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L'Alchimie
alexandrine
Extrait de "Histoire comparative des religions et des mythes."...
Parmi l'ensemble des
textes qui furent attribués à Hermès,
le plus fondamental, sur le plan purement
alchimique, demeure incontestablement la célèbre
"Tabula Smaragdima"
ou "Table dÉmeraude", dont la légende exigea
qu'elle fût découverte
par Alexandre le Grand lui-même, soit par Galienus Alfachim,
soit encore par
une femme portant le nom de Zara, qui l'aurait découverte,
peu de temps après
le Déluge, au sein d'une caverne, à
proximité d'Hébron cette fois. Plus tard,
il vint s'y adjoindre une autre légende concernant le
célèbre théurge
pythagoricien Appolonius de Thyane (ou Appolonios de Thyane). Celui-ci
relata,
en effet, un curieux songe au cours duquel il se vit
pénétrer dans une crypte
dont l'entrée se trouvait placée sous une statue
d'Hermès. Là, se tenait un
vieillard assis sur un trône, portant dans les mains une
table d'émeraude sur
laquelle on pouvait lire: "C'est ici
la formation de la Nature", et
devant lui était placé un
livre sur lequel était écrit: "C'est ici le Secret
de la Création des êtres et la
Science de la cause de toutes choses." Dès
lors, Appolonius put prendre
connaissance du texte de la "Table d'Émeraude"
attribué à
Hermès: "Il est
vrai, sans mensonge, certain et très
véritable: Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas,
et ce qui est en bas
est comme ce qui est en haut, pour perpétuer les miracles
d'une seule chose. Et
comme toutes choses ont été par Un et sont venues
d'Un par médiation, ainsi
toutes choses sont nées de cette chose unique par
adaptation. Le Soleil en est le
père, et la Lune la mère, le vent l'a
portée dans son ventre et la terre est sa nourrice et son
réceptacle. Le père
de tout le Thélesme est ici. Et sa force et sa puissance est
entière si elle
est tournée en terre. Tu sépareras la terre du
feu, le subtil de l'épais,
doucement avec grande industrie. Il monte de la terre au ciel et
derechef
descend en terre et reçoit la force des choses
supérieures et la force des
choses inférieures. Tu auras par ce moyen la gloire de tout
le monde et per se,
toute obscurité s'enfuira de toi. C'est la force forte de
toute force, car elle
vaincra toute chose subtile et pénétrera toute
chose solide. Ainsi le monde a
été créé. De cela seront et
sortiront d'admirables adaptations desquelles le
moyen est ici donné. C'est à
cette occasion que j'ai été appelé
Hermès
Trismégiste, ayant les trois parties de la philosophie
universelle. Ce que j'ai
dit de I'OEuvre solaire est complet." Ce
texte philosophique, bien
qu'apparemment spéculafif et purement
allégorique, n'en revêt pas moins un
caractère opérafif indéniable qu'il
conviendrait d'apprécier en étudiant
soigneusement chaque sentence réduite au sens proprement
alchimique,
envisageant ici certaines opérations de laboratoire (Cf. P.
Rivière :
"Alchimie et Spagyrie : du Grand OEuvre à la
Médecine de Paracelse";
"Alchimie : Science et Mystique".) Envisageons d'en dégager
seulement
quelques principaux traits relevant des lois alchimiques de base : -
Le principe de l'unité de la
matière et du monde universel est affirmé
d'entrée, ainsi que l'allégorie
hermétique du serpent Ouroboros qui se mord la queue
l'illustrera parfaitement.
A l'intérieur du cercle ainsi formé peut-on
d'ailleurs lire en grec: En To
Pan (Un, Le Tout). /Cf. in Berthelot: "Les Origines de
l'Alchimié", manuscrit grec de St Marc, Dialogue de
Cléopâtre et de
Comarios, feuillet intitulé "Fabrication de l'or"./ -
Le Grand OEuvre exalte, par
ailleurs, les vertus du Soleil, à l'origine de la vie sur la
Terre et dont la
Lune, tel un miroir, ne nous transmet qu'un faible rayonnement qui
n'est
cependant pas sans intérêt pour la confection de
la Pierre, tant en ce
qui concerne la désignation de la phase idoine des
opérations à mener : en Lune
croissante précisément, qu'en ce qui s'applique
à la réalisation du support
salin d'un des deux constituants du Feu secret : le
Vulcain Lunatique
(Cf. "Le Triomphe Hermétique" d'A.-T. Limoj on de St
Disdier).
Nonobstant, l'ensemble du Grand OEuvre est solaire, ainsi que ne cesse
de le
clamer Hermès : "Le soleil accomplit tout (... )
Expose au soleil (…)
Dilue la vapeur à la lumière du soleil (Zosime)."
-
Le germe de la Pierre
Philosophale ou Or astral se trouve ici
associé aux montées et
descentes du Mercure (argent vif) en cohobafion. Cette
opérafion chimique
désigne plus subfilement, sur le plan
allégorique, la captation, après qu'il
soit descendu des nues, puis l'évolution même du Spiritus
Mundi (Esprit
du Monde) ou énergie cosmique vitale dans la
matière, jusqu'à la réalisation de
la Pierre. Là se situe, pour les
alchimistes, la force forte de toute
force; cette vertu séminale influençant, selon
eux, les qualités de la rosée
matinale et ce principalement, bien sûr, au printemps,
lorsque le Ciel féconde
la Terre. -
Le qualificatif de Trismégiste
(Trismegisto), appliqué ici à
Hermès et désignant le Trois Fois Grand,
évoque indubitablement les trois phases du processus
opératif déployé lors de
l'élaboration du Grand OEuvre dans le dessein de la
réalisation de la Pierre,
mais révèle certes aussi l'existence des trois
grands Principes hermétiques: Tria
Prima, à savoir : le Mercure,
le Soufre, le Sel
présents dans toute substance d'origine
végétale, minérale ou animale... Cette
division ternaire fut
associée, sur le plan mythique, à la triade des
Dieux Osiris, Isis et Horus, de
même que sur le plan proprement chrétien
l'analogie fut soutenue avec l'esprit,
l'âme et le corps. Platon n'avait-il pas d'ailleurs
écrit dans le
"Timée": "Mais que deux
termes forment seuls une belle
composition, cela n'est pas possible, sans un troisième. Car
il faut qu'entre
eux il y ait un lien qui les rapproche tous les deux." Ce
thème sera constamment
développé plus tard dans l'abondante
littérature hermétique, notamment chez le
médecin-alchimiste de la Renaissance: Paracelse qui,
étendant considérablement
l'étude de ces trois essences ou humeurs
fondamentales en l'être,
constituera un véritable Corpus médical
(iatrochimique) (Cf. P. Rivière :
"La Médecine de Paracelse", Éditions
Traditionnelles, Paris - 1988). Déjà,
au IVème siècle, Zosime le
Panopolitain écrivait, au sujet de cette division trinitaire
rattachée
directement à l'enseignement d'Hermès: "Constituée
connue une monade, se transformant en
triade, elle (cette composition chimique) constitue un continuum; mais,
en revanche,
organisée en une triade de trois
éléments séparés, elle
constitue le monde, de
par la providence du premier Auteur, Cause et Démiurge de la
Création, qui est
désormais appelé Trismégiste parce
qu'il a considéré en fonction d'un
schème
ternaire ce qu'il produisait et ce qui le produisait." Ce
texte ne laisse pas, en
outre, d'évoquer l'aspect démiurgique s'attachant
à l'Alchimie puisqu'en effet,
l'alchimiste se livre à une véritable
re-Création au sein de l'oeuvre
microcosmique à laquelle il s'adonne au coeur de l'Athanor. Cette
division ternaire ne doit
pas, cependant, nous oublier le principe de la tétrasomie
si cher aux
Anciens. En effet, les Grecs considéraient que les bases de
toutes substances
se réduisaient à quatre
Éléments primordiaux : le Feu,
l'Air, l'eau
et la Terre. La Création ne
s'étant pas exercée ex-nihilo,
il
fallut que la Divinité ou le Démiurge
opérât sur un chaos originel
indifférencié d'où devait se
dégager ultérieurement les quatre
Éléments. Empédocle
(Vème s. av. J.-C.)
avait déjà légué une
théode unifiée des Éléments
dans le cadre de l'étude de la Physis,
associée à la
notion de Sphaïros (la Sphère),
la Nature
conçue comme Être chez Parménide. La
médecine s'emparera de cette théorie des 4
Éléments et en
déduira celle des 4 Humeurs, telle que
celle-ci
apparut unanimement dans l'École médicale de Cos.
Hippocrate, Celse et Galien
la feront leur et Nemesios pourra ainsi écrire : "Tout corps
est formé de
quatre Éléments et en est le produit." Selon l'"Epître
d'Alexandre",
tout ce qui est de qualité chaude a
été qualifié par les Anciens de feu;
tout ce qui était sec et solide, de terre;
tout ce qui était humide et
fluide, d'eau et tout ce qui était froid
et subtil, d'air.
Autrement dit, le chaud et le sec
passaient pour engendrer le feu
; le chaud et le fluide, l'air;
le froid et le fluide,
l'eau; le froid et le sec,
la terre. Dans
la Nature, ces quatre Éléments
interagissent constamment. Néanmoins, ils peuvent
être divisés et convertis
l'un en l'autre au laboratoire de manière plus
complète et plus rapide grâce à
l'intervention d'un opérateur avisé, et c'est ce
dont s'aperçurent les
alchimistes. Selon ce que l'on devra qualifier plus tard de Cycle
de Plotin,
la conversion des Éléments s'effectue ainsi :
l'élément primordial, le Feu, se condense
en Air; l'Air se change en Eau; l'Eau, en se solidifiant, devient Terre
et la
Terre, sous certaines conditions, redevient Feu. -
La sentence Ce qui est en
haut est comme ce qui est en bas... ne cesse
d'évoquer, quant à elle, la
loi des Signatures astrales présentes
dans la Nature. Les 7 astres : les
deux luminaires, le Soleil et la Lune et les cinq planètes,
Mercure, Mars,
Vénus, Jupiter, Saturne imprègnent, de leurs
influences respectives, toutes
substances en ce monde dont l'alchimiste se doit de percevoir la signature.
Proclus fit d'ailleurs allusion à ces correspondances
analogiques, notamment
dans le règne minéral, en ces termes : "L'Or,
l'argent et chaque métal, comme les autres substances, se
développent sur
terre, sous l'influence des dieux célestes et de leurs
émanations. L'or est
attribué au Soleil, l'argent à la Lune, le plomb
à Kronos (Saturne), le fer à
Arès. Ces métaux trouvent leur origine dans les
cieux, mais ils existent sur la
terre et non sur les planètes émettrices des
émanations. Car aucune matière n'a
droit de cité au ciel. Et bien que toute substance provienne
de tous les dieux,
dans chacune d'elle existe une prédominance
spécifique: certaines appartiennent
à Kronos, d'autres au Soleil..." Proclus
"Commentaires sur le Timée" Dès
lors est-on fondé à mieux
comprendre, ainsi, comment le texte de "La Table
d'émeraude"
apparaissait comme constituant la synthèse par excellence
des principes
fondamentaux de I'OEuvre alchimique. En outre, l'Opus
Alchymicum se
divisait en plusieurs phases associées à la
couleur revêtue par la matière.
Héraclite mentionnait déjà les
principales étapes : Mélanosis
(passage
au noir), Leukosis (passage au blanc), Xanthosis
(passage au
jaune) et Iosis (passage au rouge). Plus tard, le
nombre en fut réduit à
trois et délaissa le passage à la couleur jaune (xanthosis,
citronitas),
parce que moins fondamental que les étapes du noir (nigredo),
du blanc (albedo)
et du rouge (rubedo) qui s'avéraient, en
effet, essentielles lors de
l'élaboration de la matière pour parvenir au
Grand OEuvre, c'est-à-dire à
l'obtention de la Pierre transmutatoire, capable de transmuer les
métaux vils -
de préférence le plomb ou le mercure - en or (Chrysopoeïa)
et en argent
(Argyropoeia) ainsi que l'Élixir
de Longue Vie ou Panacée
capable de prolonger la vie humaine sur Terre, tout en procurant la
communion
avec l'Anima Mundi et la Divinité,
développant progressivement le corps
d'immatérialité et d'immortalité. Les
opérations alchimiques permettant d'y
parvenir pouvaient s'énoncer ainsi: calcinatio
(calcination), solutio
(dissolution), separatio (séparation), conjunctio
(conjonction), putrefactio
(putréfaction), coagulatio
(coagulation), cibatio (cibation), sublimatio
(sublimation), fermentatio (fermentation), exaltatio
(exaltation), augmentatio (accroissement,
multiplication), proiectio
(projection). Toutes ces multiples opérations
nécessitaient un matériel de
laboratoire dont disposait bien évidemment
l'Égypte hellénistique, tel qu'en
rendit compte Marcelin Berthelot (op. déjà
cité) dans un recensement aussi
complet que possible des appareils utilisés : fours,
alambics, kérotakis (vase
clos à reflux) et bains-marie (attribués
à Marie la juive), cucurbites à becs,
creusets, pilons, broyeurs, récipients de toutes sortes. Ces
ustensiles servaient
donc à pratiquer indifféremment la Voie
Humide faisant intervenir une
instrumentation de verre ou de terre vernissée et la Voie
Sèche nécessitant des
creusets en terre réfractaire supportant de très
hautes températures de
fusions. Déjà,
au IIème siècle avant
notre ère, Bolos de Mendès (souvent
appelé Démocrite), si l'on en croit Pline
et Sénèque, passait pour avoir
"découvert la manière de ramollir l'ivoire
et de le transformer (converteretur) en émeraude en faisant
bouillir un cristal
de roche ... Était-ce en vertu d'un pouvoir plus magique
qu'alchimique
qu'une telle puissance lui fut accordée, car ne disait-on
pas de lui qu'il
avait été initié par le Mage
Ostanés ? Quoi qu'il en soit, ceci manifestait,
sans conteste, la fusion des données perses et
gréco-égypfiennes chez l'auteur
de "Physica" et "Mystica", deux
traités
alchimiques aux préoccupations incontestablement
spirituelles. À propos
toutefois du caractère proprement opératif
revêtu par l'Alchimie, on lui prêta
ces termes: "Celui qui n'a pas
expérimenté, sait peu. Celui qui a
expérimenté a crû en sagesse. Laisse le
sage s'instruire encore." Ajoutons
encore que, dans son
"Physica", il digressa largement des transmutations
en or et
en argent. Marie, dite la juive, lui succéda peu de temps
après, très
probablement. On lui attribue l'origine de certains ustensiles de
laboratoire,
tels le bain-marie (qui porta depuis son nom), le kérotakis
et le tribikos
ou alambic à trois becs. De plus, Marie sembla faire
école puisqu'une certaine
Cléopâtre parut s'y rattacher. On dispose,
à son propos, d'un feuillet intitulé
: "Fabrication de l'Or", rempli de symboles et d'un
Dialogue
révélant indéniablement ses
préoccupations d'ordre opérafif : "
(...) Quand l'âme et l'esprit sont unifiés et ne
font plus qu'un, projetez sur
le corps d'argent et vous obtiendrez de l'or tel que les
trésors des rois n'en
contiennent pas." Manusc.
Trad. de Taylor D'ailleurs,
Olympiodore écrira
plus tard (au Vème s. ap. J.-C.) : "Tout
le royaume d'Égypte, ô femme, est soutenu par
trois arts : l'art des choses
opportunes ; l'art de la nature et l'art de traiter les minerais. C'est
l'art
appelé divin, c'est-à-dire l'art dogmatique pour
tous ceux qui s'occupent de
manipulations et de ces arts honorables que l'on appelle les quatre
(arts) chimiques
(cet art divin) enseignant ce qu'il faut faire, a
été révélé aux
prêtres
seuls... lorsqu'un prêtre ou ce que l'on appelait un sage,
expliquait les
choses qu'il avait reçues en héritage des
anciens, ou de ses ancêtres, lors
même qu'il en possédât la connaissance,
il ne la communiquait pas sans
réserve... De même aussi... les artisans
préposés aux opérations faites par la
voie du feu, ainsi que ceux qui avaient la connaissance du lavage du
minerai et
de la suite des opérations, ne travaillaient pas pour
eux-mêmes, mais étaient
chargés d'accroître les trésors royaux.
(…) C'était une loi chez les Égyptiens
que personne ne divulguât ces choses par écrit." Berthelot
"Collection, III" On
constate que l'Alchimie, en
tant qu'Art Sacerdotal, ainsi que le travail des métaux,
étaient placés, à
Alexandrie, sous l'égide des prêtres, authentiques
sages hermétistes. Les
métallurgistes maîtrisaient parfaitement tous les
rouages de leur art. Ils
connaissaient l'électrum ou asèm
: alliage d'or et d'argent, et savaient
extraire le mercure par distillation de son minerai: le cinabre. La
diversité
de ses amalgames ne leur avait pas échappé. Ils
possédaient, en outre, la
connaissance de nombreuses teintures métalliques, telles
qu'elles furent
exposées dans les Papyrus de Leyde (IIIème s. ap.
J.-C.) et de Stockholm. Devant
cet état de faits,
Dioclétien, craignant que "les hommes ne
s'enrichissent par cet art et
n'en tirent une source d'opulence, ce qui leur aurait permis de se
révolter
contre les Romains", aurait décidé,
selon jean d'Antioche, de
soumettre tous "les livres anciens de Chemia" à
l'autodafé! Il
faut dire, à sa décharge, que
la tentation, en effet, était grande de contrefaire l'or et
l'argent, ainsi que
certaines recettes l'indiquent sans ambages : " [...] Il
devient alors
de l'argent de première qualité qui abusera
même les ouvriers les plus
qualifiés qui ne supposeront jamais qu'il puisse
être ainsi obtenu"
("Papyrus de Stockholm", n°3), ou bien encore: "[...]Mettre
l'or dans un fourneau, et quand il devient brillant, ajoutez les autres
ingrédients. Retirer puis laisser refroidir lorsque la
quantité d'or a
doublé" ("Papyrus de Leyde". recette n°
17). "…nombreux
sont les
adversaires et les inventeurs des espèces
falsifiées, qui prennent les
apparences de la vérité. Les vrais sages sont
vite reconnus, s'ils sont
examinés corporellement et spirituellement." écrivit
en son VIIIème Livre (n°28)
Zosime dit le Panopolitain, car originaire de la
ville de Panopolis,
bien qu'il résidât à Alexandrie (au
IVème siècle de notre ère),
où il s'affirma
comme le plus célèbre, parce que prolifique dans
ses oeuvres littéraires
quoiqu'opératif également, des alchimistes grecs.
On le surnomma d'ailleurs la couronne
des philosophes, considérant qu'il en constituait
le souverain. On lui
prête la paternité d'une trentaine d'ouvrages
(vingt-huit exacte.ment),
réalisant en cela une véritable Encyclopédie
alchimique intitulée:
"Cheïrokméta". Il ne manqua pas,
toutefois, d'insister sur le
caractère secret revêtu par l'OEuvre : "Ne
révèle rien à quiconque et garde ces
choses pour
toi. Le silence enseigne la vertu. Il est très subtil de
comprendre la
transmutation des quatre Métaux : le plomb, le cuivre,
l'étain et l'argent, et
de savoir comment ils deviennent de l'Or parfait." Si
l'on ne peut réellement le
considérer comme un auteur authentiquement
chrétien, force est de constater que
son propos est adapté à la nouvelle Religion,
telle qu'en rend compter sa lettre
à Théosébie : "Hermès,
disant que
l'homme spirituel... a pour seul objet de se chercher
lui-même, de connaître
Dieu, et de dominer la triade innommable..." " (... ) Si tu
comprends, et si tu te conduis convenablement, tu contempleras le fils
de Dieu,
devenu tout en faveur des âmes saintes. Pour tirer ton
âme de la région régie
par la destinée, vers l'incorporelle, vois comme il est
devenu tout : Dieu,
ange et homme sujet à la souffrance." Ceci
s'incluait dans le droit
fil déjà tracé par tous les auteurs
emplis de respect envers la pensée
hermétique, tel l'apologiste chrétien Lactance,
qui affirmait sans ambages (au
IIIème siècle de notre ère) : "Hermès
a découvert, je
ne sais comment, presque toute la
vérité…" Les
textes alchimiques
commencèrent, dès lors, à subir une
influence de plus en plus marquée du
Christianisme naissant. Ainsi, en dehors des nombreux ouvrages de
Zosime
consacrés à l'Alchimie mystique et pratique -
comme son "Traité des
Instruments et des Fours" l'atteste - influencés
par les gnoses
existantes incorporés dans un système
relativement cohérent, pouvait-on trouver
des auteurs chrétiens tels julius Africanus, originaire de
Syrie et qui vécut à
Emmaüs, puis, plus tard, à la fin du
IVème siècle, Pélage, Dioscore et
Synésius
(Synésios), évêque à
Ptolémais en Cyrénaïque. Ce dernier,
né vers 370 de notre
ère, rédigea plusieurs oeuvres à
connotation alchimique. Ami de la
néo-platonicienne Hypathie (fille de Théon) qui
mourut martyre en 45 à
Alexandrie où la Bibliothèque fut
saccagée, il était féru de gnose
et
d'hermétisme. Ainsi rapprocha-t- il, dans son oeuvre
intitulée "Dion",
Hermès, Zoroastre et des ermites chrétiens :
Antonios et Amous, en tant que
représentant de la plus grande Sagesse qui soit. Ensuite,
vint Olympiodore (au
début du Vème sîècle),
auquel fut attribué un "Commentaire sur le Livre
de l'Energie de Zosime et sur les Dires dHermès et des
Philosophes".
Il y affirma que: "Le feu est le
premier agent, celui de l'art entier.
C'est le premier des quatre éléments. En
vérité, le langage énigmatique des
anciens relatif aux quatre éléments se
réfère à l'art." Il
insista également sur
l'importance de l'Archè ou Principe fondamental,
symbolisé par le serpent
Ouroboros qui se mord la queue ! On
vit ensuite survenir, au
début du VIème siècle, un auteur
anonyme surnommé Le Chrétien, sans doute un
moine byzanfin affichant dans ses propos une orientation
théologique, mais non
moins gnostique et alchimique. Son disciple, à qui il
dédia son oeuvre, fut
vraisemblablement Serge Resainensis d'Alexandrie, qui traduisit en
syrien bon
nombre d'oeuvres grecques. D'ailleurs, l'Alchimie s'était
déjà répandue en
Syrie dans le courant du Vème siècle, sous
l'impulsion des chrétiens nestoriens
et monophysites. Il convient de noter, à cet
égard, que les Mystères
chrétiens n'étaient pas sans relation
avec la gnose alexandrine entachée d'hermétisme,
tout au moins dans l'esprit de certains apologistes ou Pères
de l'Église, tels
St Clément d'Alexandrie et Origène qui
déclarait péremptoirement à Celse: "Alors,
et alors seulement, nous les invitons à nos
mystères (télétaï), car nous
parlons de sagesse entre parfaits (téléioï,
initiés)". La
Messe allait d'ailleurs
fournir, dans sa liturgie naissante, tout le processus de l'Opus
Alchymicum,
jalonné de toutes les étapes conduisant
à la Pierre Philosophale (Lapis
Philosophorum) comme à l'Élixir de
Longue Vie (Elixir Vitae). En
effet, l'Eucharistie (Eucharistia : la bonne
Grâce) faisait participer
le chrétien au monde divin par la seule communion aux
espèces végétales transsubstanciées,
voire transmuées par la Grâce
et les paroles consécratoires prononcées
par le Prêtre. St Ignace n'avait d'ailleurs pas
hésité à écrire : "La
distribution du pain, qui est le remède de
l'immortalité, l'antidote de la
mort". La célébration eucharistique,
commémorant la Cène, devenait
ainsi semblable à une sorte de remède sublime, de
concept analogue à un
Pharmakon menant à l'illuminafion et à la vie
divine. Ainsi,
l'Alchimie allait-elle
être empreinte d'un symbolisme proprement
chrétien. La mission rédemptrice du
Christ ayant pour finalité l'Apocatastase
(le Salut cosmique), elle
s'associait donc parfaitement au pouvoir transmutatoire
présumé de la Pierre
Philosophale, d'où l'équation suivante : Lapis=Christus.
D'ailleurs, le
Mystère chrétien de la Résurrection
n'était pas sans évoquer l'oiseau fabuleux
d'Héliopolis : Bennu, le
Phénix renaissant de ses cendres, ou bien la
résurrection d'Osiris ou celle de Dionysos (Zagreus) ! L'Or s'identifiait ainsi parfaitement au Corps Glorieux (Aurez Gloriae, selon St Paul) ou Corps de Résurrection christique, par une véritable transmutation, manifestant le but de l'Ars Regia, l'Ars Magna. Par conséquent, l'Alchimie était investie d'un symbolisme hautement spirituel puisqu'elle l'était en essence, et la couverture empruntée par les allégories hermétiques chrétiennes était ainsi en mesure de voiler l'Opus Alchymicum qui aboutit, en tant que Voie initiatique authentique, à une transformation de l'être et de sa matière, à une véritable transmutation interne où l'Homme, grâce à la Pierre, atteint irrémédiablement le Plan Divin... Par Patrick Rivière. Ed Ramuel |
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