Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
La
Franc-maçonnerie
est-elle une institution progressive ou progressiste ? La
controverse
maçonnique Je souhaite vous rapporter la confidence d'un Frère. Confidence dont le sujet est une controverse entre 2 hommes d'expérience, controverse qui s'est produite voilà 30 ans. Elle pose des questions fondamentales sur la FM, des questions toujours actuelles qui sont au nombre de trois : 1- L'initiation est-elle une initiation ou bien une réception ? 2- La proposition maçonnique est-elle symbolique ou sociétale ? 3- La F.M. est-elle une institution progressive ou progressiste ? La FM
est-elle
initiatique, symbolique et progressive, ou bien sociétale et
progressiste après
réception par une fraternité ? A réponses différentes, orientations
différentes
des politiques obédientielles. Le dernier exemple en date, c'est la
tentative -
vaine - de la GLDF pour se faire reconnaître par la GLUA en lui donnant
des
gages de distanciation, sinon de rupture, avec ler GODF. Qui a
pris le temps de
voyager dans le monde maçonnique pluriel, par sa présence ou par ses
lectures,
a pu constater la diversité de la nature de l'engagement des
francs-maçons différemment
motivés. C'est vrai non seulement dans une même obédience, mais aussi
en fonction
du lieu géographique ou de l'époque des unes ou des autres ! Le
Frère en question qui
rapporte « La controverse », c'est Jean Verdun qui, voilà un an à Paris,
a planché devant
nous (Jacques Lemaire, Christian Favreau, Claudine Weil et moi-même)
sur « du
sociétal au symbolique, l'initiation chemin faisant ». Jean Verdun,
écrivain, auteur
de pièces de théâtre, fut Grand Maître de la GLDF au milieu des années
1980. Il
démissionne de la GLDF après 34 ans pour adhérer au GODF. Il est membre
depuis
17 ans de la Loge « République » du GODF à l'Or de Paris III. La
confidence, c'est une
anecdote de Grands Maîtres, des propos échangés en 1986 entre Roger
Leray et Jean
Verdun, respectivement Grands Maîtres du GODF et de la GLDF. Tout
commence au
cours d’une Tenue à la GLDF où les 2 GM s'ennuient profondément à
l'Orient, pendant
qu'un F. conférencier délivre à tous de doctes leçons au sujet de
l'initiation. Roger
Leray, GM du GODF
(1979-1981, 1984-1987). On lui attribue la fin des violences entre
Caldoches et
Kanaks lors de sa venue en Nouvelle Calédonie en 1986 en rapprochant
les 2
camps ennemis menés respectivement par les FF. ennemis, mais néanmoins
francs-maçons,
Jean-Marie Djibaou et Jacques Lafleur. Roger
Leray se penche
vers Jean Verdun et lui murmure à l'oreille : « L'initiation est une
invention
de la GLDF pour se démarquer du GODF »…. Çà, c'est la version soft de la phrase prononcée ce jour-là : « L'initiation est une connerie que la GLDF a inventé pour emmerder le GODF ! »… Roger Leray d'ajouter : « Votre initiation est un produit marketing ». Voici les arguments en résumé : - On ne trouve pas le mot Initiation dans toute la littérature maçonnique du 18e siècle et jusqu'au dernier quart du 19e siècle. - Dans les rituels anciens on lit « Cérémonie de Réception ». C'est le mot Réception et non Initiation
qui y figure.
Le concept qu'il exprime n'est donc pas fondateur de la
Franc-maçonnerie. Comment
aurait-il pu
l'être dans la tête d'Anderson, coauteur de la Constitution de 1723, où
ne
figure pratiquement qu'un degré, celui de Compagnon précédé d'un plus
ou moins
long apprentissage comme dans tous les arts et métiers. (Cf. Ordre des
FM trahi
1742, organisation des Carbonari 1821...) - On
peut penser que
l'Initiation est sous entendue. Mais si elle est sous entendue, elle
l'est parce
que c'est une initiation élémentaire de métier. Comme il faut
d'ailleurs se
faire initier en tout : au polo, à la voile, à l'équitation, à
l'aviation, à la
musique… -
Ensuite, quand a
émergé le 3e degré, le grade de Maître, on observe une frénésie
d’inventions de
degrés ou de récupération de vieux rites comme la Rose Croix, une
confraternité
qui prospère bien avant la naissance de la maçonnerie spéculative en
1717. Elle
avait séduit Descartes ou Leibnitz. La Rose Croix est un ordre
hermétiste
chrétien légendaire, porteur d'un état de perfection spirituelle et
morale,
fondé dans l'Allemagne du 17e siècle par Christian Rosenkreutz. Mais
cette
frénésie de récupération ou d'inventions de rites ne s'inscrit
nullement dans
un concept d’Initiation spirituelle au sens où on l’entend à la GLDF.
Ce qui comptait
alors pour les loges et ce qui compte encore aujourd’hui au GODF, c’est
la Réception
au sein d’une loge ; Réception pas Initiation. Et
Roger Leray de
conclure tout en enfonçant le clou auprès de Jean Verdun : -
Cette « fable » qu'est
l’Initiation spirituelle est une invention de la fin du 19ème siècle et
du début
du 20ème dont les auteurs ont été Oswald Wirth et quelques autres,
membre du
Grand Orient de France qui ont filé à la Grande Loge de France née
depuis peu
(1894). Pire que tous les autres, René Guénon ! Il a plaqué sur la
tradition
maçonnique des élucubrations réactionnaires anti-occidentales dont se
sont
nourries quelques loges d’un courant très minoritaire. Et la GLDF a
trouvé par
la suite dans cette effervescence pseudo religieuse un moyen de se
démarquer du
GODF qui, je vous le rappelle, avait aboli en 1877 l'obligation pour
ses
membres de croire en Dieu et en l'immortalité de l'âme, tourné qu'il
était
alors et qu'il est toujours vers la défense de la République, de la
laïcité, et
du progrès social. La GLDF s'est alors prise au jeu. Retranchée sur des
positions très opposées au GODF, la GLDF place l’Initiation spirituelle
au
centre de la démarche maçonnique. Libre à chacun de penser l'inverse… ***** Il y
aurait donc deux
systèmes apparemment opposés, qui pourtant contribueraient à former un
seul
ensemble ? Comme dans le corps humain le système nerveux est relié au
système respiratoire
ou au système nerveux par exemple. C'est la réponse de Jean Verdun à
Roger Leray.
Deux voies d'accès ou deux axes permettraient d'entrer et de prospérer
en Franc-maçonnerie.
Celle
de Jean Verdun est
la voie Initiatique. L'autre, celle de Roger Leray et d'une majorité
des maçons
dans le monde, privilégie la Réception au sein d'un groupe avec devoir
d'entraide. Pour
illustrer ces deux
points de vue différents et néanmoins communs, Jean Verdun
illustre sa démonstration par les
places qu'occupent dans les arènes les aficionados de courses de
taureaux. Il
existe non pas deux mais trois sortes d'emplacement : Sol, Sombra et
Sol y Sombra.
Le phénomène de porosité des systèmes (Réception - Initiation) à
l'intérieur du
système (la Franc-maçonnerie) qui les englobe a bien fonctionné.
Réception et
Initiation s'équilibrent. Et de plus en plus de Sœurs et de Frères
optent pour
cette troisième voie (Sol y Sombra)... Pour
avoir rencontré des
représentants d'obédiences de nombreux pays (au sein du CLIPSAS
notamment où
sont représentées 80 obédiences du monde entier), j'ai eu l'occasion de
la
réalité d'une maçonnerie universelle par ses rites et ses symboles,
parfois
issus directement de la tradition, parfois mêlés de syncrétisme
religieux ou
sectaires, parfois anecdotiques, voire folkloriques. Mais j'ai eu aussi
la
confirmation qu'il existe une différence, sinon une opposition entre
les
systèmes maçonniques. Et là,
je me range aux
côtés de Jean Verdun qui alimente l'eau de mon moulin. Il nous rapporte
de
grands écarts de pratique entre les obédiences. Il témoigne de
flagrantes contradictions
au sein même des obédiences. Par exemple, l'axe « Réception » oriente
nos Frères
du Pérou malgré un grand crucifix placé dans le bureau du GM. Exemple
inverse,
l'axe « Initiation » oriente nos Frères du Chili malgré le buste de
Voltaire
placé au centre du hall d'entrée de la Grande Loge du Chili. Troisième
exemple
à l'échelle d'un grand pays : on constate des oppositions similaires au
sein
des 90 obédiences que compte le Brésil (30 états, 3 obédiences par
état). Les
unes sont très pointilleuses sur le moindre détail dans les rituels,
les autres
n'aspirent qu'à vivre une joyeuse fraternité de groupe. Dans
la très vaste et
multiple maçonnerie mondiale, avec l'Afrique, l'Inde, l'Océan indien et
toute
l'Amérique, nord et sud, c'est à l'évidence l'axe Réception qui domine.
L'ouverture politique vers les classes moyennes des dernières décennies
n'a
fait qu'accroître la tendance. Dans
la puissante et
riche maçonnerie nord-américaine le concept d’Initiation spirituelle
semble
inconnu. Le REAA y compte des adeptes par millions mais les degrés s’y
distribuent comme des récompenses, voire des gratifications, pour
fidélité et
générosité envers le groupe qu’on doit aider et enrichir dès lors qu’on
y a été
reçu. Mais il y a aussi ceux qui ressentent la Réception comme une appartenance à un groupe dont il faut défendre par l'acquisition des connaissances les valeurs, les idées et les acquis sociaux. Le Grand Orient de
France compte de nombreux frères et sœurs dans cet esprit. D'autres
sont davantage
attirés par le symbolisme, par la voie initiatique, ésotérique,
commencement
d'une spiritualité où la progression de soi vers un Idéal libre de
définition
passe par l'acquisition de la Connaissance. Par honnêteté
intellectuelle, je me
dois de citer un troisième groupe, peu nombreux je l’espère, qui se
fichent de
la laïcité, du symbolisme, de l’initiation et du reste. Ces
derniers cherchent
seulement un réseau utile à leurs affaires. Les
deux grands axes, Réception
ou Initiation, sont ainsi gradués partout du pire au meilleur. Sur
l’axe Réception, les
mauvais compagnons sont assez vite repérables. L'axe Initiation, est
souvent
compliqué de religion. Et on y trouve de tout ! Pour ceux qui tiennent
à
souligner la différence entre les connaissances et la Connaissance, ce
qui est
leur droit, Franc-maçonnerie progressive signifie accès à Dieu par une
voie
sans dogme, la voie ésotérique (loges de Saint-Jean depuis l'origine de
la FM).
D'autre francs-maçons, en opposition, font le choix de la voie
exotérique et
dogmatique (Église de Saint Pierre) fondée sur les textes sacrés de la
Révélation divine... * En
conclusion : Tentatives
de réponses aux questions posées en introduction L'Initiation
est-elle
une réelle Initiation spirituelle ou bien une Réception singulière au
sein d'une
fraternité ? Il me semble que l'engagement maçonnique propose deux
axes, deux
voies que chacun est libre de suivre et de composer en conscience ? La
progression sur la voie symbolique qui se fait par degrés, de manière
régulière
et continue d'une part, et un combat militant partisan du progrès
social,
d'autre part, sont aussi respectables l'une que l'autre. Prenons
garde à
l'hostilité de ceux qui disqualifient aujourd'hui le progrès de
l'Humanité ! Ceux
dont le système
regroupe les plus gros bataillons de la Franc-maçonnerie mondiale : les
croyants
en la Révélation qui prétendent exclure de la Franc-maçonnerie
universelle ceux
qui ne célèbrent pas Dieu symbolisé par le Grand Architecte de
l’Univers.
Vieille et rémanente querelle dans laquelle ont sombré récemment les
responsables de la Grande Loge de France en voulant rejoindre à tout
prix la
Franc-maçonnerie anglo-saxonne qui subordonnent l’initiation maçonnique
à la
croyance en la Révélation. Voie
symbolique, liberté
de conscience et combat partisan définissent la maçonnerie du GODF de
ce début
de siècle. Une Franc-maçonnerie traditionnelle, républicaine et
militante. Elle
est progressive quand
elle concerne l'acquisition des connaissances et progressiste quand
elle
travaille au progrès de l'Humanité. La
controverse Roger
Leray versus Jean Verdun enrichissait en 1986 un débat maçonnique
ouvert et non
dogmatique. Leurs contradictions argumentées échappaient alors à
l’attraction du
plus gros, du plus fort, du plus riche… ce qui n'est plus pareil
aujourd'hui. Le GODF et la GLDF ne doivent pas se tromper aujourd'hui ni d'adversaires ni de qualificatifs, à l'intérieur comme à l'extérieur du Temple. La place de l'une et de l'autre obédience n'est ni à l'ombre ni au soleil, mais à l'ombre et au soleil. Avec chacune ses spécificités, elles doivent veiller à ce que l'admission en Franc-maçonnerie soit une initiation symbolique et progressive, tournée vers le progrès humain, non vers une vérité révélée. Publié avec l'aimable autorisation de : Jean-Philippe Marcovici |
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