DH Loge : NC Date : NC


Connais-toi toi même !

Aujourd'hui je m'interroge encore et ne sais toujours pas pourquoi j'ai souhaité aborder cette réflexion, et après être resté longtemps perplexe et dubitatif sur la façon de la traiter, je me suis très simplement posé cette question :
- A quoi cela va-t-il bien pouvoir me servir de me connaître moi-même ?

Aussi longtemps que l'on puisse remonter et sous des cultures bien différentes, les hommes ont considéré comme primordial ce dialogue intérieur, que l'on retrouve aussi bien chez les philosophes :  " pour connaître, il faut se connaître" disait Alain,

que dans les textes religieux les plus divers :
"celui qui connaît son Soi, connaît son Seigneur" lit-on dans le Coran, ou "Regarde en toi, tu es Bouddha", ou encore "celui qui se connaît soi-même, se découvre divin et connaît son dieu" nous enseigne un texte persan du 9ème siècle.

Et c'est ainsi que le premier souvenir qui m'est venu à l'esprit en réfléchissant à cette phrase, c'est ce miroir qui m'a été présenté le soir de mon initiation, après avoir reçu la lumière et où l'on m'a présenté mon pire ennemi.

Se connaître est donc le premier travail d'un App\ Maç\ et le leitmotiv de la FM\, et c'est cette recherche qui symbolise en quelque sorte la Sagesse, premier élément de la triade : "Sagesse, Force, Beauté" évoquée dans nos rituels.

" Mes FF\, descendons en nous même !" Cette injonction utilisée dans certaines Loges travaillant au Rite Français, résume réellement le travail à faire avec la perpendiculaire.

Véritable axe de haut en bas caractéristique de l'Homme debout ayant refusé son animalité et qui le relie tel un trait d'union entre le Ciel et la Terre.

Axe de direction qui constitue une invitation à explorer les soubassements de la conscience, les régions souvent inexplorées du subconscient.
Bien d'autres images encore, tout au long de mon apprentissage, où j'appris à travailler ma pierre brute avec l'aide de mes SS\ et FF\ qui m'ont bien souvent évité symboliquement de me taper sur les doigts tant mes gestes étaient gauches et maladroits.

Ce qui m'a permis d'exister petit à petit en tant que maçon et ou j'ai réussi à me découvrir un peu plus, à prendre conscience de mes carences, de mon ignorance et de mes ambitions.
Dialogue intérieur, dans le silence de l'App\, véritable relation de face à face entre moi et moi, avec tous les conflits que cela suppose, avec tous ces métaux que l'on ne laisse jamais complètement à la porte du Temple :
Volonté d'exister trop tôt, souhait d'émettre une opinion sur tout, ou tout simplement envie de se faire connaître autrement de l'autre ou des autres.
C'est en fait le travail de tout Maçon, et même de tout Homme de procéder en son esprit à ce "Solve et Coagula" des alchimistes afin d'être sur le bon chemin initiatique, en d'autres termes d'avoir frappé à la bonne porte de son Temple intérieur.

Puis, vint le jour de mon augmentation de salaire, où l'on me montra les cinq sens, une marche différente qui me permettra de m'écarter du chemin habituel, pour aller voir, écouter, visiter les confins de l'ailleurs afin de m'ouvrir l'esprit aux différentes disciplines présentées lors de la cérémonie. Cet enseignement appelé jusqu'au 18 ème siècle  "faire sa philosophie".
" Mon Frère vous avez la parole ". En effet ce grade me permettait de manier l'outil le plus important du Compagnon : la parole qui si elle n'est pas une logomachie creuse et insignifiante, représente un acte fort et permet au C\ de devenir un véritable acteur et symbolise à mon sens dans ce cadre la Force , deuxième élément de la triade "Sagesse, Force, Beauté". 
Parole à partir de laquelle nous nous nommons, nous nous identifions, que nous investissons la réalité.
Parole par laquelle nous appelons, nous témoignons, nous convainquons. Parole par laquelle nous transmettons, car le travail en Loge reste un travail de communauté initiatique.
Ainsi j'eus la possibilité d'échapper au routinier, de transgresser l'interdit ?

Peut-être, en tout cas à l'image des pas de Compagnon, reconnaître le moment où il fallait reprendre le cours de ma ligne initiale, guidé en cela par l'étoile toujours présente.
Etait-ce là la première manifestation d'une prise de conscience de ma propre construction, d'une certaine connaissance des limites imposées ou supposées ?

Ce discernement de la limite m'amène tout naturellement à aborder la problématique de l'éthique considérée comme principe ou critère d'évaluation de la conduite humaine et que l'on appelle parfois mœurs,
Notre Rituel dit : " un FM\ est un homme libre et de bonnes mœurs ". Il me plairait assez d'assimiler dans ce cas mœurs et éthique, car l'enseignement maçonnique ne peut que se trouver qu'en osmose avec ces principes.
En effet, la  notion d'éthique axée sur le concept de responsabilité s'inscrit dans l'histoire universelle des idées. La philosophie grecque notamment les stoïciens, l'a conçut comme une réflexion sur la recherche du bonheur, et l'époque contemporaine en a renouvelé l'approche en intégrant dans le concept d'éthique toutes les interrogations actuelles sur le développement des différentes branches du savoir.

D'ailleurs, Albert Jacquard a souligné récemment la nécessaire évolution de cette notion d'éthique devant l'impossibilité de mesurer les conséquences des progrès des sciences et des techniques, notamment dans le domaine de la physique nucléaire, de la génétique ou de la communication.
Cette réflexion du Professeur Jacquard nous ramène à l'enseignement maçonnique et particulièrement au Rituel de passage au Grade de Comp\, notamment au Troisième voyage consacré aux Sciences ou il est dit : " que le FM\ tempère l'orgueil qu'engendre des connaissances fragmentaires et qu'il ne s'imagine jamais avoir atteint un pouvoir absolu ".
En tout cas et au fil du temps, je pouvais alors faire mienne cette phrase : "plus je travaille sur la perpendiculaire, et plus je rayonne hors du Temple".
Il devint alors inévitable d'associer le "connais-toi toi-même" au "agis avec les autres" 
En effet, la loge n'est pas un monastère, mais un creuset, ou chaque Maçon a le devoir de s'ouvrir aux autres avec les autres, et ce sont tous ces échanges, toutes ces rencontres, toutes ces mises en commun d'émotions, d'idées, de contradictions qui constituent tout un pan de sa propre construction.

Puis les MM\ m'ont jugé digne de les rejoindre en Chambre du Milieu, et me voici donc à nouveau dans le Cabinet de réflexion angoissé, douteux, avec ce crâne comme seul compagnon, qui me regarde l'air narquois et qui me rappelle si besoin est qu'ici toute vanité est vaine.

Alors c'est ici que le "connais-toi, toi-même" a pris toute sa dimension, dans un contexte très particulier car je sortais d'une période de maladie avec toute une série d'interrogations sur mon devenir tant personnel que professionnel, je venais de passer une période ou pendant quelques mois je n'étais pas sûr du tout de pouvoir remarcher un jour.

Ces longues journées passées sur un fauteuil roulant m'ont permis de faire un point encore plus exact de mon niveau d'acceptation des choses en général et de mon état en particulier.
Et cette réflexion a concrétisé une véritable révolte intérieure et extérieure qui m'amena dans un combat avec moi-même, et contre la maladie.
Contre moi-même surtout car jamais on ne peut être sûr de rien. Le découragement voire la démission fait partie de la panoplie de l'être humain normal, qui n'a jamais pensé avoir domestiqué le courage, les sentiments, la force.
Et enfin vint l'heure de la cérémonie d'exaltation à la maîtrise, de ma mort et de ma renaissance, où  symboliquement l'on m'a fait refaire à l'envers tout le chemin parcouru, face à l'étoile, afin que je prenne acte une dernière fois que d'une part la lumière juste ne s'efface jamais et d'autre part de mon imperfection.
Puis l'homme rustre, inculte, certain de lui est mort afin que renaisse un homme neuf, perfectible. Notre F\ Goethe a écrit " Qui ignore le Meurs et Deviens n'est qu'un morne passage sur une mer ténébreuse".
Pour être perfectible, pour faire vaincre l'espoir sur les doutes, la connaissance de ses propres limites est importante, pourquoi ? Si nous prenons la légende d'Hiram et que nous nous identifions à lui, nous sommes quelque part l'Architecte, puisque nous avons le désir de construire notre Edifice.
Mais nous sommes aussi et surtout les trois mauvais compagnons qui n'ont cessé d'essayer de tenter de nous défaire de nos connaissances ou de nous écarter de la voie que nous nous sommes tracée.
Le Mythe d'Hiram à travers la cérémonie d'exaltation  me ramène immanquablement  à la philosophie stoïcienne et à son enseignement des quatre vertus cardinales  que sont la sagesse, le courage, la  modération et la justice.

On peut s'interroger sur la passivité de Maître Hiram sauf à se rappeler la devise des stoïciens :
" Endure et renonce ", car c'est de là que le terme stoïque en est venu à avoir le sens de courage dans la souffrance. 

Le mythe d'Hiram nous ramène également à la psychologie, freudienne notamment, qui commente abondamment la nécessité de la mort du père pour que renaisse le fils !

Je suis bien incapable d'aborder ce sujet , simplement et tout à fait empiriquement il me semble qu'il existe dans le sacrifice d'Hiram une similitude de vue puisque ce sacrifice permet à un C\ de renaître.

Il s'agit là en tout cas d'une énième manifestation de l'apprentissage maçonnique sur le plan de la fraternité, poussée cette fois à son paroxysme puisque jusqu'à la mort.


Me voici donc Maître Maçon et malgré tout, de nombreuses  questions restent cependant posées avec parfois un embryon de réponse mais  souvent avec seulement des interrogations :

    - Quel est le Temple que je veux bâtir ?
    - De quelle dimension ?
    - Avec quels principes de construction ?
    - Quels seront mes moyens pour y parvenir ?

O.Wirth a schématisé les trois grades quand il définissait ainsi l'évolution du Maçon :
" Passé du candidat apte à s'instruire, au grade d'Ouvrier qui exerce convenablement son métier, à celui d'Artiste, qui possède son art aussi bien dans la pratique que la théorie et qui a la capacité de retrouver les règles ".

Une fois la maîtrise atteinte, n'est-il pas présomptueux de se qualifier d'Artiste ? Sûrement.

D'autant que cette évolution du FM\ qui à mon sens se trouve concrétisée par l'ensemble des pas qui constituent la marche du Maître, qui dans un premier temps antériorise successivement les pas des deux premiers grades, puis enjambe le cercueil et revient à la lumière et qui  me fait penser aussi quelque part au cheminement dans un labyrinthe.
Le labyrinthe, symbole du cheminement initiatique, de la naissance jusqu'à sa propre mort , d'où il est impossible de ne pas se rendre compte de ses erreurs.
En effet il n'existe qu'une seule certitude que nous pouvons avoir et qui est celle du chemin parcouru, mais d'où l'incertitude persiste car nous ne savons jamais si nous sommes sur la bonne voie ou dans la bonne direction (toujours à la recherche du retour vers la Lumière), mais dont le choix nous incombe.
Cette liberté de choix qu'il convient d'identifier à chacun des actes importants de notre vie, ne peut s'acquérir, me semble t-il, que par la connaissance de Soi.
Se connaître soi-même, c'est donc aller au fond des choses, les pénétrer en leur intérieur afin d'en juger du dedans !
A l'image de Dyonisos qui est sorti de la cuisse de Jupiter (symbole du Dieu intériorisé), je cherche peut-être à retrouver l'essence du divin qui est en moi, je préférerais en fait dire du sacré.
Difficile travail que d'enlever couche par couche les travers (mes propres travers) de la nature humaine, car l'Homme est plus satisfait de lui-même que de son sort.
Se connaître d'une façon générale c'est donc d'accepter que l'individu que nous sommes ne soit pas seulement ce qu'il veut ou croit être, mais d'être ce que ses actes le font paraître aux yeux des autres.

Nous retrouvons d'ailleurs cette constatation en FM\, ou les instructions au Grade d'Apprenti indiquent :" Etes-vous FM\ ? Mes SS\ et mes FF\ me reconnaissent pour tel."
Et c'est donc cette connaissance de moi-même qui va m'autoriser à être libre dans le choix de mes obligations et de mes devoirs, envers moi-même et envers les autres.

Et c'est également cette introspection de moi-même qui va naturellement me faire prendre conscience de toutes les différences qui sont en moi, de toutes ces ambiguïtés qui peuvent m'habiter et de ce fait va me permettre d'accepter les différences des autres, y compris dans le regard que nous portons sur l'autre parce qu'il est différent de nous, d'avoir des raisonnements plus équitables, en résumé d'avoir plus de tolérance.

Je pense que le fait de mieux me connaître va donc me donner la possibilité de prendre le recul nécessaire et m'aider à trouver ma place au centre du cercle, position indispensable pour arriver un jour à accéder à mon élévation, de rayonner en quelque sorte.
La Liberté de recherche c'est aussi de savoir se faire aider de ses FF\ et SS\ aînés pour pouvoir aider un jour ses FF\ et SS\ cadets.
C'est aussi la pratique de l'humilité. Chose oh combien difficile à manipuler !

Et ce, sans perdre de sa personnalité parce que chaque Etre Humain est unique.
C'est aussi essayer de faire décroître l'individualisme au profit de l'universalité en travaillant sur la Fraternité par exemple.
Est-ce pour cela que Socrate, lors de ses trois voyages est allé voir le Temple de Delphes dédié à Apollon, dieu unique, symbole de la suprême spiritualisation, où était gravé cette maxime : "gnôthi seauton : connais-toi, toi même !".  

Est-ce là le moyen de travailler dans une autre dimension, l'on pourrait dire aujourd'hui naviguer ou surfer dans un cyber-espace qui nous permettrait de passer du Profane au Sacré, de pouvoir éliminer le matériel au profit du spirituel ?

T\R\M\, et vous tous mes SS\ et FF\ V\M\, je ne sais pas encore aujourd'hui si je suis parvenu à me connaître moi-même, la seule chose dont je suis certain par contre c'est que j'ai toujours autant de doutes qu'en rentrant en maçonnerie, mais ils sont aujourd'hui de bien meilleures qualités, et cela je vous le dois, et cette reconnaissance je l'appellerais la Beauté, troisième élément de la triade "Sagesse, Force, Beauté".

M\ F\

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