagnes enneigées ou
l'oxygène se raréfie un peu
plus à chaque pas. Il faut, comme le dit Rabelais, croquer
l'os, pour enfin
atteindre la substantifique moelle. Effectuer le voyage initiatique que
la
Maçonnerie nous propose en " s'emportant avec soi " est une
hérésie !
En effet, le dogmatisme qui fige l'esprit et qui tue, s'installe dans
l'esprit
de l'homme qui désire évacuer la contradiction et
veut une " cohérence
" ici et maintenant. Evacuer, c'est fuir, c'est déraper dans
la facilité.
C'est laisser le sens s'échouer dans la signification. Ce
qui se ferme meurt
spirituellement. Il faut pour avancer dans le voyage veiller
à entretenir la
porosité des limites, permettre les brassages, les
échanges, l'écoute, les
passages. C'est maintenir le " possible ", c'est à dire
s'attendre
sans cesse à être
déconcerté, bousculé,
étonné par les expériences
insoupçonnées qui nous attendent sur le chemin.
"Le véritable voyage de
découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux
paysages, mais à avoir de
nouveaux yeux." (Marcel Proust). Avoir
un comportement bienveillant à l'égard de ce qui
est " AUTRE " ,
telle est la métamorphose du voyageur initié. Il
cesse d'avoir peur de
l'imprévu. Il aime l'imprévisible. Il accepte le
possible dans sa plénitude.
Alors il devient bienveillant et serein. Il cesse d'être
agressif. Il peut
enfin être fraternel. Et poursuivre sa route AVEC les autres,
ses frères. Tout
changement d'état, quel qu'il soit, est à la fois
une mort et une naissance,
selon qu'on l'envisage, d'un côté ou de l'autre :
Mort par rapport à l'état
antécédent, naissance par rapport à
l'état conséquent. Après
être mort aux
préjugés du vulgaire, le profane renaît
par régénération psychique en
Apprenti.
En continuant sans relâche son travail, il s'achemine au fur
et à mesure de la
connaissance de lui-même et de la correction de ses
défauts avec le ciseau de
la morale à un nouveau cycle mort/renaissance, la mort du "
MOI " que
le philosophe Jean Borella définit comme suit : " Le MOI
n'est pas une
réalité, une entité, un
être, mais un acte d'appro-priation " et dans un
tel rapport d'appropriation, " le JE est un
possédant-possédé. Capturé
par
l'individualité psycho-corporelle, il confère
illusoirement à cette capture,
c'est à dire au MOI, la consistance d'une unité
". En définitive, le
mensonge du MOI " est de se donner pour un ETRE, alors qu'il n'est
qu'un
AVOIR ". Renoncer à une illusion est un acte hautement
positif, une LIBERATION,
et pas une mutilation. Comme sur la voie
initiatique, toute mort est suivie d'une renaissance, l'abandon des
identifications illusoires est en même temps l'ouverture
à la réalité que
celles-ci masquaient. Le fonctionnement du MOI s'assoupli et
s'élargi. Son
caractère égocentrique s'atténue, en
attendant qu'il disparaisse. La maturation
du MOI lui permet finalement de consentir à sa dissolution,
à un moment donné
du " chemin ". Par une sagesse aimante le MOI se transforme
jusqu'à
la transparence. Pour parvenir à
cette transformation, il convient d'intérioriser le rituel,
de l'actualiser, en
nous-mêmes, non pas une fois, lors de l'initiation, mais tous
les jours, dans
notre vie quotidienne. Le Maçon adopte ainsi une attitude
active qui bouleverse
son statut devant les épreuves de la vie : souffrance,
séparation, mort,
solitude, que tout être traverse, mais où sombre
l'homme non éclairé. Au lieu
de subir passivement les épreuves, l'initié doit
les assumer activement, afin
qu'elles soient l'occasion d'une
régénération consciente, globale,
engageant
tout l'être. C'est cette même
voie que proposent les enseignements des sages, des gnostiques, des
mystiques,
de maintes traditions. Ce qu'il faut c'est se " dépouiller
du vieil homme
" dont parle Saint Paul (Ephésiens, 4,22), la dissolution du
MOI
illusoire. L'outil
essentiel de ce
travail c'est la vigilance, l'attention (Vigilance et
persévérance lit-on dans
le cabinet de réflexion). Etre
éveillé, vigilant, attentif, c'est la condition
pour saisir à chaque seconde les désirs, les
peurs, les émotions, les préjugés,
les habitudes, tous ces crapauds prêts à souiller
notre Temple et qui
s'interposent entre nous et la Vérité. La
vigilance attentive est la forme
nécessaire pour purifier le cœur, voir ses
défauts et s'en corriger.
L'attention vigilante sans défaillance à
l'œuvre en cours, est l'attitude de
base nécessaire à toute vie spirituelle, quelle
que soit les caractéristiques
de la voie suivie. Chaque seconde de vie se propose alors comme une
occasion de
faire un pas de plus sur le chemin, de crucifier l'ego, dissoudre le
composé,
brûler les impuretés, et ainsi sacraliser la
totalité de l'existence. Le
chemin de la libération commence peut-être par la
méditation sur l'équerre et
le compas à notre grade, où, le compas " esprit "
enlace l'équerre
" matière ", et par les recherches fabuleuses d'enseignement
sur
l'Etoile Flamboyante qui illumine nos voyages. Une
voie qui n'impose aucun dogme, mais qui prépare chacun
à accomplir sa propre
quête, tel est ma compréhension de ce que doit
être la voie spirituelle
maçonnique. Je l'appelle " ma philosophie
maçonnique ".
Etymologiquement, la Philosophie n'est rien d'autre que " l'amour de la
Sagesse ", en cela, la " philosophie maçonnique " est
à mon sens
cette philosophie personnelle, que chacun d'entre nous peut extraire au
fur et
à mesure de son travail personnel sur les symboles. Chacun
trouvant ainsi sa
propre voie mystique et adogmatique. Cette
planche mes frère, je vous remercie de m'avoir
donné l'occasion d'y travailler
afin de vous l'apporter ce soir, elle est maintenant à vous.
" C'est de moi autant que de lui, si lui et moi pensons de même " Michel de Montaigne J'ai dit Vénérable Maître. |
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