Aperçu
sur ma franc-maçonnerie
Introduction
Deux dizaines d’années à
fréquenter une loge valent bien quelques lignes
d’introspection pour donner un aperçu de ma
franc-maçonnerie.
Un lieu de rencontre
La caractéristique la plus remarquable de la
fréquentation d’une loge est
qu’elle constitue un lieu de rencontre
privilégié avec des personnes d’autres
milieux, d’autres cultures et qui viennent pour
échanger sur des sujets en
rapport avec la recherche spirituelle. On les appelle
Frères, ils le sont
peut-être le temps d’une tenue… mais au
sortir des travaux la vie profane
reprend ses droits, et la fraternité ne reste
généralement que conceptuelle.
Du spéculatif à
l’opératif
La franc-maçonnerie spéculative
est née des loges opératives de tailleurs de
pierre, elle en garde certains symboles. La franc-maçonnerie
actuelle conserve
cependant un caractère opératif : la loge
constitue un microcosme du monde du
travail. Microcosme dans lequel le maître maçon
pourra expérimenter les
différentes fonctions qu’il pourrait rencontrer
dans le monde profane en
occupant les différents postes d’officiers de la
loge (il y en a 7 postes, plus
3 ans pour arriver à la maîtrise, un bon
vénérable maître, c’est
à dire le
patron de la loge doit avoir au moins 10 ans de maçonnerie).
Il y a une réelle
résonance entre la vie maçonnique et la vie
profane de fait le travail d’un
maçon ne s’arrête jamais…
Maison
des
compagnons, Angers 2005
Le rituel maçonnique comme
outil de transition
Le rituel d’ouverture de fermeture des travaux
constitue un moyen efficace
de passer du monde profane au monde maçonnique, je
n’utilise pas,
volontairement le terme sacré, car la
franc-maçonnerie n’a rien de sacré, ce
terme est rattaché au domaine religieux qui est en
déconnexion avec le domaine
maçonnique.
Le symbolisme maçonnique
La méthode maçonnique qui vise
à élargir notre perception du monde est
basée
sur le symbolisme. Il y a deux manières d’aborder
le symbolisme, la manière
littéraire et la manière intuitive. La
deuxième a évidemment ma
préférence car
elle induit un renouvellement sans fin de la réflexion, de
la recherche et de
la découverte, on définit le maçon
comme un perpétuel cherchant. Les quelques
paragraphes qui suivent donnent une vision non définitive de
ma relation avec
le symbolisme maçonnique.
Quel age avons-nous ?
L’homme en tant qu’animal a deux
particularités remarquables : Il est
prématuré, Il est dénué de
caractéristique physique lui donnant une finalité.
L’homme naît
prématuré et est donc incapable
d’être autonome avant de
longues années. Il doit donc vivre dans un état
de dépendance qui le marque
irrémédiablement d’infantilisme.
C’est sans doute pour cette raison que sa vie
remplie de l’angoisse de la tendre enfance l’incite
à s’inventer les
protecteurs que sont les Dieux. Le développement sexuel de
l’homme s’effectue
en deux étapes, une première de la naissance
à l’âge de cinq ans, il a un
développement
proche de celui des primats. A partir de cinq ans ce
développement s’arrête
pour reprendre vers 15 ans. Cette période de latence
crée un traumatisme qui
entraîne une dé-corrélation entre la
sexualité et la reproduction,
contrairement aux autres mammifères. La gestion de cette
exaspération sexuelle
est une caractéristique de l’atteinte de
l’âge adulte qui est à rapprocher du
port du tablier maçonnique, la bavette abaissée
en signe de maîtrise.
L’homme doit être inventif afin de
palier les faiblesses de son corps, ce
qui a pour conséquence une position ambiguë par
rapport au temps. Il doit
anticiper donc se projeter dans le futur mais aussi analyser,
c’est à dire se
remémorer le passé. L’homme est un
instable par rapport au présent. Notre
rituel est effectivement fait pour nous ramener dans le
présent : le temps
maçonnique qui va de midi à minuit.
L’état infantile nécessite des actions
de
canalisation pour construire une société vivable.
Le sacré participe à la
construction des éléments permettant
d’endiguer la
pro-tension naturelle de l’humain au désordre. Ce
sacré peut prendre de
nombreuses formes, Dieu et ses prêtres, la sacralisation du
pouvoir impérial,
royal…, la dictature du prolétariat…
tout cela constitue des abstractions
permettant le contrôle des pulsions infantiles.
Le symbolisme maçonnique nous propose une
démarche tout autre, permettant de
passer de l’état infantile à
l’état adulte : la maîtrise de la parole
(le
silence de l’apprenti, pas de reprise de parole aux agapes),
la maîtrise du
geste (se mettre à l’ordre), la maîtrise
de son désir d’appropriation (laisser
ses métaux à la porte du temple),
l’empathie (le baiser fraternel), la
sociabilité (la chaîne
d’union)… Ce passage se fait par la raison (grade
de
compagnon) et par la prise de conscience de la temporalité
du moi par rapport à
l’intemporalité de tout (grade de
maître).
Etre adulte a deux conséquences : retrouver
le Grand Architecte de l’Univers
par la raison, comme une nécessité raisonnable,
être capable d’agir en adulte
dans le monde, c’est-à-dire être capable
de prendre des responsabilités
opérationnelles dans la cité (les officiers de la
loge).
Devenir adulte revient c’est donc à
assimiler notre peur et être présent
dans le présent, ce qui en réalité
revient au même ! Tel est le sens des
différentes étapes maçonniques qui
nous amène rituellement à
l’âge de raison.
La comparution devant le juge
suprême
Dieu se manifeste à Moïse en se
nommant « Je suis celui qui suis »
Dans l’Islam Dieu est identifié par
Lui / Lui avec comme représentation la
calligraphie de huwa (Lui) répétée
deux fois mais en inversé comme dans un
miroir.
Ce bégaiement dans la
représentation de l’Etre nous fait comprendre
qu’il
n’y a pas de définition possible ni même
d’explication à donner.
Lorsque nous sommes face à nous
même, le juge suprême n’est
évidemment pas
le miroir mais nous même. Par la même, nous pouvons
prendre conscience que nous
sommes Dieu. C’est à dire que nous participons
physiquement à l’œuvre et que
l’œuvre est Dieu pour le tout, pour
n’importe quelle partie du tout. Cette
prise de conscience entraîne
irrémédiablement la question difficile du mal et
de la souffrance.
De la mort
La mort est une nécessité de la
vie. Si on ne tue pas on ne vit pas, c’est
vrai même pour les végétariens, ces
plantes ont une vie qui leur est prise.
La mort de l’autre peut prendre une dimension
rituelle : tuer pour prendre
le savoir, la connaissance et la force de l’autre…
ou survivre. Cet autre
peut-être son double totémique ou
l’ennemie ou encore son complément animique.
Le rituel de la mort s’accompagne de la reconnaissance de la
valeur de l’autre
et parfois d’une démarche de
réciprocité, les dépouilles des hommes
morts sont
rendues à la population qui a été
rituellement utilisée dans le sacrifice. La
démarche permet une
régénération, ce qui a
été perdu se retrouve.
La mort est liée à la renaissance
pour le comprendre nous devons abandonner
la limite étriquée du moi pour nous projeter dans
notre ensemble biologique.
Face au dualisme issu du monothéisme (la nature
opposée à l’esprit), il existe
de nombreuses autres approches intégrées
Totémisme en Australie et en Afrique,
Animisme en Amazonie, Amérique, Sibérie, Asie
pour lesquels l’homme n’est qu’un
participant au grand tout et que les autres êtres : animaux,
végétaux, minéraux
y participent aussi, totalement, à des niveaux
équivalents.
Notre rituel de mort peut être
interpréter comme une prise de conscience que
nous ne sommes qu’un simple maillon dans la chaîne
de la vie. C’est pour cette
raison que l’appel à la vengeance n’a
pas de sens et que le mot substitué ou
original n’a pas plus de sens car ce qui a un sens
c’est la continuité de la
vie.
De la souffrance
La souffrance est nécessaire à la
vie, elle permet la vie car elle la
protège. Si on n’est pas capable de sentir le mal
on n’est pas capable
d’appréhender le danger pour la vie.
C’est donc une défense naturelle qui comme
la mort fait partie de la vie. Nous devons avoir connaissance de la
souffrance
et nous organiser pour limiter au maximum la souffrance.
Le fait que les mammifères soient faibles
leur a permis de développer
l’anticipation pour ce protéger du danger,
l’homme en tant que mammifère n’a
fait que prolonger en l’amplifiant le mouvement.
De la cruauté du monde extérieur
est né l’Homo sapiens. Ce dernier a
développé plusieurs réponses soit une
réponse de domination, soit une réponse
de symbiose. La domination prend sa source dans la civilisation
méditerranéenne
et se développe à partir de l’Europe
vers les autres continents. Dans cette approche,
l’homme est au dessus de la nature et sa finalité
est de la dominer. La
symbiose concerne globalement les humains des autres continents non
européens
qui considèrent que l’homme est au cœur
de l’univers et en est un participant
au même titre que les autres êtres. Deux approches
différentes lourdes de
conséquences.
La chaîne d’union fait le pendant
aux signes pénaux pour nous rappeler à un
juste équilibre.
Le Grand Architecte de
l’Univers et les différents volumes de la loi
sacrée
Arriver à Dieu par la raison
n’implique pas qu’il y n’ait
qu’un seul
raisonnement. Le volume de la loi sacré peut-être
multiple, dans un premier
temps, par l’équerre, la recommandation est au
respect de la règle puis
progressivement, par le compas, l’investigation sera totale.
Ce qui était loi devient moi, c’est
à dire intériorisé.
Les différentiations d’origine se
dissolvent dans le processus
d’intériorisation permettant aux sages de toutes
les origines de pouvoir
dialoguer comme à Cordoue au 12 ième
siècle.
La position du Delta est pour nous rappeler
l’origine, la source, comme le
soleil se lève à l’orient…
Le rituel nous montre son inactivité. Il est
l’initiateur est non l’acteur. L’homme
adulte n’invoque pas Dieu pour qu’il
intercède dans sa vie, il est responsable de sa vie.
Cordou Novembre
2005
Le tableau de loge
De la voûte céleste au tableau de
loge, on passe de l’infiniment grand à
l’infiniment petit. Il s’agit de deux
manières de se fondre dans l’univers ou
de concevoir sa mort, la dissolution dans le cosmos en rendant son
enveloppe
physique au grand tout ou de condenser pour ne faire qu’un
avec la plus infime
partie de l’univers. De fait, tout est dans tout, et nous ne
sommes qu’une
sorte de bulle qui éclate à la surface de la vie.
Conclusion
La vraie liberté et dans la
liberté d’interprétation des symboles,
c’est à
dire une vision mystique de l’ordonnancement du monde. La
pensée est le
réceptacle des six sens, par la maîtrise des sens
on arrive à la maîtrise de la
pensée, par la maîtrise de la pensée on
arrive à l’organisation de cette
dernière afin de la dédier à la
recherche de la vérité à laquelle il
n’y a rien
à rajouter ni à retrancher.
C’est
l’intuition de l’appartenance à
l’Un qui est non nommable et
plénitude. Il est définitivement en dehors et non
palpable, c’est l’Algorithme
des algorithmes, le Dieu des dieux, le Mode des mondes qui ne peut pas
être
appréhendé. La conceptualisation n’est
donc pas possible. |