GLNF | Loge : Mnemosyne | 14/09/2009 |
L’Alchimie, Art Royal ou philosophie « par le feu » Essayant de déchiffrer les messages liminaires contenus dans les propos de notre V.M. quand nous avons discuté du sujet que je viens de vous le lire, j'ai senti qu'il souhaitait que nous fassions ce soir, ensemble, un voyage dans le monde mystérieux de l'Alchimie, univers symbolique sur lequel le REAA s'appuie pour nous guider dans la quête de la Vérité, cette quête que nous avons tous entamée le jour de notre initiation au 1er degré. Lors de la cérémonie d'initiation, dès que, dépouillés de nos métaux et rituellement préparés, nous avons été abandonnés et livrés à nous-mêmes dans le Cabinet de Réflexion par les F.F. Expert et Maître des Cérémonies, dès la première minute de l'épreuve de la Terre, nous avons été en contact avec le Vitriol Philosophique et le symbolisme alchimique… Rappelons que le vitriol, dans son sens exotérique ou premier est le nom populaire donné à l'acide sulfurique (H2SO4), agent corrosif puissant, dérivé du soufre. Les rapports entre la Franc Maçonnerie de REAA et l'alchimie sont donc patents et s’affichent à notre regard alors même que nous ne sommes encore que néophyte, candidat à l’initiation. Retournons donc aux fondamentaux puisque tel est le souhait de notre V.M. Connue en Occident depuis le XIIème siècle, l’Alchimie peut se prévaloir d’une ascendance multiple. Etymologiquement, le mot dériverait d’une forme arabe, al-kimyâ, conservée dans le provençal alkimi, de même que dans l’espagnol alquimia, mais grecque dans sa racine. Les noms anglais (Alchimy) ou allemand (Alchimie) ont conservé la dérivation médiévale, attestée également dans les vieux vocables français «alquémie» et «arkémie» (XIIIème siècle). Si nous analysons la signification du substantif pré-arabe kimiya ou kimyâ, ce mot d’origine syriaque dériverait du grec hcmia (proche de huma, « fusion »), indiquant le caractère métallurgique des techniques antiques. Ce terme aurait été lui-même formé sur l’égyptien kham-it ou khem-it, (noir), adjectif dérivant vraisemblablement du nom Khem (le pays noir, la terre noire), nom qui désigne l’Egypte dans l’Antiquité. Ce pays aurait été en effet le berceau des arts chimiques et alchimiques, symbolisant la noirceur caractéristique de la décomposition de certains métaux. L’Encyclopédie de l’Islam évoque cette dernière hypothèse. Elle rappelle toutefois, que le mot al-kimyâ est synonyme d’al-iksir, qui a donné le français « élixir ». Les Mafatih-al-Ulum ont rapproché kimyâ de kama, « tenir secret ». Selon al-Safadi, kimyâ serait d’origine hébraïque et signifierait que cette science vient de Dieu. Dans le corpus alchimique de Jabir ibn Hayyan, al-iksir est aussi conçu comme une émanation de l’esprit divin. Née en Egypte, l'Alchimie ne se développe ni dans la Grèce antique, ni dans l’Egypte pharaonique, mais dans l’Egypte alexandrine vers le IIème siècle avant notre ère, à partir des « Physica et Mystica » de Bolos de Mendès, appelé aussi le Pseudo-Démocrite et découvreur de la célèbre formule : « La nature se plaît dans la nature, la nature triomphe de la nature, la nature domine la nature » qui préfigure la Table d’émeraude hermétique. Bolos de Mendès va élaborer des recettes d'atelier, basées sur la loi des sympathies et des antipathies, pour fabriquer les quatre objets de l’Alchimie d'alors : l'or, l'argent, le pourpre, les pierres précieuses, à fabriquer ou à teindre. L’Alchimie va s’épanouir à Alexandrie, grâce au terreau gréco-égyptien et aux apports des savoirs issus de la tradition magique de l’Orient (perse notamment). Parmi ses successeurs les plus connus, citons le stoïcien Posidonios d’Apamée (né en Syrie en 135 av J.C, mort à Rome en 51 av J.C) philosophe, mathématicien et astronome, auteur de la formule : « Dieu est un souffle igné doué d'intelligence, sans forme, se transformant en ce qu'il veut et se rendant semblable à tout ». Citons surtout Zosime de Panopolis (vers 300 après J.C) pour qui la transmutation des métaux apparaît comme une allégorie de la purification et de la rédemption. On doit surtout à Zosime la célèbre formule : "Un [est] le Tout, par lui [se développe] le Tout et vers lui [retourne] le Tout ; et si l'Un ne contient pas le Tout, le Tout n'est rien. Un est le serpent [l'ouroboros, le serpent qui mord sa queue], celui qui possède l'ios [la teinture en violet ?, dernière étape de la transmutation après le noircissement, le blanchiment, parfois le jaunissement] après les deux traitements [noircissement et blanchissement ?]". On peut paraphraser le texte de Zosime comme suit : l'univers est un, car il est composé d'une seule substance indifférenciée à l'origine ; c'est par cette substance unique que l'univers s'est constitué, et c'est à cette substance unique que l'univers se ramènera par dissolution. La formule En to Pan n'est pas de Zosime. Zosime lui-même l'impute au fondateur éponyme de l'alchimie, le mythique Chymès (ou Chémès ou Chimès), qui aurait été un « prophète juif ». Cet auteur, selon un procédé fréquent dans la littérature hermétique, voile ainsi une précieuse indication philosophique par un fait pseudo-historique : la légende a ici son sens premier et révèle exactement « ce que l'on doit lire », c'est-à-dire ce que l'initié doit entendre. Ayant vécu longtemps à Alexandrie, qui comptait alors de nombreux savants juifs, Zosime ne pouvait ignorer qu'en hébreu Chemesch est le nom du Soleil. Afin de préciser son propos, Zosime, dans ses « Instructions à Eusébie », déclare : « Le grand Soleil produit l'Œuvre car c'est par le Soleil que tout s'accomplit ». Cet enseignement fondamental est confirmé par les derniers mots de la Tabula Smaragdina, la Table d'émeraude, célèbre « codex » alchimique attribué à Hermès Trismégiste lui-même : « Complet (achevé, accompli) est ce que j'ai dit de l'Opération du Soleil ». Une petite mise au point avant d’aller plus loin : l’Alchimie s’est également développée dans d’autres aires géographiques et culturelles : la Mésopotamie, l’Inde, le Tibet et surtout la Chine, déjà vers le VIIIème siècle av J.C. Héritière des pratiques proto-chamaniques et de danses mimétiques immémoriales, l’Alchimie chinoise s’est souchée sur les exercices étranges des taoïstes qui se proposaient de retrouver la spontanéité première en même temps que les pouvoirs perdus par l'homme civilisé. Chez les taoïstes, comme le souligne Max Kaltenmark (Lao-Tseu et le taoïsme), « si le fourneau alchimique est l'héritier de la forge magique, l'immortalité n'est plus, du moins depuis les seconds Han, le résultat d'un sacrifice à la forge, de la fonte rituelle. Elle est acquise à celui qui sait produire le « divin cinabre ». À partir de ce moment, on eut un nouveau moyen de se diviniser : il suffisait d'absorber l'or potable ou le cinabre pour devenir semblable aux dieux ». Rappelons aussi que le cadre référentiel de la tradition extrême orientale se construit grâce à cinq éléments : le bois, le feu, la terre, le métal, l’eau. Pour plus de clarté, et par manque de temps, nous resterons dans la tradition occidentale qui retient les quatre éléments (la terre, l’eau, l’air et le feu), classés dans l’ordre où nous subissons les épreuves lors de l’initiation… mais aussi que retient Empédocle d’Agrigente. Nous y ajouterons un cinquième élément, l’éther, essence du Cosmos ou « matière de l’âme » selon Cicéron, pour parvenir à la Quintessence et parvenir avec cette combinaison, à la résonnance pythagoricienne de 1+4. Pour la connaissance hermétique, il s’agira, avec sagesse, d’utiliser spirituellement dans le macrocosme, le rayonnement éthéré du cosmos. Dans la mise en œuvre alchimique, il s’agira d’extraire avec précaution dans le microcosme, sa trace toujours présente au sein des structures de l’univers. Tout ceci, en respectant le processus de remontée vers la source primordiale. Beaucoup d’écrits alchimiques évoquent ainsi « l’homme-quintessence » ou « homme-universel », qu’on peut rapprocher des textes sacrés, dont ceux de la Genèse, en remarquant que le créateur va utiliser de la glaise pour mettre en forme une enveloppe porteuse de la projection de son esprit. Nous ne pouvons ici que nous interroger sur ce don d’ubiquité de l’Alchimie, Art très secret, vieux rêve d’immortalité démenti par la science moderne, peut-être disposition archétypale de la psyché humaine confronté au mystère de la création et de la vie. Cette quête de l’immortalité va connaître un énorme succès en Occident. Le Corpus Hermeticum, le Poimandrès, l’Asclépios et de nombreux autres manuscrits (cf Annexe 1) sont redécouverts, traduits du grec et de l’arabe en latin. Ce savoir passe pour très ancien, ce qui nous l’avons vu est inexact, et est d’autant mieux accueilli qu’il se présente comme une sotériologie (une doctrine de salut) empruntant de nombreux éléments doctrinaux aux gnoses, au stoïcisme et au néoplatonisme. Elle inquiète d’ailleurs sérieusement l’Eglise, qui y voit une forme de concurrence de la foi chrétienne, et le pape Jean XXII ira jusqu’à promulguer contre eux (en 1317) une décrétale qui commence par Spondent, dont la teneur suit : il désapprouve cet art et, ce faisant, il interdit de s'en mêler, l'interdiction englobant tout le monde (chrétiens et juifs), avec des peines encourues par les contrevenants, qu'ils soient religieux, clercs ou laïcs. Signalons que Jean XXII a aussi commis une décrétale contre les innovations musicales et aussi une contre la chimie et la médecine. Le moindre des paradoxes n’est-il pas que ce Pape ait été un maître reconnu des arts occultes, pratiquant l’Alchimie et la Kabbale, et l’auteur d’un traité intitulé « Ars transmutatoria » (traduit en français en 1557) ? Pour Carl Jung, l’Alchimie a constitué des siècles durant un salutaire « correctif » au christianisme, porté à se désintéresser de la vie de la nature. Ce cheminement de l’Alchimie au sein de la culture occidentale, obligatoirement marqué par l’évolution des idées scientifiques qui entraînera son déclin progressif, est néanmoins suffisamment durable pour accréditer la pérennité d’une tradition. Rejetée par Descartes comme le prototype de toute fausse science, son ennemi inconditionnel, les Lumières et surtout le XIXème siècle, l’Alchimie ne trouvera que de rares défenseurs : notamment Newton, Leibnitz chez les scientifiques et Goethe, Hölderlin, Baudelaire chez les poètes. Mais l’étymologie du mot poésie ne vient-elle pas du grec poiein, qui signifie créer ? Quelques mots sur le mode opératoire alchimique. Il est relativement codifié et les auteurs distinguent généralement sept étapes : distillation, calcination, putréfaction, dissolution, ces quatre étapes formant l’Œuvre au noir ou nigredo, puis coagulation, vivification qui forment l’Œuvre au Blanc ou albedo, puis multiplication ou projection, ultime étape et Œuvre au rouge ou rubedo. Dans certains ouvrages, le nombre et l’ordre des étapes alchimiques différent, comme dans le Rosarium Philosophorum (1550) (sublimation, descension, distillation, calcination, solution, congélation, fixation, itération, incinération), ou comme dans le « Dictionnaire mytho-hermétique » de Dom Pernety, qui recense 12 étapes. Le processus alchimique consiste donc pour l’essentiel à dissoudre et coaguler (solve et coagula) : dissoudre ce qu’il y a de fixe dans le souffre vulgaire, fixer ce qu’il y a de volatile dans le mercure ordinaire, et cela jusqu’à obtention d’un mercure double dont le souffre, une fois purifié, constitue le principe vivant et igné. D’abord unis dans la mort après leur conjonction (les « noces chymiques »), Roi et Reine, Soleil et Lune appelés alors Soufre et Mercure sont appelés à une glorieuse apothéose sous la forme d’un « corps » double et imputrescible (Rebis), justifiant le parallèle entre l’obtention de la Pierre philosophale (« Toison d’Or », « Elixir rouge »), phase que les alchimistes représentent par le phénix et le pélican, et résurrection du Christ. Les philosophes « par le feu » sont donc bien des alchimistes, en ce que la régulation du feu permettant la coction de leur précieuse « matière » est pour eux un souci constant. Ils le sont de manière plus ésotérique, dans le sens où la découverte du « feu secret », que recèle toute matière vile, dote la transmutation d’un pouvoir de guérison. Les textes font constamment état d’un travail d’équilibration, travail au cours duquel toute séparation opérée par le feu promeut une pondération plus affinée des opposés. Ainsi, de degré en degré, c’est toute la matière engagée dans l’opération qui rejoint l’état igné, tandis que l’esprit naturellement enflammé se leste parallèlement d’une plus dense matérialité. Philosopher par le Feu ne consisterait pas donc à juxtaposer deux opérations logiquement inconciliables, mais à extraire des images, correspondant à des états de la matière, leur énergie « ignée », pour tendre enfin vers un état d’équilibre. Si la chimie est incontestablement la science des faits, l'alchimie, elle, est la science des causes. La première, limitée au domaine matériel, s'appuie sur l'expérience. La seconde prend de préférence ses prémices dans la philosophie. Si l'une a pour objet l'étude des corps naturels, l'autre tente de pénétrer le mystérieux dynamisme qui préside à leurs transformations. C'est là ce qui fait leur différence essentielle et nous permet de dire que l'alchimie, comparée à la science positive qu'est la chimie, seule admise et enseignée aujourd'hui, est une chimie spiritualiste parce qu'elle nous permet d'envisager la notion de transcendance, donc d'entrevoir ou d'approcher la notion du Divin au travers des ténèbres de la substance. Pour l'adepte de l'alchimie, il n'est pas suffisant de savoir exactement reconnaître et de classifier les résultats qu'il constate. Il lui faut encore interroger la Nature pour apprendre d'elle dans quelles conditions et sous l'empire de quelle volonté s'opèrent ses multiples productions, adaptations et transformations. L'esprit "philosophique" ne saurait se contenter d'une possibilité d'identification des corps simples. Il réclame, il exige de connaître le secret de leur élaboration. Entrouvrir la porte du laboratoire où Dame Nature mélange, combine et associe les différents éléments qui constituent la "Materia Prima", c'est satisfaisant, intellectuellement parlant. Découvrir la force cachée sous l'influence de laquelle son labeur s'accomplit, c'est toucher au Divin. Dire, par exemple, que deux atomes d'hydrogène combinés à un atome d'oxygène donnent une molécule d'eau, c'est énoncer une banalité. Et pourtant ? Le résultat de l'opération présente, outre un état différent (nous sommes passés, en effet, de l'état gazeux à l'état liquide), des propriétés que ne possèdent aucun des deux gaz qui ont produit cette molécule. Quel est donc l'agent qui impose au composé sa spécificité nouvelle et contraint l'eau, solidifiée par le froid, a toujours se cristalliser sous une forme identique, dans des conditions comparables de température et de pression ? Il manque dans la formule H2O l'agent essentiel, capable de provoquer l'union intime des composants gazeux, c'est-à-dire l'énergie ou le "feu". Je défie le meilleur chimiste de fabriquer de l'eau en mélangeant de l'hydrogène à de l'oxygène dans les proportions qui conviennent sans faire intervenir le principe énergétique sous la forme d'une étincelle électrique, par exemple. La formule chimique de l'eau est donc, sinon fausse, du moins, incomplète ou tronquée… Positive dans les faits, la chimie demeure négative dans son esprit. C'est donc précisément ce qui la différencie de la science "hermétique" dont le domaine propre comprend surtout l'étude des causes, de leurs influences, des modalités qu'elles adoptent selon les milieux et les conditions. C'est cette étude, exclusivement philosophique, qui permet à l'homme de pénétrer le mystère des faits, d'en comprendre l'étendue, de l'identifier enfin comme l'Intelligence suprême, âme de l'Univers, Lumière, Principe Créateur, Grand Architecte de l'Univers… L'alchimie, remontant du concret à l'abstrait, du positivisme matériel au spiritualisme le plus pur, élargit le champ des connaissances humaines, des possibilités d'action qui nous ont offertes et réalise l'union intime de Principe Créateur et de la Nature, de la Création et du Créateur, de la Science et du Divin. L'alchimie n'est obscure que parce qu'elle se cache. Les adeptes qui souhaitaient transmettre à la postérité l'exposé de leur savoir et le fruit de leur labeur se gardèrent bien de divulguer leur art en le présentant sous une forme commune afin que le vulgaire n'en pût mésuser… Autrement dit, "que la Lumière qui a éclairé nos travaux continue de briller en nous pour que nous achevions au dehors l'œuvre commencée dans le temple mais qu'elle ne reste pas exposée au regard des profanes". Nous y voilà… L'alchimie présente donc avec la Franc Maçonnerie de REAA les analogies les plus frappantes. Il y a, de part et d'autre, identité d'ésotérisme, les mêmes buts initiatiques se traduisant par des symboles, pour l'une, empruntés aux arts métallurgiques et, pour l'autre, à l'art de bâtir. Vue sous cet angle, la Franc Maçonnerie n'est qu'une transposition de l'alchimie. Le point de départ de l'œuvre philosophique, c'est la découverte et le choix du sujet. La matière à mettre en œuvre disent les alchimistes est fort commune et se rencontre partout. Il ne s'agit que de savoir distinguer et c'est en cela que réside toute la difficulté. L'œuvre ne peut réussir que si l'on est parvenu à trouver le sujet convenable. C'est donc la raison pour laquelle nous multiplions les enquêtes et les filtres successifs avant que d'admettre un postulant aux épreuves… Celles-ci commencent par le dépouillement des métaux. L'alchimie ne recommande-t-elle pas, en effet, une fois la matière propice soigneusement examinée et reconnue, de la nettoyer extérieurement afin de la débarrasser de tout corps étranger qui aurait pu accidentellement adhérer à sa surface. La matière, en somme, doit être réduite à elle-même. C'est d'une manière analogue que le récipiendaire est appelé à se dépouiller de tout ce qu'il possède d'artificiel. Il doit, en effet, être réduit strictement à lui-même. En cet état, le sujet est enfermé dans un étroit réduit où ne pénètre aucune lumière extérieure. Le Cabinet de Réflexion, manifestation de l'épreuve de la Terre, correspond au mantras de l'alchimiste, à son œuf philosophique hermétiquement clos. Le profane y trouve le tombeau ténébreux où, volontairement, il doit mourir, à la fois, à son existence passée comme à lui-même. Cette mort philosophique prélude à la naissance de l'être nouveau que sera l'Initié. Celui-ci naît de sa propre putréfaction, figurée par l'œuvre au Noir, première étape du Grand œuvre. Les trois principes hermétiques, sel, soufre et mercure, figurent bien dans le cabinet de réflexion. Le Soufre, symbole de l'Esprit, le Sel, symbole de la Sagesse et de la Connaissance, le Mercure, sous la forme du Coq, attribut d'Hermès, symbole de hardiesse et de vigilance. C'est la raison pour laquelle le coq, héraut du Soleil, était consacré au dieu Mercure et figure toujours aujourd'hui sur les clochers de nos églises. Le coq, de surcroît, fait songer au reniement de Saint-Pierre et au remords qui s'en suivit pour ce dernier incapable de respecter le serment fait au Christ au moment de son arrestation au Jardin des Oliviers. Enfin le coq, porteur des trois couleurs alchimiques (noir, blanc, rouge) « feu secret » des alchimistes, annonce déjà le lever du jour, donc de la lumière. Pour nous, Maçons, le coq est le symbole exotérique de la Lumière que va recevoir le Récipiendaire. Les trois principes hermétiques nous indiquent que nous devons en permanence être attentifs et tenter sans répit de pénétrer les divers sens que peuvent offrir les symboles mais que nous n'en obtiendrons l'intelligence complète qu'avec une patiente persévérance… Autre invitation à l'éveil présente dans le Cabinet de Réflexion, l'acronyme hermétique V.I.T.R.I.O.L. Ce n'est rien d'autre qu'une invitation à la recherche de son Ego profond, l'âme humaine elle-même, la nôtre, dans le silence et la méditation. On retrouvera plus loin au cours de la cérémonie d'initiation, en écho à V.I.T.R.I.O.L., l'aphorisme de Socrate gravé au fronton du Temple d'Apollon Pythien à Delphes : "Connais-toi toi-même et tu connaîtras l'Univers et les Dieux" comme appel à une vigilance incessante… La descente au centre de la Terre, au centre du monde, n'est rien d'autre qu'une descente en nous-mêmes, comme le dit Carl Jung, à la recherche du Soi… La mutation alchimique a donc été initiée sous le signe de la terre, dans le Cabinet de Réflexion. Le vieil homme que nous sommes est brutalement confronté au mystère de symboles qu’il ne comprend pas, le profane commence à soupçonner la notion de mort symbolique à venir en examinant les symboles à portée de son regard : crâne, faux, sablier, testament philosophique. Dans la répétitivité de nos vies, l'automatisation et l'habitude entraînent notre assoupissement, émoussent notre sens critique et nous confinent dans l'acceptation de ce qui nous entoure en nous interdisant de nous poser toute question à cet égard. Pourtant, l'initié se doit d'être ce qu'il doit devenir, c'est-à-dire un "conscient actif" pour contribuer modestement à la conscience du monde. Partager notre point de vue, notre expérience, uniquement pour la valeur qu'ils ont, c'est-à-dire un vécu personnel et non général, ouvrir son cœur au sentiment pour percevoir l'ineffable qui échappe à la science mais inonde la conscience. En somme faire, aujourd'hui, ici et maintenant, la recherche active de la signature que le Grand Architecte de l'Univers a apposée dans le désordre apparent des choses pour en distinguer la clé d'ordonnancement. L'Initié doit donc être constamment en éveil pour permettre à la Loi d'Harmonie Universelle de se réaliser. Il doit se trouver là où sa présence est utile, pour intervenir sur le chantier, dès que nécessaire, sans oublier que s'il a une tête, il possède avant tout un cœur. En entrant dans l’espace sacré du Temple, l’Initié se trouve confronté aux trois planètes les plus importantes de l’astrologie et de l’Alchimie : le soleil-or et la lune-argent encadrant le delta lumineux décorent l’Orient et semblent l’inviter à marcher vers elles. Le delta lumineux correspond, en astrologie, à la symbolique de la planète mercure : le verbe créateur qui mesure la conscience par delà de la mort ; le verbe pensé qui nous donne accès du fini à l’infini. En marchant de l’Occident, symbolisé par la planète Vénus, vers Mercure, en direction de l’Orient, planète de la connaissance et seul métal présent dans le Cabinet de Réflexion, l’Apprenti va prendre conscience que la fraternité est le référent le plus important pour espérer accéder à la Connaissance. L’Apprenti est dans le monde des autres en face de lui, il n’est maçon que parce que les autres « le reconnaissent pour tel ». Ce qui confère à l'initiation maçonnique sa vertu, son efficacité, son actualité, c'est qu'elle dispose d'un Maître infaillible, universel et éternel. Ce Maître n'est fait ni de chair ni de sang, pas davantage que d'esprit. Il n'est pas non plus immatériel et invisible. Ce Maître, vous l'avez compris, mes Frères, c'est la Loge, notre Loge. Maître collectif, Maître synthétique, sa Sagesse, résultant de l'égrégore que nous constituons ensemble, ne peut jamais être pris en défaut. "Trois la dirigent, cinq l'éclairent, sept la font juste et parfaite". Les trois Grandes Lumières éclairent les esprits et unissent les cœurs. La magie du Rituel parcourt la Loge et l'anime d'une énergie mystérieuse. Le Maître collectif est vivant, inspirant, guidant et protégeant chacun des initiés qui le constitue. Pris individuellement, chacun des initiés est incomplet et imparfait. Réunis dans le Temple, portés par le rythme du Rituel que scandent les maillets, leurs volontés convergent vers un même point idéal. Ils ne font plus qu'un désormais. Leurs expériences, leurs intelligences, leur sensibilité, leur réceptivité, leurs intuitions ne s'additionnent pas simplement mais s'exaltent les unes les autres en une sorte de progression géométrique. Ils ne sont plus seuls. Ils reçoivent l'inspiration qui vient d'en haut et savent qu'ils sont, chacun, un des maillons de la chaîne initiatique, cette chaîne qui n'a ni commencement ni fin… Le Grand Œuvre alchimique et le Grand Œuvre maçonnique sont frères de lait. Le mariage philosophique dans l’athanor hermétiquement fermé correspond à la conjonction fraternelle qui doit s’effectuer lors des Travaux en Loge. Dans les deux cas, la cohésion du composé humain va se faire par l’égrégore. En Alchimie, l’égrégore c’est le double, le mercure philosophique ou la pierre provenant de l’union sous énergie, du principe mâle, le souffre ou soleil et du principe femelle, le mercure ou lune. Egrégore vient du grec égrégoros, le Veilleur. Il symbolise la parole agent de communication. En maçonnerie, l’égrégore est la base des Travaux en Loge. C’est un fondement sacré. La Chaîne d’Union, à la clôture des Travaux, en est un des instruments. Il ne faut jamais rompre la Chaîne d’Union de la Loge car l’égrégore pourrait s’en échapper. Il en est de même dans le cadre des opérations du Grand Œuvre qui doivent se faire en vase clos dans l’athanor hermétiquement fermé, faisant office de lien, maintenant la cohésion du composé humain qui va se rompre au moment de la mort physique. On ne rompt pas la Chaîne d’Union, on ne rompt pas le lien avec l’athanor. C’est ainsi que la Lumière peut être vue, reçue et transmise. J'ai dit V\M\ D\ L\ ANNEXE 1 LA DIFFUSION DE L’ALCHIMIE EN OCCIDENT L’Alchimie a pénétré Occident par trois grandes voies, Byzance, le Royaume Franc de Jérusalem et l'Egypte, encore copte, mais déjà musulmane, et, enfin, les Royaumes Almohades du sud de la péninsule ibérique. Elle fut essentiellement le résultat des conquêtes arabes. Ce peuple curieux, studieux, avide de culture et de philosophie a été le trait d'union, la chaîne qui relie l'antiquité moyen-orientale au Moyen Âge occidental. Les Arabes, élèves des Perses et des Coptes, transmirent à l'Europe la science dont ils avaient hérité de l'Egypte et de Babylone, augmentées de leurs propres acquisitions, à travers le continent européen (voie byzantine) vers le VIII° siècle. L'influence arabe exerça également son action également au retour des expéditions "franques" en Palestine et ce sont les Croisés du XII° siècle qui "importèrent" en Europe de l'ouest la plupart des connaissances scientifiques anciennes. Enfin, au début du XIII° siècle, de nouveaux éléments de civilisation, de sciences et d'art, issus vers la fin du IX° siècle d'Afrique septentrionale (Royaume de Fez) se répandent en Espagne (voie hispanique) et viennent accroître les premiers apports des foyers byzantins et coptes. D'abord timide et hésitante, l'alchimie prend peu à peu conscience d'elle-même et ne tarde pas à s'affermir. Cette science "exotique", transplantée dans nos pays, s'y adapte à merveille et s'y développe avec vigueur. Cultivée dans l'ombre des monastères aux XII° et XIII° siècles, elle s'est propagée partout au XIVème, siècle propice aux hommes de savoir, qu'ils soient clercs ou laïques. Les gens de métier, qu'ils soient orfèvres, verriers, émailleurs ou apothicaires, ne résistent pas à l'irrésistible plaisir de manier la cornue ou de distiller à l'alambic. On se dispute les manuscrits, ceux de Zosime de Panopolis, d'Ostanès, de Synésius, les copies de Geber, de Razès, d'Arthéphius. Les livres de Morien, de Marie l'Egyptienne, les fragments de "La Table d'Emeraude" attribuée à Hermès Trismégiste se négocient, c'est le cas de le dire, à prix d'or… La renommée des Maîtres qui succèdent à Artéphius, mort vers 1130, consacre la réalité hermétique et stimule l'ardeur des adeptes. C'est au XIII° siècle, en Angleterre, l'illustre moine anglais Roger Bacon (1214-1292) que ses disciples honorent du titre de Doctor Admirabilis et dont la réputation devient universelle. La France vient ensuite avec Alain de l'Isle, Docteur de l'Université de Paris et moine de Cîteaux, mort vers 1298, puis Maître Arnaud de Villeneuve (1245-1310) tandis que brille en Italie le futur Saint Thomas d'Aquin, reçu Docteur à Padoue en 1225. On peut donc être à la fois un adepte de la philosophie, de la science hermétique et Saint, ce n'est pas incompatible… Le XIV° siècle en voit surgir une pléiade, tels le moine franciscain catalan, Raymond Lulle (1235-1315), le clerc français, Jacques Duèze, évêque de Cahors, futur pape sous le nom de Jean XXII, Jean de Meung, l'un des auteurs du fameux "Roman de la Rose" dont le symbolisme nous occupe beaucoup, par ailleurs. Le XV° siècle marque l'apogée de l'alchimie et surpasse les précédents, tant par la valeur que par le nombre des Maîtres qui l'ont illustrée. Parmi ceux-ci, il convient de citer Basile Valentin, moine bénédictin de l'Abbaye d'Erfurt en Thuringe (vers 1413), les anglais Thomas Norton et Georges Ripley, et enfin le noble Bernard Trévisan (1406-1490) qui consacra 56 ans de sa vie à la poursuite de l'œuvre et dont le nom est resté dans l'histoire de l'alchimie comme un symbole d'opiniâtreté, de constance et d'irréductible persévérance. Au XVIème siècle, la science hermétique tombe dans le discrédit, l'enthousiasme décroît, l'opinion s'en détourne. Paracelse, médecin, philosophe et alchimiste, n'en est pas moins le grand héritier de l'ésotérisme égyptien que la Renaissance renie après avoir laissé les "souffleurs" le corrompre. Voilà pour l'histoire… ANNEXE 2 BIBLIOGRAPHIE SUCCINTE L’Alchimie, Serge Hutin, Que sais-je ?, Presses Universitaires de France Forgerons et Alchimistes, Mircea Eliade, Seuil, Champs Flammarion Alchimie comme art hiératique, Henry Corbin, L’herne La psychanalyse du feu, Gaston Bachelard, Gallimard Philosophie de l’Alchimie, Grand Œuvre et modernité, Françoise Bonardel, PUF Questions Les origines de l’Alchimie, Marcellin Berthelot, Athena productions Les Demeures Philosophales, Fulcanelli, Pauvert Hermès Trismégiste, préface de Louis Ménard, Guy Trédaniel La symbolique du feu, Jean-Pierre Bayard, Guy Tredaniel Du Bestiaire des Alchimistes, Henri La Croix-Haute, Le Mercure Dauphinois La symbolique chinoise, Jean Marolleau, Histoire et Tradition, Dervy-Livres |
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