Les Nombres
Mystérieux
Je vais vous parler des nombres mystérieux ;
c'est un sujet dense, concentré qui nécessite
beaucoup d'attention.
Aussi, je vais vous faire plaisir : le modeste exposé sera
court.
Le sujet est corsé car il se
réfère à la pensée magique
; disons que l'arithmologie est à l'arithmétique
ce que l'alchimie est à la chimie.
Vous voyez ce que je veux dire ; ce n'est pas un sujet
marrant, mais nous sommes en Maçonnerie, nous sommes
régis par des symboles, et les nombres sont de merveilleux
symboles, surtout qu'ils ont été
réglementés au moyen- âge,
époque passionnante.
Les nombres, le moyen- âge, deux sujets que
j'aime et que je vais essayer de vous faire aimer à mon tour.
Une dernière préface pour vous
prévenir que la référence aux grades
dits de perfection que vous allez entendre pourrait faire craindre
à certains un dévoilement des secrets relatifs
aux grades écossais et à celui de la
maîtrise en chambre du milieu ; ces secrets se trouvent
étalés dans n'importe quel bouquin profane :
donc, à mon avis, pas de crainte à avoir pour les
chastes oreilles y compris pour celles de nos bien aimés
Frères apprentis.
Enfin, les nombres mystérieux n'ont rien à voir
avec le nombre d'or, qui est à lui- seul l'objet d'une
planche. Un rappel aux anti- matheux: les nombres premiers ne sont
divisibles que par eux- mêmes et par l'unité (1,
3, 5, 7…).
« Que penser des nombres
mystérieux ? »
est une interrogation qui me poursuit depuis longtemps, comme un
questionnement personnel inachevé et, depuis mon
entrée en Maçonnerie il y a plus de 25 ans, je
n'ai abouti à aucune position arrêtée
à cet égard qui s'avère
définitive. Je me borne à constater que la
pensée magique reste mêlée à
la pensée rationnelle.
De là, vient probablement le fait que beaucoup de FF\ sont
actuellement peu sensibles au symbolisme des nombres et
préfèrent l'arithmétique à
l'arithmologie.
L'objectif de cet exposé n'est donc pas de
vous dire ce qu'il conviendrait de penser ou de ne pas penser de
l'emploi des Nombres symboliques en Maçonnerie. D'ailleurs,
ce que vous pensez ou ne pensez pas dans ce domaine est respectable et
ne regarde que vous. Ce serait une position dogmatique à
laquelle je me refuse.
Ceux d'entre vous qui s'intéressent aux nombres trouveront, j'espère,
dans cet exposé une information que je souhaite
sérieuse capable d'alimenter leurs
réflexions personnelles.
Ceux qui ne portent aucun intérêt aux nombres
s'intéresseront peut- être néanmoins au
développement consacré à la
psychologie des profondeurs.
Pour fixer les idées, voici la charpente de l'argumentation
que vous devinez déjà :
1°)
d'abord, tenter de démonter le mécanisme d'une
pratique qui trouva son apogée au 12ème
siècle dans l'arithmologie
mystique.
2°)
préciser ensuite, dans la mesure du possible,
les rapports qu'entretiennent les nombres et l'inconscient.
Dans l'Egypte ancienne, les nombres ont
fasciné ceux qui pensaient.
Dans la Grèce du 6ème
siècle, l'école pythagoricienne a
enraciné dans les nombres l'essentiel
de sa réflexion.
De nos jours, le terme NOMBRE
MYSTÉRIEUX s'emploie au Rite Écossais
Ancien et Accepté, que je connais mal,
dans divers Rituels pour signifier les NOMBRES SYMBOLIQUES
correspondant à un grade déterminé.
Toute une symbolique numérique est apparente en
Maçonnerie dès le 1er Degré. Le Grade
d'Apprenti est axé sur le nombre 3, celui de Compagnon sur
un autre, celui de Maître sur deux autres. On
découvre sans peine toute cette symbolique dans les
questions traditionnelles relative à l'âge, dans
les voyages, les marches, les flambeaux, etc.
Au risque de dévoiler un secret de
polichinelle à nos bien aimés Frères
Apprentis (ce qui se trouve d'ailleurs dans toute la
littérature de vulgarisation maçonnique), c'est
ainsi qu'un Maçon écossais répondra
à la question relative à son âge :
« J'AI x ANNÉES,
SOIT TROIS FOIS y ACCOMPLIS ».
Les années dont il est question figurent les
lumières qui éclairent la Loge. A chaque grade,
en effet, correspond un nombre fixe et déterminé
de lumières censées désigner des
connaissances qui restent encore voilées mais on peut
réduire 81 à 9 par exemple, avec 3 chandeliers
à 3 branches.
La réponse diffère selon les
degrés, mais le moyen est constamment utilisé,
dans les grades de Perfection, pour attirer l'attention sur le
symbolisme particulier du mythe de la Parole Perdue.
Cette attitude de l'esprit tout à fait
particulière est l'expression d'une recherche qui vise
à redécouvrir une
Vérité censée être
préexistante.
Dans cette vision du monde, le Maçon n'invente
pas, il découvre.
Dans cet univers mythique, TOUT se passe comme si la
VÉRITÉ appartenait aux Sages du passé,
coutumiers de la méditation et comme si le monde actuel dans
lequel nous vivons l'avait perdue.
L'Homme moderne est présenté comme
coupé du contact avec la Réalité
profonde de la vie du Cosmos.
La marche vers le Progrès en Maçonnerie se
ferait- elle à reculons ? (Les FF\ Maîtres
comprendront ce que je veux dire).
Cela demande pour le moins un examen critique attentif.
Bernard RIBEMONT (référence : ²78
Juillet-Août 1995 Volume 26 « Le
Moyen- âge et la symbolique des nombres »)
nous dit qu'en arithmologie, la mathématique et le
symbolisme ne font qu'un.
Depuis les Pythagoriciens, dont la
pensée fut largement reprise par
Platon jusqu'au moyen- âge, le nombre fut investi
d'une triple dimension :
mathématique
philosophique
et mystique.
Dans cet univers du symbolisme numérique, le nombre
apparaît comme existant en soi, doté de
propriétés originelles et intervenant dans la
création de la matière.
La croyance sous- jacente est: qu'une Harmonie
préétablie engendre le Cosmos.
Essayons de démonter le mécanisme…
Au commencement, le Nombre est dans l'idée de
Dieu et, rappelle Saint- Augustin,
Ce n'est pas parce que la création fut faite
en six jours, que le nombre six est parfait, c'est parce que 6 est
parfait que la genèse du monde s'est faite en six jours.
Nous voici au cœur du problème,
l'arithmologie héritée du moyen- âge
s'efforce d'extraire des nombres, un maximum d'informations pouvant
être utilisées dans de multiples correspondances
symboliques.
Lorsque la loi d'analogie règne en
Maître, elle a comme inconvénient le risque
considérable d'établir des correspondances non
fondées.
Le procédé est fort simple : étant
donné un nombre donné, l'auteur recherche dans un
vaste réseau de références,
religieuses ou non, la présence de ce nombre.
Il recense tout ce qui lui semble de près ou de
loin correspondre à l'idée qu'il se
fait de la signification du nombre étudié.
Les « Maîtres
à penser » de la symbolique
des nombres au 12ème siècle, Hugues de St-
Victor, Guillaume d'Auberive, Odon de Morimond, Geoffroy d'Auxerre et
Thibaut de Langres utilisent cette méthode qui
exerça une véritable fascination sur les esprits.
Hugues de St Victor,
qui mourut en 1141, utilise les puissances de trois pour expliquer que
trois revient toujours à l'unité. Ecoutons-le :
« Trois est associé
à Dieu car,
3 au carré = 9
3 au cube = 27
3 à la 4ème puissance = 81, qui
lui-même fait
= 8 + 1 = 9, d'où un retour à la
monade initiale. »
On retrouve 3, 9, 81 dans les Tuileurs du 4ème
Degré écossais; ils sont associés au
Delta et au Cercle.
Heureusement pour nous, dès que les nombres croissaient, les
auteurs médiévaux étaient
limités dans leurs réflexions car ils utilisaient
des chiffres romains ce qui rendait leurs calculs difficiles.
Au 12ème siècle, Thibaut
de Langres nous offre des codages symboliques
exemplaires à propos des nombres :
3 = 1 + 1 + 1, représente le mystère de la
Trinité.
3 x 1 = 1 + 1 + 1, représente le mystère de
l'engendrement des êtres au départ de
l'unité primordiale.
3 = 1 + 2, représente l'union de l'impair (masculin) et du
pair (féminin). Cette union se fait dans l'impair.
Quant au pair, il est partageable en deux, il est donc moins
parfait… Tant pis pour la femme !
De toute façon, le masculin et l'impair sont
associés au Ciel ; le féminin et le pair se
contenteront du terrestre, ce qui, avouons-le, est nettement moins
drôle quand on voit ce qui se passe sur terre.
Pour Thibaut, 7 est vierge, car au sein des dix premiers
entiers :
Il n'engendre pas (entendez : il n'y a pas de multiple de 7
inférieur à 10 ).
D'autre part, 7 n'est pas engendré (= il est
premier).
« IL PEUT DONC ÊTRE
ATTRIBUÉ AU SAINT ESPRIT ! »
7 peut aussi être attribué
à la déesse Diane en mythologie, car Diane la
chasseresse était vierge (du moins
réputée telle).
3, 5, 7 et 9 reviennent constamment en Maçonnerie symbolique.
Si la vertu essentielle prêtée à la loi
des correspondances est le dynamisme de l'imagination, ce
procédé est malheureusement aussi celui de
l'auto-engendrement qu'illustre le jeu de « Marabout,
bout de ficelle, selle de cheval, cheval de course, course à
pied, pied de cochon, cochon de ferme, ferme la porte, porte
à faux, …etc…ce jeu associe un peu
n'importe quoi. »
Le symbolisme des nombres :
Les conceptions du nombre qui se sont développées
en Occident peuvent être classées selon trois
tendances fondamentales :
1°) Les théories mathématiques
2°) Les tentatives de définitions philosophiques du
nombre
3°) Les recherches relevant de la symbolique des nombres.
Malgré toutes les objections formulées par les
mathématiciens, la troisième tendance est
demeurée fidèle aux conceptions pythagoriciennes
et platoniciennes. La question est :
L'arbre du symbolisme numérique est- il encore porteur de
fruits favorisant la croissance ?
Les sciences humaines, telles la psychologie, l'ethnologie et la
sociologie répondent qu'on a hypostasié en
vérités absolues des formulations symboliques,
telles que, par exemple, celle qui attribue au nombre trois
une qualité masculine.
Depuis les travaux de Werner DANCKERT en 1966, on sait
que les groupes humains possèdent des nombres
sacrés différents. Il n'y a pas
d'uniformité. Les mêmes nombres sont
considérés tantôt comme masculins,
tantôt comme féminins ou chtoniens-lunaires
surnom de plusieurs divinités infernales.
Les mêmes nombres sont
considérés tantôt comme spirituels,
tantôt comme matériels.
La plus grande prudence s'impose donc en matière de nombres,
lorsqu'on rapproche la symbolique occidentale de la symbolique chinoise
ou africaine.
La F\ M\, quant à elle, a tout naturellement
puisé son symbolisme des nombres dans son milieu ambiant et
ce milieu était judéo-chrétien,
religieux et fortement empreint de platonisme. On trouve en
Maçonnerie une symbolique numérique qui
s'apparente encore de nos jours à l'arithmologie du
12ème siècle.
En quoi consiste cette vénérable relique ?
Ubaldo Triaca nous dit :
« Trois est le nombre
mystérieux par excellence. »
« Omne trinum perfectum est »
disaient les Anciens.
Symbole de la synthèse intellectuelle, Trois
annonce une série indéfinie de triangles qui
appartiennent au monde moral…un peu plus loin,
nous lisons :
« Sept est le nombre qui réunit
Quatre et Trois. »
Rappelons les sept planètes ou sphères, les sept
métaux, les sept jours de la création (6 jours de
création et 1 de repos), les sept notes musicales,
etc…
Le commentaire d'Ubaldo Triaca débouche
naturellement sur la manifestation divine, car le triangle est le
premier symbole du Grand Architecte de l'Univers proposé aux
réflexions du Franc- Maçon.
L'arithmologie en
Maçonnerie
De nos jours, les Maçons se complaisent
encore dans un symbolisme des nombres assez semblable à
celui d'Hugues de Saint-Victor.
L'âge du Maître Secret, nous disent les Tuileurs
maçonniques est « une
intensification au 4ème degré
algébrique du nombre 3, qui est à la base de tout
le symbolisme des nombres. » Je n'en
dirai pas plus pour ne pas dévoiler des secrets dont la
découverte est une joie à laisser aux
récipiendaires.
Mais on peut se demander s'il ne s'agit là
que de simples jeux de l'imagination assez superficiels, parfois
amusants, souvent lassants, toujours déroutants.
Dans le jeu des correspondances symboliques des nombres, les esprits
modernes retirent l'impression dominante de la futilité.
Tout se passe comme si à l'aube du 21ème
siècle, la majeure partie des collectivités
humaines restait encore fortement ancrée dans la
pensée magique.
Mais lorsque l'inconscient entre en jeu (fait
remarquer l'école de la psychologie
des profondeurs) est-ce vraiment futile
?
Rien de bien nouveau en cela, car en arithmologie, 3 étant
premier, est indécomposable et correspond à une
perfection qui renvoie à la divinité.
Au moyen des nombres, c'est une Weltanschauung (conception
du monde) qui s'exprime; c'est une vision du monde qui
confère à l'Univers le sens
métaphysique et religieux d'un Cosmos. L'ordre est sorti du
Chaos.
Les mathématiques occidentales ont
piétiné durant des siècles,
à cause de la persistance obstinée de la
pensée magique dans l'univers des nombres.
Des percées rationnelles ont bien eu lieu, mais cela
n'exclut pas que les interrogations
épistémologiques séculaires subsistent
au sujet des nombres et de leur nature.
Elles imprègnent l'imaginaire de nos chercheurs et de nos
savants.
LA PSYCHOLOGIE DES PROFONDEURS a fait de louables
efforts pour mettre en ordre les concepts liés aux nombres.
La piste à explorer a été
tracée par C.G. JUNG.
Marie Louise von Franz l'a approfondie.
Beaucoup d'entre vous connaissent cette femme écrivain de
talent, dotée d'une grande érudition.
Je ferai référence à son livre
intitulé « Nombre et Temps »
paru en français en 1983.
Pour Marie Louise von Franz, le nombre jette un pont entre ce qui est
physiquement saisissable et le domaine de l'imaginaire. Ce qui est en
cause est la description d'un symbolisme
numérique qualitatif.
Le nombre lui apparaît comme une idée globale,
qualitative, en dehors et au- delà des simples aspects
quantitatifs habituels. Dans cette conception, le nombre qualitatif
peut être perçu comme ayant une
activité rayonnant à la manière d'un
champ de force.
Souvent, les exemples fournis sont empruntés
au célèbre « Yi KING
ou Livre des mutations »dont
C.G. JUNG avait eu connaissance par la traduction de Richard
WILHELM.
Le symbole numérique est différent des autres
symboles tels que la roue solaire, l'arbre
de la vie, ou le feu qui sont des
images dont la forme est empruntée à
l'expérience du monde extérieur.
Vu qualitativement, le symbole
numérique apparaît à JUNG
sous la forme dominante d'un facteur d'arrangement,
il exprime un ordre devenu conscient.
Pour illustrer la trame de l'étoffe
temporelle du jeu des énergies, JUNG et
von FRANZ nous expliquent que le nombre
naturel présente quatre aspects :
1°) l'aspect de la multitude = c'est la
quantité ;
2°) l'aspect d'un espace de configuration = les choses se
meuvent dans un réseau;
3°) l'aspect relationnel = il est rendu par l'analyse des
nombres, la théorie des ensembles,
l'algèbre…
4°) le quatrième aspect est qualitatif = il exprime
le temps, le mouvement et le rythme.
Les pythagoriciens firent déjà de subtiles
distinctions proches de ce que nous dit Marie Louise von
FRANZ.
Ils donnèrent du Nombre trois
définitions :
1°) Les Nombres concrets : ceux dont s'occupent
les gens d'affaires par le calcul
2°) Les Nombres scientifiques divisés eux-
mêmes en trois catégories :
2.1. Une multitude limitée ; en langage
moderne, un ensemble dénombrable fini. En grec c'est h\h\h.
(è logistikè teknè)
2.2. Une composition de Monades
S\w\ (to rosotètos kima monadôm
sukéiménon).
Trois (la triade) est le principe des trois parmi les objets sensibles.
Quatre (la tétrade) est le principe de tous les quatre. Sous
la forme concrète de points, les monades
donnèrent naissance aux nombres figurés
triangulaires, carrés, etc… En langage moderne,
c'est presque la définition de Bertrand RUSSEL
des nombres comme classe de classes.
2.3. Un flot, un écoulement de monades.
En grec, on parlait de c\c\ (è arkè
arkaï)
Cantor nous a appris à travailler
avec des concepts transfinis que joliment le poète hongrois BABITS
appelle les édifices de
l'infini dont les tours se chevauchent
indéfiniment.
3°) Il nous reste le Nombre pur
immatériel compris comme Nombre-
idée. En grec, \c\
(arkè) « les principes
du Nombre et du reste de toutes les choses sont le
Même et l'Autre » (la
qualité d'être la même chose ou
d'être une autre chose).
MAIS QUE SIGNIFIE PRATIQUEMENT L'ASPECT QUALITATIF DU
NOMBRE ET COMMENT LE REPRÉSENTER ?
Le concept qualitatif du Nombre a été
présenté comme la réintroduction en
Occident d'un antidote à la pensée causale
linéaire. C'est une idée précieuse
mais elle n'est pas vraiment neuve.
Le philosophe chinois HOUAI-NAN TSEU raisonnait
déjà ainsi :
« Le Ciel vaut 1, la Terre vaut 2, l'Homme
vaut 3.
3 X 3 font 9.
9 X 9 font 81. 1 régit le Soleil. Le Nombre
du Soleil est 10.
Le Soleil, dont le Nombre est 10, régit
l'Homme. C'est pourquoi tout homme naît au dixième
mois de sa gestation. »
On nous explique que les Chinois ont cherché
à utiliser des sortes de matrices qui peuvent être
interprétées comme des « champs
de qualités ».
Dans cette conception, par exemple, un arrangement
hiérarchique de cinq points dirige l'attention vers le
centre (carré pointé).
Un grand nombre de propriétés
peuvent intervenir, parmi lesquelles l'occidental reconnaît
au passage, des termes mathématiques, qui peuvent lui
paraître familiers ainsi que le langage de la logique des
modalités.
Tout cela est fort bien, encore faudrait-il s'assurer que chacun parle
le même langage.
J'ai des doutes sérieux à ce sujet lorsque les
langues sont si différentes et les concepts empreints de
tant de subtilités.
Mais ce n'est pas l'exploitation philosophique, mystique ou religieuse
du nombre qui a mis de l'ordre dans les concepts de la
théorie des nombres.
Force est de constater que les symbolistes
voués à l'arithmologie apportèrent peu
de chose au « savoir » humain
entendu comme capital de connaissances scientifiques.
A la base des théories de JUNG, on
trouve des hypothèses controversées telles que
celles des archétypes et de l'inconscient
collectif.
Il serait hautement souhaitable que les penseurs Maçonniques
lancés dans cette voie, prennent garde de retomber dans les
spéculations numérologiques magiques que nous
avons rencontrées.
Ce n'est pas dans l'arithmologie que nous trouverons une
justification de l'utilisation des nombres dits
« mystérieux » dans
les rituels Maçonniques et encore moins une
utilité à la permanence de l'Ordre qui les
transmet.
Laissons- là ce qui ne peut plus être qu'une
caricature de la sagesse.
Toutefois, nos physiciens modernes se livrent à des
spéculations sur la structure de l'espace- temps
à très petite échelle et certains
pensent qu'elle pourrait se décrire, non pas en termes de
nombres réels comme le pensaient les pythagoriciens, mais en
termes plus fins de nombres qualifiés de
« p-adiques ».
A l'instar des géométries
non-euclidiennes, peut-être découvrira-t-on que
les nombres n'ont pas dit leur dernier mot et que, sous la forme des
avancées mathématiques modernes, ils ont vraiment
un lien étroit avec la réalité
physique.
Nous savons que l'irrationnalité véritable
apparaît comme une régression vers des formes
anachroniques d'explication plus que comme la forme absolue d'une
connaissance périmée. THIBAUT,
déjà cité, et BOÈCE,
au 12ème siècle ont fait une tentative de mise en
ordre et de classification des concepts numériques. C'est
déjà fort bien. Vouloir y retourner sans
précaution serait irrationnel. Ne
demandons pas plus aux Anciens que ce qu'ils peuvent donner.
En guise de conclusion prudente, essayons
d'élaborer un aperçu synthétique des
idées exposées :
1°) Il ne faut pas demander aux nombres
utilisés en Maçonnerie plus qu'ils ne peuvent
nous en donner.
2°) Ils n'ouvrent pas un chemin
d'accès direct à la Sagesse… En la
matière, il n'y a pas de chemin de traverse…
3°) La théorie
mathématique des nombres couvre un champs d'un tout autre
ordre, autrement prometteur pour la connaissance, que l'arithmologie.
4°) D'autre part, la symbolique des nombres
qualifiés ouvre des horizons nouveaux sur la structure de la
conscience humaine et ses contenus. Il serait imprudent de jeter
l'enfant avec l'eau du bain en négligeant le supplément
d'âme que peut apporter la psychologie
des profondeurs et la théorie des nombres qualifiés
développée par Marie
Louise von FRANZ.
L'on sait que l'imagination créatrice en œuvre
dans les symboles appartient à une fonction
donatrice de sens psychiquement aussi utile que la fonction du
réel pour l'équilibre de l'individu.
Appliquée à notre propos, je ne
pense pas que la pratique du symbolisme des nombres mène
à l'absolu et je ne pense pas que l'absolu soit une
conception très féconde et qu'il y ait
grand-chose à dire à son sujet.
S'agissant de l'approche mystique des nombres, j'ai pris le parti d'en
discuter pour, comme disait Sigmund FREUD tenter
résolument de sortir d'une nuit noire où tous les
chats sont gris.
UNE FOIS DE PLUS, TOUT RESTE A FAIRE…
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