La Pierre qui Voulait
Il fut un temps, béni du Créateur, où
l'Homme chargé d'administrer la vie
terrestre, pouvait converser avec toutes les formes de vie sur Terre,
le
minéral, le végétal et le monde
animal. En ce temps là, l'harmonie et la
Sagesse, reflet de Dieu était la règle de vie sur
Terre, jusqu'au jour ou. !
Le devoir de l'homme étant la glorification du
Créateur à travers la Création,
et pour ce faire, élever des Temples faisait partie
intégrante de la vie
spirituelle.
Donc, il y longtemps, très longtemps, il fut
décidé de construire un nouveau
Temple afin de célébrer la majesté
divine, le
Maître constructeur choisi pour
ce chantier se rendit dans les carrières de Saint Firmin
chez
Maître Bollard,
propriétaire de la carrière où se
trouvait les
meilleures pierres de la région.
Epures en mains, et de bon matin, le Maître constructeur se
rendit donc à la carrière pour choisir les
meilleures
pierres. Il inspecta les
veines et les couches de pierre, sachant que son choix devait
être parfait,
pour un édifice solide et durable. Chaque pierre se mit en
position d'être la
plus belle ; Maître prends moi, je suis la plus parfaite, la
plus
digne d'être
au service du Créateur, regarde mon grain, touche mes
arêtes, quelques coups de mailloche et je serais parfaite
pour le
Maçon et d'autres se
mettaient en valeur repoussant les autre pierres plus fragiles ou plus
timides.
Enfin vers midi, le choix fut fait. Les bœufs furent
attelés, les manouvriers
prirent de grandes précautions pour charger les pierres, le
bouvier parla à
l'oreille de ses animaux doux et placides, afin qu'ils
évitent
les
ornières pour arriver à bon port sur le
chantier de
construction.
Sur le chantier de taille, les pierres rivalisèrent pour
être choisis par les
compagnons, mais ces derniers, hommes de métier et hommes de
l'art, savaient
distinguer les pierres et savaient les utiliser pour le bon usage.
Mois
après mois,
l'édifice prit des formes, les meilleures pierres servant
aux fondations du
TEMPLE, les robustes firent d'excellents piliers, d'autres
enfin
servirent à la voûte.
Sur le chantier en passe d'être rompu par la fin des travaux,
il ne restait
qu'un petit tas de pierres, et la nuit venue, on pouvait entendre en
prêtant
l'oreille, la lamentation des pierres craignant de finir aux
gravois.
Mais parmi toutes ces pierres, il y avait la pierre qui voulait. Ce
qu'elle
voulait, c'est simple, devenir la clef de voûte
terminant l'édifice. Très
simplement, très habilement pendant le sommeil des autres
pierres, elle fit en
sorte de repousser ses concurrentes vers le fond du chantier, afin
d'être la
plus en vue des compagnons.
Le coq, réveilla les ardeurs des uns et des autres, les
compagnons largement
occupés par la perspective de la fin des travaux,
mandatèrent un apprenti
d'aller chercher la meilleure pierre pour terminer l'ouvrage, par la
clef de
voûte.
Mal réveillé et nonchalant, ce dernier pris la
première pierre qui se présenta
à lui sans trop chercher la meilleure, et bien entendu ce
fut
notre pierre qui
voulait. D'échafaudages en échafaudages et de
mains en
mains, notre fameuse
pierre arriva au faite de la voûte. Avec
précaution elle
fut mise en place par
le plus vieux compagnon, avec soin et précision. La fin des
travaux ramena le silence sur le chantier. On croit que la nuit est un
moment sans activités, erreur ! Une grande et
sérieuse
conversation anima
l'ensemble des pierres, chacune donnant son avis sur le choix de la
clef de
voûte : pour les unes, pas assez robuste pour maintenir et
résister aux forces
en présence, forces qui prenaient un malin plaisir
à
démontrer leurs
existences, d'autres plus jalouses regrettaient de ne pas avoir
été choisies, à
cela notre pierre qui voulait, rétorquait que le choix des
compagnons avait été
le meilleur et qu'il n'y avait rien à redire
à
cela, car c'était selon
elle , le choix de ceux qui savent. Toute la nuit la discussion anima
le Temple, au chant du Coq, le calme revint, pas pour
longtemps car les premiers ouvriers commençaient
à
reprendre les travaux de
finition, afin d'être quittes pour la consécration
du
TEMPLE.
L'activité du jour s'acheva ! Et comme toujours les forces
travaillent sans
bruit et arrive ce qui doit arriver ! Donc cette nuit là, la
pression des
forces en cause s'accentua, sur notre pierre qui voulait, dans sa
suffisance,
elle se cru capable de faire face, et comme son orgueil lui voilait la
réalité, elle pensa qu'elle seule pouvait
maintenir en
équilibre,
les forces qui agissaient dans le secret du Temple non encore
domestiquées par
la consécration. Toute la nuit la lutte dura, en vain, car
ce
qui doit arriver
arriva ! Le premier compagnon sur le chantier
s'aperçu des
fissures nées
de la bataille de la nuit, inquiet il en informa le maître
architecte, qui vint
constater les dégâts mais
c'était trop tard
pour agir ! La pierre qui
voulait, ne résista pas à la poussée
des forces
contradictoires, elle glissa
lentement de son emplacement, rompant ainsi l'équilibre, qui
maintenait la voûte
en place, puis ce fut les colonnes, ensuite les murs, et tout le reste,
et ce
qui devait être un Temple à la gloire du
Créateur
devint un tas de ruines, et
de ce jour là , l'harmonie qui régnait dans les
différents ordres, fut rompu et
le langage commun, devint pour les uns comme pour les autres, une
cacophonie,
sans nom. On dit que depuis, le genre humain cherche
désespérément le moyen de
retrouver cet état de grâce !
Tout comme on dit que des sociétés fraternelles
s'assemblent depuis ce jour,
pour retrouver ce qui fut l'Age d'Or, mais on dit tant de choses !
Nous étions le huitième jour !
P\ L\
|